conciliation et mediation prud`homale
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conciliation et mediation prud`homale
CONCILIATION ET MEDIATION PRUD’HOMALE I - CONCILIATION ET MEDIATION PRUD’HOMALE EN FRANCE 1 – PROCEDURE PRUD’HOMALE ET CONCILIATION ET MEDIATION PRUD’HOMALE DANS LES JURIDICTIONS FRANCAISES : 1-1 - CONCILIATION ET MEDIATION PRUD’HOMALE DEVANT LE JUGE DEPARTITEUR, (Aix-en-Provence, 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) Par Soleine Hunter-Falck, Vice-président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, affectée au tribunal d’instance de Puteaux, est désignée juge départiteur au Conseil des Prud’hommes de Nanterre depuis 2006, membre du conseil d’administration de GEMME et de l’A.F.D.T., titulaire d’un D.U. de médiation. INTRODUCTION : L’exposition Daniel BUREN au Grand Palais à Paris “Monumenta 2012" vient de s’achever : y circulait une équipe de “médiateurs” chargée d’accueillir et d’accompagner tous les publics de l’exposition, ces jeunes avaient été formés, renseignés sur la technique utilisée, sensibilisés à l’accueil et éclairés sur son œuvre par l’artiste ; il s’agissait pour eux non pas de transmettre aux visiteurs un savoir unique mais de leur donner plusieurs clés de compréhension en donnant des repères pour comprendre de l’intérieur la démarche de l’artiste... Puissent nos médiateurs judiciaires adopter cette démarche éclairante et constructive dans l’intérêt de nos justiciables, sans pour autant prétendre que le juge départiteur puisse se comparer d’une manière quelconque à l’artiste qu’est Daniel BUREN, même si les juges peuvent faire preuve de créativité dans l’application du droit qui leur est confiée... Pour présenter la démarche d’un juge départiteur au sein d’un conseil de prud’hommes comme celui de Nanterre il convient, après avoir donné quelques éléments caractéristiques de ce conseil des prud’hommes hors norme, en premier lieu, de poser la question du statut du juge départiteur dans un conseil des prud’hommes et de ses marges de manœuvres, pour proposer tant la conciliation que la médiation dans cet univers particulier ; avant de donner des exemples actuels de processus de médiation effectivement introduits dans des conseils des prud’hommes sur le territoire national. Le Conseil des Prud’hommes de Nanterre : Le C.P.H. de Nanterre s’étend sur le Nord du département des Hauts de Seine (92) et comprend le secteur de la Défense dénommé aujourd’hui “La Défense Seine Arche” géré par l’EPADESA. Ce site est présenté comme constituant “un quartier d’affaires mondial”, le premier quartier d’affaires Européen et le premier pôle d’envergure international du Grand Paris ; on y dénombre 180.000 employés dont 57% sont des cadres. Sur l’année 2011, le conseil des prud’hommes de Nanterre, qui compte 240 conseillers prud’hommes, a rendu 1744 décisions (hors radiations/désistement) et les juges départiteurs : 438, soit 25% ; les jugements rendus par le conseil se répartissent entre les sections de la façon suivante : Industrie (37,50%), Encadrement (28,50%), Commerce (18%), Activités Diverses (16%), aucun dossier n’ayant été transmis par la Section Agriculture. Le Barreau des Hauts de Seine pour sa part, qui intervient au conseil de même que le Barreau de Paris, se présente comme le premier Barreau d’affaires de France ; il est composé de 1.900 avocats dont 1300 sont regroupés dans de grandes structures spécialisés notamment en droit social. La charge de travail du départage sur ce secteur a été évalué à deux temps plein et est assuré par deux magistrats exerçant par ailleurs également leurs fonctions au tribunal d’instance de Puteaux. 1°) le statut hybride du juge départiteur est inconfortable : 1.1 : Le juge départiteur est un magistrat professionnel : Ces magistrats, recrutés traditionnellement par concours par l’Etat, sont statutairement affectés à un tribunal de grande instance et chargés, sous l’autorité hiérarchique du Président du tribunal de grande instance, du service d’un tribunal d’instance dans lequel ils assument leurs fonctions ; ils sont par ailleurs désignés par le Premier Président de la cour d’appel et placés sous son autorité hiérarchique pour assurer également les fonctions de juge départiteur au sein du conseil de prud’hommes de leur ressort, ce qui leur confère un statut hybride. Ce statut est compliqué par le fait que ces magistrats sont appelés à siéger au sein des conseils des prud’hommes en départage avec des juges non professionnels élus, les conseillers prud’hommes, qui leur légitimité d’une élection professionnelle et restent de ce fait liés à leur organisation syndicale d’origine au sein d’un système fondé essentiellement sur le paritarisme. Vis à vis des conseillers prud’hommes qui se prévalent principalement du conseil de prud'hommes, le juge départiteur intervient comme un expert s’appuyant facilement pour sa part également sur les autres codes appartenant à l’arsenal juridique (code de procédure, code civil, code du commerce ou de la Sécurité Sociale...) ; le juge départiteur est ainsi imprégné d’une culture juridique approfondie mais peut méconnaître les réalités de la vie de l’entreprise qui constituent en revanche le quotidien des conseillers ; enfin qu’en est il du mandat syndical du conseiller prud’hommes si l’on admet que celui ci doit se départir de tout positionnement idéologique dès lors qu’il en vient à participer à l’oeuvre de justice en tant que juge devant raisonner en droit pur?... 1.2 : Le juge départiteur est avant tout un juge d’instance La fonction première du juge d’instance est de concilier les parties ; cela résulte de sa fonction de juge soumis aux dispositions du code de procédure civile et de l’article 21 qui prescrit : “Il entre dans la mission du juge de concilier les parties” ; cette disposition est applicable tout au long de la procédure judiciaire ce qui est rappelé par l’article 127 Code de procédure civile : “les parties peuvent se concilier, d’elles mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance”, la conciliation peut être tentée au moment (et même au lieu) où le juge l’estime favorable (art 128)... Ces règles sont placées dans les dispositions générales du code de procédure civile communes à toutes les juridictions, et donc également au conseil des prud’hommes. Mais par ailleurs, les dispositions particulières du code de procédure civile applicables au tribunal d’instance mettent en exergue la tentative préalable de conciliation (articles 830 et s. CPC), qui est menée au sein du tribunal d’instance soit par le juge soit par un conciliateur de justice. Cet esprit de conciliation est généralement bien assumé par les juges d’instances qui n’hésitent pas à tenter de rapprocher les parties même à l’audience, ou encore à renvoyer les parties devant un médiateur pour aplanir de façon approfondie les difficultés soulevées (art 131-1 et s. CPC) ; car il faut bien comprendre que la médiation n’est qu’une modalité plus globale de la conciliation et doit être entendue comme telle. C’est ce même esprit de conciliation qui guide le juge d’instance dans ses fonctions de juge départiteur au sein du conseil des prud’hommes ; mais les conseillers prud’hommes pour leur part font état de l’existence de la phase préalable de conciliation, première étape du processus prud’homal, pour contester l’utilisation de la médiation au sein du Conseil. Or d’une part on aboutit à seulement 5% de conciliation effective à Nanterre et le bureau de conciliation ne doit pas devenir une “chambre d’enregistrement des désaccords” ; d’autre part la conciliation ne doit pas se limiter à cette phase spécifique du procès prud’homal car ce serait dénaturer les exigences du code de procédure civile ; il en est de même de la médiation, qui en est un prolongement, un autre outil à la disposition du juge qu’il soit magistrat ou conseiller prud’homme... 2°) les exemples actuels : une réponse donnée à des délais de procédure inacceptables Trop de délais aux prud’hommes, une situation judiciairement dénoncée : dans plusieurs séries de jugements rendus en 2012 par le tribunal de grande instance de Paris, l’Etat, par l’intermédiaire de son représentant, l’agent judiciaire du trésor, a été condamné à payer des dommages intérêts à des requérants qui se sont fondés sur l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et sur l’article L 141-1 du code de l’organisation judiciaire pour faire valoir un préjudice tiré de la durée déraisonnable de la procédure intentée notamment devant le conseil des prud’hommes de Nanterre. Le tribunal de grande instance de Paris a estimé que : “... le nombre d’affaires dont (la) juridiction est habituellement saisie et les difficultés d’organisation que cela ne peut manquer d’entraîner, comme la particularité de la procédure devant le conseil des prud’hommes, ne peuvent décharger l’Etat de sa responsabilité. Au contraire, ces éléments de fait ou de droit imposent à l’Etat l’obligation de rendre toutes les mesures utiles afin d’assurer aux justiciables saisissant le conseil de grande instance de Nanterre, et notamment M. X, la protection juridictionnelle effective qu’il lui doit, alors surtout que le législateur a prévu de répondre aux besoins des demandeurs saisissant la juridiction du travail en fixant des délais de traitement particulièrement brefs. L’agent judiciaire du trésor ne rapporte pas la preuve que des mesures particulières ont été prises par le ministère de la justice ou la juridiction en cause, afin de rechercher une solution pérenne aux difficultés rencontrées par le conseil des prud’hommes de Nanterre...” (RG 11/02498 du 18.01.12). Il est dans ces conditions clair que si la médiation ne doit pas se limiter à être un moyen de réduire des délais inacceptables, néanmoins elle peut aider les justiciables à obtenir un règlement de leur conflit dans des conditions plus normales. 2.1 : Bobigny, une expérience a été tentée La médiation est la solution qu’ont trouvée les juges départiteurs du CPH de Bobigny devant l’afflux du contentieux : en février 2011 il était constaté un stock de 1.825 dossiers en attente d’être audiencés en départage. Un processus de médiation a été mis en place sur la base de deux procédures distinctes : une information sur la médiation à laquelle sont conviées les parties par courrier ; des rendez vous devant un médiateur de l’organisation “Médiation 93" ont été proposés aux parties une demi-journée tous les 15 jours dans des dossiers préalablement triés, sans pour autant que des audiences de proposition de médiation soient mises en place en raison des réticences rencontrées par les juges départiteurs. Enfin, un tableau de suivi des procédures envoyées devant le médiateur était actualisé régulièrement. En juillet 2011 un point sur cette expérience a révélé que les résultats en étaient encore modestes et que l’expérience devait être poursuivie : sur 28 dossiers choisis 2 avaient donné lieu à la désignation d’un médiateur. Les difficultés rencontrées relevaient de la réticence appuyée des conseillers même si les premières tensions étaient apaisées ; cette procédure impliquait un surcroît de travail conséquent pour les magistrats et le greffe. Aujourd’hui il apparaît que les résultats obtenus sont assez faibles alors que le temps consacré pour la mise en place de la médiation était important pour les partenaires : juges, greffe et association. L’expérience en réalité ne s’est pas poursuivie à la suite notamment du départ du juge départiteur à l’origine de cette expérience. 2.2 : Quimper, les résultats de l’expérience menée sont là Une tentative plus significative et originale a été menée par le juge départiteur du conseil des prud’hommes de Quimper qui s’est livré à une double expérience. - D’une part la médiation judiciaire a été mise en place au stage du départage, après information donnée au Barreau et aux conseillers prud’hommes : le juge départiteur saisi d’un renvoi convoque immédiatement les parties avec leurs conseils à une audience ad hoc d’information tenue par le magistrat qui recueille le cas échéant l’accord des parties et prend dans ce cas une ordonnance ; de septembre 2010 à décembre 2011, plus de 15% des dossiers reçus ont ainsi donné lieu à un accord de médiation et 65% ont abouti. Le magistrat étant à l’initiative de cette expérience révèle qu’à son sens il est indispensable de mettre en place une audience de proposition de médiation tenue par le juge, de sélectionner des médiateurs compétents et formés, d’insister sur la présence effective des conseils qui vérifient la qualité des accords, d’assurer un traitement prioritaire des dossiers dans lesquels les parties ont accepté de partir en médiation, même en cas d’échec. Il a conclu de cette expérience qu’il était nécessaire d’organiser en complément pour gagner du temps une information précontentieuse la médiation judiciaire qui intervenait après plus d’un an de procédure, et alors que le contrat de travail était rompu depuis longtemps. - D’autre part il a été convenu avec la DIRECCTE du Finistère, qui a bien voulu porter le projet, d’organiser une information ciblée sur la médiation donnée par l’inspection du travail dès lors que le conflit individuel répondait à différents critères notamment si : le contrat de travail n’est pas rompu, ou encore si le salarié se dit victime de harcèlement moral ou de violence, en cas de contrat d’apprentissage, si le litige porte sur le paiement d’heures supplémentaires, ou en cas de licenciement pour motif personnel non économique, ou si le litige fait suite à une démission ou une prise d’acte, ou enfin si le conflit s’inscrit dans des relations interpersonnelles fortes résultant de la taille de l’entreprise ou l’ancienneté du salarié... Il semble qu’aujourd’hui en raison de difficultés internes rencontrées par la DIRECTTE, l’expérience soit mise en veilleuse, cependant il est d’ores et déjà prévu qu’une formation spécifique sur la médiation soit proposée en janvier 2013 aux agents et inspecteurs... 2.3 Une expérience similaire peut elle être conduite à Nanterre? On peut retirer des précédentes expériences que le seul motif tiré de la réduction d’un stock encombrant est insuffisant à assurer la mise en place d’un processus de médiation si les acteurs amenés à intervenir ne sont pas convaincus de son bénéfice... C’est également le constat qui a été fait au conseil des prud’hommes de Nanterre. Les juges départiteurs avaient montré courant 2008 leur intérêt pour ce processus lors de rencontres périodiques organisées avec les Présidents du conseil de prud’hommes et la Directrice du greffe ; mais les conseillers prud’homme ont manifesté leur grande réticence puisqu’une procédure spécifique de conciliation, gratuite, était déjà prévue par la loi... Il a été proposé en accord avec le Barreau 92 une information aux parties qui le souhaiteraient réalisée par une association locale de médiation, dans des cas sélectionnés par les magistrats, avant que dans un second temps une médiation soit formellement proposée à l’audience de départage et, le cas échéant, organisée. Actuellement, les relations entre les partenaires concernés sont au point mort. On doit signaler cependant que diverses tentatives de proposition médiation ont été faites à l’audience de départage et une décision de médiation a été rendue en départage à Nanterre en juin 2010 ; par ailleurs, quelques conciliations sont aussi intervenues. Sous l’impulsion du Premier Président de la Cour d’Appel de Versailles et sous l’égide du Président du TGI de Nanterre, a été négociée une convention tripartite (tribunal, conseils de prud’hommes de Nanterre et Boulogne, et Barreaux de Nanterre et Paris) qui a été signée le 12 avril 2012 aux termes de laquelle notamment les juges départiteurs préparent leur audience avec les dossiers de plaidoiries des avocats. Dans ce nouveau contexte facilitant la reprise de dialogue, il devrait être possible de négocier la mise en place d’un processus de médiation éventuellement pour les cas sélectionnés au stade de l’audiencement assuré dorénavant par les juges départiteurs. Il est d’ailleurs envisagé d’étudier les conditions de mise en œuvre de la médiation au stade du départage dans le conseil des prud’hommes de Boulogne Billancourt voisin... CONCLUSION : Selon un article paru dans les Echos le 13 juin 2012, intitulé « Règlement des conflits : la médiation » aboutit dans 70% des cas”, il est fait état non seulement des résultats très favorables obtenus par le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris mais aussi du fait que cette solution est non seulement plus rapide qu’une procédure judiciaire mais surtout moins onéreuse... Il est temps que l’on envisage sereinement le processus de médiation dans l’enceinte prud’homale. Ma conviction est que le processus de médiation tel qu’il est souvent envisagé ne doit pas se limiter à apporter une solution aux délais de procédure inacceptables constaté généralement dans les conseils de prud’hommes, mais bien plutôt traduire un état d’esprit partagé par les différents acteurs du procès prud’homal, et devenir naturellement un outil habituel, connu et reconnu, utilisé dans les situations adéquates. Enfin dans le contexte économique qui est le nôtre il ne nous faut pas négliger une solution rapide et efficace, proposée par le législateur dans sa sagesse, sans pour autant que cela induise une “déjudiciarisation souterraine” du contentieux prud’homal comme cela a pu être opposé... On pourrait s’inspirer de l’exemple de nos collègues Britanniques, dont le pragmatisme est bien connu, qui ont décidé pour leur part d’introduire d’une part un système de conciliation gratuit indépendant de la juridiction du travail, lors d’une phase obligatoire organisée par un organisme indépendant composé de personnel spécialement formé : ACAS (Advisory conciliation and arbitration service) ; et d’autre part l’intervention de magistrats spécialisés en droit du travail en tant que médiateurs dans des cas spécialement choisis notamment en matière de discrimination... L’expérience s’est révélée intéressante et totalement concluante sur le plan financier du moins en ce qui concerne l’ACAS Pour revenir à l’intervention de l’artiste Daniel BUREN au Grand Palais : on a dit qu’il avait tenté d’y sculpter l’air en lui donnant une forme, de capter la lumière en lui donnant une couleur... Puissions nous trouver au cours de ces journées suffisamment d’inspiration pour éclairer davantage nos pratiques... 1-2 - LA MEDIATION DEVANT LA COUR D’APPEL (Aix-en-Provence 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) Par Jacques Duplat, Premier Avocat Général honoraire à la Cour de cassation, Après M. AIT OUALI et Mme HUNTER-FALCK qui vous ont éclairés sur les enjeux et les difficultés de la mise en œuvre de la médiation devant les conseils de prud’hommes, même en départage, comptetenu de l’existence de la procédure de tentative de conciliation obligatoire devant cette juridiction, il me revient de procéder à un état des lieux sur la situation de la médiation devant les Cours d’appel. L’un des objectifs des tables rondes de ce matin est précisément de lever les ambiguïtés des rapports entre la conciliation et la médiation devant la juridiction prud’homale. Si à terme, il est possible, et sans doute même souhaitable ( et nous entendrons avec intérêt l’avis des partenaires sociaux sur ce point ) d’envisager la mise en œuvre d’un processus de « médiation- conciliation » au sein d’un bureau de conciliation rénové par des conseillers prud’hommes totalement indépendants de la formation de jugement, spécialement formés à la communication, soumis à la confidentialité et disposant du temps nécessaire pour favoriser le rapprochement des parties, les rapports entre la conciliation et la médiation en matière prud’homale se posent actuellement davantage en termes de complémentarité que de concurrence ou de substitution de l’une à l’autre. Il résulte toutefois en pratique des difficultés actuelles à la fois de fonctionnement de la procédure de conciliation et d’introduction de la médiation devant les CPH que les chambres sociales des Cours d’appel sont investies pour la mise en œuvre de la médiation d’un rôle encore plus important que les chambres traitant d’autres contentieux civils. Aussi, après m’être interrogé brièvement sur les principaux arguments en faveur d’un développement de la médiation devant les chambres sociales des Cours d’appel, je ferai un point rapide sur les principales expériences conduites à ce jour devant les cours d’appel. I ) Arguments en faveur du développement de la médiation devant les chambres sociales On peut relever cinq arguments principaux : 1e argument : le faible taux actuel de conciliation devant les CPH (10%) laisse un espace important à la médiation. 2e argument : par la nature des enjeux humains en cause, le contentieux prud’homal, comme le contentieux familial, se prête particulièrement aussi bien à la médiation par un tiers neutre, indépendant et impartial qu’à une conciliation par le juge. 3e argument : l’insatisfaction très grande des justiciables par rapport aux décisions des CPH (62% taux d’appel contre 15% en matière civile et commerciale) montre les limites des solutions judiciaires classiques par rapport à l’attente des justiciables. 4e argument : la médiation judiciaire est précisément un enrichissement et non un appauvrissement de la procédure judiciaire classique, même au niveau de l’appel. La médiation est en effet un outil supplémentaire, entre les mains du juge d’appel comme de première instance, pour aller au de là des termes du litige en remontant aux sources du conflit ; les parties peuvent ainsi, avec l’aide du médiateur, renouer un dialogue pour tenter de terminer pacifiquement le procès par une solution créatrice tournée vers l’avenir, alors que la solution judiciaire est tournée vers le passé. 5e argument : les associations disposent déjà d’une liste de médiateurs spécialement aptes à la médiation dans le domaine des relations de travail. A ces arguments qui militent en faveur du développement de la médiation devant les chambres sociales, une objection est souvent faite, fondée sur la tardiveté de la mise en œuvre de la mesure en raison de la cristallisation du conflit. Cette objection doit être relativisée pour deux motifs : - d’une part, la loi (article 131 CPC) ne fixe aucune limite temporelle pour la mise en œuvre d’une médiation par rapport à la saisine du juge. - d’autre part, le temps psychologique du procès n’est pas le même pour tous : l’écoulement du temps peut être un facteur favorable à la prise de conscience de l’intérêt de recourir à une solution du litige par d’autres voies que la voie judiciaire classique, les parties pouvant, même à hauteur de l’appel, mieux ressentir l’utilité d’une mesure de médiation. II ) Les différentes expériences conduites devant les chambres sociales des Cours d’appel Depuis la loi du 8 février 1995, qui a institué la médiation judiciaire, diverses expériences ont été conduites avec plus ou moins de résultats, notamment devant les Cours d’appel de Grenoble, Paris, Versailles, Lyon ou Toulouse. En l’absence de précision dans les textes, les modalités de proposition de médiation aux parties par le juge ont été empiriques et plus ou moins couronnées de succès, celui-ci étant d’autant plus assuré que les magistrats se sont plus impliqués et ont réussi à créer une véritable synergie entre tous les acteurs participant à la médiation sous une forme institutionnalisée, avec notamment l’adhésion des avocats. Comment les magistrats ont-ils opéré ? * Au tout début, la médiation a été proposée uniquement lorsque l’affaire était en état d’être jugée à l’audience de plaidoiries. A ce stade, les avocats refusaient au nom de leurs clients, très souvent parce qu’ils ignoraient tout du processus de médiation. * Aussi, dans un premier temps, pour surmonter cette difficulté liée à la fois à la tardiveté de la proposition et à la méconnaissance du processus, les magistrats ont jugé utile de donner en amont aux parties et aux avocats une information systématique sur la médiation sous une forme écrite : - soit avec la convocation devant la cour - soit par l’envoi d’une correspondance ou d’un questionnaire Mais, cette modalité d’information générale est apparue peu efficace, compte-tenu du très faible taux de réponse en retour. * Aussi, s’est imposée, dans un deuxième temps, la nécessité de sélectionner les dossiers paraissant relever de la médiation en vue d’une information ciblée. Cette sélection des dossiers est susceptible de revêtir deux formes : - soit un tri global par une cellule de tri au moment de l’enrôlement - soit un repérage des dossiers au cas par cas en cours de procédure jusqu’à l’audience par le juge luimême. 1° Tri global par une cellule de tri au moment de l’enrôlement Compte-tenu des délais de jugement (12 mois environ), le moment de l’audiencement est un momentcharnière qui permet aux parties et à leurs conseils de mesurer les aléas d’une solution purement juridique. Les dossiers sont triés selon certains critères retenus par la Cour de cassation à partir de l’expérience grenobloise (salariés toujours en activité ou ayant une grande ancienneté dans l’entreprise, salariés des TPE ou artisanales, des professions libérales, concierges, employés de maison, difficultés de reclassement, heures supplémentaires, cas de harcèlement et souffrance au travail…) Selon ces critères, entre 10 et 20% des affaires peuvent être sélectionnées. Deux modes d’information sur la médiation sont alors possibles pour les dossiers sélectionnés par la cellule de tri : - soit, convocation par le juge lui-même à une audience spéciale de proposition de médiation - soit, l’envoi par le greffe d’une « double convocation » * Le premier mode d’information, qui implique le plus fortement le magistrat prescripteur est la méthode la plus efficace et donne les meilleurs résultats quand elle peut être mise en œuvre. Ainsi, à la CA de Grenoble, où Mme le Président l’avait instituée, 1 personne sur 2 acceptait d’aller en médiation quand elle était proposée à cette audience spéciale. Entre 1996 et 2003, 2000 affaires ont été ainsi sélectionnées, soit environ 20% du contentieux, et quarante affaires enrôlées à chaque audience. Après une présentation générale de la médiation par le juge, les parties pouvaient se renseigner de façon plus approfondie auprès d’un médiateur présent et en cas d’adhésion au processus, le juge leur délivrait immédiatement une ordonnance désignant un médiateur. Ainsi, en 7 ans, 1000 médiations ont pu être ordonnées avec un succès de 75%. * Le deuxième mode d’information de la « double convocation » est en vigueur à Paris depuis avril 2011 qui ne peut mettre œuvre des audiences spéciales de proposition de médiation. Une double convocation est adressée aux parties et à leurs conseils les invitant à se présenter, d’une part, à la date fixée pour l’audience de plaidoiries et, d’autre part, à une date rapprochée (1 mois environ) à permanence d’information générale sur la médiation tenue par un médiateur. A l’issue de ce rendez-vous d’information, les parties présentes acceptent ou refusent de s’engager dans le processus de médiation. Si les parties ne souhaitent pas donner suite, la procédure suit son cours jusqu’à l’audience de plaidoiries déjà fixée. Si les parties souhaitent s’engager dans le processus de médiation, elles signent soit immédiatement, soit au plus tard dans un délai de 8 jours un accord écrit en ce sens. Le Président de la chambre saisie rend alors une ordonnance dans laquelle, d’une part, il désigne un médiateur et, d’autre part, il fixe la date d’audience à laquelle l’affaire sera rappelée pour suivi de médiation (délai de 4 mois environ). A cette audience de suivi, intégrée au calendrier normal des audiences de plaidoiries, le médiateur informe la chambre du résultat de sa mission : - soit les parties n’ont pas abouti à un accord et l’affaire suit son cours jusqu’à la date de l’audience de plaidoiries - soit les parties ont abouti à un accord et les parties demandent simplement à la cour de prendre acte de leur désistement d’instance ou d’action ou le cas échéant d’homologuer leur accord. Ainsi, une médiation peut aboutir dans un délai de six à sept mois à compter de l’appel, soit dans un délai bien inférieur à la date fixée pour l’audience de plaidoiries. Depuis le mois de janvier 2012, la CA de Versailles expérimente un système mixte qui panache et contracte les deux systèmes d’information. Les affaires sélectionnées pour une double convocation (entre 6 et 12 affaires) sont ajoutées chaque quinzaine au rôle ordinaire, En début d’audience, après une présentation générale de la médiation par le Président, les parties et leurs conseils sont invités à prendre contact pour une information plus complète avec un médiateur de permanence présent à l’audience et ensuite à faire connaître au Président, avant la fin de l’audience, leur choix d’entrer ou non en médiation. 2° Repérage au cas par cas au cours de la procédure Les affaires peuvent aussi être sélectionnées en vue d’une proposition de médiation par le juge luimême au cas par cas en cours de procédure. Cette proposition peut intervenir soit à l’occasion de l’instruction de l’affaire, soit au moment de l’audience de plaidoiries, * Proposition de médiation au cours de l’instruction de l’affaire Cette opportunité peut être utilisée dans les CA qui n’ont pas les moyens de se consacrer à un examen des dossiers en vue de la seule sélection des affaires propres à recevoir une solution par voie de médiation. Cette situation est susceptible de se développer dans le cadre des dispositions des articles 939 et 940 CPC relatifs à la procédure devant la CA sans représentation obligatoire tels que modifiés par le décret du 1e octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale . Les diligences du magistrat chargé d’instruire l’affaire lui permettent une connaissance de l’affaire telle qu’il peut être amené à proposer de façon pertinente aux parties le recours à la médiation, soit par l’envoi d’un courrier spécifique, soit de façon plus efficiente en convoquant les parties et leurs conseils. * Proposition de médiation au moment de l’audience de plaidoiries Si une telle proposition est apparue à elle seule insuffisante pour développer la médiation, les CA de Paris et Versailles ont maintenu cette « deuxième chance » de médiation offerte aux justiciables par l’organisation d’une permanence d’information aux audiences de plaidoiries. Ainsi, à chaque audience de plaidoiries, les Présidents, après une présentation générale de la médiation et du médiateur présent, invitent les parties et les avocats, s’ils le souhaitent à recueillir une information plus complète sur la médiation auprès du médiateur présent à l’audience. Le recours à la médiation peut ainsi être choisi par les parties, sur proposition de la chambre, soit avant les plaidoiries, soit après les plaidoiries, le jugement de l’affaire n’étant pas retardé dans ce dernier cas. Conclusion : Le développement de la médiation en général, et de la médiation prud’homale en particulier, est lié à l’évolution des esprits des conseillers prud’hommes, des magistrats et des avocats, d’où l’importance des actions de sensibilisation et de formation. Il faut aussi parier sur les expériences nouvelles issues de l’action des magistrats coordonnateurs présents dans chaque cour d’appel depuis la fin de l’année 2010. Bien comprise, ordonnée à bon escient, accompagnée par des médiateurs compétents, la médiation prud’homale, comme les autres médiations, devrait contribuer au « mieux judiciaire ». 1-3 - L’EXPERIENCE DE LA MEDIATION DEVANT LA COUR D’APPEL DE GRENOBLE (Fort de France, 17 novembre 2011 ) Par Jean-Luc Pierre, vice-président au Tribunal de Grande Instance de Marseille, ancien conseiller à la cour d’appel de Grenoble, qui, empêché, a envoyé sa contribution. À partir de 1996, à l'initiative, et sous l'impulsion de Mme Béatrice BLOHORN-BRENNEUR, Présidente de la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Grenoble, la médiation judiciaire a tout d'abord été expérimentée puis, à partir de l’année 2000, institutionnalisée avec la création des audiences de propositions de médiation. À ce moment-là le traitement par la voie de la médiation judiciaire a représenté jusqu’à 15 % du contentieux de la chambre et le taux d'accord aux termes de la procédure de médiation initialement de 60 % a atteint en dernier lieu près de 75 %. Entre 1996 et 2005 : plus 1000 médiations ont été ordonnées. Durant toute cette période la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Grenoble a été en France pionnière en matière de médiation judiciaire ; très peu de juridictions s'étaient alors engagées dans cette démarche ; mais avec l'intérêt croissant pour la médiation, l'exemple et la pratique grenobloise ont commencé à être suivis avec attention. Pour arriver aux résultats évoqués ci-dessus une organisation a nécessairement été mise en place allant de la détection, voire la sélection, des médiateurs jusqu'à l'audience d'homologation, en passant par le tri des dossiers. 1) - les médiateurs Ils étaient environ 40, répartis sur le ressort de la cour d'appel et comprenaient 10 conseils de prud'hommes. 50 % des médiateurs étaient issus de l'entreprise (employeurs ou salariés) souvent conseillers prud’hommes 50 % des médiateurs étaient issus de professions libérales (avocats, notaires, psychologues, consultant...) avec cependant une majorité d'avocats. Le magistrat en charge du suivi de la médiation au sein de la chambre veillait tout particulièrement à recevoir tout nouveau prétendant à l'exercice de la mission de médiateur en vérifiant notamment qu'il avait suivi la formation spécifique à la médiation concrétisée par un certificat. Trois organisations regroupaient la quasi-totalité des médiateurs : 2 associations et le Centre de médiation du barreau de Grenoble. 2) - la sélection des dossiers Tous les dossiers n'étaient pas destinés à être traités par la voie de la médiation. Un tri était donc nécessaire au stade même de l'enrôlement des affaires. Dans un premier temps un certain nombre de critères de sélection avait été retenus tels que : - l'ancienneté du salarié - l'existence de liens familiaux ou d'associés, parallèlement au contrat travail - les membres de l'encadrement -... Dans un second temps nous avons de plus en plus orienté le tri des dossiers non pas à partir des critères de sélection mais en inversant l'approche c'est-à-dire en retenant des critères d'exclusion du traitement par la voie de la médiation tels que : - l’interprétation de textes conventionnels, - les questions de pur droit - les litiges avec enjeu syndical - les situations de procédures collectives -... Cette deuxième démarche a évidemment eu pour effet d'ouvrir le champ d'accès à la médiation et donc d’accroître le nombre d'affaires orientées vers cette procédure. 3) - les audiences de propositions de médiation À compter de janvier 2000 les affaires relevant de la médiation ont fait l'objet d'audiences spécifiques dénommées « audiences de propositions de médiation ». Ainsi les parties étaient convoquées à comparaître personnellement afin de se voir proposer une médiation. Dans la convocation il leur était indiqué clairement le but de cette audience et le fait qu'en aucun cas l'affaire ne serait plaidée ce jour-là. Nous avions programmé une audience par mois au cours de laquelle 40 affaires étaient appelées. L'audience était tenue par le magistrat en charge de la médiation. Étaient présents à l'audience, à titre bénévole, plusieurs médiateurs destinés à conseiller les parties qui le souhaitaient sur le déroulement d'une médiation (pour cela des bureaux étaient mis à leur disposition). En début d'audience le magistrat s'adressait personnellement à toutes les personnes présentes afin de leur préciser : - ce qu'était une médiation - que leur dossier avait été retenu parce qu'il répondait à certains critères - qu'elles allaient elles-mêmes gérer leur litige avec l'aide d'une tierce personne, le médiateur, - que c'était l'occasion privilégiée d'un rétablissement du dialogue c'est-à-dire la possibilité de dire et d'écouter - que l'accord auquel elle pourrait parvenir serait un accord gagnant - gagnant - que tout ce qui serait dit en médiation resterait confidentiel et ne serait pas révélé, y compris au juge, - que durant toute la médiation elles pouvaient être assistées de leur avocat, dont le rôle serait non pas de parler à leur place mais de les conseiller en droit et en fait - que si elles ne parvenaient pas à un accord, la Cour qui restait toujours saisie du dossier, jugerait l'affaire ultérieurement - que si elles hésitaient des médiateurs étaient présents à l'audience afin de leur fournir toutes les informations souhaitées. À la suite de cela chaque affaire était appelée : - le magistrat recueillait l'accord de chaque partie pour aller en médiation - le magistrat désignait le médiateur : il n'avait pas de critères spécifiques mais le choix était guidé par: les parties (ou leurs conseils) qui pouvaient suggérer tel médiateur (toujours choisis parmi les médiateurs « agréés » par la cour) la localisation géographique des parties parfois, certains aspects du litige qui réclamaient telle ou telle qualité particulière du médiateur (directif, psychologue, technicien dans la matière du litige...) le nombre de médiations en cours, par médiateur, afin d'éviter deux écueils : la surcharge de mission (risque d'allongement des délais) ou l'insuffisance de mission (risque de perte de savoir-faire...). - la provision des honoraires du médiateur était arrêtée - la durée de la médiation était fixée à 3 mois, renouvelable 1 fois à la demande du médiateur. Au terme de la médiation : - les parties avec l'aide du médiateur étaient parvenues à un accord : un constat d'accord était alors établi et adressé à la Cours par le médiateur l'affaire était rappelée en audience où était reçue la confirmation des termes de l'accord par les parties, un arrêt d'homologation était rendu (éventuellement un arrêt de désistement à la demande des parties) - les parties n'étaient pas parvenues à un accord : la cour établissait un contrat de procédure de sorte que les parties qui en avait fait le choix ne soient pas pénalisés par le temps consacré au déroulement de la procédure de médiation. Il est évident que la réussite enregistrée à Grenoble a reposé sur la mise en place et le fonctionnement de l'organisation que je viens de rappeler mais qui ne serait restée qu'une coquille vide sans l’implication constante de magistrats qui se sont engagés dans la voie de la médiation judiciaire en utilisant toute les ressource de cet outil procédural mis à leur disposition par la loi comme moyen particulièrement efficace de solution des litiges, et qui ont fédéré autour de cette démarche des médiateurs des avocats et des professionnels. 2 – CONCILIATION ET MEDIATION ET, DELEGUE DU PERSONNEL (Aix-en-Provence, 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) Par Catherine GUY, membre de la délégation unique du personnel d’une organisation professionnelle agricole, journaliste, rédactrice en chef adjointe de la revue d'une organisation professionnelle agricole, salariée à temps partiel en télétravail, médiatrice en entreprise, titulaire du DU de médiation, option entreprise, de l’Ifomene/ICP. Vous m’avez invitée à témoigner de mon expérience et je vous en remercie. Je vais vous parler d’une médiation que j’ai conduite, en tant qu’élue du personnel. S’il concerne bien les conflits au travail, mon propos traite surtout de ce qui se passe en amont du Tribunal, lorsque l’on se rend compte des ravages que peut générer une incompréhension, qui peut mener à la rupture de la relation de travail. Il est parfois encore temps de prendre des décisions soi-même, de faire l’effort de se parler - même si c’est déjà devenu très difficile - avant que les choses ne dégénèrent. Je vous propose d’intervenir en trois points : D’abord je vous préciserai le contexte dans lequel j’exerce mon mandat Ensuite je vous dirai comment je suis venue à exercer la médiation Puis, j’aimerais vous faire part de ma réflexion sur la place de médiation dans la boîte à outils des élus du personnel. 1) - Le contexte : Je suis journaliste, salariée à temps partiel d’une organisation professionnelle, où je m’occupe de la revue bimestrielle. Nous sommes une soixantaine de permanents, répartis sur sept sites en France, essentiellement des ingénieurs et techniciens, et un service administratif. Nous sommes six élus du personnel, dans une « délégation unique » : c’est le cas des entreprises de moins de 200 salariés. Cela signifie que nous assumons ensemble les missions de comité d'entreprise, de délégués du personnel, de comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). L’un de nous est aussi délégué syndical, apte à négocier les accords d’entreprise. 2) - Médiation formelle : Voilà maintenant dans quelle situation j’ai été amenée à conduire une médiation. Suite à un départ en retraite, un poste de chef de service est ouvert. Deux collègues ingénieurs postulent, avec 7 et 20 ans d’ancienneté. C’est pour eux l’opportunité d’une évolution de carrière. Or la direction leur préfère un candidat externe. Vous imaginez bien que mes collègues ne sont pas contents, ni l’un ni l’autre ! Mais pour l’un d’eux, appelons-le Paul, c’est scandaleux, c’est i-nac-cepta-ble. Il avait fait part de son intention depuis plusieurs mois. Il s’était préparé à ce changement de région, ainsi que sa femme et ses quatre jeunes garçons. Lui d’ordinaire posé et discret, il est très en colère. Il vit cette situation d'autant plus mal que la nouvelle direction se compose de deux ingénieurs, récemment promus co-directeurs par le nouveau président. On a là tous les ingrédients du conflit interpersonnel : beaucoup d’émotions, d’incompréhension, de colère, un sentiment d’injustice, de la souffrance aussi. Cela retentit forcément sur la relation de travail, qui risque de se détériorer gravement. Comme délégués, nous sommes très ennuyés et nous l’avons dit : les deux candidatures nous paraissaient très recevables, avec des qualités différentes. Pourquoi ne pas profiter d’une telle occasion de promotion interne ? C’est assez rare dans une petite entreprise ! On suppose qu’ils n’ont pas voulu choisir, mais est-ce la vraie raison ? Paul me met en copie de quelques courriels à la direction, plutôt acides. Cela intrigue mes directeurs, qui me contactent. Et je m’aperçois que je ne les ai pas encore entendus, eux. Or j’ai déjà entendu plusieurs collègues, car l’affaire fait du bruit, chacun ayant une idée sur le sujet. Je leur renvoie la question : « Et vous, qu’en pensez vous ? » Je cherche à comprendre leur décision, leur position aujourd’hui, et comment on en est arrivé là... J’écoute alors ces deux nouveaux directeurs dans ce qui est déjà un « entretien de pré-médiation ». Ils souhaitent assumer pleinement l’une de leurs premières décisions, mais ils s’inquiètent réellement des conséquences. Ils craignent - à juste titre - la rupture, qu’ils ne souhaitent pas. Après réflexion, et avec l’accord de mes collègues délégués, je propose de les rencontrer tous les trois en médiation. Cette idée me vient, parce que je l’ai vécue moi-même. J’ai pu bénéficier de la présence d’un tiers neutre et impartial, pour rétablir le dialogue dans mon couple. Et je peux vous dire qu’à l’époque cela me paraissait complètement impossible… Aujourd’hui, je crois que la médiation est avant tout une expérience de vie. Tous trois acceptent la médiation, et me laissent conduire le processus. Avant le rendez-vous, j’étudie en accéléré les étapes de la médiation et la posture du médiateur dans l’ouvrage : « Méthode de médiation. Au cœur de la conciliation ». Je m’appuie aussi sur ma formation à l’écoute pour la conduite d’entretiens, et sur mon expérience de conduite de réunions dans une activité associative. La séance se déroule à Paris, au siège, dans un bureau vide. Je crains parfois le clash, mais j’ai bien posé le cadre et j’ai pu le faire respecter jusqu’au bout. Beaucoup de choses sont dites. Des choses parfois difficiles à dire et à entendre, de part et d’autre. Des silences sont parfois très lourds. La colère, la déception de Paul s’expriment. Les directeurs s’expliquent sur le profil qu’ils attendent à ce poste, et précisent ce qu’ils considèrent comme des erreurs de Paul lors des entretiens. Je sens aussi qu’ils sont pressés d’en finir, et d’aboutir à une solution, comme celle de lui confier de nouvelles missions. Comme médiateur, je les arrête. Ils vont trop vite ! Paul a besoin d’être mieux entendu et reconnu dans sa blessure de n’avoir pas été choisi, malgré ses vingt ans de bons et loyaux services. Il a aussi besoin de faire le deuil d’un projet qui n’est pas seulement une promotion, mais un projet de changement vie, réfléchi et construit en famille. Avec mon aide, il arrive alors à le dire lui-même : « Je ne suis pas prêt à se projeter, j’ai trop de colère en moi. ». Il a besoin de faire le point sur sa carrière et sa personnalité, ses points forts et ses difficultés, de comprendre ce qui bloque aujourd’hui son évolution. Il propose de s’engager dans un bilan de compétences. Après cela, il sera plus apte à entendre des propositions et à en discuter. Sa proposition est acceptée, le dossier sera même monté en un temps record. Au bout de deux heures, nous sommes tous assez éprouvés, mais satisfaits d’être allé au bout et d’avoir trouvé un accord. La séance prend fin. J’ai pu rester à bonne distance de chacun, maintenir le cadre malgré la tension, accueillir les émotions et les agacements de chacun. Je suis convaincue d’avoir choisi la bonne approche… mais surtout d’avoir encore beaucoup à apprendre ! C’était en juillet 2010, j’étais loin d’imaginer que cela me conduirait jusqu’ici, avec vous aujourd’hui… Je relève trois conséquences positives, bien au-delà de la séance : Paul a effectué son bilan, ce qui l’a aidé à préciser ses atouts et ses faiblesses, comme à apaiser sa colère. Un rendez-vous a eu lieu avec la direction, sans moi, pour envisager les pistes d’évolution. Il s’est réinvesti dans son poste actuel et dans ses relations locales. De plus, ce cas personnel a révélé un fort besoin de communication. La direction a accéléré le projet d’instaurer des entretiens individuels, afin d’améliorer l’expression des salariés, et de connaître à temps leurs besoins d’évolution. Enfin, convaincus par cette expérience, la Direction et le Comité d’entreprise m’ont apporté leur soutien pour cofinancer la formation universitaire à la médiation que j’ai entreprise à l’Ifomene. La formation d’un délégué du personnel à la médiation a même été inscrite comme un élément du dispositif de prévention des risques psycho-sociaux. 3) - La place de la médiation dans la panoplie d’élu du personnel : Comme représentant du personnel, nous sommes habitués à la confidentialité et au dialogue ouvert, avec le personnel comme avec la direction. Nous connaissons bien le conflit aussi. Aussi sommesnous légitimes pour intervenir en médiation. J’ai acquis la conviction que nous devons nous approprier cette méthode, à nous en emparer, en tant qu’élus du personnel. Nous devons nous former, au sein de nos syndicats ou ailleurs, de façon à l’utiliser ou à la prescrire en demandant parfois l’intervention d’un médiateur externe. Nous avons notre rôle à jouer, nous avons à travailler la question, à nous former. Nous avons aussi à nous prémunir aussi contre les risques de récupération, sans être naïfs. Il nous faudra discerner si le cas relève bien de la médiation ou s’il faut envisager un autre moyen d’agir. Il ne s’agit pas de faire de la médiation à tout bout de champ ! Pour finir, le Comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail (CHSCT) me paraît être l’instance compétente en médiation interne, pour la pratiquer ou la prescrire. Ce qui s’est d’ailleurs confirmé par l’accord national interprofessionnel (ANI). En effet c’est un lieu de concertation plus que d’affrontement, où employés et employeurs sont à la recherche de l’intérêt commun des salariés et de l’entreprise. Les membres du CHSCT sont vigilants en matière de prévention des risques. Sensibilisés à la souffrance au travail, ils connaissent la législation, s’impliquent dans les réseaux sécurité et de prévention. A l’interface entre salariés et direction, ils ont l’habitude du devoir de réserve et de la confidentialité. Enfin, le statut de salarié protégé préserve leur liberté de parole et d’action. Aussi je propose que la médiation soit considérée comme une ressource de plus à la disposition des élus du personnel, dans l’intérêt de nos collègues et des entreprises. Je crois que nous pouvons l’intégrer sans attendre dans nos boîtes à outils d’élus, dans les dispositifs de prévention des risques, de promotion de la santé et d’amélioration des conditions de travail. Il nous faudra pour cela respecter les mêmes conditions d’exercice que les médiateurs externes : la formation continue, l’appartenance à une association de médiateurs, et le respect du code de déontologie. Je suis très heureuse d’avoir pu vous faire part de ces convictions, qui ont fait l’objet de mon mémoire, et je vous remercie très sincèrement de votre intérêt. 3 – CONCILIATION ET MEDIATION ET, SYNDICATS (Aix-en-Provence, 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) Intervenant au nom de la CFTC, Pierre FOSSE, retraité, ex professeur de Mathématiques dans l’Enseignement Catholique (contrat d’association), conseiller Prud’homme Encadrement à Lisieux (14) entre 1987 et 2008, président de l’Institut de Formation des Conseillers Prud’hommes de la CFTC (IFCP-CFTC) depuis janvier 2009, membre titulaire du Conseil Supérieur de la Prud’homie, au titre de la CFTC, depuis mars 2011. Le mot « médiation » fait partie du vocabulaire de la CFTC. Je souhaite tout d’abord préciser que le mot « médiation » fait partie du vocabulaire de la CFTC et la pratique de la médiation est inscrite dans nos statuts. Pour nous, la pratique de la médiation trouve toute sa place dans la résolution de nos difficultés internes lorsqu’il s’agit d’améliorer notre fonctionnement ou d’éviter que des problèmes de personnes viennent entraver la bonne marche de nos structures. La médiation permet de rétablir le dialogue et évite bien souvent le pourrissement de situations qui risqueraient d’aboutir à des solutions radicales telles que l’exclusion. Cela permet de faire fonctionner efficacement nos structures dans le respect des personnes, respect auquel nous sommes fermement attachés. Cet attachement à l’intervention d’un tiers pour trouver des solutions à des difficultés internes, a poussé quelques-uns de nos militants à s’investir dans la médiation judiciaire. La CFTC n’est pas favorable à la médiation en matière prud’homale. Sans vouloir jouer sur les mots, il faut bien noter qu’il y a médiation chaque fois qu’il y a intervention de tiers et donc que le Bureau de Conciliation, en matière prud’homale, est une forme de médiation. Le Bureau de Conciliation, composé d’un représentant salarié et d’un représentant employeur, présente l’avantage d’être une formation paritaire. Les deux parties en présence se sentent donc plus en confiance et savent qu’elles ne risquent pas d’être entraînées vers une direction qu’elles ne souhaitent pas. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’impartialité et l’honnête des médiateurs mais c’est simplement ce que ressentent parfois salariés ou employeurs qui se trouvent dans cette situation. Le paritarisme de la formation de conciliation garantit la protection des droits des parties et pour nous, organisation syndicale, la protection des droits des salariés. Le paritarisme assure l’égalité des armes entre l’employeur et le salarié et permet de dépasser le lien de subordination qui crée un déséquilibre entre les parties au cours de la relation de travail. L’honnêteté conduit à reconnaître que, dans bien des cas, le taux de réussite des conciliations reste faible. L’expérience de la prud’homie permet de constater que bien des fois la responsabilité de l’échec incombe à l’employeur, souvent absent et représenté par un avocat qui déclare ne pas être mandaté pour concilier. Par ailleurs, la procédure prud’homale est gratuite, ce qui n’est pas le cas de l’intervention d’un médiateur. La justice doit rester gratuite. Il est inconcevable qu’une victime doive payer pour faire valoir ses droits. La défense des droits des salariés ne doit pas être commercialisable. Afin d’assurer l’équité, la médiation devrait être gratuite. Pour faire la promotion de la médiation, il est souvent fait état des retards dans les procédures prud’homales. Il est vrai que certaines affaires trainent en longueur. Là encore, une réflexion devrait être engagée sur les raisons de ces retards. On trouverait sans aucun doute parmi les principales raisons : le manque de personnel dans les greffes, les conséquences de la réforme de la carte judiciaire et la diminution du nombre de conseils (plus de 60 conseils supprimés), les reports demandés bien souvent par la partie défenderesse... En même temps, le nombre de dossiers augmente en raison notamment de la crise économique. La médiation est donc présentée comme le remède miracle pour pallier le manque de moyens de la justice alors que pour la CFTC, elle n’est qu’un placebo palliatif à la lenteur de la justice. Ce n’est pas aux justiciables de compenser le désengagement de l’État. Pour la CFTC, la médiation, telle qu’elle est pratiquée actuellement est payante et fait intervenir un seul médiateur, elle ne respecte donc pas l’esprit de la Prud’homie. Il existe une forme paritaire et gratuite de la médiation, c’est le Bureau de Conciliation. La CFTC fait des propositions pour améliorer la conciliation. La CFTC souhaite que la conciliation soit renforcée et pour cela, elle a fait un certain nombre de propositions : 1 - Distribuer aux justiciables, dès la saisine, un guide sur les bonnes pratiques. Construit paritairement et adaptable localement, ceci pourrait focaliser l’attention sur l’accord amiable gagnant-gagnant. 2 - Accélérer la procédure de convocation, dès la saisine, pour donner du temps aux débats entre les parties avant l’audience, certains Conseils de Prud’hommes n’adressent la convocation qu’en fonction de la date fixée pour le Bureau de Conciliation. 3 - Faire baisser le nombre de dossiers enrôlés par BC pour donner plus de temps d’audience. Diviser le BC en 2 tranches horaires pour diminuer l’attente, sachant que le nombre de report est plus limité qu’en Bureau de Jugement, ce qui autorise cet assouplissement des règles. 4 - Insister sur l’importance de la présence en personne des parties, tant côté salarié que côté décideur employeur, pour se donner toutes les chances d’aboutir. Rappeler qu’il est toujours possible de suspendre l’audience, et prendre l’affaire suivante pour laisser place à une réflexion complémentaire ou aux conseils. 5 - Revoir le questionnaire type pour les renseignements administratifs sur la vie du contrat, renforcer les possibilités du BC en supprimant les sujets tabous, tels que le fond du litige sur un point donné, afin de faciliter des propositions concrètes de conciliation. 6 - Combattre la prise de date du BJ à l’appel, avant toute tentative de conciliation, ce qui n’est pas conforme aux règles, même si les parties en conviennent. De même, éviter de débuter l’entretien par « Êtes-vous prêts à concilier », une réponse négative clôt aussitôt la tentative. 7 - Insister sur les procédures de communication des pièces et négocier : - - un délai le plus court possible en demande, un délai raisonnable en défense, une date limite pour les réponses, de sorte d’accélérer les échanges, faciliter les rapprochements et diminuer le nombre de reports. Il est souhaitable également d’instaurer une communication de ces diligences vers le CPH pour mieux préparer le BJ. D’autres mesures sont du ressort des organisations syndicales ou de leur structure de formation : - Insister dans la formation des défenseurs prud’homaux sur l’importance de la conciliation pour le demandeur, la conciliation ne doit pas être vécue comme une reculade ou un abandon. Le dialogue qui s’installe dans ce moment important doit se faire dans le respect des personnes. Il faut éviter de tout faire capoter par des paroles malheureuses… - Les conseillers prud’hommes doivent être formés aux méthodes de la médiation. Il y a sûrement bien d’autres chantiers à ouvrir pour améliorer l’efficacité du BC plutôt que tendre à le faire disparaître. La CFTC est disponible pour tous les travaux qui iraient dans ce sens. Conclusion Pour la CFTC, la médiation telle qu’elle est pratiquée actuellement ne remplit pas les conditions exigées pour une bonne justice sociale, c’est à dire le respect de la parité et la gratuité. Ce qui nous paraît surtout très grave, c’est qu’une généralisation de la médiation risque d’entrainer une privatisation de la justice. C’est une dérive que nous refusons. Cette fonction régalienne doit être préservée quel qu’en soit le coût. Intervenant pour Force Ouvrière, M. Tyllec : Pour pouvoir se prononcer sur la possibilité d’introduire la médiation dans la procédure prud’homale, il est impératif de rappeler la spécificité de l’institution prud’homale : D’une part, Que la présence des parties est obligatoire sauf à justifier d’un motif légitime d’absence qui est à l’appréciation de la formation concernée du Conseil ; Que la procédure prud’homale est orale ; L’unicité de l’instance. D’autre part, L’audience de conciliation : Il faut tout d’abord rappeler que l’objectif premier, lors de la création des Conseils de prud’hommes, était de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour parvenir à concilier les parties ; l’ultime recours devant être le bureau de jugement. Pour y parvenir et depuis la loi de 1979, le fonctionnement de l’audience de conciliation se présente en trois phases bien distinctes, à savoir : - La première phase : Elle consiste à procéder à une tentative de conciliation si aucune des parties au litige ne s’y oppose. Pendant cette phase, rien n’est acté au dossier par le greffier, concernant les échanges et les positions émis par les parties ou leurs assistants, voire de leurs représentants en cas d’absence de l’une ou l’autre des parties, voire des deux. Cela signifie que les échanges sont libres et confidentiels, car seules les déclarations actées par le greffier pourront être utilisées pour la motivation d’une décision. En cas de conciliation partielle ou totale, le greffier, sous le contrôle du Président d’audience, dresse un procès-verbal de conciliation partielle ou totale, qui vaut jugement et qui sera exécutoire de plein droit à titre provisoire. - La deuxième phase : Elle consiste, en cas de non conciliation partielle ou totale, à la « mise en état de l’affaire », c’est-àdire de faire acter par le greffier les prétentions (les chefs de demande) et les déclarations (les faits) établissant les raisons du litige, respectivement par chacune des parties au litige (article R 1454-10 du code du travail). De même, les parties ont chacune, de par leurs convocations respectives, eu le rappel des dispositions des articles (R 1452-3 et R 1452-4) du code du travail qui leur impose de se munir des pièces leur permettant de démontrer leurs allégations respectives. Il appartient à la formation du bureau de conciliation d’ordonner la délivrance de toute pièce supplémentaire qui lui semblerait nécessaire pour trancher le litige. A ce stade de la « mise en état de l’affaire » les Conseillers sont à même, en fonction de leurs connaissances en droit, sans pour autant entrer dans le débat sur le fond qui appartient au bureau de jugement, de proposer s’il l’estime approprié, de procéder à une tentative de conciliation (article 127 et 128 du code de procédure civile) en donnant lecture du droit applicable, s’il y a lieu, sur demande ou acceptation des parties. Ce qui s’appelle « lire » le droit et non « dire » le droit. Il appartient à la formation du bureau de conciliation de veiller au respect du minimum de droit en cas de conciliation au vu des dispositions législatives, règlementaires et conventionnelles, qui sont dites d’« ordre public ». A noter que lors des discutions menées pour tenter une nouvelle conciliation, aucun des éléments ne sera noté au procès-verbal par le greffier. - La troisième phase : Elle consiste à rendre une ordonnance (article R 1454-14 du code du travail) qui peut porter sur certains des chefs de demande, mais je ne m’attarderai plus sur ce qui va se rapporter à notre débat d’aujourd’hui « médiation ou conciliation », donc sur la possibilité de prononcer toutes les mesures d’instruction utiles pour « mettre l’affaire en état » d’être jugée, (dans le respect des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile). Notamment, par l’audition de témoins appelés « enquête » ou expertise, mais j’insisterai surtout sur la plus méconnue ou sous-utilisée des mesures d’instruction, celle des « Conseillers rapporteurs ». En effet les « Conseillers rapporteurs » devraient être désignés dès l’audience de conciliation (article R 1454-17 et R 1454-13 du code du travail) pour permettre d’apporter tous les éléments nécessaires à la décision du bureau de jugement. Je précise qu’il est souhaitable que pour chaque mission soient désignés deux Conseillers pour respecter la parité, et valider les constatations recueillies dans un rapport commun. Les Conseillers rapporteurs se rendant dans l’entreprise ont l’autorité pour se voir remettre tout document utile et d’entendre toute personne pouvant amener un éclaircissement permettant au bureau de jugement de prendre sa décision. Sachant que tout refus de remettre un document ou de s’opposer à l’audition d’un salarié de l’entreprise serait sanctionné par les textes en vigueur qui précisent « que l’auteur d’une telle opposition ou d’un refus en tirerait toutes les conséquences ». Le plus souvent, les éléments ainsi recueillis par les Conseillers rapporteurs permettent d’aboutir à une conciliation lors de leur mission, voire par la suite avant le bureau de jugement ou encore devant ce dernier. Les principaux avantages d’une procédure de conciliation : La gratuité est l’un des points déterminants pour notre organisation syndicale. En effet, la procédure de conciliation est gratuite (nonobstant les 35 € de timbre fiscal pour l’enregistrement de la procédure, dont nous demandons l’abrogation). De plus, la possibilité pour le salarié de se faire assister ou représenter par un défenseur syndical non rémunéré favorise l’accès aux justiciables ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle. Les moyens d’action des Conseillers, d’une part ils disposent des mesures d’instructions permettant de se rendre dans l’entreprise afin d’y recueillir tous les éléments nécessaires aux parties afin de se positionner face à l’évidence et à la réalité du litige, et si nécessaire de procéder à une « enquête », permettant d’auditionner toutes les personnes qu’ils estiment nécessaires, pour éclairer le Conseil. D’autre part, ils peuvent procéder, à tout moment de la procédure, à la rédaction d’un procès-verbal de conciliation qui vaut jugement en étant exécutoire de plein droit, ce qui signifie qu’une fois les voies de recours éteintes, la règle de l’unicité de l’instance rend impossible de saisir une seconde fois le Conseil de prud’hommes sur les mêmes chefs de demande. Les garanties qu’offre la présence des Conseillers lors des débats en vue d’une conciliation, sont principalement de plusieurs ordres. Notamment : - La parité (Conseillers employeurs et salariés) qui garantie un contrôle permanent permettant de veiller au respect des droits de chaque partie et donc de la règle du contradictoire. - La connaissance, en droit social d’une part permettant ainsi à tout moment de lire le droit en cas de besoin pour permettre aux parties de se positionner par rapport aux faits exposés par chacune d’entre elles. Et surtout d’être objectif et respectueux du droit en cas de propositions émanant des Conseillers. Rappelons que les Conseillers ont l’obligation de veiller qu’en cas de conciliation, le minimum qui est dû soit effectivement octroyé. D’autre part, les Conseillers ont une connaissance non négligeable du monde du travail, et tout particulièrement des activités qui sont du ressort de la section à laquelle ils appartiennent (Industrie, Commerce, Encadrement, Activités Diverses, ou Agriculture). De plus, les conseillers du collège salarié sont des syndicalistes expérimentés pour la plus part et confrontés en permanence à la recherche de solution aux litiges opposant les travailleurs entre eux, à leurs responsables hiérarchiques, voire à leur employeur. Sans compter la prise en charge des problèmes liés à la souffrance au travail qui se développent malheureusement de plus en plus dans les entreprises de nos jours. Tout cela garantit une meilleure compréhension du litige exposé par les parties. L’ensemble de ces éléments met en évidence que la conciliation se fera non seulement sur des propositions faites aux parties, mais également et avant toute chose par l’aide qu’ils leur amèneront dans leur réflexion et leur décision. Dans de nombreux litiges, l’aspect psychologique a souvent autant, voire plus, d’intérêt que l’aspect matériel. En effet, le salarié qui saisit la juridiction prud’homale tient en premier lieu à faire reconnaître l’injustice qu’il dit avoir subie. Bref, les conciliateurs prud’homaux sont, avant tout, des médiateurs qui ont le pouvoir de rendre immédiatement exécutoire l’accord conclu entre les parties, sans avoir à s’adresser à une autre juridiction. En conclusion, pour Force Ouvrière, cette spécificité de la juridiction prud’homale démontre qu’il n’est pas opportun, ni nécessaire d’y toucher, notamment en introduisant ce nouveau mode de règlement des conflits que constitue la médiation. Gil Soetemondt, conducteur de métro à la RATP, occupant un poste à l’exécutif de la CFDT RATP et chargé de la formation syndicale et du secteur juridique, et notamment, président ou vice Président de la section du Commerce au conseil de prud'hommes de Paris entre 2003 et 2005, et de 2009 à 2010, puis élu de la formation référé de 2010 à ce jour et, président ou vice président du conseil de prud'hommes de 2006 à 2008, puis en 2012. J’avais deux options pour établir mon intervention, une plutôt positiviste sur les résultats obtenu devant le bureau de conciliation et une autre à l’inverse plus négative car il y a l’évidence des choses à corriger. Je crois que le paritarisme, s’il présente d’incontestables avantages et atouts, génère lui-même ses propres carences. Dès lors mon intervention sera tout à la fois valorisante pour notre action mais pointera aussi quelques scories. Rappel : l’article R1452-10 dispose : « Le bureau de conciliation entend les explications des parties et s‘efforce de les concilier. Un procès verbal est établi. En cas de conciliation totale ou partielle, le PV mentionne la teneur de l’accord intervenu. (..) A défaut de conciliation totale, les prétentions qui restent contestées et les déclarations faites par les parties sur ces prétentions sont notées au dossier ou au procès verbal par le greffier sous le contrôle du président ». Le faible taux de conciliation est très souvent utilisé pour justifier de la mise en place de la médiation dans la procédure prud'homale. Effectivement le résultat brut du nombre de conciliations, moins de 10%, peut être considéré comme faible. Mais il ne faut pas oublier que près de 45% des affaires ne se terminent pas par un jugement. Il y a : - soit un désistement, pour environ 25% des saisines présentées - soit une transaction 22%, devant ou hors la présence du juge, - soit une radiation, pour 33%, radiation par ailleurs pas toujours prononcée pour un défaut de diligence mais pour laisser l’opportunité aux parties d’exécuter l’accord intervenu. Pour rappel la radiation, la caducité et le retrait du rôle laissent peu ou prou l’opportunité de revenir devant le Conseil si une difficulté apparaissait. Environ 43% de ces affaires reviennent, de fait, devant le Conseil. Pour information le taux de non-décision est plus important en référé que devant le juge du fond, c’est probablement le résultat de l’effet magique de la convocation et de son corolaire : « Mais oui, c'est bien sur, j'ai du oublier quelque chose », ou alors, peut être, du fait que les plaidoiries se font devant le public, et que le juge ne pourra se masquer derrière le secret du délibéré. Il est ainsi des décisions sur lesquelles on pourrait faire des paris avec peu de chance de se tromper sur le résultat. Pourquoi la conciliation semble être un échec ? Juges de la rupture du contrat de travail, près de 93,3% des saisines portent sur la rupture du contrat de travail (Info stat N°105), il est donc évident que quelques tensions sont alors, encore, présentes dans les mois qui suivent cette rupture. D’autant plus si la rupture a été prononcée à raison d’une faute du salarié, celui-ci a du mal à accepter cette accusation pas toujours justifiée, surtout si elle est qualifiée de grave. En 20 ans d’activité j’ai pu constater une baisse très importante de la contestation de la rupture portant sur le licenciement économique compensée par une augmentation équivalente du nombre de licenciement pour faute grave, qui chacun le sait est économiquement plus favorable. La qualification de grave a une fâcheuse tendance à paralyser le juge. Elle ne facilite guère la volonté de conciliation qui pourrait habiter les juges et les parties. Je constate très, trop, souvent que le juge prud’homme oublie ce pourquoi il est élu. Comme rappelé plus haut le juge a pour mission de concilier les parties, ce n’est que par défaut d’accord que l’affaire doit être renvoyée devant le bureau de jugement, après avoir mis l’affaire en état d’être jugée. Cette conciliation ne peut se faire sans la volonté des parties, mais de toutes les parties, conseil des parties, demandeur, défendeur mais aussi juges. C’est cette absence de volonté des acteurs qui nuit à la conciliation, mais si pour ce qui est des parties le juge ne peut pas « forcer » à la conciliation, se sont ses interventions son activisme en bureau de conciliation qui pourra conduire à une analyse apaisée. Mais cette absence de volonté ne doit pas cacher, aussi, une méconnaissance des textes, ou une connaissance considérée comme partisane, ou encore une frilosité par rapport aux vrais pouvoirs du juge de la conciliation, ces constats n’appartenant pas prioritairement à un Collège plus qu’à un autre. Combien de fois ai-je entendu qu’il ne faut pas parler du fond de l’affaire ? Mais comment faire, si l'on ne possède pas un minimum d'information, pour expliquer aux parties que si « telle demande pourrait être entendue » par le juge, telle autre ne pourrait l’être car non fondée en droit ou dans son montant. Il m’apparaît incontournable que l’on connaisse l’histoire qui liait les parties, que l'on sache sur quoi elles se basent pour justifier de leur demande afin de les aider à la conciliation. A plusieurs reprises la Cour de Cassation, encore en 2010, (08.44-321, 12/1/10) a rappelé que : la formation de conciliation devait avoir un rôle actif, la formation de conciliation devait porter à la connaissance des parties la totalité de leurs droits. Ces rappels comme nombres d’arrêts de jurisprudence ne sont pas partagés par tous. S'il n'y a pas un minimum de maîtrise des textes point de salut, et si en plus la peur de l'erreur surgit tout se fige. La conciliation est un acte judiciaire qui implique une participation active du Bureau de conciliation à la recherche d’un accord préservant les droits des parties. Il faut aussi rappeler que l'accord trouvé peut être annulé si les parties n’ont pas été informées de leurs droits respectifs et que pour certaines demandes présentées le juge conciliateur n’a que très peu de marge de manœuvre. C’est le cas pour les demandes ou le plus simple des droits n’est pas respecté, par exemple avec le non respect d’un salaire minimal, ou l’absence de remise des documents sociaux. Il n’y a pas beaucoup de choses à négocier sauf à obérer les droits du salarié. L’autre moment délicat de la conciliation est celui de la première rencontre entre les parties et ou leurs conseils. C’est à ce moment que les adversaires vont découvrir pour partie, l’argumentaire et/ou les pièces qui vont venir appuyer les certitudes des uns et des autres. Cette arrivée d’information doit être digérée, elle doit être analysée aussi bien par les parties en demande qu'en défense, mais aussi par le juge lui-même. Elle peut conduire, aussi, dans un sens comme à l’abandon de certaines ambitions. La conciliation est un art difficile, voire même délicat. La conciliation est, directement, peu productive. S'il existe une bonne part d'accord non révélée au juge, tout ce qui se fait devant lui, ou avec son soutien, est contrôlé en droit et aucune des parties ne devrait subir de « perte de droit ». L’homologation judiciaire est soumise aux mêmes contraintes. Tel n’est pas le cas de la médiation, qui a de toute évidence un rôle actif à assumer, mais n’a pas de rôle de contrôle des droits de chacun, un accord présentable peut trouver sans qu’il n’apparaisse de lien avec le litige d’origine. Il faut donc prendre en compte le taux de réussite exceptionnel de la conciliation prud’homale DIX FOIS PLUS que devant les TI et ou TGI. Je rappelle aussi que la conciliation non vue, est très importante. Si ces résultats existent c’est sans forfanterie parce que des conseillers prud'hommes sont intervenus et ont accompli leur tâche de juges conciliateurs. Pour améliorer le système on pourrait peut être, envisager avant que les nouveaux élus soient conduits à assumer leur fonctions qu’il leur soit dispensé une formation sur la conciliation afin qu’ils prennent pleinement conscience des enjeux et de l’intérêt d’une bonne conciliation. Chantal Verdun, conseiller prud’hommes élue dans le collège salarié, section Encadrement du conseil de prud'hommes de Paris en décembre 1992, alternativement présidente et vice présidente de ce conseil de prud'hommes de janvier 2003 à janvier 2005, puis de janvier 2010 à janvier 2012, assurant la formation des conseillers prud’hommes au sein de PRUDIS – CGT et, membre du Conseil Supérieur de la Prud’homie depuis novembre 2004 et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme d’avril 2009 à avril 2012. La CGT est fermement opposée à la médiation dans les conseils de prud'hommes, car pour elle c’est : - faire sortir le contentieux des enceintes prud'homales, tirer le droit vers le bas, à terme remettre en cause la notion de parité, et donc l'existence même de la justice prud'homale, « marchandiser » le contentieux du travail par une procédure payante, et privatiser le contentieux social. - La médiation fait double emploi avec la conciliation qui est l’essence même de la juridiction prud’homale. Parmi les causes du faible taux de conciliation (10%) on relève : - une méconnaissance par les conseillers prud’hommes des pouvoirs qu’ils détiennent, et du rôle actif qu’ils doivent jouer dans la recherche d’un accord en préservant les droits des parties. - une conception différente des deux collèges : Pour le collège salarié, il est nécessaire de connaître le litige en étudiant la matérialité des faits Pour une grande partie du collège employeur, le bureau de conciliation est le lieu de prise d’acte d’un accord intervenu ou non entre les parties. - un temps trop court à consacrer à chaque affaire. - l’absence trop fréquente des parties. Il convient de donner les moyens nécessaires aux conseils de prud'hommes afin de redynamiser la conciliation Au préalable, permettez-moi de rappeler que lorsque l’on parle du juge en matière prud’homale, il s’agit de l’ensemble de la composition issue des deux collèges salarié et employeur, deux conseillers en bureau de conciliation, quatre en bureau de jugement. S’agissant de la médiation, nous sommes fermement opposés à son entrée dans les conseils de prud'hommes, car nous considérons que ce serait : - un moyen de faire sortir le contentieux des enceintes prud'homales pour le faire traiter ailleurs, d’écarter le juge, qui n’est plus présent dans le dispositif et de ce fait ne pas répondre aux demandes de moyens essentielles pour la justice prud'homale ; - à plus ou moins long terme remettre en cause la notion de parité : employeur- salarié, et donc l'existence même de la justice prud'homale. Dans les arrêts de Décembre 2004 (Mon Logis) la Cour de Cassation a réaffirmé que la parité telle qu'elle est organisée dans les CPH était gage d'impartialité. La médiation est un accord privé sensé intervenir entre deux parties à égalité. Or, le contrat de travail ne peut être considéré de la même façon qu'un autre type de contrat. Il existe un déséquilibre entre les parties dû au lien de subordination qui est l'essence même du contrat de travail. Le recours a un médiateur ne garanti en aucune façon son impartialité dans la cadre des conflits du travail. - tirer le droit vers le bas car il apparaît que les tenants de la médiation considèrent que le code du travail est trop rigide, qu'il ne répond pas à un certains nombres de litiges(!) L'accord qui interviendrait dans le cadre d’une médiation entre les parties risque de ne pas répondre nécessairement au respect des droits de chacune des parties, malgré la présence d'avocats informés du droit. - « marchandiser » le contentieux du travail par une procédure payante au profit de médiateurs, ou d'associations de médiateurs, et privatiser le contentieux social. La gratuité qui est une spécificité de la procédure prud'homale se trouve mise à mal dans cette pratique. C’est une condition non négociable de l'accès à la justice. Surtout, nous estimons que la médiation fait double emploi avec la conciliation. La mission de conciliation, première attribution du bureau de conciliation est un principe fondamental formulé dès 1806 et considéré par la jurisprudence comme "étant l'essence même de l'institution prud'homale." L'objectif principal de la mission des conseillers prud'hommes n'est pas de juger, ni de condamner, mais de concilier. Si au stade de la conciliation, il s’agit bien d’un processus contentieux, celui-ci pourra prendre fin par un rapprochement des parties en se terminant par un accord. Cela ressort explicitement de l’article L.1411-1 du code du travail : « - Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. » Pourtant, il nous faut bien constater que la conciliation prud'homale marche mal. Seulement, 10% environ des litiges aboutissent à une conciliation, taux variable cependant selon les pratiques des conseils et la volonté affirmée ou non de concilier des parties et des juges. Il faut cependant relativiser ce taux en faisant valoir les nombreux accords qui interviennent en dehors du juge entre l'audience de conciliation et l’audience du bureau de jugement, mais pour lesquels n’existe aucune statistique. Dans les faits, certains comportements ont pour résultat de rendre inopérant les pouvoirs que détient le bureau de conciliation. C’est ainsi que l’on constate une différence énorme entre l'état des textes et celui de leur application. a) - L'un des principaux obstacles à un fonctionnement normal du bureau de conciliation est la méconnaissance par le juge prud'homal des pouvoirs qu'il détient et des obligations qui s'imposent à lui. Cette méconnaissance facilite les manœuvres de ceux qui ont intérêt à vouloir réduire à sa plus simple expression, la phase de conciliation et à faire durer le procès. Une meilleure formation des conseillers des deux collèges devrait permettre une meilleure approche du rôle que doit jouer le conseiller prud’homme en bureau de conciliation. On observe que cette audience se résume trop souvent à la prise des renseignements administratifs et à la récapitulation des chefs de demandes. S’il y a tentative de rapprochement des parties la plupart du temps, cela se fait sans prendre connaissance des faits qui ont conduit au litige et sans vérifier les droits de chacune des parties. Pourtant, l’article R.1454-10 du code du travail définit le rôle du juge : « - Le bureau de conciliation entend les explications des parties et s'efforce de les concilier. Un procès-verbal est établi. » Le texte est clair : il s'agit d'une tentative de conciliation à laquelle le juge doit prendre part. Il ne doit pas se contenter d’être spectateur mais doit jouer un rôle actif. La manière dont vont se dérouler les échanges sera radicalement différente selon le degré de volonté des conseillers de mener à bien leur mission de conciliation. C’est pourquoi, il est nécessaire qu'une même conception de la conciliation soit partagée par l'ensemble des conseillers. Mais force est de constater que c'est souvent loin d'être le cas. Les conseillers employeurs défendent fermement l'idée selon laquelle " en conciliation on concilie, on ne juge pas." Cette position entraîne une forte réticence de la part du collège employeur à aborder le litige en étudiant la matérialité des faits. Sous prétexte que le bureau de conciliation n'a pas à se substituer au bureau de jugement, les audiences se réduisent trop souvent à un simple enregistrement des déclarations des parties. Le juge doit pourtant se donner les moyens de connaître l’affaire pour pouvoir proposer une solution. On peut s'interroger sur le sens d'une conciliation qui ne cherche ni à connaître les éléments de faits de l'affaire, ni à confronter les points de vue des justiciables en présence. A ce stade, il ne s'agit pas de statuer sur le fond, mais de comprendre l’origine du litige et seulement d'éclairer les parties sur leurs droits respectifs, afin de leur permettre de décider ou non de concilier en toute connaissance de cause. Cette information est donnée en présence des deux parties par l'un des deux conseillers sous le contrôle de l'autre. On ne saurait dès lors la percevoir comme une violation du principe de l'impartialité du juge. Et le juge ne doit pas se limiter à examiner le litige au vu des seuls éléments apportés par les parties, éléments qui sont la plupart du temps forts peu nombreux. Pour pouvoir apprécier l'affaire, le juge doit provoquer des échanges entre les parties. C'est ce qui est expressément inscrit à l'article R .1454-10 du code du travail. Encore faut il qu’il se donne les moyens de faire de l'audience de conciliation "une phase active et dynamique." Il lui appartient de proposer des solutions sans bien sûr faire abstraction des règles juridiques applicables, voire même de suggérer à chacun son intérêt de ne pas aller en bureau de jugement. Et même si les protagonistes arrivent avec la volonté de concilier, il appartient au juge, de vérifier que cet accord ne se fera pas en dessous des droits de l'une ou l'autre partie, ce qui garantie un élément d'impartialité. Il en va de sa responsabilité de juge. C'est le principe posé par la cour de cassation dans un arrêt du 28 mars 2000, dans lequel elle rappelle. que: " il résulte des articles L. 144-1, R.1454-10, R.1454-11 ( L.511, alinéa 1er, R 516-13, R516-14, R516-41 anciens), du code du travail que la conciliation, préliminaire obligatoire de l'instance prud'homale, est un acte judiciaire qui implique une participation active du bureau de conciliation à la recherche d'un accord des parties préservant les droits de chacune d'elles." Sauf à ignorer que le conseil de prud'homme doit juger en droit, la parité ne devrait pas source de blocage. b) - Mais d'autres difficultés sont sans doute autant d'obstacles pour mener à bien la mission de conciliation. Parmi elles, le fait que le juge n'a pas eu préalablement à l'audience connaissance de l'affaire peut être un frein. Certes, les articles R.1452-3 et R.1452-4 du code du travail disposent qu'à l'audience de conciliation les parties sont invitées à se munir de toutes pièces utiles et l'article R.1456-1 du code précité prévoit qu' : « En cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, l'employeur dépose ou adresse par lettre recommandée avec avis de réception au greffe du conseil les éléments mentionnés à l'article L. 1235-9. Ces éléments sont transmis dans un délai huit jours à compter de la date à laquelle l'employeur reçoit la convocation devant le bureau de conciliation pour qu'ils soient versés au dossier. La convocation destinée à l'employeur rappelle cette obligation. » Il faut bien reconnaître que cela est rarement le cas, les parties se présentant souvent sans aucune autre pièce que la lettre de licenciement. Et si tant est que les pièces soient déposées avant le bureau de conciliation, le temps passé à l'étude des dossiers avant l'audience est indemnisé à hauteur de 1 heure pour la totalité des dossiers et pour un seul des deux conseillers. On peut se demander si le fait de permettre aux deux conseillers d'étudier des pièces qui auraient été remises au greffe par les parties avant l'audience, ne faciliterait pas l'exercice de leur mission ? c) - Il faut égalent regretter le temps trop court consacré à chaque affaire : 16 affaires inscrites au rôle pour une audience de 3ou 4 heures à la section encadrement du conseil de prud'hommes de Paris. Dans ces conditions comment les conseillers n’hésiteraient-ils pas à passer 30 ou 45 mn sur une affaire, lorsque 10 affaires sont encore à évacuer avant la fin de la matinée? Pourtant, le temps supplémentaire passé par le juge pour véritablement faire son office et mettre les parties face à un choix entre conciliation et jugement, en les informant le plus complètement sur leurs droits respectifs, ne serait-il pas compensé à terme par les gains de temps qui seraient faits devant le bureau de jugement en cas d’échec de la conciliation ? Et s’il y avaient davantage de conciliations, cela aurait pour conséquence moins d'audiences de bureau de jugement avec 4 conseillers qu’il faut indemniser, moins de délibéré, moins de temps de rédaction de jugement, moins d’audiences de départages et moins d'appels. On remarque également depuis quelques années une pratique de plus en plus judiciarisée de la part des justiciables. La présence des avocats contribue parfois à radicaliser les positions, à donner une tournure plus juridique là où le pragmatisme et le bon sens seraient plus utile. Les avocats des parties bien souvent ne se sont pas rencontrés avant l’audience de conciliation qui est leur premier contact. d) - Mais le recours à un avocat se traduit surtout par l'absence du justiciable devant le bureau de conciliation. Pourtant le souhait du législateur était sans contexte de privilégier la comparution personnelle des parties devant les prud'hommes et notamment du bureau de conciliation. L’article R.1453-1 du code du travail dispose que : « - Les parties comparaissent en personne, sauf à se faire représenter en cas de motif légitime. Elles peuvent se faire assister. » Et l'article R.1453-2 du code du travail limite la possibilité de se faire représenter en cas de motif légitime d'absence. La pratique se révèle toutefois toute autre. Souvent les conseillers n'apprécient pas le motif d'absence, ils l'acceptent à priori comme légitime, surtout en présence d'avocats. Il est vrai que le seul moyen de sanctionner une absence non justifiée serait de prononcer un renvoi en demandant une comparution personnelle, ce qui pénaliserait les parties et rallongerait le délai de traitement de l'affaire. L'absence des parties, plus fréquemment celle de l'employeur est un handicap majeur pour pouvoir concilier. Car lors des échanges que doit susciter le juge, ce sont bien les parties qui sont les mieux à même de répondre et d'apporter un éclairage au litige. Et il arrive même en cas de représentation de l'une ou l'autre partie, que le représentant déclare ne pas avoir le pouvoir de concilier. Mais là encore, ce n'est pas une raison pour que le juge abandonne son rôle actif. Si par son absence le défendeur peut malheureusement faire échec à la tentative de conciliation, il ne peut pas pour autant empêcher le déroulement de l'audience, ni le recours par le juge à ses pouvoirs juridictionnels. Car, il ne faut pas mesurer l'efficacité et l’utilité du bureau de conciliation au seul regard du taux de conciliation réalisé. Les demandeurs devant le conseil de prud’homme sont à près de 98% des salariés. Leurs demandes ont la plupart du temps un caractère alimentaire. Le bureau de conciliation peut leur permettre de faire rapidement admettre leurs droits sans attendre le bureau de jugement, dès lors que l'existence d’une demande n'est pas sérieusement contestable. Contestable ne signifiant pas contesté. En cas d’échec de la médiation, il leur faudra attendre l’audience de bureau de jugement. Mais là encore, les deux collèges ne partagent pas la même conception. Et le collège employeur refuse bien souvent l'utilisation des mesures provisoires d'urgence au stade de la conciliation. Quant aux conseillers salariés ils ne cherchent pas toujours à les imposer. En effet, une attitude contradictoire conduirait à un partage de voix et au recours au juge départiteur. Il apparaît souvent plus simple et plus rapide d'envoyer l'affaire devant le bureau de jugement. Un tel comportement semble empreint d'un neutralisme qui sied mal avec l'esprit qui devrait caractériser cette phase du bureau de conciliation. Autre avantage de la conciliation par rapport à la médiation, elle peut survenir à tout moment de la procédure. Ainsi les conseillers rapporteurs ne pourraient-ils pas également être acteurs dans la recherche d'une conciliation avant le bureau de jugement ? Ainsi, pourquoi rechercher en matière prud'homale, d'autres modes de résolution des litiges, que ceux qui existent? En conséquence, il apparaît plus que jamais nécessaire de redynamiser la phase de conciliation, ce qui nécessite de prendre le temps nécessaire pour mener une analyse du litige et des prétentions des parties en vue d’une conciliation. Et en cas d’échec de la conciliation, il est essentiel de redonner toute leur portée aux textes relatifs aux ordonnances, aux mesures d'instruction et à la mise en état du dossier, en vue du bureau de jugement. Pour cela il est impératif de donner les moyens nécessaires à la justice prud’homale. En guise de conclusion je citerai ces mots du Président Gelineau Larivet ancien président de la chambre sociale de la cour de cassation qui sont plus que jamais d’actualité:" il serait quand même paradoxal que la juridiction prud'homale créée en vue de la conciliation laisse disparaître ce pan de son activité au moment où la conciliation renait partout ailleurs." Résumé de l’intervention de Jacques Frederic Sauvage Directeur général adjoint de la Société Immobilière d’Economie Mixte de la Ville de Paris,en 1996/2007 Secrétaire général adjoint puis Secrétaire général puis Directeur général adjoint de la société immobilière de la Ville de Paris ( SIEMP) en 1976/1996 Cadre administratif puis attaché de direction à la Société l’Auxiliaire de la Construction immobilière ( S.A.C.I.) en charge de dossiers immobiliers privés et de la S.I.E.M.P.en 1972/1975 La médiation a-t-elle vocation à s’appliquer devant les Conseils de prud’hommes ? Cette question mérite d’être posée dès lors que la vocation première des conseillers prud’hommes est de concilier les parties. Les conseillers s’attachent à cette mission et, contrairement à certaines idées reçues, y arrivent plus souvent que généralement avancé. Quels moyens doit utiliser le juge pour assurer le bon déroulement de l’instance dont la conduite incombe aux parties et la médiation apporte t’elle un plus ? En outre, le fonctionnement paritaire des conseils de prud’hommes et les sensibilités différentes des conseillers prud’hommes constituent une difficulté par la manière différente qu’ont les uns et les autres d’aborder les solutions à trouver pour aboutir. Il reste de nombreuses ambiguïtés à lever et les interrogations sur ce point sont nombreuses qui suscitent des réserves. Enfin, je ne suis pas persuadé que la médiation est, dans les conditions actuelles, adaptée à nos procédures. 4 - MEDIATION ET RISQUES PSYCHOSOCIAUX (Aix-en-Provence, 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) Par Jean-Édouard Grésy, anthropologue, médiateur et président du cabinet Alter Nego. Président de la société Alter Nego, il accompagne les cadres dirigeants dans la conduite opérationnelle de leurs négociations et intervient en tant que médiateur. Formateur et conférencier, il collabore depuis 1997 au développement de la Stratégie des Gains Mutuels (Harvard Negotiation Project). Docteur en droit et diplômé de l’EDHEC, ses recherches portent sur la conflictualité des hommes et des organisations. Il est auteur de Gérer les ingérables et de Gérer les risques psychosociaux (en collaboration) chez ESF. Résumé : Harcèlements, stress, burn-out, dépression et suicide sont ces dernières années étroitement liés au monde du travail et concernent un nombre grandissant de salariés. Le débat autour des RPS remet en question les méthodes de management et l'organisation du travail. Comment conjuguer bien-être et efficacité au travail ? La dimension subjective du bien-être au travail est indissolublement liée au travail bien fait et à la possibilité d'en débattre avec ses pairs. En réhabilitant une conflictualité productive au sein des organisations, de nouvelles perspectives de développement de la médiation se font jour. Pour replacer l'Homme au cœur du dessein de l'entreprise, cette intervention propose de mieux identifier les symptômes et les causes du mal-être au travail, et comment réagir à bon escient.. .et tout particulièrement avec les outils et l'esprit de la médiation. Article: Intro: Je pourrais faire un exposé classique sur le modèle des formations actuellement dispensées dans bon nombre d'entreprise et ce de manière souvent obligatoire : Partie I : Les symptômes de la souffrance au travail : la liste est longue car cela touche aussi bien au stress, aux problèmes de santé mentale, aux conduites toxicomaniaques qu'aux TMS et maladies cardiovasculaires (compter au moins une matinée pour aborder une liste exhaustive !). Partie II : Les risques juridiques et la responsabilité pénale du manager : discrimination, harcèlement sexuel et le fameux harcèlement moral. C'est fantastique, la première partie crée des prophéties auto réalisatrices : « on ne va pas si bien que ça » ; « c'est vrai qu'en ce moment je dors mal, je suis peut-être en bun out » ; « les perspectives d'avenir sont mauvaises pour le business, je suis peut-être déprimé voire dépressif». La seconde partie renforce la propension naturelle du management à fuir les situations difficiles au travail quand l'on songe que Michel Crozier écrivait déjà il y a plus de 40 ans que « l'évitement des relations en face à face », associé à « la difficulté ordinaire de faire face au conflit » était une caractéristique fondamentale du cadre d'action français. En clair, la manière dont sont abordés les RPS crée, voire renforce les RPS. Comment une approche médicale, psychosociale ou juridique peut éclairer un manager dans sa pratique quotidienne de gestion d'équipe, de projet, d'objectifs opérationnels à atteindre ? Pour autant, derrière cette kyrielle d'appellations inquiétantes, l'échelle de graduation en terme de gravité va de l'atteinte à la qualité de vie au travail à la mise en jeu de la vie elle-même, c'est-à-dire la mort. Ce qui en fait malgré tout un sujet essentiel qui provoque aussi bien le déni (« ça n'arrive qu'aux autres »), qu'une prise en compte contingente (« on est bien obligé ») ou encore une démarche résiliente (« plus jamais ça »). Notre propos s'inscrit à travers notre approche de la médiation et notre vocation à crever les abcès, à diminuer l'angoisse et renforcer l'audace. Il s'appuie sur l'ouvrage que j'ai écrit avec mes associés Ricardo Ferez Nückel et Philippe Emont, Gérer les risques Psychosociaux (ESF, 2012). Bien que flou, le concept de RPS est passionnant car il permet d'aborder le ressenti subjectif de l'Homme dans sa relation au travail. Pour ramener une certaine sérénité dans le débat, il convient de s'interroger sur la puissance de ce qui se joue derrière la question du travail et les facteurs de souffrance. Cela permettra ensuite d'examiner dans un deuxième temps les principales réponses ou solutions apportées. Partie I - A quoi sert le travail et qu'est ce qui fait souffrir C'est justement lorsque l'absence de travail s'est massivement faite ressentir (crise des années 1930 et des années 1980), que Marie Jahoda a pu mesurer à quel point le travail remplit des fonctions fondamentales pour le bien-être psychique. Elle distingue1 les fonctions latentes des fonctions manifestes du travail. Les fonctions manifestes ont trait à la rémunération et autres avantages matériels qu'il procure. Les fonctions latentes sont moins évidentes et apparaissent essentiellement lorsque le travail vient à manquer. Naturellement la dégradation des conditions de travail (baisse du pouvoir d'achat, diminution de l'espace de travail, contrats précaires...) sont des causes manifestes pouvant générer de la souffrance au travail. Pour autant, ce qui affecte le plus les salariés, et qui génère les risques psychosociaux sont les atteintes aux fonctions latentes, ainsi que l'illustre ce tableau2 : LES 5 FONCTIONS LATENTES DU TRAVAIL LES 5 FACTEURS MAJEURS DE RPS Il participe à la construction de l'identité : le travail permet de définir sa position sociale au sein du collectif. Il alimente l'estime de soi et l'estime des autres et aide à dessiner les contours de son identité à travers l'image que l'on donne de soi dans ses réalisations. Les atteintes à l'identité : outre les comportements résolument hostiles et pénalement répréhensibles, il suffit d'un conflit non ou mal géré, d'une différence de perception sur la qualité du travail bien fait, pour déclencher des blessures identitaires. Il impose une structure temporelle de la vie : les chômeurs observés par Marie Jahoda passaient l'essentiel de leur temps à ne rien faire, à ne plus rien oser entreprendre du fait de la difficulté à se projeter dans l'avenir. L'hypervitesse : tout s'est accéléré lors des trois dernières décennies dans un contexte exacerbé de compétition économique mondialisée. Il en résulte des niveaux de stress3 qui portent atteinte à la santé des travailleurs. 1 2 3 Il entretient la faculté d'adaptation : le travail oblige constamment à s'adapter à des contraintes externes, à atteindre des objectifs dépassant les visées propres, à relever des défis posés avec/ou par d'autres. Cette faculté d'adaptation est le reflet d'une certaine souplesse psychique. L'hyperflexibilité : les changements organisationnels et les mutations professionnelles4 se suivent à un rythme effréné et déstabilisent les salariés soumis à un profond sentiment d'insécurité quant à leur rôle et leur place dans l'entreprise. 4 Il crée des contacts sociaux : le travail est un pourvoyeur essentiel de réseau social par les multiples opportunités de rencontre qu'il crée. La diversification de ses réseaux sociaux est le meilleur rempart contre l'isolement qui touche5 9% de la population française. L'individualisation des performances : cette évolution a non seulement conduit à heurter les logiques collectives mais a également isolé le travailleur pour qui toute réalisation se doit d'être personnelle. 5 Il met en valeur les compétences : le travail remet perpétuellement en cause les savoirs et savoir-faire accumulés. Pour bien faire, le travailleur doit développer ses capacités et ses habiletés puisqu'il doit nécessairement surmonter des imprévus, des problèmes et des difficultés. Le manque de reconnaissance : 57% des salariés estiment que leur implication dans le travail n'est pas reconnue*. Cela découle notamment d'une faible autonomie dans des tâches morcelées au point d'en perdre parfois le dessein. Il en résulte que le pourcentage de salariés « souvent heureux » au travail atteint 31 % en France, soit son plus bas niveau7 depuis 2007. Partie II - Comment y remédier Les travailleurs les plus exposés aux RPS sont naturellement ceux qui prennent le travail le plus à cœur. Pour autant, les entreprises ne peuvent pas encourager le détachement, l'indolence puisque les managers ont au contraire pour mission de soutenir la motivation de leurs équipes. Toutefois, quand la souffrance au travail est patente, trois grandes approches se développent, présentant chacune des bénéfices et des risques, qu'il convient de discerner : Approche par le stress Avantage Thermomètre, cela permet de prendre le pouls de l'ambiance et des conditions de travail, Inconvénient Quand vous avez le feu dans une usine, la fumée qui s'en dégage en est effectivement le signe mais cette constatation n'éteint pas l'incendie Approche judiciaire Avantage Inconvénient La jurisprudence permet de qualifier le harcèlement moral8. Le risque judiciaire conduit parfois les organisations à réagir et prévenir ces situations. Extrêmement limité aux situations de discrimination et/ou de harcèlement. Risque réputationnel pour celui qui s'en prévaut au sein d'un milieu professionnel étroit. Approche SRPS® (Système de Prévention des RPS) dont la médiation Développer une « conflictualité productive » au sens de Ricœur, réintroduire une disputation en interne sur la qualité du « travail bien fait ». Les organisations où l'on souffre le moins ne sont pas celles où l'on s'engueule le moins mais celles où l'on s'engueule le mieux. C'est le premier facteur de durabilité d'un collectif de travail. Avantage Inconvénient Approche graduelle qui implique le Nécessite un véritable dialogue social sur ces management de proximité en premier niveau, puis questions en interne entre les Ressources des médiateurs internes/externes et une Humaines et les Instances Représentatives du commission sur le harcèlement moral qui Personnel sanctionne les comportements déviants. La gestion des conflits représente entre 30 et 42 % du temps d'un manager. Cela impacte directement la qualité des décisions : plus on coopère, plus les décisions sont créatives et productives de valeur. C'est aussi le moyen de conserver les salariés motivés et de limiter le présentéisme, l'absentéisme et la démission. Une gestion des conflits saine concilie bien-être des salariés et compétitivité des entreprises. Cela rejaillit naturellement sur l'image et l'attractivité d'une entreprise. Près de 2/3 des problèmes de performance des organisations sont liés à des relations difficiles entre collaborateurs et il convient de recréer les conditions d'un dialogue constructif autour des changements et des projets inhérents à la vie des organisations. Conclusion : Dans cette optique, la médiation fait partie des enjeux de gouvernance sociale, c'est un outil de prévention des risques et de création de valeur. Il nous faut savoir chiffrer le coût des conflits pour prouver le retour sur investissement des solutions que l'on propose de mettre en place. Si les entreprises s'intéressent un peu plus à la médiation aujourd'hui, c'est en raison du risque financier et pénal que leur fait courir la thématique des risques psychosociaux. L'enjeu est majeur pour retrouver l'humain dans sa place et sa dignité. Aborder cette dimension du facteur psychosocial ne peut se faire sous le seul angle des symptômes, le traitement de la souffrance ou la gestion du stress professionnel. La dimension psychosociale s'appréhende dans le rapport de l'individu à son travail, dans son rapport aux collègues et sa hiérarchie, dans son rapport aux clients et aux fournisseurs, dans son rapport à l’évolution de l’entreprise et son organisation. Ce rapport est objet de tensions, de tensions créatrice de valeurs et de bien-être lorsqu’elles sont bien gérées ; de tensions vecteurs de contre ou sous-performances et de souffrances lorsqu’elles sont mal gérées. S’attaquer aux causes et non simplement pallier les conséquences de ces tensions, implique de réhabiliter au sein des relations humaines, une conflictualité productive, pour avoir la possibilité de sa conception du travail bien fait. Cela peut sembler paradoxal, mais le propos de notre démarche consiste bel et bien à prévenir la violence que peut générer les rapports humains par une gestion de conflits éclairée à tous les niveaux de l’organisation. ________________________ Notes : 1 Traduite et librement adapté de Marie JAHODA, Employment and unemployment: a social-psychological The psychology of social issues, Cambridge University Press, 1982. 2 Extrait de Gérer les risques psychosociaux, Paris, ESF, 2012. analysis, 3 D'après les enquêtes de l'International Social Survey Programme (ISSP) de 1997 et 2005, en Europe, les Français sont ceux qui se sentent le plus souvent épuisés après le travail. 4 Citons à titre d'illustration, le fameux TTM ou Time To Move (retraduit par "Tire-Toi-Maintenant !") mis en application chez France Télécom qui imposait de bouger en moyenne tous les trois ans. En conséquence, explique Yvan Duroy, « des techniciens qui adoraient leur métier sont mutés dans des centres d'appels, où leur part variable de rémunération dépend de leur capacité à respecter le script qu'ils doivent lire, ou à vendre un produit à des gens qui n'en ont pas forcément besoin. Pour beaucoup, c'est un véritable choc. », in Orange stressé, Paris, La Découverte, 2009. 5 Les solitudes en France en 2010, Fondation de France, Juillet 2010. 6 Antoine SOLOM, Baromètre du Bien Etre et de la Motivation Accor Services / Ipsos, Juin 2007. 7 Antoine SOLOM, ibidem. Avril 2011. 8 « le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles déporter atteintes aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ». 5 - PHILOSOPHIE CHINOISE ET PROCESSUS DE MÉDIATION (Aix-en-Provence, 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) Par Abder Ait Ouali, conseiller prud’homme et médiateur Je propose d’axer mon intervention sur une étude comparative entre la procédure prud'homale et le processus de médiation. En passant, dans la résolution des conflits du travail, par les avantages et les inconvénients de la voie judiciaire et de celle amiable de la médiation. Cette étude s'appuie sur une approche Tao-Paradoxale basée sur la symbolique du Yin et du Yang pour rappeler que rien n'est complètement noir et que rien n'est complètement blanc. Comme dans le schéma ci-dessous, où la procédure prud'homale, majoritairement Yang, comporte une partie Yin, amiable, qui est la conciliation, et le processus de médiation, majoritairement Yin, comprend une partie Yang, procédurière, qui peut se manifester lors du protocole d'accord. Cette notion de dualité sous forme de complémentarité est l’un des principes fondamentaux de la philosophie chinoise. Qui voit dans le conflit non pas seulement un danger, mais aussi une opportunité ; à travers un savoir-faire Yang dans un savoir être Yin, comme posture dans la résolution des conflits. Comme actuellement la majorité des conflits au travail passent par la procédure prud’homale et qu’il y a un problème au niveau de la conciliation, il devient indispensable pour les conseillers prud’hommes de développer leur partie Yin, la conciliation, en maitrisant les techniques de médiation. Ce qui implique de voir la médiation non pas comme un danger, mais comme une opportunité d’accomplir leur mission : concilier les parties. En faisant de la conciliation non pas un bureau d’enregistrement de l’impasse, mais un lieu ouvert à l’accord et, pourquoi pas, à la réconciliation. Ce qui passe avant tout par un gros travail d’information et de formation. II – CONCILIATION ET MEDIATION DU TRAVAIL AU PORTUGAL ET EN ALLEMAGNE (Aix-en-Provence, 4 juillet 2012, IIIème ASSISES INTERNATIONALES DE LA MEDIATION JUDICIAIRE “La médiation en juridiction”) 1. LA CONCILIATION ET LA MEDIATION AU PORTUGAL Par Albertina Aveiro Perreira 1. Conciliation La conciliation judiciaire a une longue tradition au Portugal et est consacrée, notamment, dans le Code de la Procédure Civile (CPC) et dans le Code de la Procédure du Travail (CPT). Aux termes de ces dispositions, et traitant de droits indisponibles, la conciliation peut avoir lieu à n'importe quelle étape du procès quand les parties en font la demande conjointement ou le juge l'estime opportune, elle est toutefois prévue formellement comme étant facultative en phase antérieure au jugement et obligatoire au début de celui-ci. Dans le CPT la tentative de conciliation est prévue en deux phases avant le jugement (audience des parties et audience préliminaire) et obligatoirement dans le début de celui-là. La tentative de conciliation est effectuée par le juge, cherchant une solution d'équité (accord équitable). Le juge qui réalise la tentative de conciliation est le même que celui qui rendra le jugement, si la conciliation n’aboutit pas. Malgré l’obligation légale de tenter de concilier à plusieurs phases du procès, en réalité les juges ne sont pas très actifs et engagés dans la conciliation. Cette situation est due aux incidents de procédures qu’ils doivent trancher, ce qui prend du temps, ainsi qu’au manque de formation dans ce domaine spécifique de la justice. Pour accomplir leur mission de conciliation, les juges n’ont à leur disposition pas de règles ou un ensemble de principes ou de bonnes pratiques pour les guider dans ce type de résolution de litige et n’ont aucune formation spécifique. C'est notre conception, cependant, une tentative de conciliation bien menée par le juge, montrant une bonne connaissance du procès (ses points forts et ses points faibles), avec une actuation alliée à une posture qui inspire confiance aux parties et à leurs conseils, est essentielle pour le succès de la conciliation. Lorsque l'accord de conciliation est obtenu, le juge après avoir apprécié la validité de son objet et vérifier la qualité et le consentement des parties, procède à son homologation (article 300 du CPC). 2. Médiation a) Domaines où elle intervient Contrairement à la conciliation, la consécration de la médiation est récente au Portugal, ayant seulement été introduite par l'Etat en 1997 (Ordonnance Normative nº 12 368/97, du 25 novembre) en ce qui concerne la médiation familiale (pour les situations de divorce e de séparation et d’autres) Il a également été institué une procédure appelée médiation des jeunes (pour les jeunes âgés de 12 à 16 ans, que ont commis des faits qualifiés comme des délits) qui a comme finalité l'éducation du mineur vers le droit. En 2006, la médiation a été acceptée en droit du travail, concernant les conflits relatifs au contrat individuel de travail, à l’exclusion des questions portant sur des droits indisponibles et les accidents de travail. Dans la même ligne, et à la suite de la Décision-cadre du Conseil (2001/220/JAI) du 15 Mars 2001, relative au Statut de la Victime en Procès Pénale, a été créé le Système de Médiation Pénale, introduit dans la législation portugaise en 2007 (loi n. º 21/2007 du 12 juin), limité aux crimes privés et semipubliques, passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 5 ans ou une amende, et intervenant seulement dans la phase de l'enquête (solution légale à repenser), qui est dirigée par le Parquet et repose sur une perspective de Justice Restauratrice et non punitive. S'ajoute à ces modèles, la médiation (civile) qui se déroule dans les Tribunaux des Juges de Paix avant le jugement. b) Sa consécration dans la procédure civile Contrairement à ce qui se passait dans d'autres pays, notre Code de Procédure Civile ne contient aucune règle concernant la médiation. Cette situation s'est inversée avec la loi n. º 29/2009 du 29 Juin qui prévoit des mesures visant à désengorger les tribunaux et avec la transposition de la Directive 2008/52/CE du Parlement et du Conseil du 21 Mars, a consacré le recours à la médiation dans des termes pré judiciaires et pendant le procès. Il résulte de l'article 249 - A, du CPC, que '' les parties peuvent préalablement à la présentation de quelque conflit en tribunal recourir à des systèmes de médiation pour résoudre ces conflits "et que l'utilisation de ces systèmes, prévus par ordonnance du ministère responsable de la justice, suspend les délais de caducité et prescription à partir de la date sollicitée pour l'intervention d'un médiateur. Il convient de relever, que seulement seront possibles les médiations qui ne portent pas atteinte aux droits indisponibles, ainsi qu’il en résulte de l'article 299.º du Code de la Procédure Civile, « n'est pas permise la transaction qui emporte l'affirmation de la volonté relativement à des droits indisponibles» et l'article 1249.º du Code Civile prescrit que «les parties ne peuvent pas transiger sur des droits qui ne leur sont pas permis de disposer… ». Les parties peuvent solliciter l'homologation par un juge de l’accord de médiation conclu (article 249. º- B du CPC). Le juge est, ainsi, appelé à apprécier la qualité des intervenants, si ne sont pas en cause des droits soustraits à la volonté des parties, si l'accord n'est pas contraire à la loi impérative, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. Il se déduit de l'article 279-A du Code de la Procédure Civile, que la médiation doit avoir lieu pendant le procès judiciaire. Il y est prévu que «En tout état de la cause et toujours s’il lui semble approprié le juge peut décider l’envoi de l’affaire en médiation, en suspendant le procès, sauf si une des parties s'oppose expressément à un tel renvoi." La médiation peut donc être décidée n'importe quel stade du procès, et même en cas de recours, toutes les fois que le juge l’estime opportun et qu’une des parties ne s' y oppose pas - ce qui signifie, que le juge doit consulter préalablement les parties sur son intention d'envoyer le litige en médiation, en leur indiquant le délai de suspension de la procédure qu'il considère approprié (qui devrait, à notre avis, se situer, en principe, entre 2-3 mois, et jamais au-delà du délai prévu à l'article 279º, nº. 4 du Code de la Procédure Civile, 6 mois). La médiation judiciaire, sur l’initiative du juge, impliquera de la part de celui-ci une attention particulière afin de déterminer les affaires qui doivent être envoyées en médiation et à quel moment il devra le faire. Il s'agit d'évaluer, compte tenu des termes du conflit, la nature de la relation en cause, les sujets impliqués et autres éléments fournis, quel est le vrai conflit entre les parties (ce conflit est souvent révélé partiellement ou d'une manière insignifiante dans le procès) et apprécié s’il serait mieux résolu par la médiation. Dans ce contexte, le recours à la médiation peut permettre de résoudre (efficacement et définitivement) le conflit, ouvrant le chemin d’une articulation positive entre la procédure judiciaire et les moyens extra judiciaires, ainsi que de la crédibilité de la médiation devant les operateurs judiciaires, notamment des avocats. Conformément à l'art 279 º - A, nº 2 du CPC, les parties peuvent « choisir de régler le conflit par la médiation, se mettant d’accord sur la suspension du procès pour un délai maximum de six mois»”. Si un accord est conclu, il est remis au Tribunal, dans les termes définis pour la transaction - c'est à dire, de la même manière sera homologué par le juge (article 300º du Code de la Procédure Civile). C'est la consécration, qu’il convient d’applaudir, de la possibilité d'homologation judiciaire dans le domaine de la médiation pré judiciaire et son caractère obligatoire dans le domaine de la médiation judiciaire. En effet, l'homologation judiciaire, au-delà de conférer une spéciale force exécutoire aux accords obtenus par cette voie, intervient avec un contrôle préalable de légalité de ces accords, en ce qui concerne l'observance des aspects mentionnés. La confidentialité a été également prévue par le législateur. Ainsi, «exceptant en ce qui concerne l'accord obtenu, le contenu des sessions de médiation est confidentiel et ne peut valoir comme preuve en tribunal, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, notamment quand est en cause la protection de l'intégrité physique ou morale d'une personne». 3. Synthèse La conciliation et la médiation constituent, tous les deux, des instruments importants pour la résolution des conflits. Bien que dans la pratique il n'existe pas de différence substantielle entre eux, le législateur les consacre en termes distincts et permet seulement la première dans le cadre judiciaire. Compte tenu des potentialités de la conciliation juridictionnelle et pour la rendre pleinement efficace, il conviendra de dispenser une formation pertinente aux juges comportant des règles de principes et des manuels de bonnes pratiques. Parce qu'elle pourra constituer un facteur important de la pacification sociale, l’utilisation de la médiation doit être encouragée par les citoyens en général, ainsi que doivent être perfectionnés les mécanismes juridiques qui la prévoie. 2. LE REGLEMENT DES CONFLITS DU TRAVAIL EN ALLEMAGNE Par Nikolaus Notter, ancien président de chambre auprès du tribunal de travail de Munich, médiateur, conciliateur, avocat. Docteur en droit des universités et de l’Université de Wurtzbourg (Allemagne) et de Caen (France). Diplôme de droit du travail comparé (Trieste, Italie) ; Elève de l’ENA, cycle international, Paris ; diverses publications (livres, revues, journaux, TV). Activités professionnelles : fonctionnaire dans un ministère fédéral pour une politique sociale internationale ; juge (président de chambre) de 1969-2004. Les conflits collectifs entre les employeurs et les travailleurs à l'intérieur des établissements se règlent en grande partie par la codécision entre l'employeur et le conseil d'établissement. Les conflits individuels, surtout à l'occasion de licenciement, trouvent leur solution en majorité à l'amiable devant les tribunaux du travail. Le nombre des conflits dont un médiateur - conventionnel ou judiciaire - peut s'occuper et donc très limité. 65 % des litiges du travail sont réglés à l’amiable devant les tribunaux du travail en moyenne en Allemagne. Il y a d’abord l’audience de conciliation devant le juge professionnel uniquement (Président de chambre) ; si la conciliation échoue il y a une deuxième audience devant la chambre (Président et deux prud’hommes) ; au cas où il n’y a pas de règlement à l’amiable pendant cette audience, le Président de chambre – après délibération avec les deux assesseurs prud’hommes- peut prononcer un jugement. Mon taux de conciliation était plus élevé que les 65 % mentionnés : Pendant mes dernières années d’activité comme juge, plus que 90 % des litiges dont je me suis occupés ont trouvé un règlement à l’amiable, en général pendant l’audience de conciliation. Dans les livres de Béatrice Blohorn-Brenneur “Justice et Médiation” et « stress et souffrance au travail », il est mentionné que le taux de conciliation, en France, qui était, en 1850, de 85 %, est tombé à 10 %. D'où la nécessité de changer, non pas la législation, mais l’esprit des juges pour passer de la culture de la confrontation à la culture de la négociation et de la médiation.