Master Thesis - Institut Européen European Institute
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Centre International de Formation Européenne INSTITUT EUROPEEN DES HAUTES ETUDES INTERNATIONALES Diplôme des Hautes Etudes Européennes et Internationales LA REGION DE LA MER NOIRE DANS LE CONTEXTE DE L’ELARGISSEMENT DE L’UNION EUROPEENNE Mémoire présenté par Cristina Corduban Directeur de recherche M. Claude Nigoul, Directeur de l’I. E. H. E. I., Secrétaire général de l’Académie de la Paix et de la Sécurité Internationale Nice, Mai 2004 1 Remerciements Je voudrais remercier mon directeur de recherche, Monsieur Claude Nigoul, tout d’abord d’avoir proposé un sujet portant sur cette région « hybride », dont la recherche m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. Deuxièmement, je voudrais lui remercier pour les conseils et le rôle de « catalyseur » qu’il a joué au début du cheminement de ma pensée sur ce sujet. Ensuite, je tiens à remercier d’autres personnes qui, d’une manière ou d’une autre, avec des conseils et des références m’ont aidée dans la rédaction de ce mémoire, à savoir : Mme Maria Paula Ferrari, assistante à l’IEHEI Mr. Catalin Ciora Mr. Victor Dediu Mme Valérie Charpentier 2 Table des matières : En guise d’Avant-propos _____________________________________________5 Introduction _______________________________________________________6 Première partie: La configuration de la « Région Mer Noire » ______________8 I. Configuration spatio-temporelle de la région de la mer Noire _____________9 I. 1 Configuration historique de la mer Noire ____________________________9 I. 1. 1. « Etymologie » de la mer Noire _________________________________________ 9 I. 1. 2. Histoire « existentielle » de la mer Noire _________________________________ 10 I. 2. Configuration géographique de la mer Noire : _______________________11 II. La configuration « géopolitique » de la Région de la mer Noire_________13 II. 1. Mise en contexte ______________________________________________15 II. 2. L’ordre global : ______________________________________________17 II. 2. 1. Identification des acteurs : ___________________________________ 17 II. 2. 3. Eléments de la « réactivation de l’ensemble géopolitique » de la RMN dans l’ordre global ___________________________________________________ 19 II. 2. 4. Les acteurs géopolitiques de l’ordre global________________________ 20 II. 2. 4. 1. Les Etats-Unis ___________________________________________ 20 II. 2. 4. 2. La Russie ou « l’homme malade de l’Europe » du XXIème siècle _____ 25 II. 2. 4. 3. L’Union européenne ______________________________________ 29 II.3. L’ordre régional ______________________________________________31 II. 3. 1. L’ordre régional de premier degré ______________________________ 33 II. 3. 1. 1. La Russie ______________________________________________ 33 II. 3. 1. 2 La Turquie ______________________________________________ 36 II. 3. 1. 3. « l’Ukraine : un carrefour stratégique » ________________________ 37 II. 3. 2. L’ordre régional de deuxième degré_____________________________ 39 II. 3. 2. 1. Le couple Roumanie -Bulgarie : ______________________________ 39 II. 3. 2. 2. Le couple Géorgie-Moldavie ________________________________ 41 III. La configuration « organisationelle » de la région de la mer Noire _____43 III. 1. Configuration multilatérale de la mer Noire : ______________________44 III. 1. 1. Configuration multilatérale intra-régionale : CEMN ________________ 44 III. 1. 2. Configuration multilatérale trans-régionale CEI et GUUAM. _________ 46 III. 2. L’UE comme vecteur de configuration « structurelle » de la mer Noire _ 48 III. 2. 1. L’UE et la configuration bilatérale avec les PMN __________________ 48 III.2. 2. L’UE et la configuration multilatérale de la région (CEMN)___________ 50 Deuxième partie: L’Impact de l’élargissement de l’UE sur la Région de la Mer Noire ____________________________________________________________53 I. L’Elargissement de l’UE comme vecteur de convergence de la Region de la Mer Noire : _______________________________________________________54 I. 1. L’élargissement comme vecteur/stimulateur de convergence régionale____ 56 I. 1. 1. Mécanisme de la convergence régionale __________________________ 56 I. 1. 2. CEMN ___________________________________________________ 58 I. 2. L’élargissement comme facteur de démocratisation de la Région de la Mer Noire ___________________________________________________________61 3 I. 3. L’élargissement comme stabilisateur économique de la Région de la Mer Noire ___________________________________________________________64 I. 4. L’élargissement comme vecteur de contagion sécuritaire_______________68 I. 5. L’élargissement comme « matrice conceptuelle » d’une nouvelle politique de voisinage de l’UE _________________________________________________71 II. L’élargissement comme vecteur de divergence dans la Région de la Mer Noire ____________________________________________________________73 II. I. L’élargissement comme facteur de division entre les PMN _____________74 II. I. 1. Approche différente des PMN : ________________________________ 74 II. I. 1. 1 Au niveau politique________________________________________ 74 II. I. 1. 2. Au niveau financier : ______________________________________ 75 II. I. 2. L’élargissement et le « nouveau rideau de papier » _________________ 76 II. I. 3. L’élargissement contre la restructuration « informelle » ______________ 78 II. I. 4. Les « défauts » de la nouvelle politique européenne de voisinage_______ 80 II. II. L’élargissement comme facteur de divergence intra-régional ( CEMN) __ 81 II. II. 1. Refus d’institutionnalisation de la relation : UE- CEMN ____________________ 81 II. II. 2. Négligence de la structure et les potentialités de la CEMN__________________ 84 Conclusion 85 Bibliographie et Sources ___________________________________________88 Sigles Annexes 4 En guise d’Avant-propos « Car je suis sûr que le Turc va venir à nouveau contre moi, cet été, pour mes deux endroits, Kilija et Monchastro [(Akkerman) à l’embouchure du Dniestr] , qui le fâchent beaucoup.( ....). Et Votre Majesté peut penser que ces deux lieux font toute la Moldavie, et la Moldavie avec ces deux lieux est un mûr pour le pays hongrois et polonais. Hors cela, je dis encore plus, que si on va garder ces forteresses, les Turcs vont perdre et la CAFFA et la Crimée » ( n. trad.)1 L’ambassadeur d’Etienne le Grand devant le Sénat de Venise, 1478 « je ne cherche pas de la terre, mais de l’eau »2(n. trad.) Pierre le Grand « Qui domine la Crimée, domine la mer Noire »3(n. trad.) Ion Bratianu, 1941 « Des deux Etats roumains [ Les Voïvodats du Pays Roumain et de la Moldavie], la Moldavie semble être une résultante naturelle et logique des voies de communications qui se dirigeaient des marchés polonais et de l’Europe centrale vers la Mer Noire. La sécurité du trafic du XIVème siècle exigeait la présence d’une organisation politique et d’une autorité rigoureuse, à même d’arrêter l’action des Nomades des steppes voisines ; on peut dire, qu’ici, grâce à une conjoncture politique déterminante, les croisades des monarchies chrétiennes contre l’Empire islamisé de la Horde d’Or, c’est en fait la route qui a créé l’Etat »4( n. trad.) Ion Bratianu “The Cat [ Russia/EU] only grinned when it saw Alice [EU/Russia]. It looked goodnatured, she thought: still it had very long claws and a great many teeth, so she thought it ought to be treated with respect.” 5 Alice in Wonderland, Lewis Carroll 1 Citation in Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, Bucuresti, Polirom, 1999, p. 99 2 citation in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.e-scoala.ro/geopolitica/scromana.html 3 I. Bratianu en paraphrasant Mackinder, cité in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html 4 in Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 99. 5 Introduction Ce qu’on se propose dans ce travail, c’est de donner une image, une prise de vue instantanée de ce que l’élargissement de l’UE de 2007 précédé par celui de 2005 peut signifier pour cet hybride qui est l’ensemble de la région de la mer Noire et surtout ce que la collision entre ces deux « ensembles » différents pourrait donner. C’est qu’on a affaire à une région de la mer Noire fortement « géopolitisée » qui va être affectée par l’élargissement de l’UE, surtout celui de 2007, de plusieurs manières, à plusieurs niveaux, d’autant plus que l’UE fonctionne selon des mécanismes tout à fait différents, puisqu’elle repose principalement sur un processus d’intégration économique, qui a eu peu à voir avec les controverses géopolitiques dont la région de la mer Noire est fortement imprégnée. D’où la difficulté rencontrée dans l’approche de ce sujet. Aussi ce travail ne se veut-il pas du tout exhaustif. Cependant, vu l’hétérogénéité du sujet abordé, on doit se contenter d’une approche, par moments, hybride aussi qui peut rappeler en quelque sorte la pensée- rhizome de Deleuze où les parties du même rhizome communiquent entre elles à des niveaux différents dans une multiplicité de relations. De même, dans ce travail, on va avoir des moments où l’interaction va se faire entre les deux « ensembles » seulement dans certains points où les parties « terminales » s’entrecroisent. Dans une première partie, on va essayer de « con-figurer » la région de la mer Noire à trois niveaux différents : spatio-temporel, géopolitique et structurel, pour avoir une prise de vue de ce que l’ensemble région de la mer Noire veut dire avant l’élargissement de l’Union Européenne. Si on va cependant insister sur l’aspect spatio-temporel, c’est que tel qu’on va le prouver la problématique actuelle remonte dans le passé. A ne plus parler de la pos ition géographique qui détermine les politiques des Etats riverains. La composante géopolitique essaie d’expliquer le fonctionnement de cet 5 Métaphore de David Gowan pour expliquer les relations entre l’UE et la Russie : « Russia and EU are both inclined to regard each other as the Cheshire Cat » v. in Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2001, p. 21 6 « ensemble » avec ses petites « arrière-pensées » qui va se prouver agençant de cadres de coopérations différents que ce soit à un niveau régional et multilatéral ou bien intra-régional et inter-régional, mais aussi d’y repérer la place de l’Union Européenne. Dans la deuxième partie, par contre, on va se pencher sur l’impact que l’élargissement de l’UE va avoir concrètement sur cette région, à savoir de quelle manière il va influer sur cette région en tant que facteur de divergence (que ce soit entre les PMN ou régionalement, au niveau politique ou financier) ou de convergence (que ce soit au niveau de la coopération régionale ou dans le sens d’une stabilisation économique, sécuritaire et démocratique des PMN), tout en essayant d’analyser les effets négatifs et positifs de ces convergences ou divisions. 7 Première partie: La configuration de la « Région Mer Noire » “The Black Sea has a personality, which is not caught by some adjective like “unpredictable” or phrase like “friendly to strangers” and which because it is not made up of traits or epithets but of the interplay of circumstances-cannot be described in detail at all. « This is not just a place but a pattern of relationships which could not have been the same in any other place »”6 « Pattern of relationships ». C’est ainsi que ’l un des historiens les plus fameux de la mer Noire essaie de saisir « la personnalité » de cette mer, qui par sa nature hybride, sa diversité et synergie «organisationnelle » fait la difficulté de tout essai de définition, le nôtre y inclus. Définir la « région de la Mer Noire », c’est plus que difficile puisqu’il y en a plusieurs variantes, selon le point de vue adopté. Que ce soit «une entité géopolitique concrète, réelle ou léguée par l’Histoire », dotée d’ »une identité et d’une unité », « un processus en pleine évolution » ou bien une « sous-région » ou « un réseau de liens bi, tri-, ou multilatéraux » 7, il est certes que le définition de la région de la Mer Noire relève plutôt d’un paradigme. Dans ce travail, vu les limites de ce papier qui ne se veut pas du tout exhaustif, on va considérer comme région de la Mer Noire la démarcation la plus simple possible, à savoir les pays qui sont délimités d’une manière ou d’une autre géographiquement, par la mer Noire. Aussi ce papier va-t-il considérer les six pays littoraux : Bulgarie, Turquie, Géorgie, Russie, Ukraine et Roumanie Néanmoins, dans les parties concernant la CEMN, on va prendre, en considération la Grèce aussi, si c’est le cas, vu son rôle à part- par sa qualité de 6 Ascherson cité in History http://www.geocities.com/bsenv/history.html of the Black Sea Region sur 8 membre entier de l’UE et de la CEMN à la fois. De même, dans les annexes et tableaux qu’on va présenter, on va avoir tous les pays de la CEMN qui, le plus souvent, se confondent avec la région de la mer Noire. C’est justement pour saisir le caractère complexe de cette région qu’on a choisi le terme de con-figuration comme mode de structuration de cette première partie, vu comme un agencement de « figurations » différentes dont la plus concrète (le nom) fait justement référence à la difficulté de donner une définition de la région de la Mer Noire. En fait la configuration de la Région de la mer Noire va s’opérer au fur et à mesure qu’on va configurer cet espace étymologiquement, géographiquement, géopolit iquement ou organisationellement. I. Configuration spatio-temporelle de la région de la mer Noire I. 1 Configuration historique de la mer Noire I. 1. 1. « Etymologie » de la mer Noire Si on se glisse pour analyser l’étymologie « existentielle » de la Mer Noire, on peut voir déjà que la nature même du nom semble s’être articulée selon l’histoire. D’une qualification qualitative en antiquité « Pontus Euxin » (inhospitalier) à une désignation chromatique, la Mer Noire a connu quelques tournures onomastiques modelées par le passage des populations migrantes sur ses bords. I. Bratianu, analyse très bien l’évolution onomastique de la Mer Noire. Si « euxin » ( euxeinos) signifiait « hospitalier », il ne faisait en fait qu’être précédé par une désignation contraire attribuée par les navigateurs grecs : « axeinos » ( la mer hostile, inhospitalière) à cause des orages inattendues. Un autre terme de la langue iranienne se retrouve dans le sens moderne : « Akhshaena » ( foncé, obcur).Les Romans n’ont fait que laisser leur empreinte dans ce sens par le « pontus » qui ultérieurement va désigner toute la Mer Noire et on va parler de 7 v. Valinakis. Y. La région de la Mer Noire: défis et opportunités pour l’Europe, Paris, Institut 9 l’espace « pontique ». Les géographes arabes du Moyen Âge parlent de « PontusBundus-Nitas » , alors que les routes du commerce vont aussi laisser leur empreinte, la Mer Noire étant mentionnée comme Bar al Tarabazunda , la Mer du Trébizonde, Bahr Kirim ( la Mer de la Crimée), Bahr Rum( la Mer des Romans), Bahr Rus ( la Mer des Russes ou des Varègues) au Xème et XIème siècle ou bien « mare Leoninum » ( la Mer du Lvov) au XVème siècle par un chroniqueur polonais ». A la fin du XIVème siècle, on la retrouve aussi comme « la grande mer » dans les écritures des princes moldaves qui avaient prêté cette désignation (« mar Maggiore ») aux princes génois entrant par le Sud. La mer Noire en tant que telle se trouve déjà mentionnée en 1265 en grec, mavri thalassa dans le Traité de Venise alors que depuis1338, Mar Nigrum apparaît dans les sources occidentales.8 Autres auteurs parlent aussi d’un autre nom de la Mer Noire dans les temps les plus anciens : « Mare Sinister » à cause de « its quick and sudden but equally strong and violent challenges »9. C’est juste en traçant ce parcours étymologique de la mer Noire, qu’on peut d’or est déjà saisir un vecteur de la problématique de la mer Noire, à savoir les rapports entre le Sud et le Nord. I. 1. 2. Histoire « existentielle » de la mer Noire L’autre variable qui a influencé la configuration historique de la mer Noire, c’est ce que lui a valu la désignation de « plaque tournante du grand trafic et des échanges internationales », à savoir, le commerce, qui a rendu cette région un « carrefour » des grandes routes commerciales, que ce soient «la route de la Soie » ou encore d’autres reliant l’Asie à l’Europe. I. Bratianu parle d’ « un rythme cyclique de flux et reflux, économique et politique » qui avait structuré l’espace pontique et attiré l’attention des grandes puissances. Dès l’antiquité et le moyen âge, il y a eu « une économie d'Etudes de Sécurité de l'UEO, 1999, p. 1. 8 Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, Bucuresti, Polirom, 1999, pp. 88-91. 9 Mughisuddin, O. A., “Ventures in regional cooperations. The Balkans and the Black Sea regional cooperation” in Foreign Policy (Ankara), 18 (1994) 1-4, p. 66. 10 complémentaire » qui s’est développé entre les pays méridionaux et les PMN, les premiers fournissant de la céramique, des vins grecques, des tissus italiens contre du blé, de la cire, du poisson et des esclaves. 10 Ce sont ces mouvements qui semblent être à l’origine de la délimitation chronologique de l’histoire de la mer Noire. La période antique se divise entre les iraniens, les grecs (VIII ème siècle a.c.) et les romans (entre le troisième et le premier siècle a.c.), alors que le moyen âge trouve la mer Noire sous l’hégémonie du Byzance avant qu’elle ne tombe proie à plusieurs invasions : les Varègues au Xème siècle, les turcs, les qoumanes, les armées de Gingis-Han au XIII ème siècle. Ce fut la conquête ottomane 11 qui changea à nouveau la configuration politique de la mer Noire couvrant ses bords du Trébizonde jusqu’en Crimée et en Moldavie et la transformant pendant trois siècles dans un « lac turc »12. La Russie s’est retrouvée au bord de la Mer Noire dès 1654 quand elle a reçu l’Ukraine du leader cosaque Bohdan Khmelnytsky par le Traité Pereiaslav, mais elle a acquis le statut de puissance de la Mer Noire dès 1783 sous Catherine II quand elle a annexé le khanat de la Crimée, un protectorat de l’empire ottoman dès 147813. C’est ainsi que depuis les temps les plus anciens, la mer Noire va réunir la Turquie et la Russie dans « a long history of conflict ». I. 2. Configuration géographique de la mer Noire : « Étendue sur quelque 435 000 km2 et renfermant 357 000 km3 environ d’eau salée, la mer Noire est une annexe de la Méditerranée avec laquelle elle communique par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, lesquels enserrent 10 v. Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 96. Après 1453, quand les Ottomans ont pris Constantinople, la mer Noire a été fermée au commerce international. Ce fût seulement le Traité de Paris de 1856 qui, à la pression de la Russie, va ouvrir la mer Noire aux routes du commerce des autres nations v aussi in The Treasures of an Ancient Sea, University of Delaware College of Marine Studies, 2003 sur http://www.ocean.udel.edu/blacksea/history/ 12 v. Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, pp. 96-98. 13 v. Sezer, D., « From Hegemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea » in Sais Review, Winter-Spring 1997, p. 3 11 11 la mer de Marmara“ 14 C’est la définition classique de la mer Noire qu’on trouve dans les dictionnaires. Si la mer Noire est traitée en « annexe » de la Méditerranée, c’est sans doute à cause du fait que cette dernière représente la «porte » vers l’océan mondial, à travers les deux détroits : Bosphore et Dardanelles avec toutes les implications d’ordre économique et politique. En fait, si on se glisse sur la continuité géologique, les origines « géographiques » de la mer Noire remontent plutôt en Asie. La mer Noire représente les restes d'une mer plus grande : la mer « sarmatienne » qui, dans l’époque tertiaire en pliocène couvrait un espace étendu allant de l’Europe centrale jusqu’au Turkménistan d’aujourd’hui. A la fin de cette époque géologique, la Mer Noire, à la suite des modifications de l’écorce terrestre, s’est vu séparer du bassin de la Caspienne qui va se détacher aussi de la « mer » Aral. Au début de l’ère quaternaire, à la suite d’autres mouvements de la terre qui ont séparée la péninsule balkanique de l’Asie mineure , un contact entre la mer Noire et la Méditerranée est réalisé par ce qu’on appelle aujourd’hui les détroits Bosphore et Dardanelles 15. C’est peut-être à cause de ces deux interprétations que el géographe insiste surtout sur le caractère de transition de la mer Noire entre le monde méditerranéen « aux contours précis » et l’étendue des steppes eurasiatiques, en la rendant dans la plupart des écritures comme « charnière entre l’Asie, l’Europe et le Moyen Orient ». De toute manière, on pourrait dire que géologiquement du moins, la mer Noire s’origine en Asie dans la Caspienne et finit en Méditerranée. La « géographie » physique la plus ancienne semble avoir prédestiné les enjeux à venir de cette mer enclavée entre deux continents. D’autre point de vue, selon le Droit International, la Mer Noire s’inscrit géographiquement dans la définition d’une « semi-enclosed sea » définie comme « a sea surrounded by two or more states [ Bulgarie, Turquie, Géorgie, Russie, 14 15 v. Encyclopedia Universalis 8, 2002 v. Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 91. 12 Ukraine, Roumanie] and connected to another sea by a narrow outlet »[Bosphore et Dardanelles]16. . II. La configuration « géopolitique » de la Région de la mer Noire « je ne cherche pas de la terre, mais de l’eau »17 Pierre le Grand La géopolitique, c’est « la discipline qui s’interroge sur les rapports entre espace et politique: en quoi, de quelle manière les réalités géographiques (situation, relief, climat...) influent-elles sur les organisations sociales, les choix politiques? Et, inversement, comment les hommes utilisent-ils ou même modifientils ces réalités pour poursuivre leurs fins? »18 Ou bien, on peut tout simplement dire que la géopolitique, c’est la déclinaison dans des paradigmes différents (stratégique, économique, politique) de la triade puissance-espace-territoire. C’est pourquoi, il y toute une panoplie de « géo-mots » selon l’accent que l’on met sur l’un ou l’autre des trois éléments de la triade allant de géostratégie, géopolitique à la géoéconomie. 16 v. Article 122 de la Convention des NU sur le Droit de la Mer. cité par Ulusoy, H. in « A new Formation in the Black Sea : Blackseafor » in Perceptions. Journal of International Affairs, Ankara , 2001-2002/4, p.97. 17 citation in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html 18 v. Encyclopedia Universalis 7, 2002. 13 La géoéconomie 19 par exemple (dont on parle comme d’une « géopolit ique par d’autres moyens ») ne fait que remplacer une variable dans la triade géopolitique, à savoir le territoire –dilué par la mondialisation- pour autour d’un trinôme espace-puissance-économie. s’articuler Schématiquement, la géoéconomie regarde « la lutte pour la défense et l’accroissement de la richesse des nations », lutte qui semble occuper la première place de la scène internationale actuelle. C’est la mondialisation qui illimite l’espace, déterritorialise les territoires et change la nature des grandes puissances, transformant le monde dans un « village local » où il faut «act local », but « think global ». Ainsi va-t-on essayer de « think global » la configuration de l’ »ensemble » géopolitique de la mer Noire, qu’on va essayer de définir à deux niveaux : un niveau global, où ce sont les puissances globales qui se confrontent, et à un niveaux régional où ce sont les puissances régionales qui « font le jeu ». De même, certaines variables de « comportement » géopolitiques des pays ont structuré ’espace l différemment selon l’époque. Par exemple, si à la fin des années 80 ‘, « la région de la Mer Noire orientale s’ordonnait autour d’une césure Nord/Sud qui opposait l’ensemble soviétique à la Turquie » 20, aujourd’hui on a tout simplement changé les axes d’orientation, la césure contemporaine s’ordonnant sur une « ligne » est-ouest se structurant sur la frontière extérieure de l’UE. C’est ainsi que l’UE, déjà par sa géographie « mouvante » est « partie prenante de ce système géopolitique » de la région de la Mer Noire. Anton Golopentia, un sociologue roumain définit l’objet de la géopolitique comme « le potentiel des Etats », à savoir la résultante de tous ses caractéristiques : territoires, population, économie, structure sociale, forme de 19 La géoéconomie est définie comme « l’analyse des stratégies d’ordre économique décidées par les Etats dans le cadre de politiques visant à protéger leur économie nationale ou certains secteurs bien identifiés de celle-ci, à acquérir la maîtrise de technologies, à acquérir la maîtrise de technologies clés et/ou à conquérir certains segments du marché mondial relatifs à la production ou la commercialisation de produits sensibles, en ce que leur production ou leur contrôle confère à son détenteur –l’Etat ou l’entreprise « nationale »-un élément de puissance et de renforcement de son potentiel économique et social » in Lorot, P., „Géoéconomie, un champ nouveau“ in Géoéconomie, Paris, N°22, été 2002, p. 11. 20 Sieca-Kozlowski, E., Toumarkine, A., Géopolitique de la mer Noire. Turquie et pays de l’exURSS. Paris, Karthala, 2000, p. 191. 14 gouvernement, milieu politique. Aussi, la « recherche géopolitique doit être à la fois : géographique, économique, démographique, sociale, culturelle et 21 politique »( n. trad.) . Aussi peut-on dire, que plus le potentiel de l’Etat est grand, plus son poids géopolitique va s’accroître. II. 1. Mise en contexte Oleg Serebrian parle de la mer Noire comme «the origin of a special « geopolitical climate » » et « an invisible but decis ive factor of one of the most complex geopolitical structures of the world »22.De même, il cite le géopoliticien Yves Lacoste qui disait que “ the most important geopolitical and geostrategic transformations of the last decades were not produces on the land, but in the atmosphere and at sea”.23 Aussi semble-t-il que « Le Pont-Euxin des Anciens grecs n’est pas le limes sud-oriental de l’Union, mais un pivot géostratégique eurasien où interfèrent des stratégies régionales, continentales et planétaires » 24, « expression de géostratégies concurrentes ».25 Les théories classiques de la géopolitique parlent de la confrontation entre les puissances maritimes (« Le Rimland ») et les puissances continentales (le « Heartland ») qui dans notre époque ce traduit par la « rivalité intra-occidentale : entre puissances maritimes et puissances continentales pour déf endre des objectifs économiques ». Encore, le «père » du « heartland », Mackinder disait :« qui domine le Heartland, domine le monde ». Or, si la région de la mer Noire semble faire partie de ce « heartland » : « The Black Sea region constitutes the 21 v. citation in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html 22 v. Serebrian, O., Some considerations about Reactivation of the Black Sea Geostrategic Ensemble, CSRC, March 2001, p. 1 sur http://da.mod.uk/CSRC 23 Ibid. 24 Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin », p. 4 in Sur les rives de la mer Noire sur http://www.regard-est.com/Revue/Numero33/Art33-MerNoireHorizon.htm 25 Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin », p. 4, in Sur les rives de la mer Noire sur http://www.regard-est.com/Revue/Numero33/Art33-MerNoireHorizon.htm 15 heartland » 26 , il va sans dire qu’elle est d’autant plus marquée par un « pluralisme géopolitique ». Si Pierre le Grand disait qu’il “ ne cherche pas de la terre, mais de l’eau”, Catherine la Grande a voulu la Crimée s’érigeant dans protectrice du Christianisme et l’empire ottoman a converti cette mer dans « un lac ottoman » le fermant à l’extérieur, c’est que la mer Noire représente tel qu'on l’a déjà dit, une porte vers le grand océan mondial, possibilité pour la Russie, de dépasser son « complexe d’encerclement » continental par l’ accès aux mers chaudes, et d’autre part, « possibilité » de « contain » la Russie dans son expansionnisme vers le Sud, en lui fermant l’accès à la Méditerranée. D’une manière ou d’une autre, il va sans dire que, tel que disait un géographe roumain, Simion Mehedinti, « Pour tout Etat, le bord de la mer représente la façade la plus importante » 27. C’est à ce moment, qu’au lieu de passer en revue toutes les théories géopolitiques impliquant la mer Noire, on va se permettre de faire une petite digression, pour s’initier au « raisonnement géopolitique pontique », afin de mieux relever l’importance et le fonctionnement de cette variable géographique, la mer Noire, dans la configuration « géopolitique » de cette région. C’est que dès les temps les plus anciens, la mer Noire a joué le rôle de « catalyseur » étatique. Par exemple, I. Bratianu avance l’hypothèse que la Moldavie, l’une des trois grandes provinces roumaines est apparue par besoin d’organiser la « route vers la mer » et de constituer « une barrière » 28 contre les invasions des barbares : « Des deux Etats roumains [ Les Voïvodats du Pays Roumain et de la Moldavie], la Moldavie semble être une résultante naturelle et logique des voies de communications qui se dirigeaient des marchés polonais et de l’Europe centrale vers la Mer Noire. La sécurité du trafic du XIVème siècle exigeait la présence d’une organisation politique et d’une autorité rigoureuse, à même d’arrêter l’action des Nomades des steppes 26 27 v. BSEC sur http://www.bsec.gov.tr/discover.htm cité sur http://www.e-referate.ro/referate/stiintepolitice/0s015.shtml 16 voisines ; on peut dire, qu’ici, grâce à une conjoncture politique déterminante, les croisades des monarchies chrétiennes contre l’Empire islamisé de la Horde d’Or, c’est en fait la route/le chemin qui a créé l’Etat »29. (n. trad.) Dans cette perspective, l’ordre étatique roumain semble avoir été exigé par « la route vers la mer ». D’où l’apparition de la Bessarabie pour que la sortie à la mer Noire ne soit plus contrôlée par la Russie et même l’unification de la Moldavie 30 et du Pays Roumain, car les grandes puissances avaient besoin d’un état fort dans cette zone De même les grandes puissances- avaient-elles aidé la Roumanie pour récupérer les territoires conquis par les Turcs, car elles avaient besoin de la libre circulation sur le Danube, surtout dans cette région. Et, dans ce contexte, la Roumanie pouvait jouer «un rôle d’équilibre » ou de « sentinelle européenne » pour les grandes puissances 31. Or, ne pourrait-on pas appliquer déjà le même raisonnement, au contexte actuel de la région où l’UE s’intéresse à sécuriser ses frontières extérieures par besoin économique aussi, vu l’importance par exemple du transport du pétrole et du canal Rhin-Danube, reliant la mer Noire à la mer du Nord. II. 2. L’ordre global : II. 2. 1. Identification des acteurs : Avant d’entamer une approche régionale stricto sensu de la région de la mer Noire, on va tout d’abord essayer de situer cet «ensemble » géopolitique dans un ordre global où ce sont seulement les «grandes puissances » ou les 28 la similarité avec « l’espace tampon » mer Noire-mer Baltique est bien évidente. in Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana, p. 99. 30 Quand on parle de la Moldavie, on fait référence à la province roumaine : Moldavie, en contexte historique, comme c’est le cas ici, incluant aussi le territoire de la République de Moldavie d’aujourd’hui. 31 v. aussi Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.escoala.ro/geopolitica/scromana.html 29 17 puissances « globales » ou bien « the global centers of power » qui font les règles du jeu. On peut aussi penser à des puissances de premier ordre ou importance dans cette région du monde. Or, cet ordre global s’articule autour d’une triade : UE-Etats-Unis-Russie, avec, au centre, les Etats-Unis en tant que seule « hyper puissance » dans le vrai sens du mot. Il faut d’or et déjà remarquer quelques caractéristiques de cette triade ou les traits de ces acteurs. Tout d’abord, la qualité de puissance extrarégionale des Etats-Unis qui constituent le centre de cette triade, sans en faire partie géographiquement. Cependant, c’est le seul acteur de ce trinôme doué du triple pouvoir : économique, politique, stratégique ou militaire. Deuxièmement, la qualité de l’UE comme «nouveau actant global », en « gestation », sur la scène mondiale en tant que puissance économique, mais pas du tout militaire et impliqué «physiquement » d’une manière prospective dans cette région, puisque ses frontières vont arriver dans la RMN, tel qu’on l’a définie, en 2007 avec l’adhésion des deux pays riverains, la Roumanie et de la Bulgarie, à l’UE. Cependant elle est déjà visible dans cette région par les aides financières et les programmes d’assistance. Troisièmement, la troisième composante de cette triade géopolitique de la RMN (Région de la Mer Noire), la Russie, la seule des trois qui y est présente physiquement en tant que pays riveraine, est peut-être celle qui mérite le moins, selon les normes du temps contemporain, le qualificatif de « puissance globale ». Cependant, elle essaie de préserver son unicité de ex-hyper-puissance, l’une des deux pendant la Guerre Froide, en essayant de garder une place à part dans le monde et un statut de « privilégié ». 18 II. 2. 3. Eléments de la « réactivation de l’ensemble géopolitique » de la RMN dans l’ordre global « La géopolitique, métaphoriquement parlant, c’est la psychanalyse de l’Etat »32 C’est-à-dire d’essayer de pénétrer au-delà du fonctionnement premier des choses pour identifier les vrais intérêts régissant la politique des Etats. C’est ainsi qu’on va essayer tout d’abord de passer en revue les intérêts communs qui ont conduit à ce qu’on a appelé la « réactivation » de l’ensemble géopolitique de la RMN, pour se pencher ensuite sur les particularités géopolitiques de chacun de ces acteurs globaux (du point de vue géopolitique, géostratégique et géoéconomique), mais aussi sur la combinaison qu’on peut avoir du couplage de deux ou trois acteurs à la fois dans un « conflit » ou une « coïncidence » d’intérêts. Plus haut, on a essayé de souligner l’importance du moment où l’on envisage l’approche géopolitique. Si notre limite temporelle se trouve à la veille de l’élargissement de l’UE, la «réactivation » géopolitique de la RMN a été opérée à la suite de deux événements majeurs et de leurs effets. Le premier c’est l’effondrement du communisme, de l’ordre bipolaire, qui a « ouvert » la mer Noire, mais surtout la mer Caspienne avec toutes ses ressources au commerce international, mais en même temps il a permis plus ou moins une réorientation stratégique des PMN. On en a parlé comme «d’une révolution géopolitique » ou d’un « power vacuum » dans la RMN qui a positionné tout d’un coup la mer Noire au coeur d’ « un système géopolitique hétérogène » composé de plusieurs sous-ensembles : « le monde slave oriental », la péninsule anatolienne » et le Caucase, mais aussi au coeur d’un nouvel ordre international avec d’autres acteurs. Le deuxième élément majeur, c’est le onze septembre qui a opéré un tournant essentiel dans le système géopolitique de cette région, non seulement en « mondialisant » le terrorisme, mais en changeant, globalement, le 19 fonctionnement des relations russo-américaines et, individuellement, les politiques des deux puissances. « La géopolitique sent le pétrole » 33 disait un journaliste du quotidien russe Izvestia, faisant probablement allusion à ce qui fait tourner la géopolitique à présent. Or, la Mer Noire représente une attraction pour tous les PMN plus, à l’extérieur, les Etats-Unis, dans ce qu’elle représente une « zone de transit » vers la Mer Caspienne «ce nouvel Orient énergétique », « golfe inversé » ou tout simplement l’ « une des régions stratégiques du XXème siècle » avec des ressources considérables de pétrole (évaluées entre 7 et 14 milliard de tonnes) »34, mais sans aucun accès direct aux courants des échanges commerciaux mondiaux. Avec l’effondrement de l’URSS, le nombre des pays riverains de ce « gâteau pétrolier » est passé de deux (Iran et URSS) à cinq (Iran, Russie, Azerbaidjan, Turkménistan et Kazakhstan) ce qui a multiplié les prétendants de ce « gâteau pétrolier » dont le partage ne finira jamais. En fait, la concurrence porte sur le transport du pétrole, transport à grand enjeux économiques pour les pays transités, ce qui a engendré une vraie « bataille » des oléoducs désigné aussi sous le « great game » dont on peut avoir une idée en regardant l’Annexe 1, trois options principales étant en jeu : « le tracé russe » Bakou-Grozny ( en Tchétchénie)-Novorossiisk ( qui n’est pas sûr à cause de la Tchétchénie), le tracé transcaucasien reliant Bakou à Batoumi sur la côte géorgienne et le tracé turc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. II. 2. 4. Les acteurs géopolitiques de l’ordre global II. 2. 4. 1. Etats-Unis Selon Jean-Christophe Romer « Le continent européen a aussi cette particularité d’avoir été, au moins en partie, un objet d’appropriation par les 32 Serebrian, O., Va exploda Estul?: Geopolitica spatiului pontic, Cluj, Dacia, 2000. p. 10. un éditorialiste du quotidien russe Izvestia cité par Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, Paris, Economica, 1999, p. 76. 34 v. Giroux, Al. in « L’axe Caspienne-Mer Noire » ( série d’articles) in Le Courrier des pays de l’Est. 1997/423, p.3. 33 20 Etats-Unis » 35. Les Etats-Unis ont joué un rôle-clé non seulement pour l’intégration européenne, mais surtout dans l’ordre sécuritaire européen régi par l’OTAN dont le flanc sud se trouvait au sud de la mer Noire en tant qu’élément de la politique du « containement » du communisme. Après l’effondrement du communisme, quand l’OTAN a perdu son attrait et sa motivation existentielle, les Etats-Unis se sont trouvés en position de seul « garant » véritable de la sécurité européenne qui s’est éprouvée impuissante dans la résolution des conflits des Balkans. C’est que même dans son essai de « révolution » conceptuelle, l’OTAN, déclaré déjà morte par les journaliste américains, n’a pu retrouvé son prestige que comme instrument des Etats-Unis. Les intérêts géopolitiques actuels des Etats-Unis dans la mer Noire s’ordonnent sur deux axes principaux. L’une qui ne fait que s’inscrire dans la stratégie traditionnelle des Etats-Unis, celle « des matières premières » ou des « intérêts vitaux » qui consiste à s’assurer « la maîtrise des ressources stratégiques de la planète » à tout prix, ce qui fait de la mer Noire, un point d’intérêt stratégique en tant que zone de transition pour les hydrocarbures de la Caspienne qui réduiraient la dépendance des Etats-Unis du Moyen Orient36. Et l’autre, de souche plus nouvelle, est liée au seul vrai perturbateur des Etats-Unis, le terrorisme qui a opéré les principaux changements de la politique américaine. Car ce n’est pas une guerre proprement dite qui constitue le risque du présent, mais une guerre contre un adversaire «indéfinissable », flou, dont la logique relève plutôt d’une théorie du chaos : « le terrorisme pour l’amour du terrorisme », un adversaire qui ne fait que représenter ceux que Eric Hobsbawm a appelés « les fils de la mondialisation » 37.C’est la nouvelle « guerre mondiale » qui est menée par les Etats-Unis qui n’ont même pas besoin d’autre aide. C’est dans ce contexte de la guerre contre le terrorisme que le positionnement de cette zone par rapport aux zones visées par les Etats-Unis, 35 Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 90. En 1999, le Congrès américain a voté une loi « de la stratégie de la route de la soie ». v aussi Woets, L., Réfléxion sur le onze septembre 2001, p. 4, sur http://frstrategie.org/barreFRS/publications/recherches_doc/Telechargements/rechdoc28.doc 37 Ibid. 36 21 comme l’Afghanistan par exemple, fait de la mer Noire « une surface de projection de la puissance américaine en Asie et au Moyen-Orient » 38. Il y a bien sûr d’autres intérêts complémentaires qu’on va essayer de tracer schématiquement et qui tiennent plutôt d’une «philosophie »géopolitique par le biais de laquelle il faut favoriser l’émergence d’un pluralisme géopolitique et ne pas encourager l’émergence d’un «concurrent » potentiellement trop puissant, l’UE, ou bien la réémergence de l’ancien concurrent, la Russie. Pour résumer, selon Z. Brzezinski, la nouvelle vision américaine restreint « l’Europe à un simple pôle économique, la Russie à un statut de puissance régionale encerclée, condamnée à rompre avec son imperium et à se démocratiser ; la Chine devenant alors la seule puissance stratégique pour les Etats-Unis » 39. C’est qu’à présent, les Etats-Unis jouissent du confort d’unique « hyperpuissance » et, à vrai dire, ils n’aimeraient pas en être perturbés. C’est pourquoi ils essaient de préserver de très bonnes relations avec la Russie, entretenues non pas par amour pour la Russie, mais sans doute pour pouvoir quand même avoir un oeil sur son «partenaire ». A la fin des fins, tout tourne autour des intérêts nationaux des Etats-Unis, qui doivent primer avant toute autre chose. Un autre vecteur d’analyse afin d’expliquer les intérêts des Etats-Unis dans cette région, c’est la relation privilégiée pour longtemps avec la Turquie, bien qu’ébranlée dernièrement par la décision de la Turquie de ne pas offrir des facilités militaires aux Américains pour la guerre en Iraq. C’est que le prolongement des Etats-Unis dans cette RMN s’est opéré pendant la guerre froide par la Turquie en tant que flanc sud de l’OTAN, qui est quand même un peu sortie des faveurs « géostratégiques » des Etats-Unis à la fin de la guerre froide. Cependant, les enjeux actuels liés au terrorisme et à la montée de l’Islam, font de Turquie un partenaire stratégique de première importance qui a même fait des Etats-Unis un avocat en faveur de l’adhésion à l’UE. 38 Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin », p. 4 in Sur les rives de la mer Noire sur http://www.regard-est.com/Revue/Numero33/Art33-MerNoireHorizon.htm 39 v. Woets, L., Réfléxion sur le onze septembre 2001, p. 4. 22 C’est que les intérêts américains en Turquie visent aussi l’UE, puisque les Etats-Unis ne verraient quand même pas de bons yeux l’émergence d’une UE forte e capable à long terme de faire poids face aux Etats-Unis. « Si la Turquie entre un jour dans l’Union européenne, c’est principalement parce que les Ètats-Unis, à travers l’OTAN, comptent ainsi étendre leur influence et leur hégémonie en Eurasie. » 40. Si l’élargissement de l’Otan est déjà une évidence et l’influence américaine parmi les nouveaux adhérents de même, ce n’est pas la même chose avec l’UE. Or, la Turquie, pourrait justement jouer la carte américaine et être « le cheval de Troie » des Etats-Unis dans l’UE. D’après Zbigniew Brzezinski : « L’Amérique devrait profiter de son influence en Europe pour soutenir l’admission éventuelle de la Turquie au sein de l’Union Européenne, et mettre un point d’honneur à la traiter comme un état européen (...) Si la Turquie se sent exclue de l’Europe(...)elle sera favorable à la montée de l’islam, qui la rendra susceptible d’opposer son veto, par rancune, à l’élargissement de l’Otan et l’incitera à refuser de coopérer avec l’occident dans sa volonté de stabiliser et d’intégrer une Asie centrale laïque dans la communauté internationale »41 Si l’élargissement de l’OTAN est déjà un fait, la montée de l’Islam reste toujours une menace pour les Etats-Unis. En fait, on peut dire qu’il y a trois séries d’intérêts des Etats-Unis dans le support à l’adhésion de la Turquie à l'UE. Une première série soulignée par Del Valle explique l’attitude de Washington de presser Bruxelles par trois raisons dont : 40 Del Valle, Al. “ L’Entrée de la Turquie dans l’UE: non-sens géopolitique ou exigence américaine » in Les Frontières de l’Europe. acte du forum du 7 décembre 2000. Office d’Edition Impression Librairie, 2002, p.131. 41 BRZEZINSKI, Z. Le Grand échiquier. Paris. Bayard, 1997, p. 260 cité par Del Valle, Al.in “ L’Entrée de la Turquie dans l’UE: non-sens géopolitique ou exigence américaine », p. 131. 23 • « le rôle clé de la Turquie 42 dans le processus « d’occidentalisation »43 et de contrôle, pour le compte des Etats-Unis, des nations turcophones et musulmanes de l’ex-URSS, détentrices d’importantes réserves d’hydrocarbures et zones de passage des futurs oléoducs et gazoducs »44 • « le fait que la Turquie –« Etat-pivot »selon Brzezinski –constitue plus que jamais depuis les guerres du Golfe et d’ex-Yougoslavie, le pilier Sud de l’Otan » • « la profondeur stratégique noeudale » et « un statut géopolitique incontournable pour les Etats-Unis » conférés par l’aire turcophone. 45 Et à nous de se demander si au-delà de ces motivations, il n’y a en fait encore d’autres. Si on admet le rôle de contrôle par les Ètats-Unis par le truchement de la Turquie- de « l’aire turcophone », n’y a-t-il aussi le risque à long terme de l’émergence d’une Turquie trop forte même pour les Etats-Unis. Or dans cette perspective, par l’élargissement de l’UE à la Turquie, les Etats-Unis arrivent à atteindre deux objectifs à la fois. D’une part, l’élargissement peut justement encorsetter ou contrôler dans une certaine mesure le « panturquisme » latent de la Turquie et, d’autre part satisfaire la stratégie américaine « d’affaiblissement » de l’Union Européenne qui, au cas d’une adhésion, aura pour longtemps à digérer la Turquie. Or, bien que dans une perspective spéculative, si les Etats-Unis ne voudraient quand même pas avoir à faire à une Union européenne trop forte, serait-ils, de l’autre côté, disposés à long terme de courir, vu même tout 42 En 1992, la Turquie a offert aux républiques turques des crédits en valeurs de 1, 2 billion dollars et en même temps elle a adoptée l’alphabet latin pour faciliter l’ouverture vers l’occident. v . aussi Sezer, D., in « From HEgemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea », p. 17 43 Les Etats-Unis ont un intérêt politique pour les questions caucasiennes où ils essaient de contribuer à la démocratie et au processus d’indépendance par rapport à la Russie. Or la Turquie, par sa position et ses relations bilatérales ou multilatérales dans la région, peut servir dans la consolidation des nouveaux Etats issus de l’ex-URSS. 44 Le tracé turc pour le transport des hydrocarbures : Bakou-Tbilissi-Ceylan est déjà en contruction depuis 2002. 45 v.Del Valle, Al., “ L’Entrée de la Turquie dans l’UE: non-sens géopolitique ou exigence américaine », p. 132. 24 simplement l’ inéquilibre démographique entre l’Europe et l’Asie, le risque d’avoir une Turquie trop forte ? Une deuxième série de raisons américain es s’inscrit dans une logique plus « commerciale ». Si le « lobby turc » aux Etats-Unis atteint un budget annuel de 8 millions de dollars, c’est que le complexe militaro-industriel américain approvisionne Ankara en équipements militaires, les ventes des dix dernières années dépassant 8 milliards dollars46. En même temps le « marchandage » commercial entre les deux se décline sur deux axes. Selon Vittorio Sanguineti, dans une optique un peu exagérée, contre des facilités pour les contrats commerciaux en Turquie, les Américains doivent satisfaire aux quatre principales requêtes de la diplomatie d’Ankara :« 1/ pleine intégration de la Turquie dans l’Union européenne ; 2/ Liberté de manœuvre dans l’occupation du Nord de l’île de Chypre ; 3/ bloquer toute action visant à reconnaître le génocide arménien ( résolution adoptée par le Parlement européen en 1991, mais rejetée par le Sénat américain en 1992 ) ; 4/laisser libre cours à la répression anti-kurde. »47 II. 2. 4. 2. Russie ou « l’homme malade de l’Europe » du XXIème siècle Avec l’effondrement du communisme et l’implosion de l’URSS, la Russie s’ est retrouvée désorientée dans un espace en pleine reconfiguration géopolitique surtout dans la RMN, ayant perdu le statut de superpuissance ou de puissance globale et devant se contenter de se « forger » un statut acceptable sur la scène internationale où elle est gentiment traitée en « medium power with nuclear capability » 48 Si selon la théorie du « Heartland » ou de la « zone pivot » de H. Mackinder, la Russie se trouve sur « le heartland » et « qui domine le heartland, domine le monde », la théorie du «Rimland » de Spykman met l’accent sur 46 Ibid., p. 134. Ibid. 48 Sezer, D., « From HEgemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea » in Sais Review, Winter-Spring 1997, p. 3. 47 25 l’importance d’un « croissant intérieur marginal » bordant le Heartland, estimant que « Celui qui domine le Rimland 49, domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie, tient le destin du monde entre ses mains ».50 (v. Annexe 2) D’autres politologues ont expliqué l’expansionnisme russe dans l’espace pontique par le rôle de la Russie en tant que « protecteur des nations orthodoxes ».51 Encore, selon Samuel Huntington, la Russie « est 52 indiscutablement le pilon d’une civilisation (ensemble géoculturel ) identifié à la chrétienté orthodoxe » et elle devrait prendre au sérieux l’implication des autres éléments géoculturels étrangers à cet espace, à savoir : l’islam et le panturquisme 53. Passant en revue les approches géopolitiques de la Russie de MacFarlane et Huntington qui ont comme point de repère l’orthodoxisme, Oleg Serebrian rappelle le fonctionnement de la doctrine géopolitique soviétique régie par deux éléments-clés : l’idéologie communiste et le potentiel militaire qui n’avait en fait que remplacé le « binôme militaire-spirituel » ( orthodoxe) de l’empire russe. La question que l’auteur pose, c’est si la Russie contemporaine va vraiment revenir à sa doctrine géopolitique d’avant la guerre, d’autant plus que la situation de l’espace pontique en 1914 (avec la Turquie en tant que principal opposant) ressemble plus à la situation actuelle que ne le fait celle de 198954. L’approche géopolitique de la RMN de l’eurasianisme55 mérite aussi d’être mentionnée, puisqu’il prend en compte «the old eastern question », la Russie, en tant que « traditional land power », considérant la mer Noire comme « the gate towards world domination ( hegemony) ».56 Un livre publié en 1997 par 49 Le Rim-land est « le lieu d’arrêt de la progression de la terre centrale vers la mer (...), le lieu d’affrontement privilégié entre la puissance de la terre, qui n’est plus un donjon imprenableURSS-et la puissance de la mer qui se subsiste à la Grande-Bretagne :les Etats-Unis » in Romer, JC. , Géopolitique de la Russie, p. 18. 50 v. citation in Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 18. 51 S.Macfarlane cité par Serebrian, O., Va exploda Estul ?Geopolitica spatiului pontic, p. 19. 52 De cet ensemble géoculturel font partie aussi des pays comme: Kazakhstan, Arménie, Géorgie, les nations du sud-est de l’Europe, l’Ukraine et la Biélorussie. v aussi in Serebrian, O., Va exploda Estul?: Geopolitica spatiului pontic, p. 20. 53 v. Serebrian, O., Va exploda Estul? Geopolitica spatiului pontic, p. 20. 54 Ibid. 55 L’euriasanisme a été élaboré après 1993, se voulant une théorie géopolitique à l’origine d’une alliance entre la Droite et la Gauche en Russie et s’opposant au nationalisme russe. v. in v. Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30. 56 v. Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30. 26 l’un des promoteur de l’eurasianisme, Alexandr Dugin, The Principle of Geopolitics : The geopolitical future of Russia insiste sur les éléments distinguant «the societies oriented towards the sea and the societies oriented towards the lands », accentuant surtout « the correspondance of the West with maritime strength and of the East with land strength “. 57 Mais, avec l’indépendance de l’Ukraine, la Russie a perdu non seulement une frontière avec l’Europe centrale, mais aussi une bonne partie du littoral de la mer Noire (avec un point-clé, la Crimée) et, avec elle, les plus grands ports, à présent elle n’ayant qu’un grand port, Novorossisk, à ne plus parler d’une grande partie de sa flotte 58. De plus, le littoral russe de la mer Noire est désavantagé par la chaîne caucasienne qui rend difficile la communication avec le reste du pays.59 De plus, à l’est, la Russie a perdu le contrôle sur la Mer Noire par l’indépendance de la Géorgie. Or, la mer Noire, sauf «ligne de sécurité naturelle », c’est avant tout « l’accès aux mers chaudes », l’ouverture vers l’océan mondial et d’autant plus importante pour le commerce que, à la différence des autres ports maritimes, les ports de la Mer Noire sont ouverts à la navigation presque toute l’année60. Et encore plus importante comme zone de transit du pétrole ( l’un des « leviers » stratégique de Moscou) , mais plus problématique par l’existence d’un seul grand port, car « en traçant les oléoducs de l’ex-URSS, les planificateurs n’avaient pas envisagé l’indépendance des républiques périphériques ». C’est pourquoi auparavant, “any action in the Danube Basin and the Black Sea required its prior agreement, because these areas were of “traditional Russian interest”” 61. D’où l’intérêt de la Russie dans le Caucase. D’autre point de vue, si l’espace euro-atlantique représente pour la Russie un « enjeux de la puissance globale, du devenir de la puissance déchue », l’espace eurasiatique constitue « l’enjeu pour son existence comme puissance 57 v. citation in Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30 Le retour de la flotte russe dans les mers du Sud représente une part d’un projet appelé « Global Ocean ». v. in Koulieri, O., Russian “Eurasianism” and the Geopolitics of the Black Sea, p. 30. 59 v. aussi Serebrian, O., Geopolitica spatiului pontic, p. 22. 60 v. The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics. 22.05.2003 p. 1 sur http://eng.gazetasng.ru/print.php?id=10792. 61 v. The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics. 22.05.2003, p. 2. 58 27 régionale, voire impériale »62. Le problème de la Russie en tant que puissance régionale, on va le traiter, dans la partie destinée à l’ordre régional dans la configuration géopolitique de la RMN. Si l’une des constantes de la politique russe était de « diviser [ l’Europe et les Etats-Unis] pour mieux régner », elle a dû tout d’abord s’orienter dans la nouvelle configuration spatiale et se créer une nouvelle stratégie géopolitique adaptée à un cadre géopolitique tout à fait nouveau, surtout dans la RMN. Or, la Russie a eu du mal à s’orienter, car sa nouvelle situation n’a pas de précédent historique. Oleg Serebrian décrit cet état de désorientation géopolitique comme une « situation de stress d’adaptation géopolitique », la Russie ne sachant pas quelle « conduite géopolitique » y adopter.63 Mais après l’arrivée au pouvoir de Putin et surtout après le onze septembre, la Russie a connu un tournant dans ses relations avec les Etats-Unis, et ultérieurement avec l’Ouest. Une reconsidération de la stratégie géopolitique fût mise en oeuvre en commençant par un plan de «reconsolidation of the near abroad, or, to use plain language, renewal of the russian empire »64. La politique de Putin qu’on appelle « d’alignement » ne vise pas du tout l’intégration euro-atlantique, mais se trouver à côté des plus forts Etats dans le système des relations internationales, ayant un statut spécial et en profitant le plus. D. Lynch65 souligne les trois attributs de la politique d’alignement de Putin, à savoir : « institutionnal focus (la reconsidération de l’UE, de l’OTAN), « bilateral ties with key-states » (Etats-Unis) et non dernièrement, le « style ». Et il semble que la Russie avait déjà gagné un statut spécial, étant traité un partenaire stratégique par l’UE, étant le +1 de l’OTAN 19+1 du Conseil de Rome ou bien le +1 du G8 (7+ 1). Mais ce qui est le plus difficile pour la Russie, c’est qu’elle doit désapprendre l’hégémonisme et réapprendre le multilatéralisme. 62 Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 89. v. Serebrian, O., Va exploda Estul ?Geopolitica spatiului pontic, p. 19. 64 v. Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2001, p. 19. 65 Lynch, D., Russia faces Europe, Chaillot Papers, Paris, Institut for Security Studies, mai 2003, p. 15. 63 28 I. 2. 4. 3. L’Union européenne “ Nevertheles, the Eu is still a relatively new arrival on the global political scene.(...) This often complicates the EU’s relations with strategic partners such as Russia and the United States” 66. C’est ainsi que, dans un speech le 23 avril 2004 à Moscou, Romano Prodi caractérise la situation actuelle de l’UE dans “l’ordre global”. C’est que, avec l’élargissement du 1er mai 2004, passant de 15 à 25 membres avec plus de 450 millions de gens représentant un quart du PNB mondial67, l’UE va accroître son poids économique, géographique et politique, non seulement sur le continent européen, mais dans l’ordre global aussi. Cependant, il ne faut pas surestimer l’importance de l’UE dans une configuration géopolitique dans l’ordre global, car, pour le moment elle n’a pas de place qu’au niveau géoéconomique en tant qu’union économique et monétaire ou bien en tant que « soft power » usant de ses moyens d’action « soft ». Le problème le plus important de ce point de vue découle de l’inexpérience /l’immaturité géopolitique de l’UE qui ne sait pas encore comment se conduire dans cet ordre global où elle a affaire à des puissances avec une longue tradition géopolitique avec d’autres règles du jeu caractéristiques à une « hard power » de laquelle, l’UE est sans doute encore loin. De plus, l’UE doit digérer sa propre incompétence sécuritaire (révélée dans le conflit des Balkans où la défense européenne s’est prouvée impuissante), le balbutiement de sa politique de la défense et de là, ses propres divisions entre membres/candidats pro-américains et pro-européenns, situation qu’on pourrait métaphoriquement qualifier de «sclérose » dans la conscience sécuritaire de l’UE. C’est que la guerre en Iraq a révélé les défauts de l’UE dans sa division entre la vieille Europe et la « jeune »Europe. 68 66 Russia and the European Union : enduring ties, widening horizons sur http://europa.eu.int/comm/external_relations/news/prodi/sp04_198.htm 67 v. http://www.europa.int/comm/enlargement 68 Le 30 janvier 2003 les dirigeants de huit pays europ éens (République Tchèque, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Hongrie, Pologne et Denmark) signent une lettre « pour un front uni face à l’Iraq »en déclarant leur appui aux Etats-Unis. Elle sera suivie par la Déclaration du groupe de 29 C’est dans ce contexte que, depuis la guerre d’Iraq, on parle de « strategic divorce » , « transatlantic trauma », “strategic realignement” ou bien “european unilateral passivism” et “ US unilateral activism” 69 L’importance de l’UE dans l’espace pontique va s’accroître surtout en 2007 quand, par l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, l’UE va déplacer sa frontière orientale dans la RMN jusqu’à la mer. De même, l’importance de la RMN pour l’UE va gagner sérieusement en poids à cause de plusieurs raisons. Tout d’abord, en tant que zone de transition de ressources, à présent la bataille des oléoducs considérant aussi plusieurs trajets pour l’acheminement du pétrole vers l’Europe. Deuxièmement à cause de la présence, dans l’espace pontique, de la Russie, acteur global, qu’elle traite avec prudence, évitant surtout de « déranger » son partenaire stratégique de premier ordre ou futur premier « fournisseur » d’énergie. Cela d’autant plus, qu’a présent, l’Europe est le plus grand importateur de pétrole et gaz du monde dont 50% de la consommation sont fournis par les importations (Golf, Russie, Afrique du Nord) qui vont représenter 70% en 203070. Troisièmement, il s’agit du canal Rhin-Danube débouchant en mer Noire et la reliant à la mer du Nord, étant l’une des plus importantes routes commerciales de l’UE. Quatrièmement, il y va des intérêts de l’UE de s’assurer des voisins stabiles représentant ses intérêts et non pas être instrumentalisés dans les stratégies géopolitiques des autres acteurs globaux. Sa « désorientation » sur le plan géopolitique est visible aussi dans ses relations avec la Turquie, un pays à poids géopolitique significatif, traditionnellement allié aux Etats-Unis, mais qui, en plus, sur la question de la guerre en Iraq, a voté pour l’UE, refusant des facilités militaires aux Américains pendant la guerre. C’est que l’UE est avant tout une union économique et monétaire régie par des principes clairs bien déterminés est basée sur un processus d’intégration, tout Vilnius le 5 février 2003 ( Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Lettonie Lituanie, Macédoine, Roumanie, Slovaquie et Slovénie). 69 Herd, G., Variable Geometry and Dual Enlargement: From The Baltic to The Black Sea, CSRC, 2003, p. 1 sur http://da.mod.uk/CSRC 70 v. http://www.europa.int/comm/enlargement 30 à fait différent de la logique de fonctionnement des ensembles géopolitiques classiques. Or, l’élargissement va conduire à un « clash » entre un processus d’intégration et un ensemble géopolitique assez complexe et compliqué. C’est pour atténuer cette collision imminente dans le futur que l’UE se prépare déjà en lançant la PEV. Dans les chapitres suivants on va se pencher aussi sur ce qu’on appelle « la géopolitique de l’élargissement ». Mais, ce qu’il faut avant tout c’est peut-être « une stratégie géopolitique européenne » ou bien une « véritable politique étrangère » de l’Europe pour savoir comment gérer les problèmes de nature géopolitique ou bien les relations avec des pays comme les Etats-Unis, Turquie ou l’Ukraine fortement imprégnés de « géopolitique » dans l’espace pontique et qui ne vont pas, le premier « lâcher son unilateral activisme »en attendant le réveil géopolitique de l’UE se leurrant dans « son unilateral passivism » , les deux derniers se contenter pour longtemps d’une attitude réservée de la part de l’UE. II. 3. L’ordre régional Ici, on ne doit pas procéder à une identification des acteurs régionaux, puisqu’en définissant la RMN comme représentant les pays littoraux, il va de soi que l’ordre régional de cet ensemble géopolitique est régi par les PMN. Il y a quand même deux niveaux, un niveau de premier degré où ce sont les puissances régionales de la RMN qui font le jeu, et un niveau de deuxième importance où ce sont tous les autres pays qui entrent en jeu. Après l'implosion de l’URSS, par la disparition d’une superpuissance (URSS) et le retrait implicite d’une autre «super-puissance » ( l’importance de l’Otan et des Etats-Unis en Turquie) on a assisté dans RMN à une reconfiguration totale de la géopolitique pontique et à l’émergence d’une nouvelle triade géopolitique régionale : Russie-Turquie-Ukraine fonctionnant selon de nouvelles règles, étant en même temps entourée par des pays ex-communistes : Bulgarie, Roumanie, ou encore, par de nouveaux indépendants : la Géorgie et l’Ukraine et 31 un seul outsider, la Turquie. Oleg Serebrian caractérise la nouvelle carte géopolitique de la mer Noire par «la disparition d’un dictateur spatial et le profilement d’un mécanisme géopolitique trilatéral, les droites étant assez inégales» à cause de la capacité différente des trois pays de s’orienter dans un nouveau système régional. 71 Proie à un « vacuum power » pour un certain temps, grâce à l’ébahissement de la Russie qui ne savait exactement que faire, la RMN a subi une période de « fragmentation » et de « désorientation » dont c’est la Turquie qui a pleinement profité. Car, il semble que la Turquie était la seule qui avait compris les vrais enjeux du moment dans la configuration ultérieure de cette zone et n’a pas hésité à prendre des initiatives qui auraient pu mieux lui servir après en tant qu’initiatrice. En fait, les vrais enjeux portaient sur la suprématie régionale et l’acquisition des statuts de puissance régionale dans l’espace pontique réévalué sur la carte géopolitique dans sa qualité de « passerelle eurasienne » ou zone de transit des ressources de la Caspienne. Une image assez claire des enjeux géopolitiques dans cette région est donnée dans la Géopolitique de la mer Noire : « Bien que les quatre pays semblent intéressés par une coopération militaire, leurs objectifs suivent souvent des orientations différentes. L’Ukraine est surtout intéressée à vendre son matériel militaire à l’Azerbaïdjan et à la Turquie. La Turquie quant à elle, pourrait voir dans l’Ukraine un partenaire stratégique. Tout comme la Géorgie le voit dans l’Ukraine. Tandis que l’Ukraine porte un intérêt tout particulier aux ports de Poti et Batoumi ainsi qu’à la flotte géorgienne. »72 71 v. Serebrian, O., Va exploda Estul?Geopolitica spatiului pontic, p. 18. Sieca-Kozlowski, E., Toumarkine, A., Géopolitique de la mer Noire. Turquie et pays de l’exURSS. Paris, Karthala, 2000, p.170. 72 32 II. 3. 1. L’ordre régional de premier degré Dans la partie historique de ce papier, on a parlé de «a long history of conflict » entre la Russie et la Turquie qui font de ces deux pays les puissances régionales traditionnelles, « les géants » de la zone autour desquels tourne l’ensemble géopolitique pontique et, par leur potentiel économique, de potentiels moteurs de la région. Après l’effondrement du communisme, avec la reconfiguration de l’espace géopolitique de la RMN, la Turquie et l’Ukraine ont dû faire face avant tout à « the contraction of russian power »73. Or, si la Turquie avait déjà une longue expérience en tant que puissance régionale, il n’en fut pas de même avec l’Ukraine, le nouveau arrivé, qui se vit attribuer un peu plus difficilement le rôle de puissance régionale par les implications découlant de ses orientations sur le continent, mais surtout de son poids dans la « balance » du pouvoir régional oscillant principalement entre la Turquie et la Russie. II. 3. 1. 1. La Russie Si la perte de l’Ukraine a dramatiquement restreint « les options géostratégiques » de la Russie, la Russie ne peut aussi pas reconstruire son empire « eurasien » sans l’Ukraine qui fait le poids de « l-euro-asien » russe en Europe 74. Ainsi, dans les conditions où l’Ukraine pratique une politique « multivectorielle » favorisée par l’intérêts des puissances européennes et américaines qui l’ont peu ou prou prise sous leur protection, déclarant son orientation vers l’Ouest, mais essayant en même temps de garder une relation « civilisée » avec la Russie, la seule chose à laquelle peut prétendre la Russie, c’est le statut de puissance régionale dans la mer Noire, et, tel qu’on l’a déjà mentionné, un statut à part sur la scène internationale globale. 73 Sezer, D., « From Hegemony to Pluralism: The ChangingPolitics of the Black Sea », p. 2. 33 La consolidation de la position russe dans l’espace pontique s’inscrit aussi dans la logique de la stratégie de Putin traduite schématiquement par « renewal of the Russian empire » par « la reconsolidation de l’étranger proche », traduite pragmatiquement non plus dans une intégration de ses voisins, mais encore plus dans sa « subordination » dans des domaines d’intérêt pour la Russie. L’exemple de la CEI, en est la preuve la plus pertinente de cette politique de la Russie, puisque le Concept of Foreign Policy de Putin de juin 2000 exprime clairement : « conformity of....cooperation with CIS states to the national security tasks of the country [Russia] »75. C’est à ce moment qu’on doit mettre en évidence la différence entre deux concepts clés fondamentaux pour la compréhension de la stratégie russe, à savoir : le nezavisimost ( indépendence) et le samostoyatel ( la capacité d’un pays de tenir /ability to stand).76 Eh bien, si les pays ex-soviétiques ont acquis leur indépendance, ils n’ont pas encore acquis leur « ability to stand », vu la dépendance énergétique, mais non seulement, de la plupart de ces pays de la Russie. C’est que la Russie a encore une puissance inestimable relevant de son contrôle sur les réseaux transnationaux énergétique, bancaire, de l’industrie de la défense, à ne plus parler de la sécurité et des services secrets77. L’Ukraine, par exemple, 90% dépend énergétiquement de la Russie 78. Et tant que cela sera, les NEI, n’auront, tel que le président Kuchma l’a dit, « aucune liberté de choisir » (« no freedom to choose »).79Aussi la Russie a-t-elle un instrument très fort de chantage/domination de son étranger proche, dans notre cas, l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie et elle en fait pleinement usage. Concrètement cela se traduit dans des actions du type : soit on coupe le gaz tout simplement en plein hiver et aux NEI de s’en sortir, soit on isole complètement le pays. La Moldavie par exemple en a déjà fait l’expérience à maintes reprises, à ne 74 v. Larrabee, F., Russia and its Neighbours : Integration or Disintegration ? , Santa Monica, RAND, 2001, p 865 75 v. Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, July 2002 sur http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/CEE/G113, p. 4. 76 v. Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, p. 2. 77 Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, p. 4. 78 Larrabee, F., Russia and its Neighbours : Integration or Disintegration ? , p. 865. 34 plus mentionner la Géorgie intimidée par la Russie dans l’hiver 2000-2001 avec les restrictions de visas, et l’arrêt d’approvisionnement avec du gaz en plein hiver 80. Un autre exemple typique du fonctionnement de la politique russe est le conflit d’Abkhazie. Tout d’abord il faut relever les intérêts de la Russie en Géorgie. Le ministre étranger de la Russie en 1993, déclarait : « the Caucasian region represented a region of «vital interest » for Russia » avertissant contre « the danger of losing geo-political positions that took centuries to conquer. » 81La Géorgie est vitale pour la Russie dans le transport des hydrocarbures, le littoral à la mer Noire et ses ports, surtout après l’indépendance de l’Ukraine. Or afin de récupérer sa perte « géostratégique » dans la mer Noire, la Russie a essayé de faire de son mieux et, si avec l’Ukraine, c’eût été beaucoup plus compliqué, la Géorgie semble en avoir été une « proie » assez facile. Incitée par Moscou, la petite minorité Abkhaze représentant 18% de la population d’une région autonome située au bord de la mer Noire à côté de la Russie, a proclamée son indépendance se levant dans une guerre civile contre les autorités de Tbilissi et réussissant incroyablement, bien sûr avec l’aide de la Russie, à tenir jusqu’à la fin. Le résultat en fut l’évidement de cette région de 250000 Géorgiens ayant représenté auparavant la majorité de la population. C’est que la Géorgie s’est vu attaquer par deux fronts, car en même temps, une autre région autonome au nord, l’Ossétie du Sud, toujours aidée par la Russie, s’est détachée « virtuellement » de la Géorgie. A la fin de la guerre, la Géorgie avait perdu le contrôle de la moitié de son bord de la mer Noire82. Mais, il y a un autre aspect qui mérite d’être mentionné. L’armée russe ne s’est retirée que le 25 octobre 1993 de Géorgie, juste trois jours après l’adhésion, le 22 octobre 1993, de la Géorgie à la CEI83. Donc finalement, la « subordination » de la Géorgie d’une manière ou d’une autre fut faite. 79 v. citation in Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, p. 4 80 v. Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 19. 81 citation in « The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics” in Gazetasng,, p. 2. 82 Ibid. 83 v. aussi Achdjian, G., « La Transcaucasie, un pont stratégique entre deux mers et deux mondes » in Le Courrier des pays de l’Est, 1997/423, p. 38. 35 Si l’Ukraine s’est permis le luxe de refuser le Traité de Tachkent (1992), c’est justement à cause de la protection occidentale dont elle en est sujette. II. 3. 1. 2 La Turquie Si, selon un diplomate roumain, Nicolae Titulescu, « Les détroits sont le coeur de la Turquie, mais aussi les poumons de la Roumanie » 84 , pour les géopoliticiens turcs, la mer Noire est « le centre de gravité de l’Eurasie ». 85 C’est que la Turquie détient l’un des deux points stratégiques les plus importants de la mer Noire (la Crimée en est un autre). Et, tel que le remarque H. Ulsuoy, l’unicité de la Mer Noire consiste aussi dans la particularité de la Convention de Montreux (1936) qui établit les conditions de la circulation par les détroits. Signé en 1936, ce traité tient sa spécificité non seulement dans sa nature multilatérale, mais surtout dans le fait qu’il règle le passage par les détours des navires de guerres des états littoraux et non littoraux à la fois, voire même la présence des forces navales dans la Mer Noire86 En plus, le Préambule de la Convention de Montreux encadre « la navigation dans les détours within the framework of Turkey’s security ». 87 Et encore, ce n’est pas le seul atout de la Turquie, qu’on peut dire « gagnante » dans la reconfiguration géopolitique de la mer Noire. Car, la perte de pouvoir de la Russie semble avoir joué proportionnellement en faveur de la Turquie qui a su s’orienter vite dans la région et profiter du « désorientement » de la Russie. Premièrement, par l’indépendance des Etats du Caucase, la Turquie, s’est débarrassé d’un voisin plus qu’incommode, la Russie. 1992 représente l’année où Ankara prend deux directions, vers le futur: à l’ouest, en créant la ZCEMN (Zone 84 cité in Scoala de geopolitica romaneasca sur http://www.e-scoala.ro/geopolitica/scromana.html v. Mongrenier, J-S, « L’Europe et le Pont Euxin » , p. 3. 86 Ulusoy, H. in « A new Formation in the Black Sea : Blackseafor », p.98. 87 “Desiring to regulate transit and navigation in the Straits of the Dardanelles, the Sea of Marmora and the Bosphorus comprised under the general term "Straits" in such manner as to safeguard, within the framework of Turkish security and of the security, in the Black Sea, of the riparian States, the principle enclosed in Article 23 of the Treaty3 of Peace signed at Lausanne on the 24th July, 1923” in CONVENTION REGARDING THE REGIME OF THE STRAITS SIGNED AT MONTREUX, JULY 20 TH, 1936. 85 36 de la Coopération économique de la mer Noire) vouée à créer le cadre propice pour la coopération, les négociations multilatérales et les questions transfrontalières; et vers le ravivement du passé à l’est, en élargissant l’Organisation de coopération économique (Turquie, Iran et Pakistan) aux républiques turcophones d’Asie Centrale. En même temps, elle établit une bonne relation avec l’Ukraine, tous les deux ayant l’intérêt de garder leur status quo en mer Noire et faire poids à la Russie. L’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Turquie ont signé une série de traités bilatéraux qui laissent présager les contours d’une alliance privilégiée. L’importance de la Turquie, en dehors de la logique de la politique étatsunienne qu’on vient de tracer plus haut, découle surtout de son rôle de médiateur entre l’Europe et l’Asie centrale ou les pays du Caucase. Mais ses intérêts stratégiques de premier ordre portent bien sûr sur le « gâteau pétrolier », la Caspienne, d’autant plus que le second semestre de 2002, a commencé la construction de l’oléoduc Bakou-Ceyhan par la Géorgie et la Turquie pour déboucher devant le golfe d’Alexandrette, en face de Chypre88. D’où aussi l’importance croissante de la Turquie dans l’ordre géopolitique global. Finalement, l’image de l’identité géopolitique de la Turquie, la fait apparaître comme « dreaming East, but moving West » tiraillée entre “ le fondamentalisme et la laïcité (déclinante), entre le libre-échange et la Loi islamique, entre « l’européisme anatolien » et le pantouranisme réformé teinté de néo-ottomanisme. »89 II. 3. 1. 3. « l’Ukraine : un carrefour stratégique » Par la signification de son nom même signifiant « marche » ou « frontière », l’Ukraine, qu’on appelait avant 1917 « petite Russie » 90 semble être prédestinée à avoir une rôle de frontière, de transition entre deux mondes. 88 information trouvée sur www.europa.eu.int.com Del Valle, Al.,op.cité, p. 138. 90 v. Du Castel, V. « L'Ukraine: un carrefour stratégique? » in Défense nationale, Paris, 53 (juillet 1997) 7, p. 91. 89 37 Avec la déclaration d’indépendance de 1991, l’Ukraine a fait la Russie sentir un « enormous political-territorial reatreat in Eastern Europe and a loss of 2782 kilometers of coastline on the northern Black Sea »91 D’autre part, l’Ukraine s’est réveillée indépendante sur la scène internationale après une longue période de domination russe et, encore plus, ayant une position assez importante en Europe et faisant l’objet de beaucoup d’approches géopolitiques. Son importance découle principalement de son rôle potentiel dans la politique de la Russie de « reconstruire » son empire. Deux des plus fameux géopoliticiens, Z. Brzezinski et S. Huntington ont des visions tout à fait différentes sur l’Ukraine. Le premier définit l’Ukraine comme un « état-pivot » en Europe et insiste sur l’imminence de son intégration dans le camp occidental pour prévenir une réémergence de l’empire russe : « it cannot be stressed strongly enough that without Ukraine, Russia ceases to be an empire, but with Ukraine suborned and subordinated, Russia automatically becomes an empire. » 92 Le deuxième, par contre, abordant une perspective d’analyse géoculturelle qui situe l’Ukraine, en tant que « secondary regional state » au quatrième niveau d’un système « uni-multipolaire » régi par le « clash of civilisations » dominé au premier niveau par les Etats-Unis, insiste sur le fait que l’Ukraine par sa nature de « non western », « culturally divided », mais surtout positionnée sur « the « break » between the Christian and Orthodox93 worlds »94 ne pourrait pas être intégrée dans l’UE, car « it straddles the « great power divide » of civilizations, being therefore unable to play that central role in the stability and security of Europe». 95 En fait, toutes les deux théories sont applicables à la situation actuelle de l’Ukraine dans la manière dont elle est traitée sur la scène internationale. Les 91 V. Sezer, D., « From HEgemony to Pluralism : The Changing Politics of the Black Sea », p. 3. citation in Moroney, J., D., “Ukraine's foreign policy on Europe's periphery. Globalization, transnationalism, and the frontier” in Ukrainian foreign and security policy: theoretical and comparative perspectives, Ed. by Jennifer D. P. Moroney .-Westport/Conn.: Praeger, 2002, p. 61. 93 Une remarque s’impose à cette citation, car la religion orthodoxe est une religion chrétienne, donc on ne peut pas parler d’un monde chrétien et un monde orthodoxe. L’auteur fait probablement référence au christianisme de l’Occident et au christianisme orthodoxe. 94 v. Ibid., p. 62. 95 v. Ibid, p. 61-62. 92 38 Etats-Unis 96 et l’Otan agissent dans le sens de la thèse de Brzezinski, alors que l’UE semble aller dans la direction de Huntington97. En fait, cela tient aussi de la nature et la tradition de l’UE et l’Otan, respectivement Etats-Unis, la première étant une puissance économique et monétaire, la deuxième une organisation de sécurité, alors que le troisième est une superpuissance de tout les points de vue, y inclus, celui stratégique. Or, si l’objectif stratégique de la politique de l’Ukraine est l’adhésion à l’UE, la prudence et réserve de l’UE à long terme pourrait s’éprouver assez dangereuse, voire à même de renverser même les bonnes intentions de l’OTAN, les Etats-Unis ou l’Allemagne par exemple pour se tourner vers un autre camp, possible celui russe. II. 3. 2. L’ordre régional de deuxième degré L’ordre géopolitique régional de deuxième degré, inclut le reste des PMN, à savoir, Bulgarie, Géorgie et la Roumanie qui se retrouvent dans des sub- ensembles géopolitiques, la Roumanie et la Bulgarie comme sous-ensemble de ce qu’on va appeler la « géopolitique de l’élargissement », la Géorgie ayant un regard vers l’Ouest, mais tenant d’un sous-ensemble de la géopolitique russe. Ici, on va considérer la Moldavie aussi afin de souligner certains axes conjugués de fonctionnement dans la mer Noire, la Moldavie pouvant aussi être incluse dans le sous-ensemble russe à côté de la Géorgie, son importance pour l’UE étant plus grande vu le rapprochement géographique. II. 3. 2. 1. Le couple Roumanie-Bulgarie : Bulgarie et Roumanie peuvent être inclus dans le même groupe d’intérêst dans l’espace pontique, à savoir, membres à venir de l’UE, donc sous-ensemble 96 Les Etats-Unis et l’Allemagne sont les deux investisseurs les plus importants de l’Ukraine. Moroney, J., D., “Ukraine's foreign policy on Europe's periphery. Globalization, transnationalism, and the frontier”, p. 62. 97 39 dans une éventuelle géopolitique de l’UE, à présent quasi-géopolitique de l’élargissement, mais aussi membres à part entière de l’OTAN depuis mars 2004, se joignant à la Turquie et, non dernièrement proaméricaines, la Déclaration de Vilnius en étant la preuve indiscutable.(v. plus haut) Donc, si on veut résumer, on peut dire que géoéconomiquement, la Bulgarie et la Roumanie tiennent de l’UE, mais stratégiquement de l’OTAN et avant tout, des Etats-Unis et, dans ce contexte elles suivent la politique des EtatsUnis. Car, tel qu’on l’a déjà dit, les jours de l’OTAN semble être comptés en Europe, si aux Etats-Unis, les journalistes ont déjà signé sa mort. Un exemple clair, dans ce sens, c’est, par exemple le discours à Bucarest juste après l’élargissement de Prague, du président Bush qui a déclaré que: « Dans l’avenir pacifique que nous construisons, la Roumanie peut aider l’Alliance comme un pont vers la nouvelle Russie » 98 . A comprendre, les Etats-Unis, bien sûr. D’où le fait que des pays comme la Roumanie et Bulgarie ne sont qu’instrumentalisés, s’il y a intérêt, au profit des grandes puissances, à présent les Etats-Unis. Et leur importance stratégique ne découle pas seulement de la sortie à la mer Noire et d’un potentiel rôle dans le transport des hydrocarbures, mais après le onze septembre de leur position par rapport aux zones de grand intérêt pour la les Etats-Unis. Et, encore plus, leur importance va encore s’accroître avec l’adhésion à l’UE, les Etats-Unis pouvant toujours avoir un contrôle de l’intérieur. L’importance de ces pays peut aussi être révélée dans les «frictions » entre les Etats-Unis et la Russie sur le thème des bases militaires américaines, respectivement russes dans l’espace pontique. Or, les Etats-Unis ont déjà installé des bases militaires en Bulgarie et en Roumanie pouvant se servir, si le cas, de l’aéroport militaire de Sarafovo et le port et la base aérienne de Constanta. Pendant sa visite à Moscou le 26-27 janvier 2004, le secrétaire d’Etat américain Colin Powell a assuré le président Putin que l’objectif du déploiement des bases militaires américaines temporaires dans les pays de l’ex-Pacte de Varsovie, n’était pas celui d’entourer la Russie. La réplique de Kremlin se resume 98 Discours du président Bush, Bucarest, 23 novembre 2002 sur http://fr.news.yahoo.com 40 dans le fait que « Moscou understood the need for bases in Romania and Bulgaria for fighting « terrorism », but not in the Baltic republics and Poland » 99. Du point de vue géoéconomique, l’importance des deux pays est presque la même, si on exclut le critère de la population et de l’espace où la Roumanieque E. Dumoulin considère un cas anomique « byzantine », mais « attiré par sa latinité linguistique » 100 - passe devant la Bulgarie, en tant que potentiel marché et pouvoir d’achat. Cependant, elle aura aussi, grâce à sa dimension, beaucoup plus de problèmes pour se remettre économiquement que la Bulgarie. C’est que si la Roumanie, avec le Danube, joue un rôle capital dans les transports de l’UE, avec le canal Rhin-Danube reliant la mer du Nord à la mer Noire, la Bulgarie est aussi incluse, plus souvent que la Roumanie, sur les plans d’oléoducs transportant le pétrole de la Caspienne. II. 3. 2. 2. Le couple Géorgie-Moldavie Le deuxième couple de pays de l’espace pontique, sont la Moldavie et la Géorgie, les deux tenant d’un sous-ensemble géopolitique russe, les deux étant des républiques ex-soviétiques, et les deux étant confrontés avec des conflits séparatistes qu’on désigne aujourd’hui de « conflits gélés », le cas de l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud en Géorgie et la Transnistrie en Moldavie. Des deux pays, l’importance géostratégique de la Géorgie, par son littoral de la mer Noire, et surtout par sa position sur la route du transport du pétrole est bien plus grande est de plus grand intérêt pour les grandes puissances. Or, la route Bakou-Tbilissi-CEyhan est déjà en construction depuis 2002. On a déjà souligné l’intérêt de la Russie en Géorgie concurrencé bien sûr par l’intérêt des Etats-Unis dans la même zone. Si la Russie reste quand même la « clé économique et militaire » du Caucase du Sud, les Etats-Unis ont déclaré cette zone comme « a foreign policy priority » 101. 99 v. Black Sea Basin Regional Profile., N°21, January-March 2004, p. 9 sur http://www.isn.ethz.ch/isis/ 100 v. Dumoulin, E., « Présence géopolitique de la Roumanie » in Le Banquet, N°2, 1993 sur http://www.revue-lebanquet.com/fr/art/1993/53.htm, p. 1. 101 v. German, T., Faultline or Foothold? Georgia’s Relations with Russia and the USA, CSRC, January 2004, p. 1 sur http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/Caucasus/P41 41 C’est que, juste après le 11 septembre, les services secrets américains avaient interceptée une conversation téléphonique d’Afghanistan à Pankisski Gorge, à savoir avec Abu Hapsi, « a mujahideen commander » et un associé de Bin Laden 102. Le rôle de Géorgie dans l’espace régional pontique dépend de ses relations avec l’Ukraine et la Turquie et de sa capacité d’arriver à se détacher de la Russie dont elle dépend économiquement. Son statut de membre de GUUAM en est une preuve dans ce sens, de même son intention de se voir dans le futur comme un possible candidat à l’UE. D’autre côté, le rôle de la Moldavie dans l’espace pontique proprement dit, est un peu limité par le simple fait qu’elle n’a pas un littoral avec la mer Noire, son lien avec la mer se faisant à travers le Dniestr. Cependant, elle est vue comme “strategic crossroad between Ukraine, Romania, and the Black Sea.” Son importance géopolitique découle plus récemment de son statut de futur voisin à venir de l’UE qui ne veut pas courir le risque d’avoir des zones instables à ses frontières. Deuxièmement, il y a encore le problème de la Transnistrie, un de facto state, une « enclave russe ». Le général Alexandr Lebed, le commandant de la 14ème armée à Tiraspol, disait quant à cette région « the Dnestr region was the key to the Balkans », “if Russia loses this area, it will lose influence in the entire region” 103. Or, la Transnistrie permet à la Russie d’être plus proche de l’Occident et d’avoir un peu de contrôle sur cette zone. Dans les conditions où les Moldaves s’étaient prononcés, le 6 mars 1994, par référendum contre la réunification 104 avec la Roumanie qui ne l’attire pas économiquement dans la même mesure où la Roumanie elle-même serait loin de se permettre les coûts d’une telle action, le Dniestr s’inscrit virtuellement dans une géographie sociologique de l’UE puisque presque la moitié des Moldaves roumanophones ont déjà la double citoyenneté : moldave et roumaine, la dernière devenant d’autant plus attirante avec la sortie du régime des visas pour les Roumains. Or, cela veut dire, tel qu’on la déjà souligné, qu’avec l’adhésion de la 102 v. Ibid., p. 6. cité in The Black Sea Region : New Economic Cooperation and Old Geopolitics, p. 3. 104 v. Romer, J-C. , Géopolitique de la Russie, p. 63. 103 42 Roumanie à l’UE, il y a aura aussi la moitié des roumanophones moldaves qui vont entrer dans l’UE, dont d’autant plus grand l’intérêt de l’UE dans ce pays. III. La configuration « organisationnelle » de la région de la mer Noire Ce qu’on se propose dans cette partie, c’est de donner un aperçu général de la configuration des relations entre les PMN, afin de mieux percevoir comment fonctionne l’ensemble de la mer Noire, quels sont les cadres de coopération et de dialogue entre les pays, et el s éléments du «rouage » de la région de la mer Noire. C’est que dans la RMN on a un agencement et surtout une interpénétration d’organisations régionales et internationales, découlant de la diversité de ses membres et du positionnement de ce cette région à cheval sur deux continents. Après l’effondrement de l’UE, il y a eu deux types de mouvements qui ont principalement structuré la configuration « institutionnelle »/ « organisationnelle » de la RMN, dont plus de la moitié sortait de l’ensemble soviétiq ue, une partie se détachant de l’URSS directement et une partie ayant été régulé sur le plan économique, par le COMECON et le plan sécuritaire par le Pacte de Varsovie. La seule exception, la Turquie, a connu elle aussi une réévaluation de sa position, vu le fait, qu’avant l’effondrement du communisme, elle n’était qu’une pièce dans la politique de « containment » américaine et le flanc sud de l’OTAN. Après l’implosion de l’URSS, elle a dû s’orienter dans le nouvel espace par des relations avec d’autres pays qui auraient pu ultérieurement servir ses intérêts sur le plan global, mais surtout régional. Tout d’abord il y a eu un « élargissement » géographique rapide des organisations européennes « pan-européennes »déjà en place : Conseil de l’Europe, OSCE, etc. et un « élargissement » prospectif par les options offerts par l’OTAN et l’UE qui ont développé avant la lettre une série de relations bilatérales ou multilatérales de la zone. 43 D’autre part, il y a eu une reconfiguration régionale de l’espace, chaque PMN se retrouvant dans des organisations miroitant plus ou moins ses propres intérêts qui s’interpénètrent dans la région de la mer Noire, soit initiées par l’UE : Northern Dimension, soit par la Russie : CEI, soit par l’Ukraine : GUUAM , ou bien la CEMN (à l’initiative de la Turquie), la seule organisation régionale qui prenait comme critère d’organisation un facteur purement géographique : la mer Noire et la position des pays par rapport à celle-ci. III. 1. Configuration multilatérale de la mer Noire : III. 1. 1. Configuration multilatérale intra-régionale : CEMN « ...the cause of the Black Sea itself, of its waters and its creatures, is at last beginning to achieve what so many millennia of human activity have failed to achieve : the union of the peoples who live around it » 105 Le tableau en Annexe 3 offre une prise de vue de l’interpénétration des organisations régionales et internationales dans la RMN. Ainsi, la seule organisation régionale impliquant tous les PMN, c’est la CEMN, qui est issue de la volonté des pays sortant de l’ancien bloc communiste plus la Turquie, de se retrouver dans un cadre de coopération différent, volonté cristallisée par la Turquie. Initialement inspirée par la stratégie turque de « coopération hégémonique » 106 afin d’éviter une isolation «à la périphérie de la politique mondiale », la CEMN était au début « un forum sans personnalité juridique, ni traité fondateur », dont l’objectif était : « establishment of BSEC –Wide Security, Stability, Prosperity »107 s’appuyant principalement sur la coopération 105 Neal Ascherson cité par Ecobescu N., Micu, N., « Black Sea Multilateral Cooperation : New Stage, Wider Opportunities » in Romanian Journal of International Affairs (Bucuresti), 2003/ 2-3, p. 246 106 Valinakis. Y. La région de la Mer Noire: défis et opportunités pour l’Europe, Paris, Institut d'Etudes de Sécurité de l'UEO, 1999, p. ix. 107 BSEC sur http://www.bsec.gov.tr/discover.htm 44 économique. Elle a eu 11 membres dont 6 pays littoraux ( Bulgarie, Turquie, Géorgie, Russie, Ukraine, Roumanie) et cinq non littoraux. (Arménie, Albanie, Azerbaïdjan, Grèce, Moldavie). La Déclaration du Bosphore de juin 1992, acte fondateur de la CEMN, contient 18 articles, fixe les l’institutionnalisation de la relation objectifs politiques dont à long terme, CEMN-UE et les objectifs économiques visant dans le futur l’établissement d’une zone économique de libre-échange. En termes concrets, la zone de la CEMN couvre une zone de 20 millions km ² avec un marché non saturé où la demande dépasse bien l’offre dans les trois principaux secteurs économiques : agriculture, services, industrie. Cependant son budget est de seulement 1 million de dollars108. En fait, elle n’était que la résultante naturelle des convergences humaines agencées par l’espace pontique autour de le mer Noire, car comme le remarque Al. Toumarkine, « l’institutionnalisation d’une harmonie retrouvée », avait été précédée par un mouvement naturel et plus impatient des acteurs économiques, des communautés ethniques et religieuses. 109 Un exemple dans ce sens, peut être ce qu’on a appelé le « commerce des valises », à savoir un mécanisme tenant de l’économie informelle se traduisant dans l’achat des marchandises, par exemple, comme c’était le plus souvent dans les bazars turcs d’Istanbul, pour être revendues dans les autres pays. La CEMN est passée par plusieurs étapes : « formative stage » qui va dès la formation de la CEMN en 1992 jusqu’à la mise en place du Secrétariat International Permanent de la CEMN en mars 1994, une « phase de consolidation » marquée par deux événements : Bucharest Statement of the High Level Meeting of the Heads of State or Governement ( 30 june 1995) et Moscow Declaration of the Heads of State or Governement ( 25 octobre 1996). En même temps, structurellement, au fur et à mesure la CEMN s’est vu compléter par d’autres institutions, PABSEC en 1993, en 1994 c’est le Secrétariat Permanent qui a vu le jour, BSTDB en 1998 ( bien que l’accord était conclu depuis 1994). Entre 1996-1998, un réseau de Black Sea Universities et la CEMN s’est doté aussi d’un think tank : International Center of Black Sea Studies. 108 Ibid. 45 La phase finale de la consolidation de la CEMN fût son institutionnalisation, le 1 Mai 1999, quand elle est devenue d’un simple forum basé sur une déclaration politique, une organisation avec sa propre charte légale acquérant ainsi une identité légale sur la scène internationale. 110 La présidence turque de 2001 a mis à jour au début du XXIème siècle l’explication des vecteurs clés régissant la coopération au sein de la CEMN sous la forme d’un triptyque : « cooperation rather than conflict » , « regionalism as well as globalization » et « avoiding new divisions in Europe ». 111 III. 1. 2. Configuration multilatérale trans-régionale : CEI et GUUAM. En dehors de la CEMN, les PMN se retrouvent en tant que membres d’autres organisations régionales, tel que vu dans le tableau de l’Annexe 4. Deux autres cadres de coopération régionaux sur lesquels ça vaut la peine de se pencher, ce sont la CEI et le GUUAM. CEI « Top priority policy » pour Putin en tant que premier ministre, la CEI est apparue initialement comme une « alternative à l’UE » et un « instrument of the integration in the so-called « near abroad » ». M. Emerson en parle comme «a kind of replica of the EU, able to save the Soviet Union from disintegration » Son spécifique, c’est qu’elle s’inscrit plutôt dans une politique de « subordination » (dominer militairement, économiquement et politiquement les membres) que d’intégration de l’étranger proche par la Russie, surtout établissant, par le Traité de Tachkent, un mécanisme commun de défense (joint defence) et un mécanisme commun de protection des frontières extérieures à la CEI. L’Ukraine qui a flairé les vrais intérêts de la Russie, s’est tenue sagement à l’écart et n’a pas 109 Toumarkine, Al. Tour d’horizon de la mer Noire, p. 2 BSEC sur http://www.bsec.gov.tr/discover.htm 111 v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêtà-Porter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002, pp. 7-8 sur www.icbss.gr 110 46 voulu signer le Traité de Tachkent112 (1992) sur la défense commune, tout comme elle n’a pas reconnu le concept de « frontière extérieure » de la CEI. Les moyens « hard » de cette politique, on les a déjà vus dans l’épisode du conflit de l’Abkhazie et l’adhésion plutôt « forcée » de Géorgie à la CEI. (v. plus haut) Ultérieurement, Putin a instrumentalisé la CEI dans d’autres directions pour des discussions bilatérales ou en développant au sein même de la CEI des sous-groupes permettant à la Russie d’avoir son rôle dans les questions subrégionales aussi. Un exemple dans ce sens, c’est le « Caucasus Four » ( Russia, Georgie, Azerbaidjan and Armenia) qui se veut une « contre-offensive » à la proposition de la Turquie pour un Pacte de Stabilité pour le Caucase du Sud .113 GUUAM Vu par la Russie comme une initiative anti-russe, le GUUAM s’est constituée comme une alternative à la CEI, l’objectif commun de ses membres étant de réduire leur dépendance économique surtout, de la Russie. Initialement formé par quatre membres : GUAM ( Géorgie, Ukraine, Azerbaidjan, Moldavie), le GUAM s’est vu joindre, à l’initiative des Etats-Unis, par l’Uzbekistan. A la différence de la BSEC qui réunit dans son sein des pays dont la situation économique est assez différente, le GUUAM est formé de pays qui ont plusieurs choses en commun, pour ne pas commencer avec leur passé soviétique. Deuxième chose à remarquer, c’est que tous ces membres ne sont pas sur la liste de membres pour l’UE ou pour l’OTAN, bien qu’ils aient déjà, d’une manière ou d’une autre, déclaré leur orientation proeuropéenne. Ainsi les motivations de ces pays tournent en principe autour de deux questions clés. Premièrement, réduire leur dépendance dans les réseaux transnationaux de la Russie. Par exemple l’Ukraine voudrait réduire dépendance énergétique (90 %) sa de la Russie et raffermir sa position dans le transport du pétrole, vu le fait que Kiev construit un «pipeline » d’Odessa à Brody sur la frontière polonaise-ukrainienne. Ainsi l’Ukraine deviendrait-elle un 112 Une alliance de défense qui inclut les pays de la CEI plus Armenia. ( v. tableau in annexe 4 ) 47 « anneau » dans le transport des ressources de la Caspienne vers le Nord par exemple. 114 Deuxièmement, essayer de contrebalancer l’effet de division opéré par l’élargissement de l’UE et de l’OTAN dans la région. Et, d’autre part, en même temps renforcer leur orientation vers l’UE et l’OTAN, en échappant à une nouvelle réorientation vers la Russie. À la différence de la CEI qui est visiblement contrôlée par Moscou, le GUAAM n’a pas de centre, tous les Membres se trouvant sur pieds d’égalité et ayant d’intérêts communs sur le plan économique, énergétique, et de la politique étrangère115. III. 2. L’UE comme vecteur de configuration « structurelle » de la Mer Noire III. 2. 1. L’UE et la configuration bilatérale avec les PMN L’Union Européenne constitue en vecteur extérieur de structuration de la RMN, par les relations qu’elle développe individuellement au niveau bilatéral avec les PMN que ce soit dans la perspective de l’adhésion : Roumanie, Bulgarie, négociation : Turquie, ou avec des pays aspirant à l’UE : comme la Géorgie et l’Ukraine ou bien avec des non-candidats : la Russie. La variété des relations avec l’UE qui ont progressé selon des rythmes différents peut être observé dans le tableau ci-dessous où on a soulignés les pays qui nous intéressent dans notre approche : 113 Larrabee, F., Russia and its Neighbours : Integration or Disintegration ?, p. 870. Ibid., p. 866. 115 v. aussi Moroney, J., Konoplyov, S., “Ukraine, GUUAM, and Western Support for Subregional Cooperation in Europe’s Security Gray Zone”, p. 185. 114 48 EU bilateral agreements with BSEC member states116 Memb Europe Associatio Stability Partnershi er Agreemen n and p and State t agreement Associatio Cooperati (Negotiati (Non-neg. n on ng candidate) Agreemen Agreemen t (under t candidate) neg.) Greece X Bulgaria X Romani X a Turkey Albania X X Armenia X Azerbaij X an Georgia X Moldova X Russia X Ukraine X En fait, au niveau bilatéral, l’UE développe dans cette partie de l’Europe des relations similaires avec les autres voisins de l’Europe. Les accords d’associations et de partenariat de l’Europe de l’est sont de la même nature que les Accords de coopération avec les pays du Pacte Méditerranéen ayant comme noyau le dialogue polit ique, les programmes du type TACIS et les autres accords concernant d’autres domaines. 116 Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêt-àPorter, p. 15. 49 Cependant, les accords de coopération et de partenariat avec les voisins de cette partie de l’Europe n’ont pas des avantages comme les accords avec les voisins de l’autre partie de l’Europe. La Communication de la COM portant sur la PEV affirme cette “discrimination” aussi: “In contrast to contractual relations with all the EU’s other neighbouring countries, the Partnership and Cooperation Agreements (PCAs) in force with Russia, Ukraine and Moldova grant neither preferential treatment for trade, nor a timetable for regulatory approximation”117. D’autre part, la Russie reste un peu favorisée dans cette approche bilatérale et comme le remarque James Sherr : « there is the perception-not entirely unfounded-that the Eu has several distinctly political concerns, notably the avoidance of steps which could be perceived as unfriendly to Russia » 118. En même temps, le même auteur remarque, par exemple, “la discrimination” de l’UE par rapport aux certains pays, par exemple à l’Ukraine qui, si selon les critères de Copenhague se trouve au même niveau que la Russie, elle a dû attendre le Conseil d’Helsinki 1999 pour qu’on reconnaisse sa « vocation européenne ». Et cela malgré le fait qu’il y a deux Common Strategies de l’UE, l’une portant sur l’Ukraine et l’autre sur la Russie. Cependant, la différence est visible sur le plan financier surtout, tel qu’on va le montrer dans la deuxième partie de ce papier. III.2. 2. L’UE et la configuration multilatérale de la région (CEMN) Si au niveau bilatéral avec les PMN, l’UE a développé des relations similaires avec des pays d’autres régions de l’Europe, la RMN, à la différence d’autres régions, est la seule qui ne se retrouve pas sur la liste des priorités régionales en tant que telle de l’UE : « The most important difference is that, in the Mediterranean, an explicit regional dimension encouraging the development of 117 Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Realtions with our Eastern and Southern Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 5. 118 Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 9 50 intra-regional initiatives and cooperation in a broad range of sectors is included » 119. La seule approche institutionnelle de la Commission s’est traduite dans la proposition faite dans une Communication au Conseil « Regional Cooperation in the Black Sea Area : State of Play, Perspectives of EU Actions Encouraging its Future Development » en novembre 1997 pour que la COM devienne un observateur dans la CEMN. Aussi, la première initiative de coopération entre l’UE et la BSEC a été lancée le 30 avril 1999 par Platform for Cooperation between EU-BSEC, th approved by the 13 Meeting of the Ministers of Foreign Affairs, Tbilisi, 30 April 1999, juste un jour avant l’institutionnalisation de la CEMN comme organisation internationale. Dans ce document, la CEMN invite la Commission à devenir observateur, dans la perspective d’un statut de futur membre : « The BSEC invites the EU to consider the possibility for the European Commission to obtain observer status in the Organization which will lay the ground for a future structured relationship between the BSEC and the EU “120. Mais le vrai objectif de la CEMN à long terme, c’est l’institutionnalisation de la relation UE-CEMN. Et pourtant, tel que le souligne M. Emerson121, il y a une différence importante entre un possible statut d’observateur ou de membre. Si le statut d’observateur ne donne pas le droit de voter, et donc serait une tâche assez facile pour la Commission, en tant que membre ayant droit de vote, la Com pourrait participer au budget de la CEMN qui est assez limitée, mai aussi voter sur des questions qui pourrait être en contradiction avec les lois de l’UE. Quant à la politique de l’UE envers la CEMN, elle peut être résumée dans le fait que l’UE préfère une coopération sur une base ad-hoc, sans aucun lien 119 Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 8. 120 Platform for Cooperation between EU-BSEC, approved by the 13th Meeting of the Ministers of Foreign Affairs, Tbilisi, 30 April 1999, p. 2. 121 v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêtà-Porter, p. 14. 51 institutionnel. C’est le contenu de la réponse donnée par Chris Pattern en 2001 à l’invitation de la CEMN pour que l’UE ait un statut d’observateur.122 En reconnaissant le fait que le renforcement de la coopération régionale dans cette partie de l’Europe n’est pas « a strong component » de la politique de l’UE, bien qu’elle s’est déjà developpée de soi « oriented around traditional flows of trade and investment to and from Russia », la Commission se limite à mentionner que : « New initiatives to encourage regional cooperation between Russia and the countries of the Western NIS might also be considered » 123La CEMN, par exemple, n’est même pas même mentionnée. Au Conseil européen de Thessaloniki en juin 2003, on n’a même pas considéré la proposition de la CEMN d’institutionnaliser la relation entre l’UE et la CEMN. Il y a plusieurs arguments qui puissent expliquer la passivité de la COM à propos de la RMN dont on peut mentionner : • les relations déjà existantes au niveau bilatéral. On a vu plus haut la panoplie de relations que l’UE entretient avec les PMN. • l’existence de pays très importants du point de vue géopolitique (la Russie, la Turquie, l’Ukraine) avec lesquels l’UE préfère conserver une approche bilatérale et ne pas les « diluer » dans une approche régionale. • l’hybridité de la CEMN même qui rendrait difficile par la diversité des membres la coopération, et le financement de la part de l’UE. • la nature de la CEMN en tant qu’organisation avec une base légale impliquant plus de « rigidité » que par exemple le modèle d'une dimension ou l’existence des programmes spéciaux d’investissement et d’assistance. La potentialité d’une dimension mer Noire de l’Europe et ses enjeux, on va la considérer dans la deuxième partie de ce papier. 122 Ibid. V. Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 8 123 52 Deuxième partie: L’impact de l’élargissement de l’UE sur la Région de la Mer Noire « Enlargement is not a geopolitical project, but a process of integration » 124 (James Scherr) Le 1er mai 2004, l’UE à 15 est devenue l’UE à 25 avec une population de plus de 450 millions. Qu’est-ce que c’est que l’élargissement ? Qu’est-ce que cela va dire en termes économiques, démographiques ? Après l’élargissement de 2004, l’UE va accroître sa population de 20% et son PIB de 5-9%, pour représenter presque un quart du PNB mondial. 125 Quel va être son effet sur le voisinage, dans notre cas, sur la région de la mer Noire dans la perspective de l’élargissement de 2007 aussi ? Et bien, le moteur de l’élargissement, c’est la « réunification » de l’Europe coupée en deux par le rideau de fer. Mais quels vont être les vrais impacts de l’élargissement, vu le fait que déjà avant son élargissement même, l’Europe a fait l’expérience d’une division opéré par un facteur extérieur à l’Europe même, la guerre en Irak, qui a fait voir que on dit oui à l’Europe économique, mais non à l’Europe en tant que fournisseur de sécurité. L’élargissement en même temps, ne va-t-il pas opérer une ligne de division entre l’UE et le reste de l’Europe et en même temps, entre les nouveaux membres et les nouveaux voisins aussi ? Ce qu’on se propose dans cette partie c’est justement de donner une prise de vue de ce que l’élargissement peut signifier dans la RMN et de quels peuvent 124 125 Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 9 v. www.europa.eu.int.com 53 être ses impacts sur la configuration «hybride » de cet espace qu’on a essayé d’esquisser dans la première partie de ce papier. I. L’Elargissement de l’UE comme vecteur de convergence de la Région de la Mer Noire : Tout d’abord pourquoi parle-t-on dans ce contexte de l’élargissement et non pas tout simplement de l’UE en tant que tel ? Parce que c’est par son élargissement que l’UE est devenue visible dans cette région pour la population de ces pays et des pays voisins à venir de l’UE. Pourquoi l’UE et non pas la Russie ou bien les Etats-Unis qui agissent comme facteur de convergence dans d’autres domaines, surtout dans la sécurité comme on l’a vu dans le cas de la Lettre des Dix de Vilnius qui on dit oui à l’Europe économique, mais non à l’Europe de la défense ? Tout d’abord, si on prend la logique de l’exclusion, la Russie sort de question dès le début, vu le passé encore pas loin du bloc soviétique qui a engendré dans la conscience de certains Etats indépendants une aversion naturelle. Ce nonobstant, la création de la CEI témoigne toujours des réminiscences de leader de la Russie. Deuxièmement, quant aux États-Unis, c’est tout d’abord leur position géographique et leur nature en tant que pouvoir extra européen, bien que l’histoire l’a déjà montré, ce sont les Etats-Unis qui ont joué le rôle d’un catalyseur de l’ « unité européenne » comme par exemple la formation de l’OECE en 1948 pour gérer le Plan Marshall en commun. Dans notre cas, c’est l’UE qui essaie de faire coopérer justement les PMN pour gérer des aides financières comme par exemple le programme TACIS. C’est l’économique qui semble se convertir dans une courroie de transmission des valeurs propagées par l’UE. Eh bien, la question est assez simple. Tout d’abord, c’est la nature de l’UE, qui n’a pas de prétentions de « superpuissance » dans le sens traditionnel du 54 terme, comme c’est le cas avec la Russie et les Etats-Unis. L’UE est la cible de plusieurs pays dans le sens qu’elle offre par ailleurs la seule alternative viable possible qui marche en Europe. Et, tel que le remarque James Scherr : « Enlargement is not a geopolitical project, but a process of integration ». 126 Et encore plus, une intégration économique ce dont a exactement besoin cette région pour se remettre après son passé communiste, car la « bataille » géopolitique semble n’avoir conduit à rien. C’est l’UE qui peut jouer le rôle positif d’un facteur d’unification de cette partie de l’Europe, l’une des plus diverses et hybrides, en propageant un certain modèle économique accompagné d'autres valeurs démocratiques et politiques. Deuxièmement, il faut insister sur la nature des critères socio-économiques et politiques de Copenhague qui sont les mêmes pour tous les Etats qui veulent devenir membres de l’UE En principe, il y deux manières dont l'élargissement de l’UE peut avoir un impact positif sur la RMN. Tout d’abord par l’adhésion de la Roumanie et Bulgarie, ces futurs membres peuvent offrir de l’expertise aux nouveaux voisins de l’UE que ce soit dans le cadre de coopération de la CEMN ou bien dans des relations bilatérales. C’est un effet de contagion positive qui devrait affecter plusieurs domaines. Deuxièmement, l’UE a elle même mis sur pied une nouvelle PEV destiné à prévenir justement les critères en Europe. PEV a pour objectif, tel que rappelé dans Après l’élargissement : la Commission donne un coup d’accélérateur à la politique européenne de voisinage127 de « partager avec les pays limitrophes les avantages de l’élargissement de l’UE de 2004-c’est-à-dire la stabilité, la sécurité et la prospérité- dans des conditions distinctes d’une adhésion à l’UE ».Or qui d’autres peuvent servir mieux de courroie de transmission de ces valeurs sinon justement les futurs membre de l’UE, voisins directs des futurs voisins de l’UE. 126 127 Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 9 sur http://www.europa.eu.int/comm/world/enp/document_en.htm, p. 2. 55 I. 1. L’élargissement comme vecteur/stimulateur de convergence régionale I. 1. 1. Mécanisme de la convergence régionale « it is important to foster closer cooperation both accross the EU’s external borders and among the EU’s neighbours themselves-especially among those that are geographically close to each other » 128 ( Stategy Paper sur la PEV, mai 2004) L’élargissement de l’UE influe d’une double manière sur la coopération dans la RMN : de l’intérieur et de l’extérieur. De l’extérieur, dans la perspective d’adhésion à l’UE elle impose un certain modèle et nombre de valeur dont de bonnes relations avec les voisins et de l’intérieur dans le sens que les pays ayant comme objectif stratégique l’adhésion à l’UE vont faire de leur mieux pour «se renforcer » eux-mêmes à travers la coopération régionale. Dans ce contexte il y a trois raisons d’ordre externe129 pour la coopération régionale, dont on peur rappeler : 1. remplir les critères de coopération et bon voisinage de l’UE et de l’OTAN( par exemple la Roumanie a dû résoudre ses problèmes de minorités et de bon voisinage avec l’Ukraine, en signant un traité bilatéral en 1997, déclinant toute prétention territoriale ultérieure130. Dans ce contexte on peut aussi retrouver cet objectif clairement exprimé dans l’acte fondateur de la CEMN, la Déclaration de Bosphore : « to ensure the Black Sea becomes a sea of peace, stability and prosperity, striving to promote friendly and good neighbouring relations » 131 128 Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper , Brussels, mai 2004, p. 20 129 v. aussi. v. Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration pp. 3-8. 130 Cela s’est fait surtout dans le cadre de l’élargissement de l’OTAN, mais s’inscrit dans l’élargissement de l’UE aussi. 131 The Bosphorus Statement, Istanbul, juin 1992, sur http://www.mfa.gov.tr/BSEC/TheBosphorusStatement.htm 56 2. la coopération régionale pourrait être une étape vers l’intégration européenne et un facteur d’accélération de l’adhésion (dans ce contexte on peut citer par exemple l’Ukraine qui jamais ne serait bien accueillie dans l’Ouest comme anti-russe, don elle doit bien « soigner » ses relations avec Russie justement pour paradoxalement faciliter, si jamais, l’adhésion à l’UE). 3. non dernièrement, la coopération régionale comme moyen d’embellir la carte de visite des candidats sur la scène internationales, de même que leur crédibilité. D’autre part, il y a au moins trois autres motivations d’ordre interne qui s’inscrivent en fait d’une manière indirecte dans la même logique d’adhésion à l’UE. La coopération peut être un moyen de promouvoir le développement dans plusieurs domaines : économique par la consolidation des infrastructures pour le transport qui faciliterait les relations entre les pays ; dans la résolution des problèmes transfrontaliers contre le crime organisé, les trafiques illégaux, les drogues ; dans le domaine des communications, de l’énergie et du développement ; et non dernièrement la coopération subrégionale peut être un moyen de « increase foreign trade, foreign aid, and especially foreign investment by creating a stable environment and new opportunities ». 132 Dans le chapitre précédent, on a analysé la configuration « structurelle » de la RMN. Or, si l’UE a seulement une approche bilatérale avec la mer Noire, paradoxalement elle constitue un vecteur indirect d’unification intra-régionale et de structuration. On a vu trois exemples, la CEI, le GUUAM et la CEMN, tous les trois ayant dans leur motivation de formation comme repère l’intégration européenne. C’est que tous le PMN, exception faisant la Russie, ont comme objectif stratégique de leur politique étrangère soit l’adhésion à l’UE soit justement trouver une alternative à cela, or l’adhésion à l’UE suppose remplir un certain nombre de critères dont, les rapports de bon voisinage. M. Emerson et M. Vahl parlent d’un nouveau type de régionalisme européen dont les sujets sont les régions de la grande Europe ayant des identités 132 v. aussi. v. Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration, p. 7. 57 géographiques et historiques couvrant aussi l’espace politique économique « all regions of the wider Europe that have historical and natural geographical identities, but which overlap today’s main remaining political and economic divides. » et qui a deux motivations :d’une part une raison réactive « compensate the thinness of the pan-European organisations and the exclusiveness of the leading institutions »et d’autre part une active :« develop networks of cooperative activities, which gain functionally from their regional specificity and politically because they bridge the remaining political divides of the wider Europe ».133 La CEI se voulait « une alternative à l’UE » dans les mains de la politique d’intégration de l’étranger proche de la Russie. Le GUUAM, par contre, voulait justement échapper à cette « alternative de l’UE » allant juste contre les intentions de subordination de la Russie et essayer de contre-balancer les effets de divisions opérées par l’UE. Et enfin, la CEMN se voulait une preuve de bonne conduite devant l’UE. I. 1. 2. CEMN L’intégration européenne a été un vecteur de coopération dans la CEMN dès le début d’autant plus explicitement affirmé dans la Déclaration de Bosphore. Les PMN ont accentué dans la déclaration que: “in the building of the new architecture of Europe, their countries and peoples had an important and creative contribution to make and that the Black Sea Economic Cooperation constituted an effort that would facilitate the processes and structures of European integration.”134 Aussi, quoi qu’on en dise, les motivations principales des PMN de se réunir dans la CEMN, tournent autour de la perspective d’une future intégration de l’UE ou des autres structures internationales. En 1992, ni la Bulgarie, ni la Roumanie n’étaient pas encore acceptés comme candidats de l’UE et encore 133 v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêtà-Porter, p.22. 134 v. The Bosphorus Statement, Istanbul, juin 1992, sur http://www.mfa.gov.tr/BSEC/TheBosphorusStatement.htm 58 moins la Turquie. La seule exception en étant la Grèce en tant que membre à part entière de l’UE. Il est vrai que la CEMN a été créée à l’initiative de la Turquie afin de consolider la coopération dans la RMN, mais juste après la demande d’adhésion de la Turquie à la Commission. Cependant, dès le début Ankara a affirmé que le projet de la CEMN ne se veut pas une alternative, mais un complément de l’UE. « eine Ergänzung zur EG » 135 Et bien sûr à chaque règle il y a l’exception qui la confirme. Dans ce cas, la Russie dont la priorité de la politique étrangère est loin d’être l’intégration dans l’UE, tout au contraire, mais qui fait de loin le poids politique de la CEMN, tel que le souligne aussi N. Nures: « Ohne die russische Föderation würde die SMWK ihren politischen Einfluss verlieren, und die Handelsströme sowie der wirtschaftliche Austausch würden empflindich schrumpfen“136. C’est dans ce contexte, qu’on peut se poser la question quelle est le vrai intérêt de la Russie dans la BSEC vu le fait qu’elle n’est pas intéressée à l’intégration dans l’UE. Serait-ce tout simplement le besoin de ne pas se trouver séparée du reste du monde en s’impliquant dans tant d’organisations que possible ? Ou bien, il y a d’autres logiques sous-jacentes ? D’autant plus que dans cette organisation elle doit accepter un statut de membre à droits égaux avec les autres membres. La Russie, accepte-t-elle la position de simple membre dans la CEMN ? Vu qu’au moment de la création de l’UE, la politique « d’alignement »de Putin n’existait pas encore. Au début du XXIème siècle, la CEMN a dû aussi adapter ses motivations aux nouvelles données du grand élargissement en train de se faire de l’UE :“cooperation rather than conflict”, “regionalism as a step to global integration”, “avoiding new divisions in Europe”. 137 Si la Turquie est encore loin de l’adhésion, la Roumanie et la Bulgarie semblent être sur la liste de 2007. Donc, la CEMN doit se rendre utile dans le 135 v. Sen, F. “Schwarwmeer-Wirtschatskooperation: Ergänzung zur EG?” in Aussenpolitik. 1993/3, p. 286. 136 Nures, N. „ Die Schwarzmeerwirtschaftskooperation ( SMWK) am Scheideweg“, 2002/ 8, p. 68. 137 Tels qu’exprimés par la présidence turque de 2001. v. aussi in Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêt-à-Porter, p. 7-8. 59 contexte de l’élargissement aussi, les pays membres pouvant aider avec expérience les autre PMN pour les rapprocher de leur objectif et en même temps en tant que futurs membres de l’UE faciliter les relations entre l’UE et les autres PMN, dans le cadre de coopération offert par la CEMN. Dans BSEC Agenda For the Future. Towards a more Consolidate, Effective and Viable BSEC Partnership de mars 2001, la CEMN renforce sa disponibilit é de jouer un rôle de « pont » entre l’UE et le reste de l’Europe : « the dynamics of the emerging new European Architecture open up the potential for effective partnerships with BSEC. The Europe of the future should be free of new dividing lines. BSEC can play a major role in providing the necessary links between the enlarged EU and Eastern Europe, the Caspian Region and Eastern Mediterranean.” 138 La question qui se pose, c’est bien sûr la viabilité de la CEMN comme alternative à l’UE pour les « outsiders ». Car l’UE a déjà une approche bilatérale de cette région tel qu’on l’a déjà vu, qu’elle préfère à cause de son hybridité de « fragmenter » dans des approches bilatérales. Mais si l’insertion de l’UE se fait surtout à travers l’économique, l’intérêt de l’UE est d’avoir des voisins stables. Or, le principal pilier de la CEMN, est la coopération économique, d’autant plus que le budget de cette organisation est plus que limité. Cependant, l’UE ne sait pas comment gérer les relations compliquées avec cette partie de l’Europe, tel qu’on l’a déjà souligné aussi dans les relations avec la Turquie et d’autant plus par sa nature non-géopolitisée. Une autre question qui se pose, c’est peut-être dans quelle mesure la CEMN peut servir aux objectifs sécuritaires de l’UE, d’avoir de voisins stables à sa périphérie, et, d’autant plus, à éviter que les disparités économiques entre les pays de la RMN ne favorisent l’émergence d’un espace instable. Cela d’autant plus que, reconnaissant les difficultés d’établir une organisation régionale dans la RMN, un rapport de la COM reconnaît déjà l’importance de la CEMN en tant que tel dans cette partie de l’Europe : « as regards BSEC’s aspirations to play a role in 60 the peaceful settlement of disputes in the region, the fact that BSEC brings togheter representatives of all Black Sea states, can be considered an achievemnt in itself »139 I. 2. L’élargissement comme facteur de démocratisation de la Région de la Mer Noire C’est vrai que par les critères de Copenhague, par sa nature même, l’UE propage un certain modèle de valeurs. La première série des critères, à savoir les critères politiques sont : l’existence d’institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect des minorités. Or, entrant dans la RMN par l’élargissement de 2007, l’UE va se trouver dans une région plus que complexe et fragmentée quant à ce qui concerne la démocratie, les droits de l’homme, les minorités, une région dont la démocratie est considérée par certains auteurs « the missing link in regional security ». 140 La Bulgarie et la Roumanie141 on dû résoudre leurs problèmes concernant les minorités turque, respectivement hongroise, à ne plus parler de la minorité rom afin d’être éligible en tant que candidats à l’UE. La Turquie, par contre, se trouve officiellement en retard sur la Roumanie et la Bulgarie dans la voie vers l’élargissement justement à cause de ses problèmes concernant le respect des droits de l’homme, à savoir les droits des minorités, dans son cas, la minorité kurde. 138 sur http://www.bsec.gov.tr/agenda.htm Citation in Manoli, P., The Role of the Black Sea Economic Cooperation (BSEC) in the Stability of the Region, CSRC, July 2002, p. 42 140 v. Sherr, J., Democracy in The Black Sea Region: The Missing Link in Regional Security, CSRC, July 2002 sur http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/CEE/G113 141 Le tableau ci-dessous, créé sur la base des dates trouvées sur http://www.europa.int/comm/enlargement, offre une prise de vue de l’importance des minorités dans la population de ces pays. Bulgarie 85, 5% 9, 7% 3, 4% Bulgares Turcs Roms Roumanie 89,4% 6, 6% 2, 4% Roumains Hongrois Roms 139 61 En même temps, on peut aussi penser à l’interpénétration des minorités des PMN, qui peuvent jouer comme liens entre les pays et en même temps propagateurs à leur tour, bien qu’à un niveau réduit de démocratie. Toutefois, il faut pas négliger le rôle des autres institutions européennes, à savoir le Conseil de l’Europe par exemple, le premier qui a accueilli les pays issus de l’ancien bloc communiste après son effondrement en guidant pour un certain moment le trajet vers la démocratie et le respect des droits de l’homme. Ou bien l’OSCE, la seule qui semble avoir un mot à dire dans le Caucase ou la Moldavie par exemple ou bien sur son membre fondateur la Russie pour l’amour duquel on évite de la déconsidérer pour ne pas perdre un cadre de dialogue. Et cela, c’est juste pour donner « au césar ce qui est au césar » et pour comprendre l’interdépendance inévitable des « ensembles » démocratiques. D’autre part, il faut penser par exemple à l’Ukraine qui ne serait jamais acceptée par l’UE en tant qu’ »anti-russe », tout comme son indépendance était conditionnée par une « entente » avec la Russie. Au Caucase, ’lUE a soutenu par exemple financièrement la transition démocratique de la Géorgie pendant les derniers mois. Le 19 décembre 2003, la Commission a financé sous la forme d’un « Rapid Reaction Mechanism » de 2 millions euros les élections présidentielles et parlementaires. De même, la Commissio n a donné 5 millions euros du Food Security Program 142. Mais, on n’en dit rien sur les mécanismes et les moyens pour remplir ces critères. C’est pourquoi, selon ces critères, il y a beaucoup de pays qui sont démocratiques, mais en fait il s’agit d’une démocratie purement formelle. Troisièmement, il ne faut pas oublier qu’on a à faire à ce qu’on appelle plutôt un « clash »de systèmes différents. Or, c’est James Sherr, qui parle des « symptoms of a more serious problem : the difficulty of introducing the EU’s radically apolitical values to a part of Europe which remains deeply politicized and profoundly geopolitical in its thinking »143. C’est dans ce contexte, par exemple, que beaucoup des pays ont une « démocratie formelle » et c’est tout. La Russie en est un exemple ou même des pays comme la Bulgarie et la Roumanie, on ne peut pas les comparer à des pays 142 v. http://www.europa.int/comm/enlargement 62 de l’Ouest qui ont déjà eu une vraie tradition démocratique ou bien à des pays de l’Europe centrale dont la transition s’est beaucoup mieux passée. Un exemple dans ce sens, par exemple, c’était le référendum pour la Constitution en Roumanie, ayant comme enjeu l’intégration européenne. Eh bien, afin d’avoir une participation suffisante, on a inventé plein de trucs, comme « l’urne » mobile, ou bien des tombolas pour récompenser les votants. Il y a en a encore d’autres exemples dans d’autres pays de la RMN. Et cela c’est juste pour montrer que le modèle européen tel que décrit par le critères de Copenhague, n’est pas suffisant pour consolider la Région, ou bien n’est pas applicable dans la même mesure à tous les PMN. M. Emerson essaie d’analyser le modèle de l’UE tel que envisagé par les critères de Copenhague, qui ne sont en fait que des critères techniques, l’UE n’en définissant pas les méthodes de remplir ces critères, ou mieux un modèle de fonctionnement. Et il en parle de « fuzzy statehood » 144 comme caractérisant le modèle de l’UE, qui est une «multi-tier governance system, with five-vertical levels : local, regional, national (sovereign state), European (EU) and global. » et qui se traduit par une interpénétration de processus différents comme la mondialisation, l’européanisation et la régionalisation qui vont contre la souveraineté de l’Etat-nation 145. En plus, selon M. Emerson ce modèle de « fuzzy statehood » est même plus adapté pour la périphérie de l’UE qu’à l’intérieur de celle-ci. Or, considérant la diversité ethnique et religieuse des PMN, par exemple allant d’orthodoxisme ( Russie, Ukraine, Bulgarie) à l’Islam (Turquie), des langues latines ( le roumain), aux langues slaves ( le russe, le bulgare) et aux langues turques ( le turc), à ne plus mentionner l’interconnexion entre les minorités( par exemple en Crimée il y a des Tatares, pour Roumanie et Bulgarie v. 143 Sherr, J., The Enlargement of the West and the Future of Ukraine, CSRC, February 2003, p. 10 “ it is about a system of horizontal solutions to the complex problems of the ethnic mosaics. This may have several elements: respect for minority rights in questions of language and education, techniques of personal federalism overlapping territorial federalism (individuals who associate with a given cultural community can draw on certain public services irrespective of the territorial entity where they reside), mechanisms for inter-regional relations between frontier regions of neighbouring states (including asymmetric cases of a sub-state entity of one state dealing with another full state as partner)”in Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2001, p. 28. 145 Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 28. 144 63 le tableau p. 62), le modèle de « fuzzy statehood » semble une possible solution pour la RMN aussi. Cependant, M. Emerson fait encore une classification des périphéries de l’UE : « 1.clean-cut peripheries, 2.integrating peripheries, 3. divided peripheries, 4. overlapping peripheries », insistant sur le fait qu’il faut adopter des stratégies différentes pour chaque catégorie en part 146. Dans la RMN, il y a deux types de périphéries qui s’y retrouvent : « integrating périphéries » 147 (Roumanie, Bulgarie) et « divided peripheries »148 (Ukraine, Moldova, Géorgie). Si avec la Roumanie et la Bulgarie, les choses sont claires, avec « l’étranger proche »de la Russie, regardant vers l’Ouest, les choses sont beaucoup plus compliquées, mais l’UE devrait oeuvrer en faveur d’une stabilisation de ces régions, en leur offrant une alternative plus viable, même en dehors de l’adhésion. I. 3. L’élargissement comme stabilisateur économique de la Région de la Mer Noire Le penchant économique de la démocratie promue par l’UE, c’est l’économie de marché. Si l’économie de marché représente un critère pour l’adhésion à l’UE, elle est aussi, plus que les critères politiques, le vrai «label ». 146 Emerson, M. The Elephant and the Bear, pp. 29-32. „Here the state or entity is set on a strategy to integrate with either the EU or Russia, but has so far been unable to do this completely“ in M. Emreson, The Elephant and the Bear, p. 29 148 „These are the states or entities that are torn between West and East, for which stable solutions have not yet been found“ v. Ibid. 147 64 C’est que le succès de l’UE réside surtout dans l’Union économique et monétaire et son vrai pouvoir, « soft power » réside dans l’économique. Cependant, le processus d’intégration économique de l’UE se heurte à une zone à fortes disparités économiques et à un niveau généralement bas par rapport aux autres pays de l’UE ou même aussi des PECO. Le PNB des PMN de la CEMN (+Chypre) étant près de 2,6% du produit mondial en 1999 contre 5, 6% de la population mondiale 149 témoigne d’un retard économique. En plus si le PIB corrigé en 1999 de la RMN était de 3,5% du PIB mondial, la Russie en faisant le 40%. Selon la Banque Mondiale, les PMN de la CEMN(+Chypre) se trouvent en haut de la catégorie « moyenne basse » avec un PIB corrigé 150 par habitant en 1999 de 2760 USD151. C’est que la plupart des pays des PMN ont des « économies en transition » d’une économie planifiée vers une économie de marché, mais pas du tout selon le même rythme. En plus, selon l’étude de TAD, il y a trois types de pays au sein des PMN :les PMN de services : Turquie et Grèce, les PMN « industriels » : (Russie, Moldavie, la Roumanie, l’Ukraine, la Bulgarie) et les PMN agricoles (Géorgie). 152 Si on regarde le tableau en annexe 4 , on peut voir que les PMN, se trouvent loin derrière les autres PECO, la plupart d’entre elles s’encadrant dans une estimation globale de TAD entre 16 et 24, c’est-à-dire que « le processus de transition est amorcée, mais des difficultés importantes subsistent » 153. Cependant, la Bulgarie a obtenu le plus grand nombre de point 24+, suivie par la Roumanie ( 23-), la Géorgie ( 22+), la Russie et l’Ukraine se retrouvant au même niveau ( 20+). Or, si on prend comme critère d’analyse, le critère économique de l’UE, le dernier rapport de la Commission européenne sur la Roumanie et la Bulgarie de novembre 2003, affirme encore une fois le caractère d’ »économie de marché fonctionnelle » de l’économie bulgare, alors que la 149 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire p. 29 Le PIB corrigé prend en compte les revenus de l’économie informelle aussi. 151 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noirep. 31 152 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire p. 42. 153 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire, p.56. 150 65 Roumanie est classifiée comme « économie de marché viable », mais non fonctionnelle. D’une manière ou d’une autre, les futurs membres de l’UE se trouvent dans ce « top » de la RMN et ils pourraient agir comme de centres de contagion positive. Un exemple concret dans ce sens, c’est par exemple, le repère géographique par rapport à l’UE. En Roumanie, plus on va vers l’Ouest, plus le niveau de développement est plus avancé, tout au contraire de la Moldavie roumaine par exemple qui figure comme la plus pauvre région du pays. De même en Hongrie, la région à côté de la Roumanie est moins développée que le reste de la Hongrie. Et tel qu’on l’a déjà souligné plus haut, ce sont ces pays, ces nouveaux membres à venir de l’UE qui sont le plus en mesure de se convertir dans des courroies de transmission des valeurs promues par l’UE. L’UE contribue concrètement à al stabilisation de cette région à travers plusieurs instruments financières et programmes d’assistance qui couvrent, selon le cas, tous les PMN. Aussi, l’aide de pré-adhésion pour la Roumanie et Bulgarie est fourni par trois programmes : PHARE, ISPA et SAPARD, alors que les NEI (Russie, Ukraine, Géorgie) sont couverts par TACIS. L’importance des aides financières pour Roumanie et Bulgarie est très importante, agissant comme un facteur de stabilisation des économies de ces pays. Par exemple la Roumanie a reçu par an par les trois instruments (depuis 2000) à peu près 700 millions euros équivalent 1, 4 du PNB ou 36% des dépenses d’investissements. 154 Encore, dans la période 2004-2006, la Roumanie et la Bulgarie vont recevoir 4.5 milliards d’euros en tant qu’aide de pré-adhésion à travers les trois programmes qu’on vient de mentionner alors que la Turquie va recevoir 1.05 milliards d’euros en tant qu’aid e de pré-adhésion gérée à travers d’autres instruments que la Roumanie et la Bulgarie. 155 D’autre part les pays couvert par TACIS, ont reçu entre 2000 et 2003 : Tacis Assistance to ENP Partner countries in the period 2000-2003 154 v. sur http://www.europa.int/comm/enlargement 155 v. http://www.europa.int/comm/enlargement 66 Country Amount 2000-2003 M€ Countries covered by Tacis Russia 599.6 Ukraine 435.6 Moldova 46 Belarus Multi-country Programmes Total Tacis 10 241 1332.2 Source: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper , Brussels, mai 2004, p. 29 Entre 1992 et 2002, l’UE a financé aussi la Géorgie avec 370 millions euros 156. Si cela a lieu surtout dans les cadres de coopération bilatérale, la PEV, prévoit un renforcement de la coopération transfrontalière et régionale, forçant les pays à collaborer pour des objectifs commun. Entre 2004-2006 : les programmes de voisinage vont s’appuyer sur les instruments déjà existants, PHARE et TACIS, alors que après 2006 vont être remplacés par le IEV. A présent il y a quatre instruments promouvant la coopération transfrontalière et subrégionale : 1. INTERREG Community Initiative faisant partie des Fonds structurels et pouvant être utilisé seulement à l’intérieur de l’UE, bien qu’appuyant non seulement les EM de l’UE mais aussi les Etats voisins de l’UE. 2. Dans le cadre de la pré adhésion, les programmes PHARE CBS concernent la coopération transfrontalière avec les EM et parmi les Etats candidats. Si jusqu’à présent la coopération transfrontalière était financée par les programmes Phare nationaux, entre 2004-2006, PHARE CBS va inclure les frontières extérieures de la Bulgarie et de la Roumanie 3. Dans les NEI, le programme TACIS CBC finance la coopération transfrontalière en Russie, Belarus, Ukraine et Moldavie. 156 v. The Eu’s relations with http://europa.eu.int/comm/external_relations/georgia/intro/ip04_465.htm Georgia sur 67 Dans le tableau ci-dessous on a une évidence des aides en faveur de la PEV, y inclus la coopération transfrontalière. Les ressources de financement en faveur Programmes TACIS158 Phare CBC 159 Cards Meda INTERREG ( EU internal Borders) de la PEV entre 2004-2006 157 : In million Euros 75 90 45 45 700 Jusqu’en 2007, TACIS va rester l’instrument principal d’assistance pour les pays partenaires, fournissant les moyens pour la NPV et l’implémentation des Plans d’Action. Depuis 1991, l’UE a offert assistance de plus d’un milliard d’ euros au pays du Sud Caucase. 160 En 2003, la Commission a aussi nommé un Représentant Spécial de l’UE pour le Caucase du Sud161 C’est par ces aides financières que l’UE devient visible dans son voisinage comme facteur positif de consolidation des frontières et qu’elle pourrait instrumentaliser l’économique juste en faveur de la démocratisation par exemple. I. 4. L’élargissement comme vecteur de contagion sécuritaire L’élargissement de l’UE se manifeste comme facteur de contagion sécuritaire dans le voisinage de deux manières. Tout d’abord, tel qu’on l’a déjà remarqué 157 v. les dates in Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper , Brussels, mai 2004, p. 24 158 TACIS a été adopté par la COM en novembre 2003 et inclut les frontières de l’Europe élargie avec : la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie. 159 Phare CBC a été modifié en octobre 2003 pour inclure les frontières extérieures de la Roumanie et de la Bulgarie 160 Eu-South Caucasus-Tha Gahrton Report, Speech by The Rt Hon Chris Patten, Brussels, 26 February 2004 sur http://europa.eu.int/comm/external_relations/news/patten/speech04_98.htm 161 v. Eu-South Caucasus-Tha Gahrton Report, Speech by The Rt Hon Chris Patten, Brussels, 26 February 2004 sur http://europa.eu.int/comm/external_relations/news/patten/speech04_98.htm 68 pour les autres cas, l’existence de nouveaux membres de l’UE, va stabiliser l’espace par leur statut même et polariser ce modèle dans les relations avec les voisins aussi. D’autre part, par la PEV, qui est l’instrument d’approche de l’espace de voisinage par la COM. En même temps la COM a lancé en décembre 2003, an European Security Strategy. Plus haut on a vu, l’importance des aides européennes pour la PEV, mais surtout sur la coopération transfrontalière où l’argent va être géré à travers PHARE CBC, INTEREREG et TACIS pour les NEI et ultérieurement à travers l’ IEV. C’est dans ce sens, qu’usant de son pouvoir « soft », l’UE va instrumentaliser l’économique afin de consolider le voisinage. Les pays voisins vont jouer aussi un rôle vital dans la sécurisation du transport de l’énergie et des ressources de la Caspienne, c’est pourquoi l’UE doit s’impliquer aussi dans le Caucase. D’autre part si les nouveaux membres vont jouer un rôle de stabilisation dans le voisinage de l’UE, d’autre part l’élargissement va rapprocher l’UE des zones conflictuelles et l’UE doit déjà avoir une politique active dans la résolution des conflits du type gelé. Par exemple la Transnistrie d’autant plus que la Moldavie va être un voisin direct de l’UE à partir de 2007, et beaucoup des moldaves roumanophones ont la double citoyenneté, The European SEcurity Srategy162, l’instrument lancé par la COM dans la perspective de l’élargissement, identifie cinq « present key threats », à savoir: le terrorisme, la prolifération des armes de destruction en masse, les conflits régionaux, « the state failure » et le crime organisé. « WE need both to think globally and to act locally », c’est part de European Security Strategy163. La mondialisation de la violence va de pair avec la reconsidération conceptuelle de « la sécurité » en Europe et des moyens pour l’assurer. L’UE a fixé trois objectifs stratégiques dans ce sens : « addressing the Threats » , « bulding Security in our Neighbourhood », « an international order based on effective multilateralism ». Les attentats de Madrid de mai 2004, ont confirmé le fait que l’Europe est aussi une cible de ce terrorisme, après que la découverte de cellules d’Al-Qaeda 162 A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 december 2003, p. 3-4. 69 en Allemagne, au Royaume-Uni par exemple, a déjà fait la preuve de l’insertion de ce phénomène dans l’espace européen. Si la prolifération des armes de destruction en masse est considérée comme la menace la plus grave, l’Europe n’en a pas encore été touchée. D’autre part l’Europe est considérée une cible de premier ordre pour le développement du crime organisé à l’intérieur même de l’UE avec le penchant externe structuré par l’immigration illégale, le trafic des drogues qui peut facilement se conjuguer sur la ligne du terrorisme aussi. 90% de l’héroïne de l’Europe vient des pavots cultivés en Afghanistan à travers les réseaux des Balkans qui se font responsables aussi du trafic de 200.000 à 700.000 femmes 164. C’est pourquoi avec l’élargissement de l’UE, la sécurisation des frontières de l’UE doit nécessairement se conjuguer avec la « sécurisation » des voisins à venir de l’UE. Un manque dans ce contexte, pourrait à long terme amener à une « contagion » conflictuelle aussi, l’effet de «spill-over » pouvant se concrétiser dans des domaines sécuritaires aussi, à ne pas mentionner le fait que des cas comme la Transnistrie peuvent devenir le cadre idéal pour le développement du crime organisé, des paradis fiscaux et encore un « guêpier » potentiel d’un conflit armé. D’autant plus que la mondialisation économique s’est accompagnée d’une mondialisation de la violence aussi où la distance n’est plus un facteur de stabilité étant diluée par une dynamique nouvelle de la violence : “In an era of globalization, distant threats may be as much concern as those that are near at hand. (...) Our traditional concept of self-defence-up to and including the Cold War-was based on the threat of invasion. With the new threats, the first line of defence will often be abroad. The new threats are dynamic.”165 Si à présent l’UE n’a pas à faire face à des situations conflictuelles proprement dites dans son espace de voisinage, il faut pas négliger la situation de la Transnistrie d’autant plus médiatisée dernièrement à cause du projet de 163 v. A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 December 2003, p. 6. 164 Ibid. 165 v. A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 December 2003, pp. 6-7. 70 fédéralisation. En fait, elle a déjà commencé à s’impliquer avec les moyens dont elle dispose (« soft ») dans ces régions et elle soutient l’OSCE et les NU dans la résolution de ce conflit. I. 5. L’élargissement comme « matrice conceptuelle » d’une nouvelle politique de voisinage de l’UE L’élargissement de l’ UE a remis en cause la politique de voisinage de l’UE et imposé une nouvelle redéfinition ou, du moins, une reconsidération du voisinage de l’ UE en tant que tel, créant au sein même de la PEV une matrice conceptuelle pour d’autres instruments financiers ou d’autres accords avec les voisins à venir de l’UE. Sous le slogan « a new vision, a new offer », la COM a présenté en mars 2003 sa communication intitulée : L’Europe élargie-Voisinage : Un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud, insistant sur l’objectif de l’UE de prévenir les possibles effets négatifs ou de division de l’élargissement : « It repeated the Union’s determination to avoid drawing new dividing lines in Europe and to promote stability and prosperity, within and beyond the new borders of the Union” 166 La PEV a pour objectif, tel que rappelé dans Après l’élargissement : la Commission donne un coup d’accélérateur à la politique européenne de voisinage 167 de « partager avec les pays limitrophes les avantages de l’élargissement de l’UE de 2004 -c’est-à-dire la stabilité, la sécurité et la prospérité- dans des conditions distinctes d’une adhésion à l’UE » En même temps son objectif va de pair avec l’un des objectifs de la stratégie européenne de sécurité adoptée par l’UE en décembre 2003 : « contribuer à la sécurité dans notre voisinage » 168 166 Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 4 167 sur http://www.europa.eu.int/comm/world/enp/document_en.htm, p. 2. 168 V. A Secure Europe in a Better World. European Security Strategy, Brussels, 12 December 2003 sur http://europa.eu.int/comm/world/enp/index_en.htm 71 C’est dans cette communication qu’on propose la création d’un nouvel instrument de voisinage (NIV) et de nouveaux accords de voisinages (NAV). Ainsi, une autre communication de la COM en juillet 2007 « Paving the way for a new Neighbourhood Instrument » établit a Wider Europe Task Force and a Wider Europe Inter-Service Group. En mai 2004, dans la Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper, on propose même une méthode. La méthode proposée par la Commission: « définir une série de priorités »dans des plans d’actions arrêtés conjointement selon un principe de différenciation en fonction de la situation économique de chaque pays : “define a set of priorities, whose fulfilment will bring them closer to the European Union. These priorities will be incorporated in jointly agreed Action Plans, covering a number of key areas for specific actions: political dialogue and reform; trade and measures preparing partners for gradually obtaining a stake in the EU’s internal Market; justice and home affairs; energy, transport, information society, environment and research innovation; and social policy and people –to –people contacts”169 Les Plans d’actions de 3 à 5 ans reposent sur « l’engagement en faveur des valeurs communes » : les droits de l’homme, les droits des minorités, l’Etat de droit, la bonne gouvernance, la promotion des relations de bon voisinage et les principes de l’économie de marché et du développement durable170. Le management en commun des frontières doit en être une priorité. La phase finale de cette politique sera, dès que l’objectif des Plans d’action atteint, la négociation des Accords de Voisinage en remplacement des instruments bilatéraux existant. 169 Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper , Brussels, mai 2004, p. 3. 170 V. Après l’élargissement : la Commission donne un coup d’accélérateur à la politique européenne de voisinage sur http://www.europa.eu.int/comm/world/enp/document_en.htm 72 A la fin des fins, la question essentielle qui se pose avant tout, devant cette nouvelle vision de la PEV présentée par l’UE, c’est si ce sera vraiment possible de stabiliser et consolider le voisinage en dehors de la perspective lointaine d’une adhésion, condition que les deux communications de la COM portant sur la PEV accentuent. Heather Grabbe en parle de “tough love for the new Neighbours –greater inclusion, but tougher conditionality in requiring countries to uphold democratic standards before the EU grants benefits to them” 171. Et la question de Lauri Lepik: “how can the EU turn Russians, Ukrainians and Moldavians into “tough lovers”?” 172 II. L’élargissement comme vecteur de divergence dans la Région de la Mer Noire Si dans la partie précédente on a essayé de souligner les aspects positifs de l’élargissement, dans cette partie on va se pencher sur les défauts et les effets négatifs de l’élargissement dans cette région de la mer Noire tout comme sur les défauts de la nouvelle PEV. C’est que si l’élargissement de l’UE va avoir un effet positif sur la consolidation de la région, cela va se passer surtout pour les nouveaux membres, mais pas tout à fait pour les nouveaux voisins de l’UE. Qu’il s’agit d’une insuffisance de la PEV, d’un défaut dans l’approche régionale de la RMN, il semble que l’UE doit encore trouver d’autres moyens pour « avoiding new dividing lines in Europe » tel que clamé dans la Communication portant sur la nouvelle politique de voisinage. Il y a deux sortes de clivages que l’élargissement de l’UE semble opérer, des clivages entre les PMN par l’approche différenciée surtout au niveau financier et les clivages provoquée d’une manière indirecte, par l’approche régionale 171 v. Lipek, L., Stability in the Neighbourhood-a Challenges for the New EU and NATO Members, February 2004 sur www.eurojournal.org 172 Ibid. 73 insuffisante de l’UE, dans le sein de la région même, à savoir entre les PMN appartenant à la CEMN. II. I. L’élargissement comme facteur de division entre les PMN II. I. 1. Approche différente des PMN : II. I. 1. 1 Au niveau politique Tout d’abord ce sont les critères de l’UE qui sont surtout des critères économiques ou démocratiques qui ont opéré une différenciation entre pays membres, pays candidats et pays non-candidats, différenciation recelée surtout sur le plan financier dans les programmes d’assistance accordée par l’UE. C’est que tel remarqué par d’autres auteurs, si le PpP de l’OTAN avait comme but justement de diminuer les différences entre les Membres de l’OTAN et les non-membres, les cadres de coopération offerts par l’UE, concernent surtout la diminution des disparités entre les membres de l’UE. Ainsi, tel que exprimé dans la Communication de la COM portant sur la politique de voisinage, à la différence des relations que l’UE entretient avec d’autres pays voisins, les Accords de Coopération et de Partenariat avec les PMN n’offre pas de traitements avantageux : « In contrast to contractual relations with all the EU’s other neighbouring countries, the Partnership and Cooperation Agreements (PCAs) in force with Russia, Ukraine and Moldova grant neither preferential treatment for trade, nor a timetable for regulatory approximation” 173. Deuxièmement, l’UE accorde des traitements préférentiels aux pays, qui selon les critères de Copenhague se trouvent au même niveau de développement. C’est 173 Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 5 74 par exemple le cas de l’Ukraine qui a dû attendre beaucoup plus que la Russie pour qu’on lui reconnaisse la « vocation européenne ». Troisièmement, c’est la nature des Common Strategies pour l’Ukraine et la Russie de l’UE. M. Vahl avait analysé la Stratégie de l’UE pour la Russie et l’analogue russe de celle-ci, concluant que si la stratégie de l’UE ressemble plutôt à « a weak derivative of an association agreement, whose objective is for Russia to converge on EU economic and political norms », la Mid-term Strategy de la Russie envers l’UE considère l’UE « in geo-political terms as a useful agent for a multipolar world ». 174 On a déjà insisté sur la nature différente de l’UE et de la RMN fortement géopolitisée, mais si faiblement économiquement stabilisée. D’autre part une évaluation du rapport portant sur les Common Strategies concluait que « they have not been effective, and have become bureaucratic exercises »175. Donc, au-delà des rapports et toute la panoplie d’accords, les résultats concrets se laissent tarder. C’est vrai que la PEV prévoit la création de nouveaux accords de voisinages, après la mise en place des Plans d’action différenciés selon des pays, mais rien ne peut garantir qu’on ne va pas changer seulement de nom. II. I. 1. 2. Au niveau financier : Bien qu’on parle de la création d’un nouveau instrument de voisinage à partir de 2006 et de réévaluer les aides financières accordés aux pays voisins, l’état actuel est plus qu’inquiétant. Cela dérive aussi de la nature de programmes. Si PHARE, SAPARD et ISPAS (Roumanie, Bulgarie) concernent aussi les investissements dans les domaines respectifs, TACIS est seulement un programme d’assistance, mais s’il n’y a pas de structure pour bien implémenter les aides, les effets ne vont pas apparaître. Aussi, les pays candidats bénéficient des prêts de la BEI, dont les CEI ne bénéficient pas, exception faisant la Russie, qui devient l’élément perturbant dans cette politique « discriminatrice » de l’UE vis-à-vis des autres membres. 174 175 cité par Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 21 cité par Emerson, M. The Elephant and the Bear, p. 21 75 Par exemple si on regarde dans la perspective financière 2000-2006 : les candidats à l’UE vont recevoir : presque 1200 euro /capita, les pays des Balkans de l’Ouest : 200 euros/capita, alors que les CEI ne vont recevoir que : 13euro/capita 176. En termes concrets, les pays CEI vont recevoir presque 100 fois moins que les pays en candidats. La différence est quand même énorme et à long terme, il peut y avoir des effets pervers. En plus, il y a la crainte des nouveaux voisins quant aux effets négatifs portés par l’élargissement sur leur économie. Et bien sûr, c’est la Russie qui en proteste le plus. Bien qu’après l’élargissement, le commerce entre la Russie et l’UE va croître de 15% de 36% à 51%, la Russie insiste toujours sur les compensations commerciales dues aux pertes qu’elle va subir à la suite de l’élargissement du premier mai 2004 et dont le montant va être, selon ses calculs, entre 250 millions d’euros et 450 millions d’euros. En plus les arguments des experts russes vont audelà de l’arithmétique : « Russian experts said the question was not about the arithmetic, but about the chemistry of Russia’s multilateral trade relations with traditional partners »177. II. I. 2. L’élargissement et le « nouveau rideau de papier » « We [Ukrainains], are convinced that visa and other restrictions should not become an insurmontable obstacle for free movement of law-abiding citizens of states aspiring for European integration...There is a real threat that the Iron Curtain may be replaced by a much more humane but not less dangerous....Paper Curtain » 178, C’était le discours du président ukrainien Léonid Kuchma au sommet des PMN à Yalta, en septembre 1999. Et c’est juste pour souligner la manière 176 Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism, Prêt-àPorter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002 sur www.icbss.gr, p. 15. 177 v. Black Sea Basin Regional Profile., N°21, January-March 2004, p. 7 sur http://www.isn.ethz.ch/isis/ 178 cité par Moroney, J., D., “Ukraine's foreign policy on Europe's periphery. Globalization, transnationalism, and the frontier” in Ukrainian foreign and security policy: theoretical and comparative perspectives, Ed. by Jennifer D. P. Moroney ... - Westport/Conn.: Praeger, 2002, p. 57. 76 d’aborder les problèmes de l’élargissement dans le cadre de la CEMN. Dans le cadre des PMN qu’on traite dans ce papier, c’est seulement la Bulgarie et la Roumanie qui n’ont pas besoin de visa pour circuler dans l’espace Schengen. D’autre part, lors du changement du régime de visas pour la Bulgarie President Stoyanov’s disait : “For Bulgarians the Berlin Wall has collapsed today” 179. C’est peut-être dans ce contexte, que les nouveaux membres à venir de l’UE devront être les avocats de leurs voisins dans le futur. Bien sûr, on ne peut pas contester la sécurisation de l’espace Schengen contre les drogues, l’immigration illégale ou les trafics, mais il faut faire la différence entre des mouvements/ phénomènes flous, diffus qui relèvent plus ou moins- à un degré inférieur bien sûr- de la même catégorie que le terrorisme, et les pays en tant que tels, en tant qu’entités politiques qui désirent leur intégration dans l’Europe. C’est pourquoi, l’UE devrait réévaluer sa politique dans ce sens et apprendre aussi de cet élargissement qu’on défendait aussi par des formules du genre : « c’est mieux de les avoir dedans que dehors » car c’est plus facile de guérir si on connaît le problème que l’écarter à la périphérie, dans l’espérance qu’il disparaître de lui-même. Or, les citoyens des pays visés doivent trouver d’autres moyens pour ce débrouiller. C’est dans ce contexte, par exemple, que la citoyenneté roumaine est devenue attractive pour le Moldaves, comme passeport pour l’Europe. Or, l’UE, doit bien considérer, qu’une fois avec l’adhésion de la Roumanie à l’UE, il y aura en même temps une grande partie de moldaves romanophones ayant acquis la citoyenneté roumaine qui vont entrer dans l’UE. Le problème qui s’est posé, c’est qu’avec l’introduction du nouveau régime, les pays visés ont dû à leur tour imposer des visas aux voisins qui avaient un régime sans visa. Le 12 décembre 2000 par exemple, la Bulgarie a changé sa politique de 1978 envers les Russes de régime sans visa. 180 Cette décision fut suivie par une décision similaire de la part de Moscou. L’effet concret dans le court terme fut la baisse dramatique des touristes russes en Bulgarie avec les 179 Cité par 179 Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration, pp. 19-20. 180 v. Ram. M. H. Black Sea Cooperation towards European Integration pp. 19-20 77 conséquences économiques implicites. Et il y en a encore d’autres exemples dans ce sens. Or, malgré les effets positifs pour les « insiders », il y a quand même des tensions issues entre des voisins « in » or « out ». A la fin des fins, en ce qui concerne le régime des visas, les nouveaux voisins ont en déjà fait une « carrotte »181 potentielle pour se plier à la « stick and carrot policy » de l’UE. Et l’UE devrait peut-être considérer cet élément dans la « stratégie de séduction » de ses voisins. Parce que, tel qu’on disait même par rapport à l’élargissement : « it’s better to have them inside, than outisde », parceque c’est contrôlable, or une exclusion peut avoir à long terme des effets incontrôlables. II. I. 3. L’élargissement contre la restructuration « informelle » Les vrais problèmes vont émerger avec l’élargissement effectif de l’UE dans la RMN. Plus haut, on a donné des chiffres considérant le PIB corrigé, à savoir le PIB prenant en considération le profit de ce qu’on appelle «l’économie informelle ». Or si on regarde l’annexe 6, on peut voir l’importance de l’économie informelle dans la « transition » de ces pays, économies informelles, que tel que l’indique l’étude du TAD ont sérieusement tempéré l’effondrement des économies de transition. Une estimation du PIB informel en 1999, par exemple, donnait 30 % du PIB officiel des PMN. 182 On peut aussi se demander si on prend aussi en compte les profits de l’économie de migration que ce soit « officielle » ou « au noir ». On fait référence surtout au travailleurs de ces PMN dans des pays de l’UE : Allemagne, Espagne, Italie, etc. Or, afin de pouvoir estimer les effets de l’élargissement, on peut juste regarder dans le Tableau ci-dessous sur les Ecarts entre les PIB corrigés et les PIB pour chacun des PMN en 1999183 : 181 v. Lipek, L., Stability in the Neighbourhood-a Challenege for the New Eu and NATO Members, February 2004 sur www.eurojournal.org, p. 4. 182 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire, p.44. 78 Ce qu’on remarque à première vue, c’est bien sûr, écart zéro, la Grèce, la seule des PMN de la CEMN qui était déjà membre de l’UE en 1999. Or, la question qui se pose, c’est justement qu’est-ce qui va se passer après l’élargissement de l’UE, et qu’est-ce qui va encore servir de «matelas » aux économies en « transitions » et d’autre part bien sûr, l’effet sûr les pays voisins qui servaient de partenaires dans cette économie informelle. Afin de mieux comprendre le fonctionnement, une explication sur l’économie informelle s’impose à ce moment. Deux des formes les plus populaires de l’économie informelle sont : le travail au noir causé par les rémunérations faibles du secteur public qui incitent à un double emploi. Une deuxième forme de l’économie informelle se conjugue sur des axes différents autour des échanges commerciaux illégaux, de la « contrebande ». Le penchant légal de la contrebande, « le trabendisme » avec ses correspondants (russe : « tchelnokisme », anglo-saxon : « shuttle » ou « navette » ; turc : « le commerce de valise ») se définit par l’autorisation d’acquérir des biens à l’étranger pour les revendre de retour dans le pays d’origine. En principe, ce 183 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire, p. 45 79 réseau s’articule sur un axe sud nord, à savoir les « pays récepteurs » sont les expays socialistes qui s’approvisionnent des pays « méditerranéens » désignés comme « pays émetteurs» dont le meilleur exemple est la Turquie 184. Or avec l’élargissement, l’économie informelle, « parallèle » ou « grise » va tomber de soi. Déjà dans le tableau ci-dessus, on a vu, la situation de la Grèce. Si l’économie parallèle empêche la stabilisation macro-économique du pays avec tous ses effets secondaires liés surtout au développement d’une société « mafieuse », l’UE doit tout d’abord penser à une solution pour réintégrer l’économie informelle et contrecarrer l’économie mafieuse déjà à travers ses programmes d’assistance et de coopération185. II. I. 4. Les « défauts » de la nouvelle politique européenne de voisinage Si le but de la communication de la Commission sur la PEV186, tel que défini dans le document est de «consider how to strengthen the framework for the Union’s relations with those neighbouring countries that do not currently have the perspective of membership of the EU” and tel que cité plus haut de “avoid new driving lines in Europe”, la note de sous-sol ajoutée dans la communication à la citation précédente ne fait que justement créer avant la lettre une ligne de division puisque : « Given their location, the Southern Caucasus therefore also fall outside the geographical scope of this Initiative for the time being ». Bien qu’il y ait cette délimitation temporelle : « for the time being », comment interpréter déjà le fait que des pays qui font déjà partie du Conseil de l’Europe (Géorgie), ne se retrouvent pas dans cette initiative de voisinage, alors que des pays comme « Lybie », « Tunisie » ou « Maroc » se retrouvent dans ce papier. sur http://europa.eu.int/comm/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/noire/rapport.pdf 184 Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noirepp. 47-48 185 V. Impact territorial sur l’Union européenne. Des évolutions dans la région de la Mer Noire p. 48 186 Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern Neighbours, p. 4. 80 Serait-ce parce que la Commission privilégie ses liens avec la Russie, les NEI, mais seulement de l’Ouest ou avec le Pacte de la Méditerranée. Ou bien, disons que l’UE n’a pas un cadre de dialogue multilatéral dans cette région de l’Europe. Qu’en faire avec la CEMN. Ne pourrait-elle fournir justement ce cadre ? C’est la paradoxe de ce papier qui par son contenu même crée dès le début les « lignes » de division, qui se retrouvent dans le domaine à éviter. Dans « Strategy Paper 187” concernant la PEV de mai 2004, la Commission définit encore une fois l’aire d’application de cette politique dont : la Russie, l’Ukraine et la Moldavie. Quant aux pays du Caucase du Sud, ils se retrouvent seulement dans des recommandations concernant l’inclusion de pays du Caucase du Sud dans la PEV. D’où on peut penser à un certain « malaise « de l’UE à traiter « cette zone ». II. II. L’élargissement comme facteur de divergence intrarégional ( CEMN) II. II. 1. Refus d’institutionnalisation de la relation : UE- CEMN Généralement l’UE préfère avoir á faire à des régions qu’à des pays. C’est le cas du Pacte méditerranéen. Paradoxalement, cela semble fonctionner seulement longitudinal au Nord et au Sud. Ou bien, l’Est semble en être handicapé, vu le fait que l’UE, ne veut pas encourager, institutionnaliser le lien avec la CEMN. Si dans la première partie de cette section, on a souligné les défauts de l’approche régionale dans les PMN qui se trouvent quand même seuls à être « privilégies » d’une approche régionale englobante, puisque la Russie est le seul voisin de l’est qui fait partie d’une dimension régionale, à savoir la dimension nordique. Or, dans ce contexte, les risques sont d’autant plus grands pour 187 Communication from the Commission: European Neighbourhood Policy. Strategy Paper, Brussels, 05.2004. 81 accentuer la vision d’une « discrimination » visible de la part de l’UE dans cette partie de l’Europe qui devrait justement jouir d’un traitement différent à l’heure de l’élargissement de l’UE. Même si la CEMN est mentionnée dans la Strategy Paper de la PEV : « The Council of Europe, the Baltic SEa Council, the Central European Initiative ( CEI), the Black Sea Economic Cooperation (BSEC) and the Stability Pact have an important part to play, together with Euroregions and cross-border cooperation at local level », l’UE avait quand même refusé de considérer la possibilité d’institutionnaliser la relation avec la CEMN en juin 2003 au Conseil européen de Thessaloniki. A ne plus parler du fait qu’elle n’est même pas mentionnée dans la communication antérieure de la COM portant sur la PEV de mars 2003 où on mentionnait la dimension nordique de l’UE comme « the only regional framework in which the Eu participates with its Eastern partners to address transnational and cross-border issues. But participation is restricted to Russia »et aussi comme un possible modèle de gérer l’approche régionale du voisinage. 188 Si on prend l’argument que la CEMN, n’est pas du tout une initiative de l’UE comme motivation de la “discrimination” dont elle est sujette dans l’approche régionale de l’UE, la communication de la COM en dit le contraire : « The European Union is not seeking to establish new bodies or organisations, but rather to support existing entities and encourage their further development ; the importance of local ownership is one of the most important lessons that can be drawn from the Northern Dimension » qui est quand même, à la différence de la CEMN, une initiative de l’UE. Cependant, si on prend le modèle de Northern Dimension189, dans le cas où l’UE le préfère à des organisations du type CEMN, est-ce qu’il est applicable à la RMN ? The Northern Dimension lancée en 1997 dont l’un des objectifs était : « addressing the problems related to uneven regional development and avoiding 188 Communication from the Commission to the Council and the European Parliament: Wider Europe-Neighbourhood: A New Framework for Relations with our Eastern and Southern Neighbours, COM(2003)104 final, Brussels, 11.3.2003, p. 8. 189 La différence entre dimension et organisation réside dans la base légale et le budget, la dimension étant « far more fluid in its nature, and allows for different sectors of policy to come and go on the agenda of foreign ministers » v. in Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension, p.18. 82 the emergence of new dividing lines as new countries join the Union » 190 s’est rendue utile ultérieurement dans la relation entre l’UE et la Russie M. Vahl analyse la viabilité du modèle de Northern Dimension pour un éventuel cadre de coopération entre l’UE et la CEMN, en identifiant les pros et les cons d’une telle approche. Ainsi, il identifie les points communs : la même configuration géographique de la Mer Noire et la Mer Baltique sont des mers demi-fermées, les deux structures (CEMN, ND) se concentrent sur les mêmes questions : économiques, « soft sécurité », « low-politics cooperation », et ont le même nombre de Membres (11) allant de membres entiers de l’UE aux candidats et non-candidats de l’UE. Mais l’auteur insiste surtout sur les différences politiques et géopolitiques relevant tout d’abord de la composition de ces deux organisations : la première ayant quatre membres ( Denmark, la Finnlande, l’Allemagne et la Suède) de l’UE, tandis que la deuxième n’en a qu’un. (la Grèce). Deuxièmement, c’est le rôle de la COM au sein de ces organisations, dans la première étant membre, alors que dans la deuxième n’ayant qu’un statut d’observateur. A ne plus mentionner les « conflits gelés » de la région de la Mer Noire qui n’ont pas de correspondant dans l’autre dimension. 191 Le vrai problème qui se pose, c’est le cadre de coopération, la CEMN en tant qu’organisation avec une base légale étant plus rigide et plus contraignante que le modèle de dimension. Cependant la situation de la RMN est aussi d’autant plus compliquée par sa hybridité et demande une approche différente et l’UE devrait concevoir le régionalisme d’une toute autre manière : « The EU might take up a more visionary view of the new euro-regionalism (...) where the Black Sea Region remains the missing piece”192 190 Citation in Vahl, Marius, ‘A Northern Dimension Model for Relations between the EU and Its "Near Abroad" ’, Brussels, May 2001. sur http://www.bd.lst.se/dimensionen/rapport/21.pdf, p. 2. 191 v. Vahl, Marius, ‘A Northern Dimension Model for Relations between the EU and Its "Near Abroad"’, Brussels, May 2001, p. 9. 192 v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism, Prêt-à-Porter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002, p. 9. 83 II. II. 2. Négligence de la structure et les potentialités de la CEMN Si l’UE refuse l’institutionnalisation de la relation avec la CEMN, c’est une chose, mais elle ne devrait pas négliger les potentialités de la CEMN puisqu’elle offre ce que M. Emerson et M. Vahl ont appellé « a prêt-à-porter set of institutional structures », en invoquant ce que les mêmes auteurs ont appellé « a not-invented in Brussels reason » 193 M. Emerson et M. Vahl soulignent huit arguments qui appuient l’intérêt stratégique de l’UE dans la région, dont cinq méritent d’être mentionnés : 1. l’entrée de l’UE dans la région de la Mer Noire 2. atténuer un possible effet d’exclusion pour les voisins à venir de l’UE ; intérêt dans le « nouveau régionalisme européen » allant transgresser les frontières de l’UE 3. l’intérêt énergétique de l’UE, pour les ressources de la Caspienne, et la mer Noire comme zone de transition. 4. une politique cohérente de l’environnement en Mer Noire en connexion avec le Danube 5. EU doit s’intéresser à la résolution des conflits du Caucase et de la Transnistrie et la CEMN peut fournir un cadre de dialogue dans ce sens.194 D’un autre point de vue, l’UE ne devrait pas négliger la CEMN d’autant plus que la Grèce, membre de l’UE et de la CEMN pourrait assurer le leadership et jouer comme intermédiaire dans les relations entre l’UE et la CEMN et un rôle plus actif dans la consolidation de l’espace de voisinage. Mais ce qui contribue encore plus à l’affaiblissement de la CEMN, c’est le fait que l’UE développe d’autres arrangement régionaux ou des programmes, sans se servir des structures déjà existantes de la CEMN, mais préférant s’en forger de 193 v. Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism, Prêt-à-Porter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002 sur www.icbss.gr, p. 3. 194 Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European REgionalism, Prêt-àPorter, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2002 sur www.icbss.gr, p. 16 84 nouvelles et que surtout elle ne préfère pas avoir à faire avec la CEMN dans des domaines clés comme l’énergie, les transports, et l’environnement. C’est ainsi que parfois il y a le même domaine est couvert par deux ou trois « arrangements » ou programmes ou bien organisation. Parmi ces autres cadres de coopération appuyés par l’UE en dehors de la CEMN on peut rappeler : • En 1993, a Black Sea Environnemental Programme (BSEP) a été appuyé par Global Enavironnemnt Facility (GEF) des NU et l’UE. • TRACECA lancé en 1993 par l’UE et les 5 pays de l’Asie Centrale et du Caucase du Sud dont l’objectif est de lier l’Asie Centrale à l’Europe à travers la Caspienne, le Caucase et la mer Noire. En 1998, un accord multilatéral a été signé par 12 pays de l’Asie Centrale jusqu’EN Europe de l’Est dont tous les pays de la CEMN, exception faisant : l’Albanie, la Grèce et la Russie. • INOGATE ( The Interstate Oil and Gas Transport to Europe) initié en 1995 par l’UE , a permis la participation des pays non-inclus dans TACIS. Contient 21 pays dont tous les pays CEMN. 195 Que ce soit pour l’amour du bilatéral et de l’hybridité ou même pour l’amour de la « bureaucratie » découlant des aides et organisations couvrant trois ou quatre à la fois le même domaine de coopération, il est clair qu’au nom de la nouvelle politique de voisinage, l’UE ne devrait surtout pas négliger les potentialités de ce régionalisme « prêt-à-porter ». 195 v. aussi Emerson, M., Vahl, M., Europe’s Black Sea Dimension-Model European Regionalism, Prêt-à-Porter, pp. 6-7. 85 Conclusion Ce qu’on s’est proposé dans ce travail, c’était tout d’abord de donner une prise de vue de l’hybridité de la Région de la Mer Noire et ensuite de ce que le clash entre l’élargissement de l’UE et cette région peut donner en termes économiques, sécuritaires et géopolitiques. On a essayé de percevoir la logique de fonctionnement de l’ensemble de la mer Noire afin de comprendre les effets positifs et négatifs non-négligeables de l’élargissement de l’UE dans cette région et en même temps sa résistance aux transformations imposées par ce processus d’intégration dont la nature principalement économique va contre la haute concentration de géopolitique de cette région. C’est que paradoxalement, l’intérêt géopolitique pour cette région découle de son positionnement par rapport au « gâteau pétrolier » de la Caspienne, en tant que zone de transition, mais aussi de sa nouvelle reconfiguration sécuritaire après le onze septembre qui l’a rendue utile en tant qu’espace de projection, par exemple des Etats-Unis, en Afghanistan. Le danger, c’est que les pays instrumentalisés dans ce jeu global, se trouvent parfois entraînés dans des combinaisons qui ne sont pas les plus favorables pour leur développement économique, qui dans la région de la mer Noire est assez précaire. La position des candidats sur la guerre en Iraq en a été une preuve, dans ce sens, car si la défense européenne fait défaut à l’UE, l’OTAN aussi semble plutôt une « structure sans alliance » instrumentalisée par les EtatsUnis. D’autre part, l’UE doit justement réévaluer son approche régionale dans cette partie du monde pour achever sa série d’initiatives régionales dans d’autres parties de l’Europe en créant une dimension mer Noire de l’UE, tirant aussi profit des capacités et potentialités de la CEMN qui se trouve fragmentée par trop d’intentions de coopération, mais non pas dans des domaines-clé comme les transports, l’énergie et l’environnement. Par ailleurs, la CEMN doit essayer d’avoir vraiment un mot à dire et de s’impliquer dans des domaines plus importantes pour se rendre sinon indispensable, du moins utile. 86 L’UE devrait, par contre, surtout suivre la politique promue par la nouvelle politique européenne de voisinage « to avoid new divisions in Europe » et privilégier les coopérations déjà existantes dans cette région est, avant tout, ne pas invoquer ce que M. Emerson a appelée « a not-invented in Brussels reason » pour ignorer ce régionalisme « prêt-à-porter » qui exige une nouvelle vision et approche du régionalisme européen. 87 Bibliographie et Sources : I. Bibliographie : Bratianu, I., Marea neagra de la origini pana la cucerirea otomana,Bucuresti, Polirom, 1999. Emerson, M. The Elephant and the Bear, Centre for European Policy Studies, Brussels, 2001. 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