Master Thesis - Institut Européen European Institute

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Master Thesis - Institut Européen European Institute
Centre International de Formation Européenne
INSTITUT EUROPEEN DES HAUTES ETUDES INTERNATIONALES
Diplôme des Hautes Etudes Européennes et Internationales
LA REGION DE LA MER NOIRE DANS LE CONTEXTE DE
L’ELARGISSEMENT DE L’UNION EUROPEENNE
Mémoire présenté par
Cristina Corduban
Directeur de recherche
M. Claude Nigoul,
Directeur de l’I. E. H. E. I.,
Secrétaire général de l’Académie de la Paix et de la Sécurité Internationale
Nice, Mai 2004
1
Remerciements
Je voudrais remercier mon directeur de recherche, Monsieur Claude
Nigoul, tout d’abord d’avoir proposé un sujet portant sur cette région « hybride »,
dont la recherche m’a permis d’apprendre beaucoup de choses.
Deuxièmement, je voudrais lui remercier pour les conseils et le rôle de
« catalyseur » qu’il a joué au début du cheminement de ma pensée sur ce sujet.
Ensuite, je tiens à remercier d’autres personnes qui, d’une manière ou
d’une autre, avec des conseils et des références m’ont aidée dans la rédaction de
ce mémoire, à savoir :
Mme Maria Paula Ferrari, assistante à l’IEHEI
Mr. Catalin Ciora
Mr. Victor Dediu
Mme Valérie Charpentier
2
Table des matières :
En guise d’Avant-propos _____________________________________________5
Introduction _______________________________________________________6
Première partie: La configuration de la « Région Mer Noire » ______________8
I. Configuration spatio-temporelle de la région de la mer Noire _____________9
I. 1 Configuration historique de la mer Noire ____________________________9
I. 1. 1. « Etymologie » de la mer Noire _________________________________________ 9
I. 1. 2. Histoire « existentielle » de la mer Noire _________________________________ 10
I. 2. Configuration géographique de la mer Noire : _______________________11
II. La configuration « géopolitique » de la Région de la mer Noire_________13
II. 1. Mise en contexte ______________________________________________15
II. 2. L’ordre global : ______________________________________________17
II. 2. 1. Identification des acteurs : ___________________________________ 17
II. 2. 3. Eléments de la « réactivation de l’ensemble géopolitique » de la RMN dans
l’ordre global ___________________________________________________ 19
II. 2. 4. Les acteurs géopolitiques de l’ordre global________________________ 20
II. 2. 4. 1. Les Etats-Unis ___________________________________________ 20
II. 2. 4. 2. La Russie ou « l’homme malade de l’Europe » du XXIème siècle _____ 25
II. 2. 4. 3. L’Union européenne ______________________________________ 29
II.3. L’ordre régional ______________________________________________31
II. 3. 1. L’ordre régional de premier degré ______________________________ 33
II. 3. 1. 1. La Russie ______________________________________________ 33
II. 3. 1. 2 La Turquie ______________________________________________ 36
II. 3. 1. 3. « l’Ukraine : un carrefour stratégique » ________________________ 37
II. 3. 2. L’ordre régional de deuxième degré_____________________________ 39
II. 3. 2. 1. Le couple Roumanie -Bulgarie : ______________________________ 39
II. 3. 2. 2. Le couple Géorgie-Moldavie ________________________________ 41
III. La configuration « organisationelle » de la région de la mer Noire _____43
III. 1. Configuration multilatérale de la mer Noire : ______________________44
III. 1. 1. Configuration multilatérale intra-régionale : CEMN ________________ 44
III. 1. 2. Configuration multilatérale trans-régionale CEI et GUUAM. _________ 46
III. 2. L’UE comme vecteur de configuration « structurelle » de la mer Noire _ 48
III. 2. 1. L’UE et la configuration bilatérale avec les PMN __________________ 48
III.2. 2. L’UE et la configuration multilatérale de la région (CEMN)___________ 50
Deuxième partie: L’Impact de l’élargissement de l’UE sur la Région de la Mer
Noire ____________________________________________________________53
I. L’Elargissement de l’UE comme vecteur de convergence de la Region de la
Mer Noire : _______________________________________________________54
I. 1. L’élargissement comme vecteur/stimulateur de convergence régionale____ 56
I. 1. 1. Mécanisme de la convergence régionale __________________________ 56
I. 1. 2. CEMN ___________________________________________________ 58
I. 2. L’élargissement comme facteur de démocratisation de la Région de la Mer
Noire ___________________________________________________________61
3
I. 3. L’élargissement comme stabilisateur économique de la Région de la Mer
Noire ___________________________________________________________64
I. 4. L’élargissement comme vecteur de contagion sécuritaire_______________68
I. 5. L’élargissement comme « matrice conceptuelle » d’une nouvelle politique de
voisinage de l’UE _________________________________________________71
II. L’élargissement comme vecteur de divergence dans la Région de la Mer
Noire ____________________________________________________________73
II. I. L’élargissement comme facteur de division entre les PMN _____________74
II. I. 1. Approche différente des PMN : ________________________________ 74
II. I. 1. 1 Au niveau politique________________________________________ 74
II. I. 1. 2. Au niveau financier : ______________________________________ 75
II. I. 2. L’élargissement et le « nouveau rideau de papier » _________________ 76
II. I. 3. L’élargissement contre la restructuration « informelle » ______________ 78
II. I. 4. Les « défauts » de la nouvelle politique européenne de voisinage_______ 80
II. II. L’élargissement comme facteur de divergence intra-régional ( CEMN) __ 81
II. II. 1. Refus d’institutionnalisation de la relation : UE- CEMN ____________________ 81
II. II. 2. Négligence de la structure et les potentialités de la CEMN__________________ 84
Conclusion
85
Bibliographie et Sources ___________________________________________88
Sigles
Annexes
4
En guise d’Avant-propos
« Car je suis sûr que le Turc va venir à nouveau contre moi, cet été, pour mes deux
endroits, Kilija et Monchastro [(Akkerman) à l’embouchure du Dniestr] , qui le fâchent
beaucoup.( ....). Et Votre Majesté peut penser que ces deux lieux font toute la Moldavie,
et la Moldavie avec ces deux lieux est un mûr pour le pays hongrois et polonais. Hors
cela, je dis encore plus, que si on va garder ces forteresses, les Turcs vont perdre et la
CAFFA et la Crimée » ( n. trad.)1
L’ambassadeur d’Etienne le Grand devant le Sénat de Venise, 1478
« je ne cherche pas de la terre, mais de l’eau »2(n. trad.)
Pierre le Grand
« Qui domine la Crimée, domine la mer Noire »3(n. trad.)
Ion Bratianu, 1941
« Des deux Etats roumains [ Les Voïvodats du Pays Roumain et de la Moldavie], la
Moldavie semble être une résultante naturelle et logique des voies de communications qui
se dirigeaient des marchés polonais et de l’Europe centrale vers la Mer Noire. La
sécurité du trafic du XIVème siècle exigeait la présence d’une organisation politique et
d’une autorité rigoureuse, à même d’arrêter l’action des Nomades des steppes voisines ;
on peut dire, qu’ici, grâce à une conjoncture politique déterminante, les croisades des
monarchies chrétiennes contre l’Empire islamisé de la Horde d’Or, c’est en fait la route
qui a créé l’Etat »4( n. trad.)
Ion Bratianu
“The Cat [ Russia/EU] only grinned when it saw Alice [EU/Russia]. It looked goodnatured, she thought: still it had very long claws and a great many teeth, so she thought it
ought to be treated with respect.” 5
Alice in Wonderland, Lewis Carroll
1
Citation in Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, Bucuresti, Polirom, 1999, p.
99
2
citation in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.e-scoala.ro/geopolitica/scromana.html
3
I. Bratianu en paraphrasant Mackinder, cité in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html
4
in Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 99.
5
Introduction
Ce qu’on se propose dans ce travail, c’est de donner une image, une prise
de vue instantanée de ce que l’élargissement de l’UE de 2007 précédé par celui de
2005 peut signifier pour cet hybride qui est l’ensemble de la région de la mer
Noire
et
surtout
ce
que
la
collision
entre
ces
deux
« ensembles » différents pourrait donner.
C’est qu’on a affaire à une région de la mer Noire fortement
« géopolitisée » qui va être affectée par l’élargissement de l’UE, surtout celui de
2007, de plusieurs manières, à plusieurs niveaux, d’autant plus que l’UE
fonctionne selon des mécanismes tout à fait différents, puisqu’elle repose
principalement sur un processus d’intégration économique, qui a eu peu à voir
avec les controverses géopolitiques dont la région de la mer Noire est fortement
imprégnée. D’où la difficulté rencontrée dans l’approche de ce sujet.
Aussi ce travail ne se veut-il pas du tout exhaustif. Cependant, vu
l’hétérogénéité du sujet abordé, on doit se contenter d’une approche, par
moments, hybride aussi qui peut rappeler en quelque sorte la pensée- rhizome de
Deleuze où les parties du même rhizome communiquent entre elles à des niveaux
différents dans une multiplicité de relations. De même, dans ce travail, on va avoir
des moments où l’interaction va se faire entre les deux « ensembles » seulement
dans certains points où les parties « terminales » s’entrecroisent.
Dans une première partie, on va essayer de « con-figurer » la région de la
mer Noire à trois niveaux différents : spatio-temporel, géopolitique et structurel,
pour avoir une prise de vue de ce que l’ensemble région de la mer Noire veut dire
avant l’élargissement de l’Union Européenne.
Si on va cependant insister sur l’aspect spatio-temporel, c’est que tel qu’on
va le prouver la problématique actuelle remonte dans le passé. A ne plus parler de
la pos ition géographique qui détermine les politiques des Etats riverains. La
composante
géopolitique
essaie
d’expliquer
le
fonctionnement
de
cet
5
Métaphore de David Gowan pour expliquer les relations entre l’UE et la Russie : « Russia and EU are both
inclined to regard each other as the Cheshire Cat » v. in Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for
European Policy Studies, Brussels, 2001, p. 21
6
« ensemble » avec ses petites « arrière-pensées » qui va se prouver agençant de
cadres de coopérations différents que ce soit à un niveau régional et multilatéral
ou bien intra-régional et inter-régional, mais aussi d’y repérer la place de l’Union
Européenne.
Dans la deuxième partie, par contre, on va se pencher sur l’impact que
l’élargissement de l’UE va avoir concrètement sur cette région, à savoir de quelle
manière il va influer sur cette région en tant que facteur de divergence (que ce soit
entre les PMN ou régionalement, au
niveau politique ou financier) ou de
convergence (que ce soit au niveau de la coopération régionale ou dans le sens
d’une stabilisation économique, sécuritaire et démocratique des PMN), tout en
essayant d’analyser les effets négatifs et positifs de ces convergences ou divisions.
7
Première partie: La configuration de la « Région
Mer Noire »
“The Black Sea has a personality, which is not caught by
some adjective like “unpredictable” or phrase like
“friendly to strangers” and which because it is not made
up of traits or epithets but of the interplay of
circumstances-cannot be described in detail at all. « This
is not just a place but a pattern of relationships which
could not have been the same in any other place »”6
« Pattern of relationships ». C’est ainsi que ’l un des historiens les plus
fameux de la mer Noire essaie de saisir « la personnalité » de cette mer, qui par sa
nature hybride, sa diversité et synergie «organisationnelle » fait la difficulté de
tout essai de définition, le nôtre y inclus.
Définir la « région de la Mer Noire », c’est plus que difficile puisqu’il y en
a plusieurs variantes, selon le point de vue adopté. Que ce soit «une entité
géopolitique concrète, réelle ou léguée par l’Histoire », dotée d’ »une identité et
d’une unité », « un processus en pleine évolution » ou bien une « sous-région »
ou « un réseau de liens bi, tri-, ou multilatéraux » 7, il est certes que le définition de
la région de la Mer Noire relève plutôt d’un paradigme.
Dans ce travail, vu les limites de ce papier qui ne se veut pas du tout
exhaustif, on va considérer comme région de la Mer Noire la démarcation la plus
simple possible, à savoir les pays qui sont délimités d’une manière ou d’une autre
géographiquement, par la mer Noire. Aussi ce papier va-t-il considérer les six
pays littoraux : Bulgarie, Turquie, Géorgie, Russie, Ukraine et Roumanie
Néanmoins, dans les parties concernant la CEMN, on va prendre, en
considération la Grèce aussi, si c’est le cas, vu son rôle à part- par sa qualité de
6
Ascherson
cité
in
History
http://www.geocities.com/bsenv/history.html
of
the
Black
Sea
Region
sur
8
membre entier de l’UE et de la CEMN à la fois. De même, dans les annexes et
tableaux qu’on va présenter, on va avoir tous les pays de la CEMN qui, le plus
souvent, se confondent avec la région de la mer Noire.
C’est justement pour saisir le caractère complexe de cette région qu’on a
choisi le terme de con-figuration comme mode de structuration de cette première
partie, vu comme un agencement de « figurations » différentes dont la plus
concrète (le nom) fait justement référence à la difficulté de donner une définition
de la région de la Mer Noire. En fait la configuration de la Région de la mer Noire
va s’opérer au fur et à mesure qu’on va configurer cet espace étymologiquement,
géographiquement, géopolit iquement ou organisationellement.
I. Configuration spatio-temporelle de la région de la
mer Noire
I. 1 Configuration historique de la mer Noire
I. 1. 1. « Etymologie » de la mer Noire
Si on se glisse pour analyser l’étymologie « existentielle » de la Mer
Noire, on peut voir déjà que la nature même du nom semble s’être articulée selon
l’histoire. D’une qualification qualitative en antiquité « Pontus Euxin »
(inhospitalier) à une désignation chromatique, la Mer Noire a connu quelques
tournures onomastiques modelées par le passage des populations migrantes sur ses
bords.
I. Bratianu, analyse très bien l’évolution onomastique de la Mer Noire. Si
« euxin » ( euxeinos) signifiait « hospitalier », il ne faisait en fait qu’être précédé
par une désignation contraire attribuée par les navigateurs grecs : « axeinos » ( la
mer hostile, inhospitalière) à cause des orages inattendues. Un autre terme de la
langue iranienne se retrouve dans le sens moderne : « Akhshaena » ( foncé,
obcur).Les Romans n’ont fait que laisser leur empreinte dans ce sens par le
« pontus » qui ultérieurement va désigner toute la Mer Noire et on va parler de
7
v. Valinakis. Y. La région de la Mer Noire: défis et opportunités pour l’Europe, Paris, Institut
9
l’espace « pontique ». Les géographes arabes du Moyen Âge parlent de « PontusBundus-Nitas » , alors que les routes du commerce vont aussi laisser leur
empreinte, la Mer Noire étant mentionnée comme Bar al Tarabazunda , la Mer du
Trébizonde, Bahr Kirim ( la Mer de la Crimée), Bahr Rum( la Mer des Romans),
Bahr Rus ( la Mer des Russes ou des Varègues) au Xème et XIème siècle ou bien
« mare Leoninum » ( la Mer du Lvov) au XVème siècle par un chroniqueur
polonais ». A la fin du XIVème siècle, on la retrouve aussi comme « la grande
mer » dans les écritures des princes moldaves qui avaient prêté cette désignation
(« mar Maggiore ») aux princes génois entrant par le Sud. La mer Noire en tant
que telle se trouve déjà mentionnée en 1265 en grec, mavri thalassa dans le Traité
de Venise alors que depuis1338, Mar Nigrum apparaît dans les sources
occidentales.8
Autres auteurs parlent aussi d’un autre nom de la Mer Noire dans les
temps les plus anciens : « Mare Sinister » à cause de « its quick and sudden but
equally strong and violent challenges »9.
C’est juste en traçant ce parcours étymologique de la mer Noire, qu’on
peut d’or est déjà saisir un vecteur de la problématique de la mer Noire, à savoir
les rapports entre le Sud et le Nord.
I. 1. 2. Histoire « existentielle » de la mer Noire
L’autre variable qui a influencé la configuration historique de la mer
Noire, c’est ce que lui a valu la désignation de « plaque tournante du grand trafic
et des échanges internationales », à savoir, le commerce, qui a rendu cette région
un « carrefour » des grandes routes commerciales, que ce soient «la route de la
Soie » ou encore d’autres reliant l’Asie à l’Europe.
I. Bratianu parle d’ « un rythme cyclique de flux et reflux, économique et
politique » qui avait structuré l’espace pontique et attiré l’attention des grandes
puissances. Dès l’antiquité et le moyen âge, il y a eu « une économie
d'Etudes de Sécurité de l'UEO, 1999, p. 1.
8
Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, Bucuresti, Polirom, 1999,
pp. 88-91.
9
Mughisuddin, O. A., “Ventures in regional cooperations. The Balkans and the Black Sea regional
cooperation” in Foreign Policy (Ankara), 18 (1994) 1-4, p. 66.
10
complémentaire » qui s’est développé entre les pays méridionaux et les PMN, les
premiers fournissant de la céramique, des vins grecques, des tissus italiens contre
du blé, de la cire, du poisson et des esclaves. 10
Ce sont ces mouvements qui semblent être à l’origine de la délimitation
chronologique de l’histoire de la mer Noire. La période antique se divise entre les
iraniens, les grecs (VIII ème siècle a.c.) et les romans (entre le troisième et le
premier siècle a.c.), alors que le moyen âge trouve la mer Noire sous l’hégémonie
du Byzance avant qu’elle ne tombe proie à plusieurs invasions : les Varègues au
Xème siècle, les turcs, les qoumanes, les armées de Gingis-Han au XIII ème
siècle. Ce fut la conquête ottomane 11 qui changea à nouveau la configuration
politique de la mer Noire couvrant ses bords du Trébizonde jusqu’en Crimée et en
Moldavie et la transformant pendant trois siècles dans un « lac turc »12.
La Russie s’est retrouvée au bord de la Mer Noire dès 1654 quand elle a
reçu l’Ukraine du leader cosaque Bohdan Khmelnytsky par le Traité Pereiaslav,
mais elle a acquis le statut de puissance de la Mer Noire dès 1783 sous Catherine
II quand elle a annexé le khanat de la Crimée, un protectorat de l’empire ottoman
dès 147813.
C’est ainsi que depuis les temps les plus anciens, la mer Noire va réunir la
Turquie et la Russie dans « a long history of conflict ».
I. 2. Configuration géographique de la mer Noire :
« Étendue sur quelque 435 000 km2 et renfermant 357 000 km3 environ
d’eau salée, la mer Noire est une annexe de la Méditerranée avec laquelle elle
communique par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, lesquels enserrent
10
v. Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 96.
Après 1453, quand les Ottomans ont pris Constantinople, la mer Noire a été fermée au
commerce international. Ce fût seulement le Traité de Paris de 1856 qui, à la pression de la Russie,
va ouvrir la mer Noire aux routes du commerce des autres nations v aussi in The Treasures of an
Ancient Sea, University of Delaware College of Marine Studies, 2003 sur
http://www.ocean.udel.edu/blacksea/history/
12
v. Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, pp. 96-98.
13
v. Sezer, D., « From Hegemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea » in Sais
Review, Winter-Spring 1997, p. 3
11
11
la mer de Marmara“ 14 C’est la définition classique de la mer Noire qu’on trouve
dans les dictionnaires.
Si la mer Noire est traitée en « annexe » de la Méditerranée, c’est sans
doute à cause du fait que cette dernière représente la «porte » vers l’océan
mondial, à travers les deux détroits : Bosphore et Dardanelles avec toutes les
implications d’ordre économique et politique.
En fait, si on se glisse sur la continuité géologique, les origines
« géographiques » de la mer Noire remontent plutôt en Asie.
La mer Noire
représente les restes d'une mer plus grande : la mer « sarmatienne » qui, dans
l’époque tertiaire en pliocène couvrait un espace étendu allant de l’Europe
centrale jusqu’au Turkménistan d’aujourd’hui. A la fin de cette époque
géologique, la Mer Noire, à la suite des modifications de l’écorce terrestre, s’est
vu séparer du bassin de la Caspienne qui va se détacher aussi de la « mer » Aral.
Au début de l’ère quaternaire, à la suite d’autres mouvements de la terre qui ont
séparée la péninsule balkanique de l’Asie mineure , un contact entre la mer Noire
et la Méditerranée est réalisé par ce qu’on appelle aujourd’hui les détroits
Bosphore et Dardanelles 15.
C’est peut-être à cause de ces deux interprétations que el géographe
insiste surtout sur le caractère de transition de la mer Noire entre le monde
méditerranéen « aux contours précis » et l’étendue des steppes eurasiatiques, en la
rendant dans la plupart des écritures comme « charnière entre l’Asie, l’Europe et
le Moyen Orient ».
De toute manière, on pourrait dire que géologiquement du moins, la mer
Noire s’origine en Asie dans la Caspienne et finit en Méditerranée. La
« géographie » physique la plus ancienne semble avoir prédestiné les enjeux à
venir de cette mer enclavée entre deux continents.
D’autre point de vue, selon le Droit International, la Mer Noire s’inscrit
géographiquement dans la définition d’une « semi-enclosed sea » définie comme
« a sea surrounded by two or more states [ Bulgarie, Turquie, Géorgie, Russie,
14
15
v. Encyclopedia Universalis 8, 2002
v. Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 91.
12
Ukraine, Roumanie] and connected to another sea by a narrow outlet »[Bosphore
et Dardanelles]16.
.
II. La configuration « géopolitique » de la Région de
la mer Noire
« je ne cherche pas de la terre, mais de l’eau »17
Pierre le Grand
La géopolitique, c’est « la discipline qui s’interroge sur les rapports entre
espace et politique: en quoi, de quelle manière les réalités géographiques
(situation, relief, climat...) influent-elles sur les organisations sociales, les choix
politiques? Et, inversement, comment les hommes utilisent-ils ou même modifientils ces réalités pour poursuivre leurs fins? »18
Ou bien, on peut tout simplement dire que la géopolitique, c’est la
déclinaison dans des paradigmes différents (stratégique, économique, politique)
de la triade puissance-espace-territoire. C’est pourquoi, il y toute une panoplie de
« géo-mots » selon l’accent que l’on met sur l’un ou l’autre des trois éléments de
la triade allant de géostratégie, géopolitique à la géoéconomie.
16
v. Article 122 de la Convention des NU sur le Droit de la Mer. cité par Ulusoy, H. in « A new
Formation in the Black Sea : Blackseafor » in Perceptions. Journal of International Affairs,
Ankara , 2001-2002/4, p.97.
17
citation
in
Scoala
de
geopolitica
romaneasca
sur
http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html
18
v. Encyclopedia Universalis 7, 2002.
13
La géoéconomie 19 par exemple (dont on parle comme d’une « géopolit ique
par d’autres moyens ») ne fait que remplacer une variable dans la triade
géopolitique, à savoir le territoire –dilué par la mondialisation- pour
autour
d’un
trinôme
espace-puissance-économie.
s’articuler
Schématiquement,
la
géoéconomie regarde « la lutte pour la défense et l’accroissement de la richesse
des nations », lutte qui semble occuper la première place de la scène internationale
actuelle.
C’est la mondialisation qui illimite l’espace, déterritorialise les territoires
et change la nature des grandes puissances, transformant le monde dans un
« village local » où il faut «act local », but « think global ». Ainsi va-t-on essayer
de « think global » la configuration de l’ »ensemble » géopolitique de la mer
Noire, qu’on va essayer de définir à deux niveaux : un niveau global, où ce sont
les puissances globales qui se confrontent, et à un niveaux régional où ce sont les
puissances régionales qui « font le jeu ». De même, certaines variables de
« comportement » géopolitiques des pays ont structuré ’espace
l
différemment
selon l’époque.
Par exemple, si à la fin des années 80 ‘, « la région de la Mer Noire
orientale s’ordonnait autour d’une césure Nord/Sud qui opposait l’ensemble
soviétique à la Turquie » 20, aujourd’hui on a tout simplement changé les axes
d’orientation, la césure contemporaine s’ordonnant sur une « ligne » est-ouest se
structurant sur la frontière extérieure de l’UE. C’est ainsi que l’UE, déjà par sa
géographie « mouvante » est « partie prenante de ce système géopolitique » de la
région de la Mer Noire.
Anton Golopentia, un sociologue roumain définit l’objet de la
géopolitique comme « le potentiel des Etats », à savoir la résultante de tous ses
caractéristiques : territoires, population, économie, structure sociale, forme de
19
La géoéconomie est définie comme « l’analyse des stratégies d’ordre économique décidées par
les Etats dans le cadre de politiques visant à protéger leur économie nationale ou certains
secteurs bien identifiés de celle-ci, à acquérir la maîtrise de technologies, à acquérir la maîtrise
de technologies clés et/ou à conquérir certains segments du marché mondial relatifs à la
production ou la commercialisation de produits sensibles, en ce que leur production ou leur
contrôle confère à son détenteur –l’Etat ou l’entreprise « nationale »-un élément de puissance et
de renforcement de son potentiel économique et social » in Lorot, P., „Géoéconomie, un champ
nouveau“ in Géoéconomie, Paris, N°22, été 2002, p. 11.
20
Sieca-Kozlowski, E., Toumarkine, A., Géopolitique de la mer Noire. Turquie et pays de l’exURSS. Paris, Karthala, 2000, p. 191.
14
gouvernement, milieu politique. Aussi, la « recherche géopolitique doit être à la
fois :
géographique,
économique,
démographique,
sociale,
culturelle
et
21
politique »( n. trad.) . Aussi peut-on dire, que plus le potentiel de l’Etat est
grand, plus son poids géopolitique va s’accroître.
II. 1. Mise en contexte
Oleg Serebrian parle de la mer Noire comme «the origin of a special
« geopolitical climate » » et « an invisible but decis ive factor of one of the most
complex geopolitical structures of the world »22.De même, il cite le géopoliticien
Yves Lacoste qui disait que “ the most important geopolitical and geostrategic
transformations of the last decades were not produces on the land, but in the
atmosphere and at sea”.23
Aussi semble-t-il que « Le Pont-Euxin des Anciens grecs n’est pas le
limes sud-oriental de l’Union, mais un pivot géostratégique eurasien où
interfèrent des stratégies régionales, continentales et planétaires » 24, « expression
de géostratégies concurrentes ».25
Les théories classiques de la géopolitique parlent de la confrontation entre
les puissances maritimes (« Le Rimland ») et les puissances continentales (le
« Heartland ») qui dans notre époque ce traduit par la « rivalité intra-occidentale :
entre puissances maritimes et puissances continentales pour déf endre des objectifs
économiques ».
Encore, le «père » du « heartland », Mackinder disait :« qui
domine le Heartland, domine le monde ». Or, si la région de la mer Noire semble
faire partie de ce « heartland » : « The Black Sea region constitutes the
21
v.
citation
in
Scoala
de
geopolitica
romaneasca
sur
http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html
22
v. Serebrian, O., Some considerations about Reactivation of the Black Sea Geostrategic
Ensemble, CSRC, March 2001, p. 1 sur http://da.mod.uk/CSRC
23
Ibid.
24
Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin », p. 4 in Sur les rives de la mer Noire sur
http://www.regard-est.com/Revue/Numero33/Art33-MerNoireHorizon.htm
25
Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin », p. 4, in Sur les rives de la mer Noire sur
http://www.regard-est.com/Revue/Numero33/Art33-MerNoireHorizon.htm
15
heartland » 26 , il va sans dire qu’elle est d’autant plus marquée par un « pluralisme
géopolitique ».
Si Pierre le Grand disait qu’il “ ne cherche pas de la terre, mais de l’eau”,
Catherine la Grande a voulu la Crimée s’érigeant dans protectrice du
Christianisme et l’empire ottoman a converti cette mer dans « un lac ottoman » le
fermant à l’extérieur, c’est que la mer Noire représente tel qu'on l’a déjà dit, une
porte vers le grand océan mondial, possibilité pour la Russie, de dépasser son
« complexe d’encerclement » continental par l’ accès aux mers chaudes, et d’autre
part, « possibilité » de « contain » la Russie dans son expansionnisme vers le Sud,
en lui fermant l’accès à la Méditerranée.
D’une manière ou d’une autre, il va sans dire que, tel que disait un
géographe roumain, Simion Mehedinti, « Pour tout Etat, le bord de la mer
représente la façade la plus importante » 27.
C’est à ce moment, qu’au lieu de passer en revue toutes les théories
géopolitiques impliquant la mer Noire, on va se permettre de faire une petite
digression, pour s’initier au « raisonnement géopolitique pontique », afin de
mieux relever l’importance et le fonctionnement de cette variable géographique,
la mer Noire, dans la configuration « géopolitique » de cette région.
C’est que dès les temps les plus anciens, la mer Noire a joué le rôle de
« catalyseur » étatique. Par exemple, I. Bratianu avance l’hypothèse que la
Moldavie, l’une des trois grandes provinces roumaines est apparue par besoin
d’organiser la « route vers la mer » et de constituer « une barrière » 28 contre les
invasions des barbares :
« Des deux Etats roumains [ Les Voïvodats du Pays Roumain et
de la Moldavie], la Moldavie semble être une résultante
naturelle et logique des voies de communications qui se
dirigeaient des marchés polonais et de l’Europe centrale vers la
Mer Noire. La sécurité du trafic du XIVème siècle exigeait la
présence d’une organisation politique et d’une autorité
rigoureuse, à même d’arrêter l’action des Nomades des steppes
26
27
v. BSEC sur http://www.bsec.gov.tr/discover.htm
cité sur http://www.e-referate.ro/referate/stiintepolitice/0s015.shtml
16
voisines ; on peut dire, qu’ici, grâce à une conjoncture
politique déterminante, les
croisades des monarchies
chrétiennes contre l’Empire islamisé de la Horde d’Or, c’est en
fait la route/le chemin qui a créé l’Etat »29. (n. trad.)
Dans cette perspective, l’ordre étatique roumain semble avoir été exigé par
« la route vers la mer ». D’où l’apparition de la Bessarabie pour que la sortie à la
mer Noire ne soit plus contrôlée par la Russie et même l’unification de la
Moldavie 30 et du Pays Roumain, car les grandes puissances avaient besoin d’un
état fort dans cette zone De même les grandes puissances- avaient-elles aidé la
Roumanie pour récupérer les territoires conquis par les Turcs, car elles avaient
besoin de la libre circulation sur le Danube, surtout dans cette région. Et, dans ce
contexte, la Roumanie pouvait jouer «un rôle d’équilibre » ou de « sentinelle
européenne » pour les grandes puissances 31.
Or, ne pourrait-on pas appliquer déjà le même raisonnement, au contexte
actuel de la région où l’UE s’intéresse à sécuriser ses frontières extérieures par
besoin économique aussi, vu l’importance par exemple du transport du pétrole et
du canal Rhin-Danube, reliant la mer Noire à la mer du Nord.
II. 2. L’ordre global :
II. 2. 1. Identification des acteurs :
Avant d’entamer une approche régionale stricto sensu de la région de la
mer Noire, on va tout d’abord essayer de situer cet «ensemble » géopolitique
dans un ordre global où ce sont seulement les «grandes puissances » ou les
28
la similarité avec « l’espace tampon » mer Noire-mer Baltique est bien évidente.
in Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 99.
30
Quand on parle de la Moldavie, on fait référence à la province roumaine : Moldavie, en contexte
historique, comme c’est le cas ici, incluant aussi le territoire de la République de Moldavie
d’aujourd’hui.
31
v.
aussi
Scoala
de
geopolitica
romaneasca
sur
http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html
29
17
puissances « globales » ou bien « the global centers of power » qui font les règles
du jeu.
On peut aussi penser à des puissances de premier ordre ou importance
dans cette région du monde. Or, cet ordre global s’articule autour d’une triade :
UE-Etats-Unis-Russie, avec, au centre, les Etats-Unis en tant que seule « hyper
puissance » dans le vrai sens du mot.
Il faut d’or et déjà remarquer quelques caractéristiques de cette triade ou
les traits de ces acteurs. Tout d’abord, la qualité de puissance extrarégionale des
Etats-Unis qui constituent le centre de cette triade, sans en faire partie
géographiquement. Cependant, c’est le seul acteur de ce trinôme doué du triple
pouvoir : économique, politique, stratégique ou militaire.
Deuxièmement, la qualité de l’UE comme «nouveau actant global », en
« gestation », sur la scène mondiale en tant que puissance économique, mais pas
du tout militaire et impliqué «physiquement » d’une manière prospective dans
cette région, puisque ses frontières vont arriver dans la RMN, tel qu’on l’a définie,
en 2007 avec l’adhésion des deux pays riverains, la Roumanie et de la Bulgarie, à
l’UE. Cependant elle est déjà visible dans cette région par les aides financières et
les programmes d’assistance.
Troisièmement, la troisième composante de cette triade géopolitique de la
RMN (Région de la Mer Noire), la Russie, la seule des trois qui y est présente
physiquement en tant que pays riveraine, est peut-être celle qui mérite le moins,
selon les normes du temps contemporain, le qualificatif de « puissance globale ».
Cependant, elle essaie de préserver son unicité de ex-hyper-puissance, l’une des
deux pendant la Guerre Froide, en essayant de garder une place à part dans le
monde et un statut de « privilégié ».
18
II. 2. 3. Eléments de la « réactivation de l’ensemble
géopolitique » de la RMN dans l’ordre global
« La géopolitique, métaphoriquement parlant, c’est la psychanalyse de
l’Etat »32 C’est-à-dire d’essayer de pénétrer au-delà du fonctionnement premier
des choses pour identifier les vrais intérêts régissant la politique des Etats. C’est
ainsi qu’on va essayer tout d’abord de passer en revue les intérêts communs qui
ont conduit à ce qu’on a appelé la « réactivation » de l’ensemble géopolitique de
la RMN, pour se pencher ensuite sur les particularités géopolitiques de chacun de
ces acteurs globaux (du point de vue géopolitique, géostratégique et
géoéconomique), mais aussi sur la combinaison qu’on peut avoir du couplage de
deux ou trois acteurs à la fois dans un « conflit » ou une « coïncidence »
d’intérêts.
Plus haut, on a essayé de souligner l’importance du moment où l’on
envisage l’approche géopolitique. Si notre limite temporelle se trouve à la veille
de l’élargissement de l’UE, la «réactivation » géopolitique de la RMN a été
opérée à la suite de deux événements majeurs et de leurs effets.
Le premier c’est l’effondrement du communisme, de l’ordre bipolaire, qui
a « ouvert » la mer Noire, mais surtout la mer Caspienne avec toutes ses
ressources au commerce international, mais en même temps il a permis plus ou
moins une réorientation stratégique des PMN. On en a parlé comme «d’une
révolution géopolitique » ou d’un « power vacuum » dans la RMN qui a
positionné tout d’un coup la mer Noire au coeur d’ « un système géopolitique
hétérogène » composé de plusieurs sous-ensembles : « le monde slave oriental »,
la péninsule anatolienne » et le Caucase, mais aussi au coeur d’un nouvel ordre
international avec d’autres acteurs.
Le deuxième élément majeur, c’est le onze septembre qui a opéré un
tournant essentiel dans le système géopolitique de cette région, non seulement en
« mondialisant »
le
terrorisme,
mais
en
changeant,
globalement,
le
19
fonctionnement
des
relations
russo-américaines
et,
individuellement,
les
politiques des deux puissances.
« La géopolitique sent le pétrole » 33 disait un journaliste du quotidien russe
Izvestia, faisant probablement allusion à ce qui fait tourner la géopolitique à
présent. Or, la Mer Noire représente une attraction pour tous les PMN plus, à
l’extérieur, les Etats-Unis, dans ce qu’elle représente une « zone de transit » vers
la Mer Caspienne «ce nouvel Orient énergétique », « golfe inversé » ou tout
simplement l’ « une des régions stratégiques du XXème siècle » avec des
ressources considérables de pétrole (évaluées entre 7 et 14 milliard de tonnes) »34,
mais sans aucun accès direct aux courants des échanges commerciaux mondiaux.
Avec l’effondrement de l’URSS, le nombre des pays riverains de ce
« gâteau pétrolier » est passé de deux (Iran et URSS) à cinq (Iran, Russie,
Azerbaidjan, Turkménistan et Kazakhstan) ce qui a multiplié les prétendants de ce
« gâteau pétrolier » dont le partage ne finira jamais.
En fait, la concurrence porte sur le transport du pétrole, transport à grand
enjeux économiques pour les pays transités, ce qui a engendré une vraie «
bataille » des oléoducs désigné aussi sous le « great game » dont on peut avoir
une idée en regardant l’Annexe 1, trois options principales étant en jeu : « le tracé
russe » Bakou-Grozny ( en Tchétchénie)-Novorossiisk ( qui n’est pas sûr à cause
de la Tchétchénie), le tracé transcaucasien reliant Bakou à Batoumi sur la côte
géorgienne et le tracé turc Bakou-Tbilissi-Ceyhan.
II. 2. 4. Les acteurs géopolitiques de l’ordre global
II. 2. 4. 1. Etats-Unis
Selon Jean-Christophe Romer « Le continent européen a aussi cette
particularité d’avoir été, au moins en partie, un objet d’appropriation par les
32
Serebrian, O., Va exploda Estul?: Geopolitica spatiului pontic, Cluj, Dacia, 2000. p. 10.
un éditorialiste du quotidien russe Izvestia cité par Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie,
Paris, Economica, 1999, p. 76.
34
v. Giroux, Al. in « L’axe Caspienne-Mer Noire » ( série d’articles) in Le Courrier des pays de
l’Est. 1997/423, p.3.
33
20
Etats-Unis » 35.
Les Etats-Unis ont joué un rôle-clé non seulement pour
l’intégration européenne, mais surtout dans l’ordre sécuritaire européen régi par
l’OTAN dont le flanc sud se trouvait au sud de la mer Noire en tant qu’élément de
la politique du « containement » du communisme.
Après l’effondrement du communisme, quand l’OTAN a perdu son attrait
et sa motivation existentielle, les Etats-Unis se sont trouvés en position de seul
« garant » véritable de la sécurité européenne qui s’est éprouvée impuissante dans
la résolution des conflits des Balkans. C’est que même dans son essai de
« révolution » conceptuelle, l’OTAN, déclaré déjà morte par les journaliste
américains, n’a pu retrouvé son prestige que comme instrument des Etats-Unis.
Les intérêts géopolitiques actuels des Etats-Unis dans la mer Noire
s’ordonnent sur deux axes principaux. L’une qui ne fait que s’inscrire dans la
stratégie traditionnelle des Etats-Unis, celle « des matières premières » ou des
« intérêts vitaux » qui consiste à s’assurer «
la maîtrise des ressources
stratégiques de la planète » à tout prix, ce qui fait de la mer Noire, un point
d’intérêt stratégique en tant que zone de transition pour les hydrocarbures de la
Caspienne qui réduiraient la dépendance des Etats-Unis du Moyen Orient36.
Et l’autre, de souche plus nouvelle, est liée au seul vrai perturbateur des
Etats-Unis, le terrorisme qui a opéré les principaux changements de la politique
américaine. Car ce n’est pas une guerre proprement dite qui constitue le risque du
présent, mais une guerre contre un adversaire «indéfinissable », flou, dont la
logique relève plutôt d’une théorie du chaos : « le terrorisme pour l’amour du
terrorisme », un adversaire qui ne fait que représenter ceux que Eric Hobsbawm a
appelés « les fils de la mondialisation » 37.C’est la nouvelle « guerre mondiale »
qui est menée par les Etats-Unis qui n’ont même pas besoin d’autre aide.
C’est dans ce contexte de la guerre contre le terrorisme que le
positionnement de cette zone par rapport aux zones visées par les Etats-Unis,
35
Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 90.
En 1999, le Congrès américain a voté une loi « de la stratégie de la route de la soie ». v aussi
Woets, L., Réfléxion sur le onze septembre 2001, p. 4, sur
http://frstrategie.org/barreFRS/publications/recherches_doc/Telechargements/rechdoc28.doc
37
Ibid.
36
21
comme l’Afghanistan par exemple, fait de la mer Noire « une surface de
projection de la puissance américaine en Asie et au Moyen-Orient » 38.
Il y a bien sûr d’autres intérêts complémentaires qu’on va essayer de tracer
schématiquement et qui tiennent plutôt d’une «philosophie »géopolitique par le
biais de laquelle il faut favoriser l’émergence d’un pluralisme géopolitique et ne
pas encourager l’émergence d’un «concurrent » potentiellement trop puissant,
l’UE, ou bien la réémergence de l’ancien concurrent, la Russie.
Pour résumer, selon Z. Brzezinski, la nouvelle vision américaine restreint
« l’Europe à un simple pôle économique, la Russie à un statut de puissance
régionale encerclée, condamnée à rompre avec son imperium et à se
démocratiser ; la Chine devenant alors la seule puissance stratégique pour les
Etats-Unis » 39.
C’est qu’à présent, les Etats-Unis jouissent du confort d’unique « hyperpuissance » et, à vrai dire, ils n’aimeraient pas en être perturbés. C’est pourquoi
ils essaient de préserver de très bonnes relations avec la Russie, entretenues non
pas par amour pour la Russie, mais sans doute pour pouvoir quand même avoir un
oeil sur son «partenaire ». A la fin des fins, tout tourne autour des intérêts
nationaux des Etats-Unis, qui doivent primer avant toute autre chose.
Un autre vecteur d’analyse afin d’expliquer les intérêts des Etats-Unis
dans cette région, c’est la relation privilégiée pour longtemps avec la Turquie,
bien qu’ébranlée dernièrement par la décision de la Turquie de ne pas offrir des
facilités militaires aux Américains pour la guerre en Iraq.
C’est que le prolongement des Etats-Unis dans cette RMN s’est opéré
pendant la guerre froide par la Turquie en tant que flanc sud de l’OTAN, qui est
quand même un peu sortie des faveurs « géostratégiques » des Etats-Unis à la fin
de la guerre froide. Cependant, les enjeux actuels liés au terrorisme et à la montée
de l’Islam, font de Turquie un partenaire stratégique de première importance qui a
même fait des Etats-Unis un avocat en faveur de l’adhésion à l’UE.
38
Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin », p. 4 in Sur les rives de la mer Noire sur
http://www.regard-est.com/Revue/Numero33/Art33-MerNoireHorizon.htm
39
v. Woets, L., Réfléxion sur le onze septembre 2001, p. 4.
22
C’est que les intérêts américains en Turquie visent aussi l’UE, puisque les
Etats-Unis ne verraient quand même pas de bons yeux l’émergence d’une UE
forte e capable à long terme de faire poids face aux Etats-Unis.
« Si la Turquie entre un jour dans l’Union européenne, c’est
principalement parce que les Ètats-Unis, à travers l’OTAN, comptent ainsi
étendre leur influence et leur hégémonie en Eurasie. » 40. Si l’élargissement de
l’Otan est déjà une évidence et l’influence américaine parmi les nouveaux
adhérents de même, ce n’est pas la même chose avec l’UE. Or, la Turquie,
pourrait justement jouer la carte américaine et être « le cheval de Troie » des
Etats-Unis dans l’UE.
D’après Zbigniew Brzezinski :
« L’Amérique devrait profiter de son influence en
Europe pour soutenir l’admission éventuelle de la Turquie au
sein de l’Union Européenne, et mettre un point d’honneur à la
traiter comme un état européen (...) Si la Turquie se sent exclue
de l’Europe(...)elle sera favorable à la montée de l’islam, qui la
rendra susceptible d’opposer son veto, par rancune, à
l’élargissement de l’Otan et l’incitera à refuser de coopérer
avec l’occident dans sa volonté de stabiliser et d’intégrer une
Asie centrale laïque dans la communauté internationale »41
Si l’élargissement de l’OTAN est déjà un fait, la montée de l’Islam reste
toujours une menace pour les Etats-Unis.
En fait, on peut dire qu’il y a trois séries d’intérêts des Etats-Unis dans le
support à l’adhésion de la Turquie à l'UE. Une première série soulignée par Del
Valle explique l’attitude de Washington de presser Bruxelles par trois raisons
dont :
40
Del Valle, Al. “ L’Entrée de la Turquie dans l’UE: non-sens géopolitique ou exigence
américaine » in Les Frontières de l’Europe. acte du forum du 7 décembre 2000. Office d’Edition
Impression Librairie, 2002, p.131.
41
BRZEZINSKI, Z. Le Grand échiquier. Paris. Bayard, 1997, p. 260 cité par Del Valle, Al.in “
L’Entrée de la Turquie dans l’UE: non-sens géopolitique ou exigence américaine », p. 131.
23
•
« le rôle clé de la Turquie 42 dans le processus « d’occidentalisation
»43 et de contrôle, pour le compte des Etats-Unis, des nations
turcophones
et
musulmanes
de
l’ex-URSS,
détentrices
d’importantes réserves d’hydrocarbures et zones de passage des
futurs oléoducs et gazoducs »44
•
« le fait que la Turquie –« Etat-pivot »selon Brzezinski –constitue
plus que jamais depuis les guerres du Golfe et d’ex-Yougoslavie,
le pilier Sud de l’Otan »
•
« la profondeur stratégique noeudale » et « un statut géopolitique
incontournable
pour
les
Etats-Unis »
conférés
par
l’aire
turcophone. 45
Et à nous de se demander si au-delà de ces motivations, il n’y a en fait
encore d’autres. Si on admet le rôle de contrôle par les Ètats-Unis par le
truchement de la Turquie- de « l’aire turcophone », n’y a-t-il aussi le risque à long
terme de l’émergence d’une Turquie trop forte même pour les Etats-Unis. Or dans
cette perspective, par l’élargissement de l’UE à la Turquie, les Etats-Unis arrivent
à atteindre deux objectifs à la fois.
D’une part, l’élargissement peut justement encorsetter ou contrôler dans
une certaine mesure le « panturquisme » latent de la Turquie et, d’autre part
satisfaire la stratégie américaine « d’affaiblissement » de l’Union Européenne qui,
au cas d’une adhésion, aura pour longtemps à digérer la Turquie.
Or, bien que dans une perspective spéculative, si les Etats-Unis ne
voudraient quand même pas avoir à faire à une Union européenne trop forte,
serait-ils, de l’autre côté, disposés à long terme de courir, vu même tout
42
En 1992, la Turquie a offert aux républiques turques des crédits en valeurs de 1, 2 billion dollars
et en même temps elle a adoptée l’alphabet latin pour faciliter l’ouverture vers l’occident. v . aussi
Sezer, D., in « From HEgemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea », p. 17
43
Les Etats-Unis ont un intérêt politique pour les questions caucasiennes où ils essaient de
contribuer à la démocratie et au processus d’indépendance par rapport à la Russie. Or la Turquie,
par sa position et ses relations bilatérales ou multilatérales dans la région, peut servir dans la
consolidation des nouveaux Etats issus de l’ex-URSS.
44
Le tracé turc pour le transport des hydrocarbures : Bakou-Tbilissi-Ceylan est déjà en contruction
depuis 2002.
45
v.Del Valle, Al., “ L’Entrée de la Turquie dans l’UE: non-sens géopolitique ou exigence
américaine », p. 132.
24
simplement l’ inéquilibre démographique entre l’Europe et l’Asie,
le risque
d’avoir une Turquie trop forte ?
Une deuxième série de raisons américain es s’inscrit dans une logique plus
« commerciale ». Si le « lobby turc » aux Etats-Unis atteint un budget annuel de 8
millions de dollars, c’est que le complexe militaro-industriel américain
approvisionne Ankara en équipements militaires, les ventes des dix dernières
années dépassant 8 milliards dollars46.
En même temps le « marchandage » commercial entre les deux se décline
sur deux axes. Selon Vittorio Sanguineti, dans une optique un peu exagérée,
contre des facilités pour les contrats commerciaux en Turquie, les Américains
doivent
satisfaire
aux
quatre
principales
requêtes
de
la
diplomatie
d’Ankara :« 1/ pleine intégration de la Turquie dans l’Union européenne ;
2/ Liberté de manœuvre dans l’occupation du Nord de l’île de Chypre ; 3/ bloquer
toute action visant à reconnaître le génocide arménien ( résolution adoptée par le
Parlement européen en 1991, mais rejetée par le Sénat américain en 1992 ) ;
4/laisser libre cours à la répression anti-kurde. »47
II. 2. 4. 2. Russie ou « l’homme malade de l’Europe » du XXIème
siècle
Avec l’effondrement du communisme et l’implosion de l’URSS, la Russie
s’ est retrouvée désorientée dans un espace en pleine reconfiguration géopolitique
surtout dans la RMN, ayant perdu le statut de superpuissance ou de puissance
globale et devant se contenter de se « forger » un statut acceptable sur la scène
internationale où elle est gentiment traitée en « medium power with nuclear
capability » 48
Si selon la théorie du « Heartland » ou de la « zone pivot » de H.
Mackinder, la Russie se trouve sur « le heartland » et « qui domine le heartland,
domine le monde », la théorie du «Rimland » de Spykman
met l’accent sur
46
Ibid., p. 134.
Ibid.
48
Sezer, D., « From HEgemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea » in Sais
Review, Winter-Spring 1997, p. 3.
47
25
l’importance d’un « croissant intérieur marginal » bordant le Heartland, estimant
que « Celui qui domine le Rimland 49, domine l’Eurasie ; celui qui domine
l’Eurasie, tient le destin du monde entre ses mains ».50 (v. Annexe 2)
D’autres politologues ont expliqué l’expansionnisme russe dans l’espace
pontique par le rôle de la Russie en tant que « protecteur des nations
orthodoxes ».51
Encore,
selon
Samuel
Huntington,
la
Russie
« est
52
indiscutablement le pilon d’une civilisation (ensemble géoculturel ) identifié à la
chrétienté orthodoxe » et elle devrait prendre au sérieux l’implication des autres
éléments géoculturels étrangers à cet espace, à savoir : l’islam et le
panturquisme 53.
Passant en revue les approches géopolitiques de la Russie de MacFarlane
et Huntington qui ont comme point de repère l’orthodoxisme, Oleg Serebrian
rappelle le fonctionnement de la doctrine géopolitique soviétique régie par deux
éléments-clés : l’idéologie communiste et le potentiel militaire qui n’avait en fait
que remplacé le « binôme militaire-spirituel » ( orthodoxe) de l’empire russe. La
question que l’auteur pose, c’est si la Russie contemporaine va vraiment revenir à
sa doctrine géopolitique d’avant la guerre, d’autant plus que la situation de
l’espace pontique en 1914 (avec la Turquie en tant que principal opposant)
ressemble plus à la situation actuelle que ne le fait celle de 198954.
L’approche géopolitique de la RMN de l’eurasianisme55 mérite aussi
d’être mentionnée, puisqu’il prend en compte «the old eastern question », la
Russie, en tant que « traditional land power », considérant la mer Noire comme
« the gate towards world domination ( hegemony) ».56 Un livre publié en 1997 par
49
Le Rim-land est « le lieu d’arrêt de la progression de la terre centrale vers la mer (...), le lieu
d’affrontement privilégié entre la puissance de la terre, qui n’est plus un donjon imprenableURSS-et la puissance de la mer qui se subsiste à la Grande-Bretagne :les Etats-Unis » in Romer, JC. , Géopolitique de la Russie, p. 18.
50
v. citation in Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 18.
51
S.Macfarlane cité par Serebrian, O., Va exploda Estul ?Geopolitica spatiului pontic, p. 19.
52
De cet ensemble géoculturel font partie aussi des pays comme: Kazakhstan, Arménie, Géorgie,
les nations du sud-est de l’Europe, l’Ukraine et la Biélorussie. v aussi in Serebrian, O., Va exploda
Estul?: Geopolitica spatiului pontic, p. 20.
53
v. Serebrian, O., Va exploda Estul? Geopolitica spatiului pontic, p. 20.
54
Ibid.
55
L’euriasanisme a été élaboré après 1993, se voulant une théorie géopolitique à l’origine d’une
alliance entre la Droite et la Gauche en Russie et s’opposant au nationalisme russe. v. in v.
Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30.
56
v. Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30.
26
l’un des promoteur de l’eurasianisme, Alexandr Dugin, The Principle of
Geopolitics : The geopolitical future of Russia insiste sur les éléments
distinguant «the societies oriented towards the sea and the societies oriented
towards the lands », accentuant surtout « the correspondance of the West with
maritime strength and of the East with land strength “. 57
Mais, avec l’indépendance de l’Ukraine, la Russie a perdu non seulement
une frontière avec l’Europe centrale, mais aussi une bonne partie du littoral de la
mer Noire (avec un point-clé, la Crimée) et, avec elle, les plus grands ports, à
présent elle n’ayant qu’un grand port, Novorossisk, à ne plus parler d’une grande
partie de sa flotte 58. De plus, le littoral russe de la mer Noire est désavantagé par
la chaîne caucasienne qui rend difficile la communication avec le reste du pays.59
De plus, à l’est, la Russie a perdu le contrôle sur la Mer Noire par l’indépendance
de la Géorgie.
Or, la mer Noire, sauf «ligne de sécurité naturelle », c’est avant tout
« l’accès aux mers chaudes », l’ouverture vers l’océan mondial et d’autant plus
importante pour le commerce que, à la différence des autres ports maritimes, les
ports de la Mer Noire sont ouverts à la navigation presque toute l’année60.
Et encore plus importante comme zone de transit du pétrole ( l’un des
« leviers » stratégique de Moscou) , mais plus problématique par l’existence d’un
seul grand port, car « en traçant les oléoducs de l’ex-URSS, les planificateurs
n’avaient pas envisagé l’indépendance des républiques périphériques ». C’est
pourquoi auparavant, “any action in the Danube Basin and the Black Sea
required its prior agreement, because these areas were of “traditional Russian
interest”” 61. D’où l’intérêt de la Russie dans le Caucase.
D’autre point de vue, si l’espace euro-atlantique représente pour la Russie
un « enjeux de la puissance globale, du devenir de la puissance déchue »,
l’espace eurasiatique constitue « l’enjeu pour son existence comme puissance
57
v. citation in Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30
Le retour de la flotte russe dans les mers du Sud représente une part d’un projet appelé « Global
Ocean ». v. in Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30.
59
v. aussi Serebrian, O., Geopolitica spatiului pontic, p. 22.
60
v. The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics. 22.05.2003 p. 1 sur
http://eng.gazetasng.ru/print.php?id=10792.
61
v. The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics. 22.05.2003, p. 2.
58
27
régionale, voire impériale »62. Le problème de la Russie en tant que puissance
régionale, on va le traiter, dans la partie destinée à l’ordre régional dans la
configuration géopolitique de la RMN.
Si l’une des constantes de la politique russe était de « diviser [ l’Europe et
les Etats-Unis] pour mieux régner », elle a dû tout d’abord s’orienter dans la
nouvelle configuration spatiale et se créer une nouvelle stratégie géopolitique
adaptée à un cadre géopolitique tout à fait nouveau, surtout dans la RMN.
Or, la Russie a eu du mal à s’orienter, car sa nouvelle situation n’a pas de
précédent historique. Oleg Serebrian décrit cet état de désorientation géopolitique
comme une « situation de stress d’adaptation géopolitique », la Russie ne sachant
pas quelle « conduite géopolitique » y adopter.63
Mais après l’arrivée au pouvoir de Putin et surtout après le onze
septembre, la Russie a connu un tournant dans ses relations avec les Etats-Unis, et
ultérieurement avec l’Ouest. Une reconsidération de la stratégie géopolitique fût
mise en oeuvre en commençant par un plan de «reconsolidation of the near
abroad, or, to use plain language, renewal of the russian empire »64.
La politique de Putin qu’on appelle « d’alignement » ne vise pas du tout
l’intégration euro-atlantique, mais se trouver à côté des plus forts Etats dans le
système des relations internationales, ayant un statut spécial et en profitant le plus.
D. Lynch65 souligne les trois attributs de la politique d’alignement de Putin, à
savoir : « institutionnal focus (la reconsidération de l’UE, de l’OTAN), « bilateral
ties with key-states » (Etats-Unis) et non dernièrement, le « style ». Et il semble
que la Russie avait déjà gagné un statut spécial, étant traité un partenaire
stratégique par l’UE, étant le +1 de l’OTAN 19+1 du Conseil de Rome ou bien le
+1 du G8 (7+ 1).
Mais ce qui est le plus difficile pour la Russie, c’est qu’elle doit
désapprendre l’hégémonisme et réapprendre le multilatéralisme.
62
Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 89.
v. Serebrian, O., Va exploda Estul ?Geopolitica spatiului pontic, p. 19.
64
v. Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2001,
p. 19.
65
Lynch, D., Russia faces Europe, Chaillot Papers, Paris, Institut for Security Studies, mai 2003,
p. 15.
63
28
I.
2. 4. 3. L’Union européenne
“ Nevertheles, the Eu is still a relatively new arrival on the global
political scene.(...) This often complicates the EU’s relations with strategic
partners such as Russia and the United States” 66. C’est ainsi que, dans un speech
le 23 avril 2004 à Moscou, Romano Prodi caractérise la situation actuelle de l’UE
dans “l’ordre global”.
C’est que, avec l’élargissement du 1er mai 2004, passant de 15 à 25
membres avec plus de 450 millions de gens représentant un quart du PNB
mondial67, l’UE va accroître son poids économique, géographique et politique,
non seulement sur le continent européen, mais dans l’ordre global aussi.
Cependant, il ne faut pas surestimer l’importance de l’UE dans une
configuration géopolitique dans l’ordre global, car, pour le moment elle n’a pas de
place qu’au niveau géoéconomique en tant qu’union économique et monétaire ou
bien en tant que « soft power » usant de ses moyens d’action « soft ».
Le problème le plus important de ce point de vue découle de
l’inexpérience /l’immaturité géopolitique de l’UE qui ne sait pas encore comment
se conduire dans cet ordre global où elle a affaire à des puissances avec une
longue tradition géopolitique avec d’autres règles du jeu caractéristiques à une
« hard power » de laquelle, l’UE est sans doute encore loin.
De plus, l’UE doit digérer sa propre incompétence sécuritaire (révélée
dans le conflit des Balkans où la défense européenne s’est prouvée impuissante),
le balbutiement de sa politique de la défense et de là, ses propres divisions entre
membres/candidats pro-américains et pro-européenns, situation qu’on pourrait
métaphoriquement qualifier
de «sclérose » dans la conscience sécuritaire de
l’UE. C’est que la guerre en Iraq a révélé les défauts de l’UE dans sa division
entre la vieille Europe et la « jeune »Europe. 68
66
Russia and the European Union : enduring ties, widening horizons
sur
http://europa.eu.int/comm/external_relations/news/prodi/sp04_198.htm
67
v. http://www.europa.int/comm/enlargement
68
Le 30 janvier 2003 les dirigeants de huit pays europ éens (République Tchèque, Espagne, Italie,
Grande-Bretagne, Hongrie, Pologne et Denmark) signent une lettre « pour un front uni face à
l’Iraq »en déclarant leur appui aux Etats-Unis. Elle sera suivie par la Déclaration du groupe de
29
C’est dans ce contexte que, depuis la guerre d’Iraq, on parle de « strategic
divorce » , « transatlantic trauma », “strategic realignement” ou bien “european
unilateral passivism” et “ US unilateral activism” 69
L’importance de l’UE dans l’espace pontique va s’accroître surtout en
2007 quand, par l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, l’UE va déplacer sa
frontière orientale dans la RMN jusqu’à la mer.
De même, l’importance de la RMN pour l’UE va gagner sérieusement en
poids à cause de plusieurs raisons. Tout d’abord, en tant que zone de transition de
ressources, à présent la bataille des oléoducs considérant aussi plusieurs trajets
pour l’acheminement du pétrole vers l’Europe.
Deuxièmement à cause de la présence, dans l’espace pontique, de la
Russie, acteur global, qu’elle traite avec prudence, évitant surtout de « déranger »
son partenaire stratégique de premier ordre ou futur premier « fournisseur »
d’énergie. Cela d’autant plus, qu’a présent, l’Europe est le plus grand importateur
de pétrole et gaz du monde dont 50% de la consommation sont fournis par les
importations (Golf, Russie, Afrique du Nord) qui vont représenter 70% en 203070.
Troisièmement, il s’agit du canal Rhin-Danube débouchant en mer Noire
et la reliant à la mer du Nord, étant l’une des plus importantes routes
commerciales de l’UE.
Quatrièmement, il y va des intérêts de l’UE de s’assurer des voisins
stabiles représentant ses intérêts et non pas être instrumentalisés dans les
stratégies géopolitiques des autres acteurs globaux.
Sa « désorientation » sur le plan géopolitique est visible aussi dans ses
relations
avec
la
Turquie,
un
pays
à
poids
géopolitique
significatif,
traditionnellement allié aux Etats-Unis, mais qui, en plus, sur la question de la
guerre en Iraq, a voté pour l’UE, refusant des facilités militaires aux Américains
pendant la guerre.
C’est que l’UE est avant tout une union économique et monétaire régie par
des principes clairs bien déterminés est basée sur un processus d’intégration, tout
Vilnius le 5 février 2003 ( Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Lettonie Lituanie, Macédoine,
Roumanie, Slovaquie et Slovénie).
69
Herd, G., Variable Geometry and Dual Enlargement: From The Baltic to The Black Sea, CSRC,
2003, p. 1 sur http://da.mod.uk/CSRC
70
v. http://www.europa.int/comm/enlargement
30
à fait différent de la logique de fonctionnement des ensembles géopolitiques
classiques. Or, l’élargissement va conduire à un « clash » entre un processus
d’intégration et un ensemble géopolitique assez complexe et compliqué. C’est
pour atténuer cette collision imminente dans le futur que l’UE se prépare déjà en
lançant la PEV. Dans les chapitres suivants on va se pencher aussi sur ce qu’on
appelle « la géopolitique de l’élargissement ».
Mais, ce qu’il faut avant tout c’est peut-être « une stratégie géopolitique
européenne » ou bien une « véritable politique étrangère » de l’Europe pour savoir
comment gérer les problèmes de nature géopolitique ou bien les relations avec des
pays comme les Etats-Unis, Turquie ou l’Ukraine fortement imprégnés de
« géopolitique » dans l’espace pontique et qui ne vont pas, le premier « lâcher son
unilateral activisme »en attendant le réveil géopolitique de l’UE se leurrant dans
« son unilateral passivism » , les deux derniers se contenter pour longtemps d’une
attitude réservée de la part de l’UE.
II.
3. L’ordre régional
Ici, on ne doit pas procéder à une identification des acteurs régionaux,
puisqu’en définissant la RMN comme représentant les pays littoraux, il va de soi
que l’ordre régional de cet ensemble géopolitique est régi par les PMN. Il y a
quand même deux niveaux, un niveau de premier degré où ce sont les puissances
régionales de la RMN qui font le jeu, et un niveau de deuxième importance où ce
sont tous les autres pays qui entrent en jeu.
Après l'implosion de l’URSS, par la disparition d’une superpuissance
(URSS) et le retrait implicite d’une autre «super-puissance » ( l’importance de
l’Otan et des Etats-Unis en Turquie) on a assisté dans RMN à une reconfiguration
totale de la géopolitique pontique et à l’émergence d’une nouvelle triade
géopolitique régionale : Russie-Turquie-Ukraine fonctionnant selon de nouvelles
règles, étant en même temps entourée par des pays ex-communistes : Bulgarie,
Roumanie, ou encore, par de nouveaux indépendants : la Géorgie et l’Ukraine et
31
un seul outsider, la Turquie. Oleg Serebrian caractérise la nouvelle carte
géopolitique de la mer Noire par «la disparition d’un dictateur spatial et le
profilement d’un mécanisme géopolitique trilatéral, les droites étant assez
inégales» à cause de la capacité différente des trois pays de s’orienter dans un
nouveau système régional. 71
Proie à un « vacuum power » pour un certain temps, grâce à
l’ébahissement de la Russie qui ne savait exactement que faire, la RMN a subi
une période de « fragmentation » et de « désorientation » dont c’est la Turquie qui
a pleinement profité. Car, il semble que la Turquie était la seule qui avait compris
les vrais enjeux du moment dans la configuration ultérieure de cette zone et n’a
pas hésité à prendre des initiatives qui auraient pu mieux lui servir après en tant
qu’initiatrice.
En fait, les vrais enjeux portaient sur la suprématie régionale et
l’acquisition des statuts de puissance régionale dans l’espace pontique réévalué
sur la carte géopolitique dans sa qualité de « passerelle eurasienne » ou zone de
transit des ressources de la Caspienne.
Une image assez claire des enjeux géopolitiques dans cette région est
donnée dans la Géopolitique de la mer Noire :
« Bien que les quatre pays semblent intéressés par une
coopération militaire, leurs objectifs suivent souvent des
orientations différentes. L’Ukraine est surtout intéressée
à vendre son matériel militaire à l’Azerbaïdjan et à la
Turquie. La Turquie quant à elle, pourrait voir dans
l’Ukraine un partenaire stratégique. Tout comme la
Géorgie le voit dans l’Ukraine. Tandis que l’Ukraine
porte un intérêt tout particulier aux ports de Poti et
Batoumi ainsi qu’à la flotte géorgienne. »72
71
v. Serebrian, O., Va exploda Estul?Geopolitica spatiului pontic, p. 18.
Sieca-Kozlowski, E., Toumarkine, A., Géopolitique de la mer Noire. Turquie et pays de l’exURSS. Paris, Karthala, 2000, p.170.
72
32
II. 3. 1. L’ordre régional de premier degré
Dans la partie historique de ce papier, on a parlé de «a long history of
conflict » entre la Russie et la Turquie qui font de ces deux pays les puissances
régionales traditionnelles, « les géants » de la zone autour desquels tourne
l’ensemble géopolitique pontique et, par leur potentiel économique, de potentiels
moteurs de la région.
Après l’effondrement du communisme, avec la reconfiguration de l’espace
géopolitique de la RMN, la Turquie et l’Ukraine ont dû faire face avant tout à
« the contraction of russian power »73.
Or, si la Turquie avait déjà une longue expérience en tant que puissance
régionale, il n’en fut pas de même avec l’Ukraine, le nouveau arrivé, qui se vit
attribuer un peu plus difficilement le rôle de puissance régionale par les
implications découlant de ses orientations sur le continent, mais surtout de son
poids dans la « balance » du pouvoir régional oscillant principalement entre la
Turquie et la Russie.
II. 3. 1. 1. La Russie
Si la perte de l’Ukraine a dramatiquement restreint « les options
géostratégiques » de la Russie, la Russie ne peut aussi pas reconstruire son empire
« eurasien » sans l’Ukraine qui fait le poids de « l-euro-asien » russe en Europe 74.
Ainsi, dans les conditions où l’Ukraine pratique une politique
« multivectorielle » favorisée par l’intérêts des puissances européennes et
américaines qui l’ont peu ou prou prise sous leur protection, déclarant son
orientation vers l’Ouest, mais essayant en même temps de garder une relation
« civilisée » avec la Russie, la seule chose à laquelle peut prétendre la Russie,
c’est le statut de puissance régionale dans la mer Noire, et, tel qu’on l’a déjà
mentionné, un statut à part sur la scène internationale globale.
73
Sezer, D., « From Hegemony to Pluralism: The ChangingPolitics of the Black Sea », p. 2.
33
La consolidation de la position russe dans l’espace pontique s’inscrit aussi
dans la logique de la stratégie de Putin traduite schématiquement par « renewal of
the Russian empire » par « la reconsolidation de l’étranger proche », traduite
pragmatiquement non plus dans une intégration de ses voisins, mais encore plus
dans sa « subordination » dans des domaines d’intérêt pour la Russie.
L’exemple de la CEI, en est la preuve la plus pertinente de cette politique
de la Russie, puisque le Concept of Foreign Policy de Putin de juin 2000 exprime
clairement : « conformity of....cooperation with CIS states to the national security
tasks of the country [Russia] »75.
C’est à ce moment qu’on doit mettre en évidence la différence entre deux
concepts clés fondamentaux
pour la compréhension de la stratégie russe, à
savoir : le nezavisimost ( indépendence) et le samostoyatel ( la capacité d’un pays
de tenir /ability to stand).76
Eh bien, si les pays ex-soviétiques ont acquis leur indépendance, ils n’ont
pas encore acquis leur « ability to stand », vu la dépendance énergétique, mais non
seulement, de la plupart de ces pays de la Russie. C’est que la Russie a encore une
puissance inestimable relevant de son contrôle sur les réseaux transnationaux
énergétique, bancaire, de l’industrie de la défense, à ne plus parler de la sécurité
et des services secrets77. L’Ukraine, par exemple, 90% dépend énergétiquement
de la Russie 78.
Et tant que cela sera, les NEI, n’auront, tel que le président Kuchma l’a dit,
« aucune liberté de choisir » (« no freedom to choose »).79Aussi la Russie a-t-elle
un instrument très fort de chantage/domination de son étranger proche, dans notre
cas, l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie et elle en fait pleinement usage.
Concrètement cela se traduit dans des actions du type : soit on coupe le gaz tout
simplement en plein hiver et aux NEI de s’en sortir, soit on isole complètement le
pays. La Moldavie par exemple en a déjà fait l’expérience à maintes reprises, à ne
74
v. Larrabee, F., Russia and its Neighbours : Integration or Disintegration ? , Santa Monica,
RAND, 2001, p 865
75
v. Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, July
2002 sur http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/CEE/G113, p. 4.
76
v. Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, p. 2.
77
Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, p. 4.
78
Larrabee, F., Russia and its Neighbours : Integration or Disintegration ? , p. 865.
34
plus mentionner la Géorgie intimidée par la Russie dans l’hiver 2000-2001 avec
les restrictions de visas, et l’arrêt d’approvisionnement avec du gaz en plein
hiver 80. Un autre exemple typique du fonctionnement de la politique russe est le
conflit d’Abkhazie.
Tout d’abord il faut relever les intérêts de la Russie en Géorgie. Le
ministre étranger de la Russie en 1993, déclarait : « the Caucasian region
represented a region of «vital interest » for Russia » avertissant contre « the
danger of losing geo-political positions that took centuries to conquer. » 81La
Géorgie est vitale pour la Russie dans le transport des hydrocarbures, le littoral à
la mer Noire et ses ports, surtout après l’indépendance de l’Ukraine. Or afin de
récupérer sa perte « géostratégique » dans la mer Noire, la Russie a essayé de faire
de son mieux et, si avec l’Ukraine, c’eût été beaucoup plus compliqué, la Géorgie
semble en avoir été une « proie » assez facile.
Incitée par Moscou, la petite minorité Abkhaze représentant 18% de la
population d’une région autonome située au bord de la mer Noire à côté de la
Russie, a proclamée son indépendance se levant dans une guerre civile contre les
autorités de Tbilissi et réussissant incroyablement, bien sûr avec l’aide de la
Russie, à tenir jusqu’à la fin. Le résultat en fut l’évidement de cette région de
250000 Géorgiens ayant représenté auparavant la majorité de la population. C’est
que la Géorgie s’est vu attaquer par deux fronts, car en même temps, une autre
région autonome au nord, l’Ossétie du Sud, toujours aidée par la Russie, s’est
détachée « virtuellement » de la Géorgie. A la fin de la guerre, la Géorgie avait
perdu le contrôle de la moitié de son bord de la mer Noire82.
Mais, il y a un autre aspect qui mérite d’être mentionné. L’armée russe ne
s’est retirée que le 25 octobre 1993 de Géorgie, juste trois jours après l’adhésion,
le 22 octobre 1993,
de la Géorgie à la CEI83. Donc finalement, la
« subordination » de la Géorgie d’une manière ou d’une autre fut faite.
79
v. citation in Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional
Security, p. 4
80
v. Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 19.
81
citation in « The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics” in
Gazetasng,, p. 2.
82
Ibid.
83
v. aussi Achdjian, G., « La Transcaucasie, un pont stratégique entre deux mers et deux mondes »
in Le Courrier des pays de l’Est, 1997/423, p. 38.
35
Si l’Ukraine s’est permis le luxe de refuser le Traité de Tachkent (1992),
c’est justement à cause de la protection occidentale dont elle en est sujette.
II. 3. 1. 2 La Turquie
Si, selon un diplomate roumain, Nicolae Titulescu, « Les détroits sont le
coeur de la Turquie, mais aussi les poumons de la Roumanie » 84 , pour les
géopoliticiens turcs, la mer Noire est « le centre de gravité de l’Eurasie ». 85
C’est que la Turquie détient l’un des deux points stratégiques les plus
importants de la mer Noire (la Crimée en est un autre). Et, tel que le remarque H.
Ulsuoy, l’unicité de la Mer Noire consiste aussi dans la particularité de la
Convention de Montreux (1936) qui établit les conditions de la circulation par les
détroits. Signé en 1936, ce traité tient sa spécificité non seulement dans sa nature
multilatérale, mais surtout dans le fait qu’il règle le passage par les détours des
navires de guerres des états littoraux et non littoraux à la fois, voire même la
présence des forces navales dans la Mer Noire86
En plus, le Préambule de la Convention de Montreux encadre « la
navigation dans les détours within the framework of Turkey’s security ». 87
Et encore, ce n’est pas le seul atout de la Turquie, qu’on peut dire
« gagnante » dans la reconfiguration géopolitique de la mer Noire. Car, la perte
de pouvoir de la Russie semble avoir joué proportionnellement en faveur de la
Turquie qui a su s’orienter vite dans la région et profiter du « désorientement » de
la Russie.
Premièrement, par l’indépendance des Etats du Caucase, la Turquie, s’est
débarrassé d’un voisin plus qu’incommode, la Russie. 1992 représente l’année où
Ankara prend deux directions, vers le futur: à l’ouest, en créant la ZCEMN (Zone
84
cité in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.e-scoala.ro/geopolitica/scromana.html
v. Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin » , p. 3.
86
Ulusoy, H. in « A new Formation in the Black Sea : Blackseafor », p.98.
87
“Desiring to regulate transit and navigation in the Straits of the Dardanelles, the Sea of Marmora
and the Bosphorus comprised under the general term "Straits" in such manner as to safeguard,
within the framework of Turkish security and of the security, in the Black Sea, of the riparian
States, the principle enclosed in Article 23 of the Treaty3 of Peace signed at Lausanne on the 24th
July, 1923” in CONVENTION REGARDING THE REGIME OF THE STRAITS SIGNED AT
MONTREUX, JULY 20 TH, 1936.
85
36
de la Coopération économique de la mer Noire) vouée à créer le cadre propice
pour
la
coopération,
les
négociations
multilatérales
et
les
questions
transfrontalières; et vers le ravivement du passé à l’est, en élargissant
l’Organisation de coopération économique (Turquie, Iran et Pakistan) aux
républiques turcophones d’Asie Centrale.
En même temps, elle établit une bonne relation avec l’Ukraine, tous les
deux ayant l’intérêt de garder leur status quo en mer Noire et faire poids à la
Russie. L’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Turquie ont signé une série de
traités bilatéraux qui laissent présager les contours d’une alliance privilégiée.
L’importance de la Turquie, en dehors de la logique de la politique étatsunienne qu’on vient de tracer plus haut, découle surtout de son rôle de médiateur
entre l’Europe et l’Asie centrale ou les pays du Caucase.
Mais ses intérêts stratégiques de premier ordre portent bien sûr sur le
« gâteau pétrolier », la Caspienne, d’autant plus que le second semestre de 2002, a
commencé la construction de l’oléoduc Bakou-Ceyhan par la Géorgie et la
Turquie pour déboucher devant le golfe d’Alexandrette, en face de Chypre88.
D’où aussi l’importance croissante de la Turquie dans l’ordre géopolitique global.
Finalement, l’image de l’identité géopolitique de la Turquie, la fait
apparaître comme « dreaming East, but moving West » tiraillée entre “ le
fondamentalisme et la laïcité (déclinante), entre le libre-échange et la Loi
islamique, entre « l’européisme anatolien » et le pantouranisme réformé teinté de
néo-ottomanisme. »89
II. 3. 1. 3. « l’Ukraine : un carrefour stratégique »
Par la signification de son nom même signifiant « marche » ou
« frontière », l’Ukraine, qu’on appelait avant 1917 « petite Russie » 90 semble être
prédestinée à avoir une rôle de frontière, de transition entre deux mondes.
88
information trouvée sur www.europa.eu.int.com
Del Valle, Al.,op.cité, p. 138.
90
v. Du Castel, V. « L'Ukraine: un carrefour stratégique? » in Défense nationale, Paris, 53 (juillet
1997) 7, p. 91.
89
37
Avec la déclaration d’indépendance de 1991, l’Ukraine a fait la Russie
sentir un « enormous political-territorial reatreat in Eastern Europe and a loss of
2782 kilometers of coastline on the northern Black Sea »91
D’autre part, l’Ukraine s’est réveillée indépendante sur la scène
internationale après une longue période de domination russe et, encore plus, ayant
une position assez importante en Europe et faisant l’objet de beaucoup
d’approches géopolitiques. Son importance découle principalement de son rôle
potentiel dans la politique de la Russie de « reconstruire » son empire.
Deux des plus fameux géopoliticiens, Z. Brzezinski et S. Huntington ont
des visions tout à fait différentes sur l’Ukraine. Le premier définit l’Ukraine
comme un « état-pivot » en Europe et insiste sur l’imminence de son intégration
dans le camp occidental pour prévenir une réémergence de l’empire russe : « it
cannot be stressed strongly enough that without Ukraine, Russia ceases to be an
empire, but with Ukraine suborned and subordinated, Russia automatically
becomes an empire. » 92
Le deuxième, par contre, abordant une perspective d’analyse géoculturelle
qui situe l’Ukraine, en tant que « secondary regional state » au quatrième niveau
d’un système « uni-multipolaire » régi par le « clash of civilisations » dominé au
premier niveau par les Etats-Unis, insiste sur le fait que l’Ukraine par sa nature de
« non western », « culturally divided », mais surtout positionnée sur « the
« break » between the Christian and Orthodox93 worlds »94 ne pourrait pas être
intégrée dans l’UE, car « it straddles the « great power divide » of civilizations,
being therefore unable to play that central role in the stability and security of
Europe». 95
En fait, toutes les deux théories sont applicables à la situation actuelle de
l’Ukraine dans la manière dont elle est traitée sur la scène internationale. Les
91
V. Sezer, D., « From HEgemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea », p. 3.
citation in Moroney, J., D., “Ukraine's foreign policy on Europe's periphery. Globalization,
transnationalism, and the frontier” in Ukrainian foreign and security policy: theoretical and
comparative perspectives, Ed. by Jennifer D. P. Moroney .-Westport/Conn.: Praeger, 2002, p. 61.
93
Une remarque s’impose à cette citation, car la religion orthodoxe est une religion chrétienne,
donc on ne peut pas parler d’un monde chrétien et un monde orthodoxe. L’auteur fait
probablement référence au christianisme de l’Occident et au christianisme orthodoxe.
94
v. Ibid., p. 62.
95
v. Ibid, p. 61-62.
92
38
Etats-Unis 96 et l’Otan agissent dans le sens de la thèse de Brzezinski, alors que
l’UE semble aller dans la direction de Huntington97.
En fait, cela tient aussi de la nature et la tradition de l’UE et l’Otan,
respectivement Etats-Unis, la première étant une puissance économique et
monétaire, la deuxième une organisation de sécurité, alors que le troisième est une
superpuissance de tout les points de vue, y inclus, celui stratégique.
Or, si l’objectif stratégique de la politique de l’Ukraine est l’adhésion à
l’UE, la prudence et réserve de l’UE à long terme pourrait s’éprouver assez
dangereuse, voire à même de renverser même les bonnes intentions de l’OTAN,
les Etats-Unis ou l’Allemagne par exemple pour se tourner vers un autre camp,
possible celui russe.
II. 3. 2. L’ordre régional de deuxième degré
L’ordre géopolitique régional de deuxième degré, inclut le reste des PMN,
à savoir, Bulgarie, Géorgie et la
Roumanie qui se retrouvent dans des sub-
ensembles géopolitiques, la Roumanie et la Bulgarie comme sous-ensemble de ce
qu’on va appeler la « géopolitique de l’élargissement », la Géorgie ayant un
regard vers l’Ouest, mais tenant d’un sous-ensemble de la géopolitique russe. Ici,
on va considérer la Moldavie aussi afin de souligner certains axes conjugués de
fonctionnement dans la mer Noire, la Moldavie pouvant aussi être incluse dans le
sous-ensemble russe à côté de la Géorgie, son importance pour l’UE étant plus
grande vu le rapprochement géographique.
II. 3. 2. 1. Le couple Roumanie-Bulgarie :
Bulgarie et Roumanie peuvent être inclus dans le même groupe d’intérêst
dans l’espace pontique, à savoir, membres à venir de l’UE, donc sous-ensemble
96
Les Etats-Unis et l’Allemagne sont les deux investisseurs les plus importants de l’Ukraine.
Moroney, J., D., “Ukraine's foreign policy on Europe's periphery. Globalization,
transnationalism, and the frontier”, p. 62.
97
39
dans une éventuelle géopolitique de l’UE, à présent quasi-géopolitique de
l’élargissement, mais aussi membres à part entière de l’OTAN depuis mars 2004,
se joignant à la Turquie et, non dernièrement proaméricaines, la Déclaration de
Vilnius en étant la preuve indiscutable.(v. plus haut)
Donc, si on veut résumer, on peut dire que géoéconomiquement, la
Bulgarie et la Roumanie tiennent de l’UE, mais stratégiquement de l’OTAN et
avant tout, des Etats-Unis et, dans ce contexte elles suivent la politique des EtatsUnis. Car, tel qu’on l’a déjà dit, les jours de l’OTAN semble être comptés en
Europe, si aux Etats-Unis, les journalistes ont déjà signé sa mort.
Un exemple clair, dans ce sens, c’est, par exemple le discours à Bucarest
juste après l’élargissement de Prague, du président Bush qui a déclaré que: « Dans
l’avenir pacifique que nous construisons, la Roumanie peut aider l’Alliance
comme un pont vers la nouvelle Russie » 98 . A comprendre, les Etats-Unis, bien
sûr. D’où le fait que des pays comme la Roumanie et Bulgarie ne sont
qu’instrumentalisés, s’il y a intérêt, au profit des grandes puissances, à présent les
Etats-Unis. Et leur importance stratégique ne découle pas seulement de la sortie à
la mer Noire et d’un potentiel rôle dans le transport des hydrocarbures, mais après
le onze septembre de leur position par rapport aux zones de grand intérêt pour la
les Etats-Unis. Et, encore plus, leur importance va encore s’accroître avec
l’adhésion à l’UE, les Etats-Unis pouvant toujours avoir un contrôle de l’intérieur.
L’importance de ces pays peut aussi être révélée dans les «frictions »
entre les Etats-Unis et la Russie sur le thème des bases militaires américaines,
respectivement russes dans l’espace pontique. Or, les Etats-Unis ont déjà installé
des bases militaires en Bulgarie et en Roumanie pouvant se servir, si le cas, de
l’aéroport militaire de Sarafovo et le port et la base aérienne de Constanta.
Pendant sa visite à Moscou le 26-27 janvier 2004, le secrétaire d’Etat
américain Colin Powell a assuré le président Putin que l’objectif du déploiement
des bases
militaires américaines temporaires dans les pays de l’ex-Pacte de
Varsovie, n’était pas celui d’entourer la Russie. La réplique de Kremlin se resume
98
Discours du président Bush, Bucarest, 23 novembre 2002 sur http://fr.news.yahoo.com
40
dans le fait que « Moscou understood the need for bases in Romania and Bulgaria
for fighting « terrorism », but not in the Baltic republics and Poland » 99.
Du point de vue géoéconomique, l’importance des deux pays est presque
la même, si on exclut le critère de la population et de l’espace où la Roumanieque E. Dumoulin considère un cas anomique « byzantine », mais « attiré par sa
latinité linguistique » 100 - passe devant la Bulgarie, en tant que potentiel marché et
pouvoir d’achat. Cependant, elle aura aussi, grâce à sa dimension, beaucoup plus
de problèmes pour se remettre économiquement que la Bulgarie.
C’est que si la Roumanie, avec le Danube, joue un rôle capital dans les
transports de l’UE, avec le canal Rhin-Danube reliant la mer du Nord à la mer
Noire, la Bulgarie est aussi incluse, plus souvent que la Roumanie, sur les plans
d’oléoducs transportant le pétrole de la Caspienne.
II. 3. 2. 2. Le couple Géorgie-Moldavie
Le deuxième couple de pays de l’espace pontique, sont la Moldavie et la
Géorgie, les deux tenant d’un sous-ensemble géopolitique russe, les deux étant
des républiques ex-soviétiques, et les deux étant confrontés avec des conflits
séparatistes qu’on désigne aujourd’hui de « conflits gélés », le cas de l’Abkhazie,
l’Ossétie du Sud en Géorgie et la Transnistrie en Moldavie.
Des deux pays, l’importance géostratégique de la Géorgie, par son littoral
de la mer Noire, et surtout par sa position sur la route du transport du pétrole est
bien plus grande est de plus grand intérêt pour les grandes puissances. Or, la route
Bakou-Tbilissi-CEyhan est déjà en construction depuis 2002.
On a déjà souligné l’intérêt de la Russie en Géorgie concurrencé bien sûr
par l’intérêt des Etats-Unis dans la même zone. Si la Russie reste quand même la
« clé économique et militaire » du Caucase du Sud, les Etats-Unis ont déclaré
cette zone comme « a foreign policy priority » 101.
99
v. Black Sea Basin Regional Profile., N°21, January-March 2004, p. 9 sur
http://www.isn.ethz.ch/isis/
100
v. Dumoulin, E., « Présence géopolitique de la Roumanie » in Le Banquet, N°2, 1993 sur
http://www.revue-lebanquet.com/fr/art/1993/53.htm, p. 1.
101
v. German, T., Faultline or Foothold? Georgia’s Relations with Russia and the USA, CSRC,
January 2004, p. 1 sur http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/Caucasus/P41
41
C’est que, juste après le 11 septembre, les services secrets américains
avaient interceptée une conversation téléphonique d’Afghanistan à Pankisski
Gorge, à savoir avec Abu Hapsi, « a mujahideen commander » et un associé de
Bin Laden 102.
Le rôle de Géorgie dans l’espace régional pontique dépend de ses relations
avec l’Ukraine et la Turquie et de sa capacité d’arriver à se détacher de la Russie
dont elle dépend économiquement. Son statut de membre de GUUAM en est une
preuve dans ce sens, de même son intention de se voir dans le futur comme un
possible candidat à l’UE.
D’autre côté, le rôle de la Moldavie dans l’espace pontique proprement dit,
est un peu limité par le simple fait qu’elle n’a pas un littoral avec la mer Noire,
son lien avec la mer se faisant à travers le Dniestr. Cependant, elle est vue comme
“strategic crossroad between Ukraine, Romania, and the Black Sea.”
Son importance géopolitique découle plus récemment de son statut de
futur voisin à venir de l’UE qui ne veut pas courir le risque d’avoir des zones
instables à ses frontières.
Deuxièmement, il y a encore le problème de la Transnistrie, un de facto
state, une « enclave russe ». Le général Alexandr Lebed, le commandant de la
14ème armée à Tiraspol, disait quant à cette région « the Dnestr region was the
key to the Balkans », “if Russia loses this area, it will lose influence in the entire
region” 103. Or, la Transnistrie permet à la Russie d’être plus proche de l’Occident
et d’avoir un peu de contrôle sur cette zone.
Dans les conditions où les Moldaves s’étaient prononcés, le 6 mars 1994,
par référendum contre la réunification 104 avec la Roumanie qui ne l’attire pas
économiquement dans la même mesure où la Roumanie elle-même serait loin de
se permettre les coûts d’une telle action, le Dniestr s’inscrit virtuellement dans
une géographie sociologique de l’UE puisque presque la moitié des Moldaves
roumanophones ont déjà la double citoyenneté : moldave et roumaine, la dernière
devenant d’autant plus attirante avec la sortie du régime des visas pour les
Roumains. Or, cela veut dire, tel qu’on la déjà souligné, qu’avec l’adhésion de la
102
v. Ibid., p. 6.
cité in The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics, p. 3.
104
v. Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 63.
103
42
Roumanie à l’UE, il y a aura aussi la moitié des roumanophones moldaves qui
vont entrer dans l’UE, dont d’autant plus grand l’intérêt de l’UE dans ce pays.
III. La configuration « organisationnelle » de la
région de la mer Noire
Ce qu’on se propose dans cette partie, c’est de donner un aperçu général
de la configuration des relations entre les PMN, afin de mieux percevoir comment
fonctionne l’ensemble de la mer Noire, quels sont les cadres de coopération et de
dialogue entre les pays, et el s éléments du «rouage » de la région de la mer
Noire. C’est que dans la RMN on a un agencement et surtout une interpénétration
d’organisations régionales et internationales, découlant de la diversité de ses
membres et du positionnement de ce cette région à cheval sur deux continents.
Après l’effondrement de l’UE, il y a eu deux types de mouvements qui
ont
principalement
structuré
la
configuration
« institutionnelle »/
« organisationnelle » de la RMN, dont plus de la moitié sortait de l’ensemble
soviétiq ue, une partie se détachant de l’URSS directement et une partie ayant été
régulé sur le plan économique, par le COMECON et le plan sécuritaire par le
Pacte de Varsovie.
La seule exception, la Turquie, a connu elle aussi une
réévaluation de sa position, vu le fait, qu’avant l’effondrement du communisme,
elle n’était qu’une pièce dans la politique de « containment » américaine et le
flanc sud de l’OTAN. Après l’implosion de l’URSS, elle a dû s’orienter dans le
nouvel espace par des relations avec d’autres pays qui auraient pu ultérieurement
servir ses intérêts sur le plan global, mais surtout régional.
Tout d’abord il y a eu un « élargissement » géographique rapide des
organisations européennes « pan-européennes »déjà en place : Conseil de
l’Europe, OSCE, etc. et un « élargissement » prospectif par les options offerts par
l’OTAN et l’UE qui ont développé avant la lettre une série de relations bilatérales
ou multilatérales de la zone.
43
D’autre part, il y a eu une reconfiguration régionale de l’espace, chaque
PMN se retrouvant dans des organisations miroitant plus ou moins ses propres
intérêts qui s’interpénètrent dans la région de la mer Noire, soit initiées par l’UE :
Northern Dimension, soit par la Russie : CEI, soit par l’Ukraine : GUUAM , ou
bien la CEMN (à l’initiative de la Turquie), la seule organisation régionale qui
prenait comme critère d’organisation un facteur purement géographique : la mer
Noire et la position des pays par rapport à celle-ci.
III. 1. Configuration multilatérale de la mer Noire :
III. 1. 1. Configuration multilatérale intra-régionale : CEMN
« ...the cause of the Black Sea itself, of its waters and its
creatures, is at last beginning to achieve what so many millennia of
human activity have failed to achieve : the union of the peoples
who live around it » 105
Le tableau en Annexe 3 offre une prise de vue de l’interpénétration des
organisations régionales et internationales dans la RMN.
Ainsi, la seule organisation régionale impliquant tous les PMN, c’est la
CEMN, qui est issue de la volonté des pays sortant de l’ancien bloc communiste
plus la Turquie, de se retrouver dans un cadre de coopération différent, volonté
cristallisée par la Turquie.
Initialement
inspirée
par
la
stratégie
turque
de
« coopération
hégémonique » 106 afin d’éviter une isolation «à la périphérie de la politique
mondiale », la CEMN était au début « un forum sans personnalité juridique, ni
traité fondateur », dont l’objectif était : « establishment of BSEC –Wide Security,
Stability, Prosperity »107 s’appuyant principalement sur
la coopération
105
Neal Ascherson cité par Ecobescu N., Micu, N., « Black Sea Multilateral Cooperation : New
Stage, Wider Opportunities » in Romanian Journal of International Affairs (Bucuresti), 2003/ 2-3,
p. 246
106
Valinakis. Y. La région de la Mer Noire: défis et opportunités pour l’Europe, Paris, Institut
d'Etudes de Sécurité de l'UEO, 1999, p. ix.
107
BSEC sur http://www.bsec.gov.tr/discover.htm
44
économique. Elle a eu 11 membres dont 6 pays littoraux ( Bulgarie, Turquie,
Géorgie, Russie, Ukraine, Roumanie) et cinq non littoraux. (Arménie, Albanie,
Azerbaïdjan, Grèce, Moldavie).
La Déclaration du Bosphore de juin 1992, acte fondateur de la CEMN,
contient
18
articles,
fixe
les
l’institutionnalisation de la relation
objectifs
politiques dont
à
long
terme,
CEMN-UE et les objectifs économiques
visant dans le futur l’établissement d’une zone économique de libre-échange.
En termes concrets, la zone de la CEMN couvre une zone de 20 millions
km ² avec un marché non saturé où la demande dépasse bien l’offre dans les trois
principaux secteurs économiques : agriculture, services, industrie. Cependant son
budget est de seulement 1 million de dollars108.
En fait, elle n’était que la résultante naturelle des convergences humaines
agencées par l’espace pontique autour de le mer Noire, car comme le remarque
Al. Toumarkine, « l’institutionnalisation d’une harmonie retrouvée », avait été
précédée par un mouvement naturel et plus impatient des acteurs économiques,
des communautés ethniques et religieuses. 109 Un exemple dans ce sens, peut être
ce qu’on a appelé le « commerce des valises », à savoir un mécanisme tenant de
l’économie informelle se traduisant dans l’achat des marchandises, par exemple,
comme c’était le plus souvent dans les bazars turcs d’Istanbul, pour être
revendues dans les autres pays.
La CEMN est passée par plusieurs étapes : « formative stage » qui va dès
la formation de la CEMN en 1992 jusqu’à la mise en place du Secrétariat
International Permanent de la CEMN en mars 1994, une « phase de
consolidation » marquée par deux événements : Bucharest Statement of the High
Level Meeting of the Heads of State or Governement ( 30 june 1995) et Moscow
Declaration of the Heads of State or Governement ( 25 octobre 1996). En même
temps, structurellement, au fur et à mesure la CEMN s’est vu compléter par
d’autres institutions, PABSEC en 1993, en 1994 c’est le Secrétariat Permanent qui
a vu le jour, BSTDB en 1998 ( bien que l’accord était conclu depuis 1994). Entre
1996-1998, un réseau de Black Sea Universities et la CEMN s’est doté aussi d’un
think tank : International Center of Black Sea Studies.
108
Ibid.
45
La
phase
finale
de
la
consolidation
de
la
CEMN
fût son
institutionnalisation, le 1 Mai 1999, quand elle est devenue d’un simple forum
basé sur une déclaration politique, une organisation avec sa propre charte légale
acquérant ainsi une identité légale sur la scène internationale. 110
La présidence turque de 2001 a mis à jour au début du XXIème siècle
l’explication des vecteurs clés régissant la coopération au sein de la CEMN sous
la forme d’un triptyque : « cooperation rather than conflict » , « regionalism as
well as globalization » et « avoiding new divisions in Europe ». 111
III. 1. 2. Configuration multilatérale trans-régionale : CEI et
GUUAM.
En dehors de la CEMN, les PMN se retrouvent en tant que membres d’autres
organisations régionales, tel que vu dans le tableau de l’Annexe 4. Deux autres
cadres de coopération régionaux sur lesquels ça vaut la peine de se pencher, ce
sont la CEI et le GUUAM.
CEI
« Top priority policy » pour Putin en tant que premier ministre, la CEI est
apparue initialement comme une « alternative à l’UE » et un « instrument of the
integration in the so-called « near abroad » ». M. Emerson en parle comme «a
kind of replica of the EU, able to save the Soviet Union from disintegration »
Son spécifique, c’est qu’elle s’inscrit plutôt dans une politique de
« subordination » (dominer militairement, économiquement et politiquement les
membres) que d’intégration de l’étranger proche par la Russie, surtout établissant,
par le Traité de Tachkent, un mécanisme commun de défense (joint defence) et un
mécanisme commun de protection des frontières extérieures à la CEI. L’Ukraine
qui a flairé les vrais intérêts de la Russie, s’est tenue sagement à l’écart et n’a pas
109
Toumarkine, Al. Tour d’horizon de la mer Noire, p. 2
BSEC sur http://www.bsec.gov.tr/discover.htm
111
v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêtà-Porter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002, pp. 7-8 sur www.icbss.gr
110
46
voulu signer le Traité de Tachkent112 (1992) sur la défense commune, tout comme
elle n’a pas reconnu le concept de « frontière extérieure » de la CEI.
Les moyens « hard » de cette politique, on les a déjà vus dans l’épisode du
conflit de l’Abkhazie et l’adhésion plutôt « forcée » de Géorgie à la CEI. (v. plus
haut)
Ultérieurement, Putin a instrumentalisé la CEI dans d’autres directions
pour des discussions bilatérales ou en développant au sein même de la CEI des
sous-groupes permettant à la Russie d’avoir son rôle dans les questions subrégionales aussi. Un exemple dans ce sens, c’est le « Caucasus Four » ( Russia,
Georgie, Azerbaidjan and Armenia) qui se veut une « contre-offensive » à la
proposition de la Turquie pour un Pacte de Stabilité pour le Caucase du Sud .113
GUUAM
Vu par la Russie comme une initiative anti-russe, le GUUAM s’est
constituée comme une alternative à la CEI, l’objectif commun de ses membres
étant de réduire leur dépendance économique surtout, de la Russie. Initialement
formé par quatre membres : GUAM ( Géorgie, Ukraine, Azerbaidjan, Moldavie),
le GUAM s’est vu joindre, à l’initiative des Etats-Unis, par l’Uzbekistan.
A la différence de la BSEC qui réunit dans son sein des pays dont la
situation économique est assez différente, le GUUAM est formé de pays qui ont
plusieurs choses en commun, pour ne pas commencer avec leur passé soviétique.
Deuxième chose à remarquer, c’est que tous ces membres ne sont pas sur
la liste de membres pour l’UE ou pour l’OTAN, bien qu’ils aient déjà, d’une
manière ou d’une autre, déclaré leur orientation proeuropéenne.
Ainsi les motivations de ces pays tournent en principe autour de deux
questions clés. Premièrement, réduire leur dépendance dans les réseaux
transnationaux de la Russie. Par exemple l’Ukraine voudrait réduire
dépendance énergétique (90 %)
sa
de la Russie et raffermir sa position dans le
transport du pétrole, vu le fait que Kiev construit un «pipeline » d’Odessa à
Brody sur la frontière polonaise-ukrainienne. Ainsi l’Ukraine deviendrait-elle un
112
Une alliance de défense qui inclut les pays de la CEI plus Armenia. ( v. tableau in annexe 4 )
47
« anneau » dans le transport des ressources de la Caspienne vers le Nord par
exemple. 114
Deuxièmement, essayer de contrebalancer l’effet de division opéré par
l’élargissement de l’UE et de l’OTAN dans la région. Et, d’autre part, en même
temps renforcer leur orientation vers l’UE et l’OTAN, en échappant à une
nouvelle réorientation vers la Russie.
À la différence de la CEI qui est visiblement contrôlée par Moscou, le
GUAAM n’a pas de centre, tous les Membres se trouvant sur pieds d’égalité et
ayant d’intérêts communs sur le plan économique, énergétique, et de la politique
étrangère115.
III. 2. L’UE comme vecteur de configuration « structurelle »
de la Mer Noire
III. 2. 1. L’UE et la configuration bilatérale avec les PMN
L’Union Européenne constitue en vecteur extérieur de structuration de la
RMN, par les relations qu’elle développe individuellement au niveau bilatéral
avec les PMN que ce soit dans la perspective de l’adhésion : Roumanie, Bulgarie,
négociation : Turquie, ou avec des pays aspirant à l’UE : comme la Géorgie et
l’Ukraine ou bien avec des non-candidats : la Russie. La variété des relations
avec l’UE qui ont progressé selon des rythmes différents peut être observé dans le
tableau ci-dessous où on a soulignés les pays qui nous intéressent dans notre
approche :
113
Larrabee, F., Russia and its Neighbours : Integration or Disintegration ?, p. 870.
Ibid., p. 866.
115
v. aussi Moroney, J., Konoplyov, S., “Ukraine, GUUAM, and Western Support for Subregional
Cooperation in Europe’s Security Gray Zone”, p. 185.
114
48
EU bilateral agreements with BSEC member states116
Memb
Europe
Associatio
Stability
Partnershi
er
Agreemen
n
and
p and
State
t
agreement
Associatio
Cooperati
(Negotiati
(Non-neg.
n
on
ng
candidate)
Agreemen
Agreemen
t (under
t
candidate)
neg.)
Greece
X
Bulgaria
X
Romani
X
a
Turkey
Albania
X
X
Armenia
X
Azerbaij
X
an
Georgia
X
Moldova
X
Russia
X
Ukraine
X
En fait, au niveau bilatéral, l’UE développe dans cette partie de l’Europe des
relations similaires avec les autres voisins de l’Europe. Les accords d’associations
et de partenariat de l’Europe de l’est sont de la même nature que les Accords de
coopération avec les pays du Pacte Méditerranéen ayant comme noyau le dialogue
polit ique, les programmes du type TACIS et les autres accords concernant
d’autres domaines.
116
Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêt-àPorter, p. 15.
49
Cependant, les accords de coopération et de partenariat avec les voisins de
cette partie de l’Europe n’ont pas des avantages comme les accords avec les
voisins de l’autre partie de l’Europe.
La Communication de la COM portant sur la PEV affirme cette
“discrimination” aussi: “In contrast to contractual relations with all the EU’s
other neighbouring countries, the Partnership and Cooperation Agreements
(PCAs) in force with Russia, Ukraine and Moldova grant neither preferential
treatment for trade, nor a timetable for regulatory approximation”117.
D’autre part, la Russie reste un peu favorisée dans cette approche bilatérale et
comme le remarque James Sherr : «
there is the perception-not entirely
unfounded-that the Eu has several distinctly political concerns, notably the
avoidance of steps which could be perceived as unfriendly to Russia » 118.
En même temps, le même auteur remarque, par exemple, “la discrimination”
de l’UE par rapport aux certains pays, par exemple à l’Ukraine qui, si selon les
critères de Copenhague se trouve au même niveau que la Russie, elle a dû attendre
le Conseil d’Helsinki 1999 pour qu’on reconnaisse sa « vocation européenne ». Et
cela malgré le fait qu’il y a deux Common Strategies de l’UE, l’une portant sur
l’Ukraine et l’autre sur la Russie.
Cependant, la différence est visible sur le plan financier surtout, tel qu’on va
le montrer dans la deuxième partie de ce papier.
III.2. 2. L’UE et la configuration multilatérale de la région (CEMN)
Si au niveau bilatéral avec les PMN, l’UE a développé des relations similaires
avec des pays d’autres régions de l’Europe, la RMN, à la différence d’autres
régions, est la seule qui ne se retrouve pas sur la liste des priorités régionales en
tant que telle de l’UE : « The most important difference is that, in the
Mediterranean, an explicit regional dimension encouraging the development of
117
Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Realtions with our Eastern and Southern
Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 5.
118
Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 9
50
intra-regional initiatives and cooperation in a broad range of sectors is
included » 119.
La seule approche institutionnelle de la Commission s’est traduite dans la
proposition faite dans une Communication au Conseil « Regional Cooperation in
the Black Sea Area : State of Play, Perspectives of EU Actions Encouraging its
Future Development »
en novembre 1997 pour que la COM devienne un
observateur dans la CEMN.
Aussi, la première initiative de coopération entre l’UE et la BSEC a été
lancée le 30 avril 1999
par
Platform for Cooperation between EU-BSEC,
th
approved by the 13 Meeting of the Ministers of Foreign Affairs, Tbilisi, 30 April
1999, juste un jour avant l’institutionnalisation de la CEMN comme organisation
internationale.
Dans ce document, la CEMN invite la Commission à devenir observateur,
dans la perspective d’un statut de futur membre : « The BSEC invites the EU to
consider the possibility
for the European Commission to obtain observer
status in the Organization which will lay the ground for a future structured
relationship between the BSEC and the EU “120. Mais le vrai objectif de la CEMN
à long terme, c’est l’institutionnalisation de la relation UE-CEMN.
Et pourtant, tel que le souligne M. Emerson121, il y a une différence
importante entre un possible statut d’observateur ou de membre. Si le statut
d’observateur ne donne pas le droit de voter, et donc serait une tâche assez facile
pour la Commission, en tant que membre ayant droit de vote, la Com pourrait
participer au budget de la CEMN qui est assez limitée, mai aussi voter sur des
questions qui pourrait être en contradiction avec les lois de l’UE.
Quant à la politique de l’UE envers la CEMN, elle peut être résumée dans
le fait que l’UE préfère une coopération sur une base ad-hoc, sans aucun lien
119
Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern
Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 8.
120
Platform for Cooperation between EU-BSEC, approved by the 13th Meeting of the Ministers of
Foreign Affairs, Tbilisi, 30 April 1999, p. 2.
121
v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêtà-Porter, p. 14.
51
institutionnel. C’est le contenu de la réponse donnée par Chris Pattern en 2001 à
l’invitation de la CEMN pour que l’UE ait un statut d’observateur.122
En reconnaissant le fait que le renforcement de la coopération régionale
dans cette partie de l’Europe n’est pas « a strong component » de la politique de
l’UE, bien qu’elle s’est déjà developpée de soi « oriented around traditional flows
of trade and investment to and from Russia », la Commission se limite à
mentionner que : « New initiatives to encourage regional cooperation between
Russia and the countries of the Western NIS might also be considered » 123La
CEMN, par exemple, n’est même pas même mentionnée.
Au Conseil européen de Thessaloniki en juin 2003, on n’a même pas
considéré la proposition de la CEMN d’institutionnaliser la relation entre l’UE et
la CEMN.
Il y a plusieurs arguments qui puissent expliquer la passivité de la COM à
propos de la RMN dont on peut mentionner :
•
les relations déjà existantes au niveau bilatéral. On a vu plus haut la
panoplie de relations que l’UE entretient avec les PMN.
•
l’existence de pays très importants du point de vue géopolitique (la Russie,
la Turquie, l’Ukraine) avec lesquels l’UE préfère conserver une approche
bilatérale et ne pas les « diluer » dans une approche régionale.
•
l’hybridité de la CEMN même qui rendrait difficile par la diversité des
membres la coopération, et le financement de la part de l’UE.
•
la nature de la CEMN en tant qu’organisation avec une base légale
impliquant plus de « rigidité » que par exemple le modèle d'une dimension
ou l’existence des programmes spéciaux d’investissement et d’assistance.
La potentialité d’une dimension mer Noire de l’Europe et ses enjeux, on va la
considérer dans la deuxième partie de ce papier.
122
Ibid.
V. Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern
Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 8
123
52
Deuxième partie: L’impact de l’élargissement de
l’UE sur la Région de la Mer Noire
« Enlargement is not a geopolitical project, but a process of integration » 124
(James Scherr)
Le 1er mai 2004, l’UE à 15 est devenue l’UE à 25 avec une population de
plus de 450 millions. Qu’est-ce que c’est que l’élargissement ? Qu’est-ce que cela
va dire en termes économiques, démographiques ? Après l’élargissement de 2004,
l’UE va accroître sa population de 20% et son PIB de 5-9%, pour représenter
presque un quart du PNB mondial. 125 Quel va être son effet sur le voisinage, dans
notre cas, sur la région de la mer Noire dans la perspective de l’élargissement de
2007 aussi ?
Et bien, le moteur de l’élargissement, c’est la « réunification » de l’Europe
coupée en deux par le rideau de fer. Mais quels vont être les vrais impacts de
l’élargissement, vu le fait que déjà avant son élargissement même, l’Europe a fait
l’expérience d’une division opéré par un facteur extérieur à l’Europe même, la
guerre en Irak, qui a fait voir que on dit oui à l’Europe économique, mais non à
l’Europe en tant que fournisseur de sécurité.
L’élargissement en même temps, ne va-t-il pas opérer une ligne de
division entre l’UE et le reste de l’Europe et en même temps, entre les nouveaux
membres et les nouveaux voisins aussi ?
Ce qu’on se propose dans cette partie c’est justement de donner une prise
de vue de ce que l’élargissement peut signifier dans la RMN et de quels peuvent
124
125
Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 9
v. www.europa.eu.int.com
53
être ses impacts sur la configuration «hybride » de cet espace qu’on a essayé
d’esquisser dans la première partie de ce papier.
I. L’Elargissement de l’UE comme vecteur de
convergence de la Région de la Mer Noire :
Tout d’abord pourquoi parle-t-on dans ce contexte de l’élargissement et
non pas tout simplement de l’UE en tant que tel ? Parce que c’est par son
élargissement que l’UE est devenue visible dans cette région pour la population de
ces pays et des pays voisins à venir de l’UE.
Pourquoi l’UE et non pas la Russie ou bien les Etats-Unis qui agissent
comme facteur de convergence dans d’autres domaines, surtout dans la sécurité
comme on l’a vu dans le cas de la Lettre des Dix de Vilnius qui on dit oui à
l’Europe économique, mais non à l’Europe de la défense ?
Tout d’abord, si on prend la logique de l’exclusion, la Russie sort de
question dès le début, vu le passé encore pas loin du bloc soviétique qui a
engendré dans la conscience de certains Etats indépendants une aversion naturelle.
Ce nonobstant, la création de la CEI témoigne toujours des réminiscences de
leader de la Russie.
Deuxièmement, quant aux États-Unis, c’est tout d’abord leur position
géographique et leur nature en tant que pouvoir extra européen, bien que l’histoire
l’a déjà montré, ce sont les Etats-Unis qui ont joué le rôle d’un catalyseur de
l’ « unité européenne » comme par exemple la formation de l’OECE en 1948 pour
gérer le Plan Marshall en commun.
Dans notre cas, c’est l’UE qui essaie de faire coopérer justement les PMN
pour gérer des aides financières comme par exemple le programme TACIS. C’est
l’économique qui semble se convertir dans une courroie de transmission des
valeurs propagées par l’UE.
Eh bien, la question est assez simple. Tout d’abord, c’est la nature de
l’UE, qui n’a pas de prétentions de « superpuissance » dans le sens traditionnel du
54
terme, comme c’est le cas avec la Russie et les Etats-Unis. L’UE est la cible de
plusieurs pays dans le sens qu’elle offre par ailleurs la seule alternative viable
possible qui marche en Europe.
Et, tel que le remarque James Scherr : « Enlargement is not a geopolitical
project, but a process of integration ». 126 Et encore plus, une intégration
économique ce dont a exactement besoin cette région pour se remettre après son
passé communiste, car la « bataille » géopolitique semble n’avoir conduit à rien.
C’est l’UE qui peut jouer le rôle positif d’un facteur d’unification de cette partie
de l’Europe, l’une des plus diverses et hybrides, en propageant un certain modèle
économique accompagné d'autres valeurs démocratiques et politiques.
Deuxièmement, il faut insister sur la nature des critères socio-économiques
et politiques de Copenhague qui sont les mêmes pour tous les Etats qui veulent
devenir membres de l’UE
En principe, il y deux manières dont l'élargissement de l’UE peut avoir un
impact positif sur la RMN.
Tout d’abord par l’adhésion de la Roumanie et Bulgarie, ces futurs
membres peuvent offrir de l’expertise aux nouveaux voisins de l’UE que ce soit
dans le cadre de coopération de la CEMN ou bien dans des relations bilatérales.
C’est un effet de contagion positive qui devrait affecter plusieurs domaines.
Deuxièmement, l’UE a elle même mis sur pied une nouvelle PEV destiné à
prévenir justement les critères en Europe. PEV a pour objectif, tel que rappelé
dans Après l’élargissement : la Commission donne un coup d’accélérateur à la
politique européenne de voisinage127 de « partager avec les pays limitrophes les
avantages de l’élargissement de l’UE de 2004-c’est-à-dire la stabilité, la sécurité
et la prospérité- dans des conditions distinctes d’une adhésion à l’UE ».Or qui
d’autres peuvent servir mieux de courroie de transmission de ces valeurs sinon
justement les futurs membre de l’UE, voisins directs des futurs voisins de l’UE.
126
127
Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 9
sur http://www.europa.eu.int/comm/world/enp/document_en.htm, p. 2.
55
I. 1. L’élargissement comme vecteur/stimulateur de
convergence régionale
I. 1. 1. Mécanisme de la convergence régionale
« it is important to foster closer cooperation both accross
the EU’s external borders and among the EU’s neighbours
themselves-especially among those that are geographically close to
each other » 128
( Stategy Paper sur la PEV, mai 2004)
L’élargissement de l’UE influe d’une double manière sur la coopération dans
la RMN : de l’intérieur et de l’extérieur. De l’extérieur, dans la perspective
d’adhésion à l’UE elle impose un certain modèle et nombre de valeur dont de
bonnes relations avec les voisins et de l’intérieur dans le sens que les pays ayant
comme objectif stratégique l’adhésion à l’UE vont faire de leur mieux pour «se
renforcer » eux-mêmes à travers la coopération régionale.
Dans ce contexte il y a trois raisons d’ordre externe129 pour la coopération
régionale, dont on peur rappeler :
1. remplir les critères de coopération et bon voisinage de l’UE et de l’OTAN(
par exemple la Roumanie a dû résoudre ses problèmes de minorités et de
bon voisinage avec l’Ukraine, en signant un traité bilatéral en 1997,
déclinant toute prétention territoriale ultérieure130. Dans ce contexte on
peut aussi retrouver cet objectif clairement exprimé dans l’acte fondateur
de la CEMN, la Déclaration de Bosphore : « to ensure the Black Sea
becomes a sea of peace, stability and prosperity, striving to promote
friendly and good neighbouring relations » 131
128
Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper ,
Brussels, mai 2004, p. 20
129
v. aussi. v. Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration pp. 3-8.
130
Cela s’est fait surtout dans le cadre de l’élargissement de l’OTAN, mais s’inscrit dans
l’élargissement de l’UE aussi.
131
The Bosphorus Statement, Istanbul, juin 1992, sur
http://www.mfa.gov.tr/BSEC/TheBosphorusStatement.htm
56
2. la coopération régionale pourrait être une étape vers l’intégration
européenne et un facteur d’accélération de l’adhésion (dans ce contexte on
peut citer par exemple l’Ukraine qui jamais ne serait bien accueillie dans
l’Ouest comme anti-russe, don elle doit bien « soigner » ses relations avec
Russie justement pour paradoxalement faciliter, si jamais, l’adhésion à
l’UE).
3. non dernièrement, la coopération régionale comme moyen d’embellir la
carte de visite des candidats sur la scène internationales, de même que leur
crédibilité.
D’autre part, il y a au moins trois autres motivations d’ordre interne qui
s’inscrivent en fait d’une manière indirecte dans la même logique d’adhésion à
l’UE. La coopération peut être un moyen de promouvoir le développement dans
plusieurs domaines : économique par la consolidation des infrastructures pour le
transport qui faciliterait les relations entre les pays ; dans la résolution des
problèmes transfrontaliers contre le crime organisé, les trafiques illégaux, les
drogues ;
dans
le
domaine
des
communications,
de
l’énergie
et
du
développement ; et non dernièrement la coopération subrégionale peut être un
moyen de « increase foreign trade, foreign aid, and especially foreign investment
by creating a stable environment and new opportunities ». 132
Dans le chapitre précédent, on a analysé la configuration « structurelle » de la
RMN. Or, si l’UE a seulement une approche bilatérale avec la mer Noire,
paradoxalement elle constitue un vecteur indirect d’unification intra-régionale et
de structuration. On a vu trois exemples, la CEI, le GUUAM et la CEMN, tous les
trois ayant dans leur motivation de formation comme repère l’intégration
européenne.
C’est que tous le PMN, exception faisant la Russie, ont comme objectif
stratégique de leur politique étrangère soit l’adhésion à l’UE soit justement
trouver une alternative à cela, or l’adhésion à l’UE suppose remplir un certain
nombre de critères dont, les rapports de bon voisinage.
M. Emerson et M. Vahl parlent d’un nouveau type de régionalisme
européen dont les sujets sont les régions de la grande Europe ayant des identités
132
v. aussi. v. Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration, p. 7.
57
géographiques et historiques couvrant aussi l’espace politique économique
« all
regions of the wider Europe that have historical and natural geographical
identities, but which overlap today’s main remaining political and economic
divides. » et qui a deux motivations :d’une part une raison réactive « compensate
the thinness of the pan-European organisations and the exclusiveness of the
leading institutions »et d’autre part une active :« develop networks of cooperative
activities, which gain functionally from their regional specificity and politically
because they bridge the remaining political divides of the wider Europe ».133
La CEI se voulait « une alternative à l’UE » dans les mains de la politique
d’intégration de l’étranger proche de la Russie. Le GUUAM, par contre, voulait
justement échapper à cette « alternative de l’UE » allant juste contre les intentions
de subordination de la Russie et essayer de contre-balancer les effets de divisions
opérées par l’UE. Et enfin, la CEMN se voulait une preuve de bonne conduite
devant l’UE.
I. 1. 2. CEMN
L’intégration européenne a été un vecteur de coopération dans la CEMN
dès le début d’autant plus explicitement affirmé dans la Déclaration de Bosphore.
Les PMN ont accentué dans la déclaration que: “in the building of the new
architecture of Europe, their countries and peoples had an important and creative
contribution to make and that the Black Sea Economic Cooperation constituted an
effort that would facilitate the processes and structures of European
integration.”134
Aussi, quoi qu’on en dise, les motivations principales des PMN de se
réunir dans la CEMN, tournent autour de la perspective d’une future intégration
de l’UE ou des autres structures internationales. En 1992, ni la Bulgarie, ni la
Roumanie n’étaient pas encore acceptés comme candidats de l’UE et encore
133
v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêtà-Porter, p.22.
134
v. The Bosphorus Statement, Istanbul, juin 1992, sur
http://www.mfa.gov.tr/BSEC/TheBosphorusStatement.htm
58
moins la Turquie. La seule exception en étant la Grèce en tant que membre à part
entière de l’UE.
Il est vrai que la CEMN a été créée à l’initiative de la Turquie afin de
consolider la coopération dans la RMN, mais juste après la demande d’adhésion
de la Turquie à la Commission. Cependant, dès le début Ankara a affirmé que le
projet de la CEMN ne se veut pas une alternative, mais un complément de l’UE.
« eine Ergänzung zur EG » 135
Et bien sûr à chaque règle il y a l’exception qui la confirme. Dans ce cas,
la Russie dont la priorité de la politique étrangère est loin d’être l’intégration dans
l’UE, tout au contraire, mais qui fait de loin le poids politique de la CEMN, tel
que le souligne aussi N. Nures: « Ohne die russische Föderation würde die
SMWK ihren politischen Einfluss verlieren, und die Handelsströme sowie der
wirtschaftliche Austausch würden empflindich schrumpfen“136.
C’est dans ce contexte, qu’on peut se poser la question quelle est le vrai
intérêt de la Russie dans la BSEC vu le fait qu’elle n’est pas intéressée à
l’intégration dans l’UE. Serait-ce tout simplement le besoin de ne pas se trouver
séparée du reste du monde en s’impliquant dans tant d’organisations que
possible ? Ou bien, il y a d’autres logiques sous-jacentes ? D’autant plus que dans
cette organisation elle doit accepter un statut de membre à droits égaux avec les
autres membres. La Russie, accepte-t-elle la position de simple membre dans la
CEMN ?
Vu
qu’au
moment
de
la
création
de
l’UE,
la
politique
« d’alignement »de Putin n’existait pas encore.
Au début du XXIème siècle, la CEMN a dû aussi adapter ses motivations
aux nouvelles données du grand élargissement en train de se faire de
l’UE :“cooperation rather than conflict”, “regionalism as a step to global
integration”, “avoiding new divisions in Europe”. 137
Si la Turquie est encore loin de l’adhésion, la Roumanie et la Bulgarie
semblent être sur la liste de 2007. Donc, la CEMN doit se rendre utile dans le
135
v. Sen, F. “Schwarwmeer-Wirtschatskooperation: Ergänzung zur EG?” in Aussenpolitik.
1993/3, p. 286.
136
Nures, N. „ Die Schwarzmeerwirtschaftskooperation ( SMWK) am Scheideweg“, 2002/ 8, p.
68.
137
Tels qu’exprimés par la présidence turque de 2001. v. aussi in Emerson, M., Vahl, M.,
Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêt-à-Porter, p. 7-8.
59
contexte de l’élargissement aussi, les pays membres pouvant aider avec
expérience les autre PMN pour les rapprocher de leur objectif et en même temps
en tant que futurs membres de l’UE faciliter les relations entre l’UE et les autres
PMN, dans le cadre de coopération offert par la CEMN.
Dans BSEC Agenda For the Future. Towards a more Consolidate,
Effective and Viable BSEC Partnership de mars 2001, la CEMN renforce sa
disponibilit é de jouer un rôle de « pont » entre l’UE et le reste de l’Europe :
« the dynamics of the emerging new European Architecture
open up the potential for effective partnerships with BSEC. The
Europe of the future should be free of new dividing lines. BSEC
can play a major role in providing the necessary links between
the enlarged EU and Eastern Europe, the Caspian Region and
Eastern Mediterranean.” 138
La question qui se pose, c’est bien sûr la viabilité de la CEMN comme
alternative à l’UE pour les « outsiders ». Car l’UE a déjà une approche bilatérale
de cette région tel qu’on l’a déjà vu, qu’elle préfère à cause de son hybridité de
« fragmenter » dans des approches bilatérales. Mais si l’insertion de l’UE se fait
surtout à travers l’économique, l’intérêt de l’UE est d’avoir des voisins stables.
Or, le principal pilier de la CEMN, est la coopération économique,
d’autant plus que le budget de cette organisation est plus que limité.
Cependant, l’UE ne sait pas comment gérer les relations compliquées avec
cette partie de l’Europe, tel qu’on l’a déjà souligné aussi dans les relations avec la
Turquie et d’autant plus par sa nature non-géopolitisée.
Une autre question qui se pose, c’est peut-être dans quelle mesure la
CEMN peut servir aux objectifs sécuritaires de l’UE, d’avoir de voisins stables à
sa périphérie, et, d’autant plus, à éviter que les disparités économiques entre les
pays de la RMN ne favorisent l’émergence d’un espace instable. Cela d’autant
plus que, reconnaissant les difficultés d’établir une organisation régionale dans la
RMN, un rapport de la COM reconnaît déjà l’importance de la CEMN en tant que
tel dans cette partie de l’Europe : « as regards BSEC’s aspirations to play a role in
60
the peaceful settlement of disputes in the region, the fact that BSEC brings
togheter representatives of all Black Sea states, can be considered an achievemnt
in itself »139
I. 2. L’élargissement comme facteur de démocratisation de
la Région de la Mer Noire
C’est vrai que par les critères de Copenhague, par sa nature même, l’UE
propage un certain modèle de valeurs. La première série des critères, à savoir les
critères politiques sont : l’existence d’institutions stables garantissant la
démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect des minorités.
Or, entrant dans la RMN par l’élargissement de 2007, l’UE va se trouver
dans une région plus que complexe et fragmentée quant à ce qui concerne la
démocratie, les droits de l’homme, les minorités, une région dont la démocratie
est considérée par certains auteurs « the missing link in regional security ». 140
La Bulgarie et la Roumanie141 on dû résoudre leurs problèmes concernant
les minorités turque, respectivement hongroise, à ne plus parler de la minorité rom
afin d’être éligible en tant que candidats à l’UE. La Turquie, par contre, se trouve
officiellement en retard sur la Roumanie et la Bulgarie dans la voie vers
l’élargissement justement à cause de ses problèmes concernant le respect des
droits de l’homme, à savoir les droits des minorités, dans son cas, la minorité
kurde.
138
sur http://www.bsec.gov.tr/agenda.htm
Citation in Manoli, P., The Role of the Black Sea Economic Cooperation (BSEC) in the Stability
of the Region, CSRC, July 2002, p. 42
140
v. Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security,
CSRC, July 2002 sur http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/CEE/G113
141
Le
tableau
ci-dessous,
créé
sur
la
base
des
dates
trouvées sur
http://www.europa.int/comm/enlargement, offre une prise de vue de l’importance des minorités
dans la population de ces pays.
Bulgarie
85, 5%
9, 7%
3, 4%
Bulgares
Turcs
Roms
Roumanie
89,4%
6, 6%
2, 4%
Roumains
Hongrois
Roms
139
61
En même temps, on peut aussi penser à l’interpénétration des minorités
des PMN, qui peuvent jouer comme liens entre les pays et en même temps
propagateurs à leur tour, bien qu’à un niveau réduit de démocratie.
Toutefois, il faut pas négliger le rôle des autres institutions européennes, à
savoir le Conseil de l’Europe par exemple, le premier qui a accueilli les pays issus
de l’ancien bloc communiste après son effondrement en guidant pour un certain
moment le trajet vers la démocratie et le respect des droits de l’homme.
Ou bien l’OSCE, la seule qui semble avoir un mot à dire dans le Caucase
ou la Moldavie par exemple ou bien sur son membre fondateur la Russie pour
l’amour duquel on évite de la déconsidérer pour ne pas perdre un cadre de
dialogue. Et cela, c’est juste pour donner « au césar ce qui est au césar » et pour
comprendre l’interdépendance inévitable des « ensembles » démocratiques.
D’autre part, il faut penser par exemple à l’Ukraine qui ne serait jamais
acceptée par l’UE en tant qu’ »anti-russe », tout comme son indépendance était
conditionnée par une « entente » avec la Russie.
Au Caucase, ’lUE a soutenu par exemple financièrement la transition
démocratique de la Géorgie pendant les derniers mois. Le 19 décembre 2003, la
Commission a financé sous la forme d’un « Rapid Reaction Mechanism » de 2
millions euros
les élections présidentielles et parlementaires. De même, la
Commissio n a donné 5 millions euros du Food Security Program 142.
Mais, on n’en dit rien sur les mécanismes et les moyens pour remplir ces
critères. C’est pourquoi, selon ces critères, il y a beaucoup de pays qui sont
démocratiques, mais en fait il s’agit d’une démocratie purement formelle.
Troisièmement, il ne faut pas oublier qu’on a à faire à ce qu’on appelle
plutôt un « clash »de systèmes différents. Or, c’est James Sherr, qui parle des
« symptoms of a more serious problem : the difficulty of introducing the EU’s
radically apolitical values to a part of Europe which remains deeply politicized
and profoundly geopolitical in its thinking »143.
C’est dans ce contexte, par exemple, que beaucoup des pays ont une
« démocratie formelle » et c’est tout. La Russie en est un exemple ou même des
pays comme la Bulgarie et la Roumanie, on ne peut pas les comparer à des pays
142
v. http://www.europa.int/comm/enlargement
62
de l’Ouest qui ont déjà eu une vraie tradition démocratique ou bien à des pays de
l’Europe centrale dont la transition s’est beaucoup mieux passée.
Un exemple dans ce sens, par exemple, c’était le référendum pour la
Constitution en Roumanie, ayant comme enjeu l’intégration européenne. Eh bien,
afin d’avoir une participation suffisante, on a inventé plein de trucs, comme
« l’urne » mobile, ou bien des tombolas pour récompenser les votants.
Il y a en a encore d’autres exemples dans d’autres pays de la RMN. Et cela
c’est juste pour montrer que le modèle européen tel que décrit par le critères de
Copenhague, n’est pas suffisant pour consolider la Région, ou bien n’est pas
applicable dans la même mesure à tous les PMN.
M. Emerson essaie d’analyser le modèle de l’UE tel que envisagé par les
critères de Copenhague, qui ne sont en fait que des critères techniques, l’UE n’en
définissant pas les méthodes de remplir ces critères, ou mieux un modèle de
fonctionnement. Et il en parle de « fuzzy statehood » 144 comme caractérisant le
modèle de l’UE, qui est une «multi-tier governance system, with five-vertical
levels : local, regional, national (sovereign state), European (EU) and global. » et
qui se traduit par une interpénétration de processus différents comme la
mondialisation, l’européanisation et la régionalisation qui vont contre la
souveraineté de l’Etat-nation 145. En plus, selon M. Emerson ce modèle de « fuzzy
statehood » est même plus adapté pour la périphérie de l’UE qu’à l’intérieur de
celle-ci.
Or, considérant la diversité ethnique et religieuse des PMN, par exemple
allant d’orthodoxisme ( Russie, Ukraine, Bulgarie) à l’Islam (Turquie), des
langues latines ( le roumain), aux langues slaves ( le russe, le bulgare) et aux
langues turques ( le turc), à ne plus mentionner l’interconnexion entre les
minorités( par exemple en Crimée il y a des Tatares, pour Roumanie et Bulgarie v.
143
Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 10
“ it is about a system of horizontal solutions to the complex problems of the ethnic mosaics. This
may have several elements: respect for minority rights in questions of language and education,
techniques of personal federalism overlapping territorial federalism (individuals who associate
with a given cultural community can draw on certain public services irrespective of the territorial
entity where they reside), mechanisms for inter-regional relations between frontier regions of
neighbouring states (including asymmetric cases of a sub-state entity of one state dealing with
another full state as partner)”in Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for European
Policy Studies, Brussels, 2001, p. 28.
145
Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 28.
144
63
le tableau p. 62), le modèle de « fuzzy statehood » semble une possible solution
pour la RMN aussi.
Cependant, M. Emerson fait encore une classification des périphéries de
l’UE : « 1.clean-cut peripheries,
2.integrating peripheries,
3. divided peripheries,
4. overlapping peripheries »,
insistant sur le fait qu’il faut adopter des stratégies différentes pour chaque
catégorie en part 146.
Dans la RMN, il y a deux types de périphéries qui s’y retrouvent :
« integrating périphéries » 147 (Roumanie, Bulgarie) et « divided peripheries »148
(Ukraine, Moldova, Géorgie). Si avec la Roumanie et la Bulgarie, les choses sont
claires, avec « l’étranger proche »de la Russie, regardant vers l’Ouest, les choses
sont beaucoup plus compliquées, mais l’UE devrait oeuvrer en faveur d’une
stabilisation de ces régions, en leur offrant une alternative plus viable, même en
dehors de l’adhésion.
I. 3. L’élargissement comme stabilisateur économique de la
Région de la Mer Noire
Le penchant économique de la démocratie promue par l’UE, c’est
l’économie de marché. Si l’économie de marché représente un critère pour
l’adhésion à l’UE, elle est aussi, plus que les critères politiques, le vrai «label ».
146
Emerson, M. The Elephant and the Bear, pp. 29-32.
„Here the state or entity is set on a strategy to integrate with either the EU or Russia, but has so
far been unable to do this completely“ in M. Emreson, The Elephant and the Bear, p. 29
148
„These are the states or entities that are torn between West and East, for which stable solutions
have not yet been found“ v. Ibid.
147
64
C’est que le succès de l’UE réside surtout dans l’Union économique et monétaire
et son vrai pouvoir, « soft power » réside dans l’économique.
Cependant, le processus d’intégration économique de l’UE se heurte à une
zone à fortes disparités économiques et à un niveau généralement bas par rapport
aux autres pays de l’UE ou même aussi des PECO. Le PNB des PMN de la
CEMN (+Chypre) étant près de 2,6% du produit mondial en 1999 contre 5, 6% de
la population mondiale 149 témoigne d’un retard économique. En plus si le PIB
corrigé en 1999 de la RMN était de 3,5% du PIB mondial, la Russie en faisant le
40%. Selon la Banque Mondiale, les PMN de la CEMN(+Chypre) se trouvent en
haut de la catégorie « moyenne basse » avec un PIB corrigé 150 par habitant en
1999 de 2760 USD151.
C’est que la plupart des pays des PMN ont des « économies en transition »
d’une économie planifiée vers une économie de marché, mais pas du tout selon le
même rythme. En plus, selon l’étude de TAD, il y a trois types de pays au sein des
PMN :les PMN de services : Turquie et Grèce, les PMN « industriels » : (Russie,
Moldavie, la Roumanie, l’Ukraine, la Bulgarie) et les PMN agricoles (Géorgie).
152
Si on regarde le tableau en annexe 4 , on peut voir que les PMN, se
trouvent loin derrière les autres PECO, la plupart d’entre elles s’encadrant dans
une estimation globale de TAD entre 16 et 24, c’est-à-dire que « le processus de
transition est amorcée, mais des difficultés importantes subsistent » 153.
Cependant, la Bulgarie a obtenu le plus grand nombre de point 24+, suivie
par la Roumanie ( 23-), la Géorgie ( 22+), la Russie et l’Ukraine se retrouvant au
même niveau ( 20+). Or, si on prend comme critère d’analyse, le critère
économique de l’UE, le dernier rapport de la Commission européenne sur la
Roumanie et la Bulgarie de novembre 2003, affirme encore une fois le caractère
d’ »économie de marché fonctionnelle » de l’économie bulgare, alors que la
149
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire p. 29
Le PIB corrigé prend en compte les revenus de l’économie informelle aussi.
151
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noirep. 31
152
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire p. 42.
153
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire,
p.56.
150
65
Roumanie est classifiée comme « économie de marché viable », mais non
fonctionnelle.
D’une manière ou d’une autre, les futurs membres de l’UE se trouvent
dans ce « top » de la RMN et ils pourraient agir comme de centres de contagion
positive. Un exemple concret dans ce sens, c’est par exemple, le repère
géographique par rapport à l’UE. En Roumanie, plus on va vers l’Ouest, plus le
niveau de développement est plus avancé, tout au contraire de la Moldavie
roumaine par exemple qui figure comme la plus pauvre région du pays. De même
en Hongrie, la région à côté de la Roumanie est moins développée que le reste de
la Hongrie.
Et tel qu’on l’a déjà souligné plus haut, ce sont ces pays, ces nouveaux
membres à venir de l’UE qui sont le plus en mesure de se convertir dans des
courroies de transmission des valeurs promues par l’UE.
L’UE contribue concrètement à al stabilisation de cette région à travers
plusieurs instruments financières et programmes d’assistance qui couvrent, selon
le cas, tous les PMN. Aussi, l’aide de pré-adhésion pour la Roumanie et Bulgarie
est fourni par trois programmes : PHARE, ISPA et SAPARD, alors que les NEI
(Russie, Ukraine, Géorgie) sont couverts par TACIS.
L’importance des aides financières pour Roumanie et Bulgarie est très
importante, agissant comme un facteur de stabilisation des économies de ces pays.
Par exemple la Roumanie a reçu par an par les trois instruments (depuis 2000) à
peu près 700 millions euros équivalent 1, 4 du PNB ou 36% des dépenses
d’investissements. 154
Encore, dans la période 2004-2006, la Roumanie et la Bulgarie vont
recevoir 4.5 milliards d’euros en tant qu’aide de pré-adhésion à travers les trois
programmes qu’on vient de mentionner alors que la Turquie va recevoir 1.05
milliards d’euros en tant qu’aid e de pré-adhésion gérée à travers d’autres
instruments que la Roumanie et la Bulgarie. 155
D’autre part les pays couvert par TACIS, ont reçu entre 2000 et 2003 :
Tacis Assistance to ENP Partner countries in the period 2000-2003
154
v. sur http://www.europa.int/comm/enlargement
155
v. http://www.europa.int/comm/enlargement
66
Country
Amount 2000-2003
M€
Countries covered by Tacis
Russia
599.6
Ukraine
435.6
Moldova
46
Belarus
Multi-country Programmes
Total Tacis
10
241
1332.2
Source: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper , Brussels, mai 2004, p. 29
Entre 1992 et 2002, l’UE a financé aussi la Géorgie avec 370 millions
euros 156.
Si cela a lieu surtout dans les cadres de coopération bilatérale, la PEV,
prévoit un renforcement de la coopération transfrontalière et régionale, forçant les
pays à collaborer pour des objectifs commun. Entre 2004-2006 : les programmes
de voisinage vont s’appuyer sur les instruments déjà existants, PHARE et TACIS,
alors que après 2006 vont être remplacés par le IEV.
A présent il y a quatre instruments promouvant la coopération
transfrontalière et subrégionale :
1. INTERREG Community Initiative faisant partie des Fonds structurels et
pouvant être utilisé seulement à l’intérieur de l’UE, bien qu’appuyant non
seulement les EM de l’UE mais aussi les Etats voisins de l’UE.
2. Dans le cadre de la pré adhésion, les programmes PHARE CBS
concernent la coopération transfrontalière avec les EM et parmi les Etats
candidats. Si jusqu’à présent la coopération transfrontalière était financée
par les programmes Phare nationaux, entre 2004-2006, PHARE CBS va
inclure les frontières extérieures de la Bulgarie et de la Roumanie
3. Dans les NEI, le programme TACIS CBC finance la coopération
transfrontalière en Russie, Belarus, Ukraine et Moldavie.
156
v.
The
Eu’s
relations
with
http://europa.eu.int/comm/external_relations/georgia/intro/ip04_465.htm
Georgia
sur
67
Dans le tableau ci-dessous on a une évidence des aides en faveur de la PEV, y
inclus la coopération transfrontalière.
Les ressources de financement en faveur
Programmes
TACIS158
Phare CBC 159
Cards
Meda
INTERREG ( EU internal Borders)
de la PEV entre 2004-2006 157 :
In million Euros
75
90
45
45
700
Jusqu’en 2007, TACIS va rester l’instrument principal d’assistance pour les pays
partenaires, fournissant les moyens pour la NPV et l’implémentation des Plans
d’Action. Depuis 1991, l’UE a offert assistance de plus d’un milliard d’ euros au
pays du Sud Caucase.
160
En 2003, la Commission a aussi nommé un
Représentant Spécial de l’UE pour le Caucase du Sud161
C’est par ces aides financières que l’UE devient visible dans son voisinage
comme facteur positif de consolidation des frontières et qu’elle pourrait
instrumentaliser l’économique juste en faveur de la démocratisation par exemple.
I. 4. L’élargissement comme vecteur de contagion
sécuritaire
L’élargissement de l’UE se manifeste comme facteur de contagion sécuritaire
dans le voisinage de deux manières. Tout d’abord, tel qu’on l’a déjà remarqué
157
v. les dates in Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy.
Strategy Paper , Brussels, mai 2004, p. 24
158
TACIS a été adopté par la COM en novembre 2003 et inclut les frontières de l’Europe élargie
avec : la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie.
159
Phare CBC a été modifié en octobre 2003 pour inclure les frontières extérieures de la Roumanie
et de la Bulgarie
160
Eu-South Caucasus-Tha Gahrton Report, Speech by The Rt Hon Chris Patten, Brussels, 26
February 2004 sur http://europa.eu.int/comm/external_relations/news/patten/speech04_98.htm
161
v. Eu-South Caucasus-Tha Gahrton Report, Speech by The Rt Hon Chris Patten, Brussels, 26
February 2004 sur http://europa.eu.int/comm/external_relations/news/patten/speech04_98.htm
68
pour les autres cas, l’existence de nouveaux membres de l’UE, va stabiliser
l’espace par leur statut même et polariser ce modèle dans les relations avec les
voisins aussi. D’autre part, par la PEV, qui est l’instrument d’approche de
l’espace de voisinage par la COM. En même temps la COM a lancé en décembre
2003, an European Security Strategy.
Plus haut on a vu, l’importance des aides européennes pour la PEV, mais
surtout
sur la coopération transfrontalière où l’argent va être géré à travers
PHARE CBC, INTEREREG et TACIS pour les NEI et ultérieurement à travers l’
IEV. C’est dans ce sens, qu’usant de son pouvoir « soft », l’UE va
instrumentaliser l’économique afin de consolider le voisinage. Les pays voisins
vont jouer aussi un rôle vital dans la sécurisation du transport de l’énergie et des
ressources de la Caspienne, c’est pourquoi l’UE doit s’impliquer aussi dans le
Caucase. D’autre part si les nouveaux membres vont jouer un rôle de stabilisation
dans le voisinage de l’UE, d’autre part l’élargissement va rapprocher l’UE des
zones conflictuelles et l’UE doit déjà avoir une politique active dans la résolution
des conflits du type gelé. Par exemple la Transnistrie d’autant plus que la
Moldavie va être un voisin direct de l’UE à partir de 2007, et beaucoup des
moldaves roumanophones ont la double citoyenneté,
The European SEcurity Srategy162, l’instrument lancé par la COM dans la
perspective de l’élargissement, identifie cinq « present key threats », à savoir: le
terrorisme,
la prolifération des armes de destruction en masse, les conflits
régionaux, « the state failure » et le crime organisé.
« WE need both to think globally and to act locally », c’est part de
European Security Strategy163. La mondialisation de la violence va de pair avec la
reconsidération conceptuelle de « la sécurité » en Europe et des moyens pour
l’assurer. L’UE a fixé trois objectifs stratégiques dans ce sens : « addressing the
Threats » , « bulding Security in our Neighbourhood », « an international order
based on effective multilateralism ».
Les attentats de Madrid de mai 2004, ont confirmé le fait que l’Europe est
aussi une cible de ce terrorisme, après que la découverte de cellules d’Al-Qaeda
162
A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 december 2003,
p. 3-4.
69
en Allemagne, au Royaume-Uni par exemple, a déjà fait la preuve de l’insertion
de ce phénomène dans l’espace européen.
Si la prolifération des armes de destruction en masse est considérée
comme la menace la plus grave, l’Europe n’en a pas encore été touchée. D’autre
part l’Europe est considérée une cible de premier ordre pour le développement du
crime organisé à l’intérieur même de l’UE avec le penchant externe structuré par
l’immigration illégale, le trafic des drogues qui peut facilement se conjuguer sur
la ligne du terrorisme aussi. 90% de l’héroïne de l’Europe vient des pavots
cultivés en Afghanistan à travers les réseaux des Balkans qui se font responsables
aussi du trafic de 200.000 à 700.000 femmes 164.
C’est pourquoi avec l’élargissement de l’UE, la sécurisation des frontières
de l’UE doit nécessairement se conjuguer avec la « sécurisation » des voisins à
venir de l’UE. Un manque dans ce contexte, pourrait à long terme amener à une
« contagion » conflictuelle aussi, l’effet de «spill-over » pouvant se concrétiser
dans des domaines sécuritaires aussi, à ne pas mentionner le fait que des cas
comme la Transnistrie peuvent devenir le cadre idéal pour le développement du
crime organisé, des paradis fiscaux et encore un « guêpier » potentiel d’un conflit
armé.
D’autant plus que la mondialisation économique s’est accompagnée d’une
mondialisation de la violence aussi où la distance n’est plus un facteur de stabilité
étant diluée par une dynamique nouvelle de la violence : “In an era of
globalization, distant threats may be as much concern as those that are near at
hand. (...) Our traditional concept of self-defence-up to and including the Cold
War-was based on the threat of invasion. With the new threats, the first line of
defence will often be abroad. The new threats are dynamic.”165
Si à présent l’UE n’a pas à faire face à des situations conflictuelles
proprement dites dans son espace de voisinage, il faut pas négliger la situation de
la Transnistrie d’autant plus médiatisée dernièrement à cause du projet de
163
v. A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 December
2003, p. 6.
164
Ibid.
165
v. A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 December
2003, pp. 6-7.
70
fédéralisation. En fait, elle a déjà commencé à s’impliquer avec les moyens dont
elle dispose (« soft ») dans ces régions et elle soutient l’OSCE et les NU dans la
résolution de ce conflit.
I. 5. L’élargissement comme « matrice conceptuelle » d’une
nouvelle politique de voisinage de l’UE
L’élargissement de l’ UE a remis en cause la politique de voisinage de l’UE et
imposé une nouvelle redéfinition ou, du moins, une reconsidération du voisinage
de l’ UE en tant que tel, créant au sein même de la PEV une matrice conceptuelle
pour d’autres instruments financiers ou d’autres accords avec les voisins à venir
de l’UE.
Sous le slogan « a new vision, a new offer », la COM a présenté en mars
2003 sa communication intitulée : L’Europe élargie-Voisinage : Un nouveau
cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud, insistant sur l’objectif
de l’UE de prévenir les possibles effets négatifs ou de division de
l’élargissement : « It repeated the Union’s determination to avoid drawing new
dividing lines in Europe and to promote stability and prosperity, within and
beyond the new borders of the Union” 166
La PEV a pour objectif, tel que rappelé dans Après l’élargissement : la
Commission donne un coup d’accélérateur à la politique européenne de
voisinage 167 de « partager avec les pays limitrophes les avantages de
l’élargissement de l’UE de 2004 -c’est-à-dire la stabilité, la sécurité et la
prospérité- dans des conditions distinctes d’une adhésion à l’UE » En même
temps son objectif va de pair avec l’un des objectifs de la stratégie européenne de
sécurité adoptée par l’UE en décembre 2003 : « contribuer à la sécurité dans notre
voisinage » 168
166
Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern
Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 4
167
sur http://www.europa.eu.int/comm/world/enp/document_en.htm, p. 2.
168
V. A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 December
2003 sur http://europa.eu.int/comm/world/enp/index_en.htm
71
C’est dans cette communication qu’on propose la création d’un nouvel
instrument de voisinage (NIV) et de nouveaux accords de voisinages (NAV).
Ainsi, une autre communication de la COM en juillet 2007 « Paving the way for
a new Neighbourhood Instrument » établit a Wider Europe Task Force and a
Wider Europe Inter-Service Group.
En mai 2004, dans la Communication from the Commission: European
Neighbourhood Policy. Strategy Paper, on propose même une méthode. La
méthode proposée par la Commission: « définir une série de priorités »dans des
plans d’actions arrêtés conjointement selon un principe de différenciation en
fonction de la situation économique de chaque pays :
“define a set of priorities, whose fulfilment will bring them
closer to the European Union. These priorities will be
incorporated in jointly agreed Action Plans, covering a number
of key areas for specific actions: political dialogue and reform;
trade and measures preparing partners for gradually obtaining
a stake in the EU’s internal Market; justice and home affairs;
energy, transport, information society, environment and
research innovation; and social policy and people –to –people
contacts”169
Les Plans d’actions de 3 à 5 ans reposent sur « l’engagement en faveur des
valeurs communes » : les droits de l’homme, les droits des minorités, l’Etat de
droit, la bonne gouvernance, la promotion des relations de bon voisinage et les
principes de l’économie de marché et du développement durable170. Le
management en commun des frontières doit en être une priorité.
La phase finale de cette politique sera, dès que l’objectif des Plans
d’action atteint, la négociation des Accords de Voisinage en remplacement des
instruments bilatéraux existant.
169
Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper ,
Brussels, mai 2004, p. 3.
170
V. Après l’élargissement : la Commission donne un coup d’accélérateur à la politique
européenne de voisinage sur http://www.europa.eu.int/comm/world/enp/document_en.htm
72
A la fin des fins, la question essentielle qui se pose avant tout, devant cette
nouvelle vision de la PEV présentée par l’UE, c’est si ce sera vraiment possible de
stabiliser et consolider le voisinage en dehors de la perspective lointaine d’une
adhésion, condition que les deux communications de la COM portant sur la PEV
accentuent.
Heather Grabbe en parle de “tough love for the new Neighbours –greater
inclusion, but tougher conditionality in requiring countries to uphold democratic
standards before the EU grants benefits to them” 171. Et la question de Lauri Lepik:
“how can the EU turn Russians, Ukrainians and Moldavians into “tough
lovers”?” 172
II. L’élargissement comme vecteur de divergence
dans la Région de la Mer Noire
Si dans la partie précédente on a essayé de souligner les aspects positifs de
l’élargissement, dans cette partie on va se pencher sur les défauts et les effets
négatifs de l’élargissement dans cette région de la mer Noire tout comme sur les
défauts de la nouvelle PEV.
C’est que si l’élargissement de l’UE va avoir un effet positif sur la
consolidation de la région, cela va se passer surtout pour les nouveaux membres,
mais pas tout à fait pour les nouveaux voisins de l’UE. Qu’il s’agit d’une
insuffisance de la PEV, d’un défaut dans l’approche régionale de la RMN, il
semble que l’UE doit encore trouver d’autres moyens pour « avoiding new
dividing lines in Europe » tel que clamé dans la Communication portant sur la
nouvelle politique de voisinage.
Il y a deux sortes de clivages que l’élargissement de l’UE semble opérer,
des clivages entre les PMN par l’approche différenciée surtout au niveau financier
et les clivages provoquée d’une manière indirecte, par l’approche régionale
171
v. Lipek, L., Stability in the Neighbourhood-a Challenges for the New EU and NATO Members,
February 2004 sur www.eurojournal.org
172
Ibid.
73
insuffisante de l’UE, dans le sein de la région même, à savoir entre les PMN
appartenant à la CEMN.
II. I. L’élargissement comme facteur de division entre les
PMN
II. I. 1. Approche différente des PMN :
II. I. 1. 1 Au niveau politique
Tout d’abord ce sont les critères de l’UE qui sont surtout des critères
économiques ou démocratiques qui ont opéré une différenciation entre pays
membres, pays candidats et pays non-candidats, différenciation recelée surtout sur
le plan financier dans les programmes d’assistance accordée par l’UE.
C’est que tel remarqué par d’autres auteurs, si le PpP de l’OTAN avait comme
but justement de diminuer les différences entre les Membres de l’OTAN et les
non-membres, les cadres de coopération offerts par l’UE, concernent surtout la
diminution des disparités entre les membres de l’UE.
Ainsi, tel que exprimé dans la Communication de la COM portant sur la
politique de voisinage, à la différence des relations que l’UE entretient avec
d’autres pays voisins, les Accords de Coopération et de Partenariat avec les PMN
n’offre pas de traitements avantageux : « In contrast to contractual relations with
all the EU’s other neighbouring countries, the Partnership and Cooperation
Agreements (PCAs) in force with Russia, Ukraine and Moldova grant neither
preferential treatment for trade, nor a timetable for regulatory approximation” 173.
Deuxièmement, l’UE accorde des traitements préférentiels aux pays, qui selon
les critères de Copenhague se trouvent au même niveau de développement. C’est
173
Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern
Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 5
74
par exemple le cas de l’Ukraine qui a dû attendre beaucoup plus que la Russie
pour qu’on lui reconnaisse la « vocation européenne ».
Troisièmement, c’est la nature des Common Strategies pour l’Ukraine et la
Russie de l’UE. M. Vahl avait analysé la Stratégie de l’UE pour la Russie et
l’analogue russe de celle-ci, concluant que si la stratégie de l’UE ressemble plutôt
à « a weak derivative of an association agreement, whose objective is for Russia
to converge on EU economic and political norms », la Mid-term Strategy de la
Russie envers l’UE considère l’UE « in geo-political terms as a useful agent for a
multipolar world ».
174
On a déjà insisté sur la nature différente de l’UE et de la
RMN fortement géopolitisée, mais si faiblement économiquement stabilisée.
D’autre part une évaluation du rapport portant sur les Common Strategies
concluait que « they have not been effective, and have become bureaucratic
exercises »175. Donc, au-delà des rapports et toute la panoplie d’accords, les
résultats concrets se laissent tarder.
C’est vrai que la PEV prévoit la création de nouveaux accords de voisinages,
après la mise en place des Plans d’action différenciés selon des pays, mais rien ne
peut garantir qu’on ne va pas changer seulement de nom.
II. I. 1. 2. Au niveau financier :
Bien qu’on parle de la création d’un nouveau instrument de voisinage à partir
de 2006 et de réévaluer les aides financières accordés aux pays voisins, l’état
actuel est plus qu’inquiétant.
Cela dérive aussi de la nature de programmes. Si PHARE, SAPARD et ISPAS
(Roumanie, Bulgarie) concernent aussi les investissements dans les domaines
respectifs, TACIS est seulement un programme d’assistance, mais s’il n’y a pas
de structure pour bien implémenter les aides, les effets ne vont pas apparaître.
Aussi, les pays candidats bénéficient des prêts de la BEI, dont les CEI ne
bénéficient pas, exception faisant la Russie, qui devient l’élément perturbant dans
cette politique « discriminatrice » de l’UE vis-à-vis des autres membres.
174
175
cité par Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 21
cité par Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 21
75
Par exemple si on regarde dans la perspective financière 2000-2006 : les
candidats à l’UE vont recevoir : presque 1200 euro /capita, les pays des Balkans
de l’Ouest : 200 euros/capita, alors que les CEI ne vont recevoir que :
13euro/capita 176. En termes concrets, les pays CEI vont recevoir presque 100 fois
moins que les pays en candidats. La différence est quand même énorme et à long
terme, il peut y avoir des effets pervers.
En plus, il y a la crainte des nouveaux voisins quant aux effets négatifs portés
par l’élargissement sur leur économie. Et bien sûr, c’est la Russie qui en proteste
le plus. Bien qu’après l’élargissement, le commerce entre la Russie et l’UE va
croître de 15% de 36% à 51%, la Russie insiste toujours sur les compensations
commerciales dues aux pertes qu’elle va subir à la suite de l’élargissement du
premier mai 2004 et dont le montant va être, selon ses calculs, entre 250 millions
d’euros et 450 millions d’euros. En plus les arguments des experts russes vont audelà de l’arithmétique : « Russian experts said the question was not about the
arithmetic, but about the chemistry of Russia’s multilateral trade relations with
traditional partners »177.
II. I. 2. L’élargissement et le « nouveau rideau de papier »
« We [Ukrainains], are convinced that visa and other
restrictions should not become an insurmontable obstacle for
free movement of law-abiding citizens of states aspiring for
European integration...There is a real threat that the Iron
Curtain may be replaced by a much more humane but not less
dangerous....Paper Curtain » 178,
C’était le discours du président ukrainien Léonid Kuchma au sommet des
PMN à Yalta, en septembre 1999. Et c’est juste pour souligner la manière
176
Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism, Prêt-àPorter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002 sur www.icbss.gr, p. 15.
177
v. Black Sea Basin Regional Profile., N°21, January-March 2004, p. 7 sur
http://www.isn.ethz.ch/isis/
178
cité par Moroney, J., D., “Ukraine's foreign policy on Europe's periphery. Globalization,
transnationalism, and the frontier” in Ukrainian foreign and security policy: theoretical and
comparative perspectives, Ed. by Jennifer D. P. Moroney ... - Westport/Conn.: Praeger, 2002, p.
57.
76
d’aborder les problèmes de l’élargissement dans le cadre de la CEMN. Dans le
cadre des PMN qu’on traite dans ce papier, c’est seulement la Bulgarie et la
Roumanie qui n’ont pas besoin de visa pour circuler dans l’espace Schengen.
D’autre part, lors du changement du régime de visas pour la Bulgarie
President Stoyanov’s disait : “For Bulgarians the Berlin Wall has collapsed
today” 179. C’est peut-être dans ce contexte, que les nouveaux membres à venir de
l’UE devront être les avocats de leurs voisins dans le futur.
Bien sûr, on ne peut pas contester la sécurisation de l’espace Schengen
contre les drogues, l’immigration illégale ou les trafics, mais il faut faire la
différence entre des mouvements/ phénomènes flous, diffus qui relèvent plus ou
moins- à un degré inférieur bien sûr- de la même catégorie que le terrorisme, et les
pays en tant que tels, en tant qu’entités politiques qui désirent leur intégration
dans l’Europe.
C’est pourquoi, l’UE devrait réévaluer sa politique dans ce sens et
apprendre aussi de cet élargissement qu’on défendait aussi par des formules du
genre : « c’est mieux de les avoir dedans que dehors » car c’est plus facile de
guérir si on connaît le problème que l’écarter à la périphérie, dans l’espérance
qu’il disparaître de lui-même.
Or, les citoyens des pays visés doivent trouver d’autres moyens pour ce
débrouiller. C’est dans ce contexte, par exemple, que la citoyenneté roumaine est
devenue attractive pour le Moldaves, comme passeport pour l’Europe. Or, l’UE,
doit bien considérer, qu’une fois avec l’adhésion de la Roumanie à l’UE, il y aura
en même temps une grande partie de moldaves romanophones ayant acquis la
citoyenneté roumaine qui vont entrer dans l’UE.
Le problème qui s’est posé, c’est qu’avec l’introduction du nouveau
régime, les pays visés ont dû à leur tour imposer des visas aux voisins qui avaient
un régime sans visa. Le 12 décembre 2000 par exemple, la Bulgarie a changé sa
politique de 1978 envers les Russes de régime sans visa. 180 Cette décision fut
suivie par une décision similaire de la part de Moscou. L’effet concret dans le
court terme fut la baisse dramatique des touristes russes en Bulgarie avec les
179
Cité par 179 Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration, pp. 19-20.
180
v. Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration pp. 19-20
77
conséquences économiques implicites. Et il y en a encore d’autres exemples dans
ce sens. Or, malgré les effets positifs pour les « insiders », il y a quand même des
tensions issues entre des voisins « in » or « out ».
A la fin des fins, en ce qui concerne le régime des visas, les nouveaux
voisins ont en déjà fait une « carrotte »181 potentielle pour se plier à la « stick and
carrot policy » de l’UE. Et l’UE devrait peut-être considérer cet élément dans la
« stratégie de séduction » de ses voisins. Parce que, tel qu’on disait même par
rapport à l’élargissement : « it’s better to have them inside, than outisde », parceque c’est contrôlable, or une exclusion peut avoir à long terme des effets
incontrôlables.
II. I. 3. L’élargissement contre la restructuration « informelle »
Les vrais problèmes vont émerger avec l’élargissement effectif de l’UE
dans la RMN. Plus haut, on a donné des chiffres considérant le PIB corrigé, à
savoir le PIB prenant en considération le profit de ce qu’on appelle «l’économie
informelle ». Or si on regarde l’annexe 6, on peut voir l’importance de l’économie
informelle dans la « transition » de ces pays, économies informelles, que tel que
l’indique l’étude du TAD ont sérieusement tempéré l’effondrement des économies
de transition. Une estimation du PIB informel en 1999, par exemple, donnait 30 %
du PIB officiel des PMN.
182
On peut aussi se demander si on prend aussi en
compte les profits de l’économie de migration que ce soit « officielle » ou « au
noir ». On fait référence surtout au travailleurs de ces PMN dans des pays de
l’UE : Allemagne, Espagne, Italie, etc.
Or, afin de pouvoir estimer les effets de l’élargissement, on peut juste
regarder dans le Tableau ci-dessous sur les Ecarts entre les PIB corrigés et les
PIB pour chacun des PMN en 1999183 :
181
v. Lipek, L., Stability in the Neighbourhood-a Challenege for the New Eu and NATO Members,
February 2004 sur www.eurojournal.org, p. 4.
182
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire, p.44.
78
Ce qu’on remarque à première vue, c’est bien sûr, écart zéro, la Grèce, la
seule des PMN de la CEMN qui était déjà membre de l’UE en 1999. Or, la
question qui se pose, c’est justement qu’est-ce qui va se passer après
l’élargissement de l’UE, et qu’est-ce qui va encore servir de «matelas » aux
économies en « transitions » et d’autre part bien sûr, l’effet sûr les pays voisins
qui servaient de partenaires dans cette économie informelle. Afin de mieux
comprendre le fonctionnement, une explication sur l’économie informelle
s’impose à ce moment.
Deux des formes les plus populaires de l’économie informelle sont : le
travail au noir causé par les rémunérations faibles du secteur public qui incitent à
un double emploi. Une deuxième forme de l’économie informelle se conjugue sur
des axes différents autour des échanges commerciaux illégaux, de la
« contrebande ».
Le penchant légal de la contrebande, « le trabendisme » avec ses
correspondants (russe : « tchelnokisme », anglo-saxon : « shuttle » ou « navette » ;
turc : « le commerce de valise ») se définit par l’autorisation d’acquérir des biens
à l’étranger pour les revendre de retour dans le pays d’origine. En principe, ce
183
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire, p. 45
79
réseau s’articule sur un axe sud nord, à savoir les « pays récepteurs » sont les expays socialistes qui s’approvisionnent des pays « méditerranéens » désignés
comme « pays émetteurs» dont le meilleur exemple est la Turquie 184.
Or avec l’élargissement, l’économie informelle, « parallèle » ou « grise »
va tomber de soi. Déjà dans le tableau ci-dessus, on a vu, la situation de la Grèce.
Si l’économie parallèle empêche la stabilisation macro-économique du pays avec
tous ses effets secondaires liés surtout au développement d’une société «
mafieuse », l’UE doit tout d’abord penser à une solution pour réintégrer
l’économie informelle et contrecarrer l’économie mafieuse déjà à travers ses
programmes d’assistance et de coopération185.
II. I. 4. Les « défauts » de la nouvelle politique européenne de
voisinage
Si le but de la communication de la Commission sur la PEV186, tel que défini
dans le document est de «consider how to strengthen the framework for the
Union’s relations with those neighbouring countries that do not currently have the
perspective of membership of the EU” and tel que cité plus haut de “avoid new
driving lines in Europe”, la note de sous-sol ajoutée dans la communication à la
citation précédente ne fait que justement créer avant la lettre une ligne de division
puisque : « Given their location, the Southern Caucasus therefore also fall outside
the geographical scope of this Initiative for the time being ».
Bien qu’il y ait cette délimitation temporelle : « for the time being », comment
interpréter déjà le fait que des pays qui font déjà partie du Conseil de l’Europe
(Géorgie), ne se retrouvent pas dans cette initiative de voisinage, alors que des
pays comme « Lybie », « Tunisie » ou « Maroc » se retrouvent dans ce papier.
sur http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/noire/rapport.pdf
184
Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noirepp.
47-48
185
V. Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire p.
48
186
Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern
Neighbours, p. 4.
80
Serait-ce parce que la Commission privilégie ses liens avec la Russie, les NEI,
mais seulement de l’Ouest ou avec le Pacte de la Méditerranée.
Ou bien, disons que l’UE n’a pas un cadre de dialogue multilatéral dans cette
région de l’Europe. Qu’en faire avec la CEMN. Ne pourrait-elle fournir justement
ce cadre ? C’est la paradoxe de ce papier qui par son contenu même crée dès le
début les « lignes » de division, qui se retrouvent dans le domaine à éviter.
Dans « Strategy Paper 187” concernant la PEV de mai 2004, la Commission
définit encore une fois l’aire d’application de cette politique dont : la Russie,
l’Ukraine et la Moldavie. Quant aux pays du Caucase du Sud, ils se retrouvent
seulement dans des recommandations concernant l’inclusion de pays du Caucase
du Sud dans la PEV. D’où on peut penser à un certain « malaise « de l’UE à
traiter « cette zone ».
II. II. L’élargissement comme facteur de divergence intrarégional ( CEMN)
II. II. 1. Refus d’institutionnalisation de la relation : UE- CEMN
Généralement l’UE préfère avoir á faire à des régions qu’à des pays. C’est
le cas du Pacte méditerranéen. Paradoxalement, cela semble fonctionner
seulement longitudinal au Nord et au Sud. Ou bien, l’Est semble en être
handicapé, vu le fait que l’UE, ne veut pas encourager, institutionnaliser le lien
avec la CEMN.
Si dans la première partie de cette section, on a souligné les défauts de
l’approche régionale dans les PMN qui se trouvent quand même seuls à être
« privilégies » d’une approche régionale englobante, puisque la Russie est le seul
voisin de l’est qui fait partie d’une dimension régionale, à savoir la dimension
nordique. Or, dans ce contexte, les risques sont d’autant plus grands pour
187
Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper,
Brussels, 05.2004.
81
accentuer la vision d’une « discrimination » visible de la part de l’UE dans cette
partie de l’Europe qui devrait justement jouir d’un traitement différent à l’heure
de l’élargissement de l’UE.
Même si la CEMN est mentionnée dans la Strategy Paper de la PEV : «
The Council of Europe, the Baltic SEa Council, the Central European Initiative (
CEI), the Black Sea Economic Cooperation (BSEC) and the Stability Pact have an
important part to play, together with Euroregions and cross-border cooperation
at local level », l’UE avait quand même refusé de considérer la possibilité
d’institutionnaliser la relation avec la CEMN en juin 2003 au Conseil européen de
Thessaloniki. A ne plus parler du fait qu’elle n’est même pas mentionnée dans la
communication antérieure de la COM portant sur la PEV de mars 2003 où on
mentionnait la dimension nordique de l’UE comme « the only regional
framework in which the Eu participates with its Eastern partners to address transnational and cross-border issues. But participation is restricted to Russia »et aussi
comme un possible modèle de gérer l’approche régionale du voisinage. 188
Si on prend l’argument que la CEMN, n’est pas du tout une initiative de
l’UE comme motivation de la “discrimination” dont elle est sujette dans
l’approche régionale de l’UE, la communication de la COM en dit le contraire : «
The European Union is not seeking to establish new bodies or organisations, but
rather to support existing entities and encourage their further development ; the
importance of local ownership is one of the most important lessons that can be
drawn from the Northern Dimension » qui est quand même, à la différence de la
CEMN, une initiative de l’UE.
Cependant, si on prend le modèle de Northern Dimension189, dans le cas
où l’UE le préfère à des organisations du type CEMN, est-ce qu’il est applicable à
la RMN ?
The Northern Dimension lancée en 1997 dont l’un des objectifs était :
« addressing the problems related to uneven regional development and avoiding
188
Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider
Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern
Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 8.
189
La différence entre dimension et organisation réside dans la base légale et le budget, la
dimension étant « far more fluid in its nature, and allows for different sectors of policy to come
and go on the agenda of foreign ministers » v. in Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea
Dimension, p.18.
82
the emergence of new dividing lines as new countries join the Union » 190 s’est
rendue utile ultérieurement dans la relation entre l’UE et la Russie
M. Vahl analyse la viabilité du modèle de Northern Dimension pour un
éventuel cadre de coopération entre l’UE et la CEMN, en identifiant les pros et les
cons d’une telle approche. Ainsi, il identifie les points communs : la même
configuration géographique de la Mer Noire et la Mer Baltique sont des mers
demi-fermées, les deux structures (CEMN, ND) se concentrent sur les mêmes
questions : économiques, « soft sécurité », « low-politics cooperation », et ont le
même nombre de Membres (11) allant de membres entiers de l’UE aux candidats
et non-candidats de l’UE. Mais l’auteur insiste surtout sur les différences
politiques et géopolitiques relevant tout d’abord de la composition de ces deux
organisations : la première ayant quatre membres ( Denmark, la Finnlande,
l’Allemagne et la Suède) de l’UE, tandis que la deuxième n’en a qu’un. (la
Grèce). Deuxièmement, c’est le rôle de la COM au sein de ces organisations, dans
la première étant membre, alors que dans la deuxième n’ayant qu’un statut
d’observateur. A ne plus mentionner les « conflits gelés » de la région de la Mer
Noire qui n’ont pas de correspondant dans l’autre dimension. 191
Le vrai problème qui se pose, c’est le cadre de coopération, la CEMN en
tant qu’organisation avec une base légale étant plus rigide et plus contraignante
que le modèle de dimension. Cependant la situation de la RMN est aussi d’autant
plus compliquée par sa hybridité et demande une approche différente et l’UE
devrait concevoir le régionalisme d’une toute autre manière : « The EU might take
up a more visionary view of the new euro-regionalism (...) where the Black Sea
Region remains the missing piece”192
190
Citation in Vahl, Marius, ‘A Northern Dimension Model for Relations between the EU and Its
"Near Abroad" ’, Brussels, May 2001.
sur http://www.bd.lst.se/dimensionen/rapport/21.pdf, p. 2.
191
v. Vahl, Marius, ‘A Northern Dimension Model for Relations between the EU and Its "Near
Abroad"’, Brussels, May 2001, p. 9.
192
v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism,
Prêt-à-Porter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002, p. 9.
83
II. II. 2. Négligence de la structure et les potentialités de la
CEMN
Si l’UE refuse l’institutionnalisation de la relation avec la CEMN, c’est
une chose, mais elle ne devrait pas négliger les potentialités de la CEMN
puisqu’elle offre ce que M. Emerson et M. Vahl ont appellé « a prêt-à-porter set
of institutional structures », en invoquant ce que les mêmes auteurs ont appellé « a
not-invented in Brussels reason » 193
M. Emerson et M. Vahl soulignent huit arguments qui appuient l’intérêt
stratégique de l’UE dans la région, dont cinq méritent d’être mentionnés :
1. l’entrée de l’UE dans la région de la Mer Noire
2. atténuer un possible effet d’exclusion pour les voisins à venir de l’UE ;
intérêt dans le « nouveau régionalisme européen » allant transgresser les
frontières de l’UE
3. l’intérêt énergétique de l’UE, pour les ressources de la Caspienne, et la
mer Noire comme zone de transition.
4. une politique cohérente de l’environnement en Mer Noire en connexion
avec le Danube
5. EU doit s’intéresser à la résolution des conflits du Caucase et de la
Transnistrie et la CEMN peut fournir un cadre de dialogue dans ce sens.194
D’un autre point de vue, l’UE ne devrait pas négliger la CEMN d’autant plus
que la Grèce, membre de l’UE et de la CEMN pourrait assurer le leadership et
jouer comme intermédiaire dans les relations entre l’UE et la CEMN et un rôle
plus actif dans la consolidation de l’espace de voisinage.
Mais ce qui contribue encore plus à l’affaiblissement de la CEMN, c’est le fait
que l’UE développe d’autres arrangement régionaux ou des programmes, sans se
servir des structures déjà existantes de la CEMN, mais préférant s’en forger de
193
v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism,
Prêt-à-Porter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002 sur www.icbss.gr, p. 3.
194
Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism, Prêt-àPorter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002 sur www.icbss.gr, p. 16
84
nouvelles et que surtout elle ne préfère pas avoir à faire avec la CEMN dans des
domaines clés comme l’énergie, les transports, et l’environnement. C’est ainsi que
parfois il y a le même domaine est couvert par deux ou trois « arrangements » ou
programmes ou bien organisation.
Parmi ces autres cadres de coopération appuyés par l’UE en dehors de la
CEMN on peut rappeler :
•
En 1993, a Black Sea Environnemental Programme (BSEP) a été appuyé
par Global Enavironnemnt Facility (GEF) des NU et l’UE.
•
TRACECA lancé en 1993 par l’UE et les 5 pays de l’Asie Centrale et du
Caucase du Sud dont l’objectif est de lier l’Asie Centrale à l’Europe à
travers la Caspienne, le Caucase et la mer Noire. En 1998, un accord
multilatéral a été signé par 12 pays de l’Asie Centrale jusqu’EN Europe de
l’Est dont tous les pays de la CEMN, exception faisant : l’Albanie, la
Grèce et la Russie.
•
INOGATE ( The Interstate Oil and Gas Transport to Europe) initié en
1995 par l’UE , a permis la participation des pays non-inclus dans TACIS.
Contient 21 pays dont tous les pays CEMN. 195
Que ce soit pour l’amour du bilatéral et de l’hybridité ou même pour l’amour
de la « bureaucratie » découlant des aides et organisations couvrant trois ou quatre
à la fois le même domaine de coopération, il est clair qu’au nom de la nouvelle
politique de voisinage, l’UE ne devrait surtout pas négliger les potentialités de ce
régionalisme « prêt-à-porter ».
195
v. aussi Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism,
Prêt-à-Porter, pp. 6-7.
85
Conclusion
Ce qu’on s’est proposé dans ce travail, c’était tout d’abord de donner une
prise de vue de l’hybridité de la Région de la Mer Noire et ensuite de ce que le
clash entre l’élargissement de l’UE et cette région peut donner en termes
économiques, sécuritaires et géopolitiques.
On a essayé de percevoir la logique de fonctionnement de l’ensemble de la
mer Noire afin de comprendre les effets positifs et négatifs non-négligeables de
l’élargissement de l’UE dans cette région et en même temps sa résistance aux
transformations imposées par ce processus d’intégration dont la nature
principalement économique va contre la haute concentration de géopolitique de
cette région.
C’est que paradoxalement, l’intérêt géopolitique pour cette région découle
de son positionnement par rapport au « gâteau pétrolier » de la Caspienne, en tant
que zone de transition, mais aussi de sa nouvelle reconfiguration sécuritaire après
le onze septembre qui l’a rendue utile en tant qu’espace de projection, par
exemple des Etats-Unis, en Afghanistan.
Le danger, c’est que les pays instrumentalisés dans ce jeu global, se
trouvent parfois entraînés dans des combinaisons qui ne sont pas les plus
favorables pour leur développement économique, qui dans la région de la mer
Noire est assez précaire. La position des candidats sur la guerre en Iraq en a été
une preuve, dans ce sens, car si la défense européenne fait défaut à l’UE, l’OTAN
aussi semble plutôt une « structure sans alliance » instrumentalisée par les EtatsUnis.
D’autre part, l’UE doit justement réévaluer son approche régionale dans
cette partie du monde pour achever sa série d’initiatives régionales dans d’autres
parties de l’Europe en créant une dimension mer Noire de l’UE, tirant aussi profit
des capacités et potentialités de la CEMN qui se trouve fragmentée par trop
d’intentions de coopération, mais non pas dans des domaines-clé comme les
transports, l’énergie et l’environnement. Par ailleurs, la CEMN doit essayer
d’avoir vraiment un mot à dire et de s’impliquer dans des domaines plus
importantes pour se rendre sinon indispensable, du moins utile.
86
L’UE devrait, par contre, surtout suivre la politique promue par la
nouvelle politique européenne de voisinage « to avoid new divisions in Europe »
et privilégier les coopérations déjà existantes dans cette région est, avant tout, ne
pas invoquer ce que M. Emerson a appelée « a not-invented in Brussels reason »
pour ignorer ce régionalisme « prêt-à-porter » qui exige une nouvelle vision et
approche du régionalisme européen.
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12 December 2003 sur http://europa.eu.int/comm/world/enp/index_en.htm
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NationalSecurity
and
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http://www.isn.ethz.ch/isis/
International Center for Black Sea Studies ( ICBSS)
http://www.icbss.gr
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http://www.niss.gov.ua/book/engl/index.htm
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http://www.pabsec.org
Scoala
de
geopolitica
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http://www.e-
scoala.ro/geopolitica/scromana.html
Site moldave :
www.eurojournal.org
Stratégie :
www.stratisc.org
7. Cd-Roms :
1. Le monde diplomatique, 2001.
2. Encyclopaedia Universalis 8, 2002.
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Sigles
ACELE: Accord Centre européen de libre échange
BlackSeaFor: The Black Sea Naval Cooperation Task Group
BSEC: Black Sea Economic Cooperation
BSTDB: Black Sea Trade and Development Bank
CEMN: Coopération économique de la mer Noire
CEI: Communauté des Etats Indépendants
CIS: Community of Independent States
COM: Commission Européenne
EM: Etats Membres
ENP: European Neighbourhood Policy
GUUAM: Géorgie, Ukraine, Uzbekistan, Azerbaïdjan, Moldavie
ICBSS: International Center for Black Sea Studies
INOGATE: The Interstate Oil and Gas Transport to Europe
ISPA: Instrument for Structural Policies for Pre-Accession
IEV : Instrument européen de voisinage
NAV : Nouveaux Accords de Voisinage
NPV : Nouvelle Politique de Voisinage
OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique du Nord
PABSEC: Parliamentary Assembly of the Black Sea Economic Cooperation
PEV : Politique Européenne de Voisinage
PECO : Pays de l’Europe Centrale et Orientale
PMN : Pays de la mer Noire
PpP : Partenariat pour la Paix
RMN : Région de la Mer Noire
OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
SAPARD: Special Accession Programme for Agriculture and Rural Development
TRACECA : Transport Corridor Europe-Caucasus-Asia
UE : Union Européenne
UEO : Union de l’Europe occidentale
ZCEMN : Zone de la Coopération économique de la mer Noire
100
Annexe 1 : Les projets de gazoducs et oléoducs en Mer Noire
Source : Le Monde diplomatique cité in Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire, Paris,
TAD, 2001, p. 103 sur http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/noire/rapport.pdf
101
Annexe 2. Le Heartland et le Rimland
Source : Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea in
Sheehan, M. (ed.) Security Dynamics of the Black Sea Region: Greek Geo-Political
Perspectives, p. 29 sur http://da.mod.uk/CSRC/Home/SpecialStudies/S43/S43.pt1
102
Annexe 3 : Participation des PMN dans des organisations internationales,
régionales et sub-régionales196
Pays
International
Régional/Sub-régional
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OTA Conseil CEM C
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X
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_
_
X
X
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X
X
_
X
X
_
196
Source: Gustavsson. M. Coskun. B. B. Black Sea as Boundary or Bridge? Implications of EU and
Nato Enlargement, and the Regional Security Seminar Report
http://www.sipri.se/BlackSeaPaper2.pdf, p. 19, sauf les dates pour le Traité de Tachkent
103
APC : Accord de Partenariat et Coopération
CEI : Communauté des Etats Indépendants
CPEA : Conseil du Partenariat Euro-Atlantique
COR : Conseil Otan-Russie
GUUAM : Géorgie, Ukraine, Usbekistan, Azerbaïdjan, Moldavie
OTAN : Organisation du Traité de l’Atalntique du Nord
PpP : Partenariat pour la Paix
UE : Union Européenne
ICEE : Initiative de coopération pour l’Europe de l’Est.
104
Annexe 4 : Situation de la transition dans les PECO, les Etats Baltes et les Etats de la
CEI
105
Source : Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de
la
Mer
Noire,
Paris,
TAD,
2001,
p.
56
sur
http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/noire/rapport.
pdf
Annexe 5 : Evolution des revenus par habitant
Source : Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de
la Mer Noire, Paris, TAD, 2001, p. 33 sur
http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/noire/rapport.
pdf
106

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