L`Essentiel - Amine Kouider • chef d`orchestre

Transcription

L`Essentiel - Amine Kouider • chef d`orchestre
AmineKsu{der
Chef
, .,...,i
,
it
'l
t,-.
.:
::
i:
: a---,,,
:::r'iiii::
.. i],,,,:,,,,,,,,,,,,,,,,,::.
::
i
t
':i,.
_,i.'
les premières
notesqui
bercèrent
le
leuneAminene
sontpascelles
dela musique
pays
classique,
decocagne
insoupçonné,
maiscellesde
la guitare
paternelle
et
deIavoix
maternelle
sur
desmélodies
populaires,
ou
lesaccents et desgrandscapitaines
d'industriedu 19ème
arabosiècle
ont
doté
tel
département
de Socioloandalous.
e jour de mars 2004, les
étu dia nt s qui s e pr es s ent
dansle grandamphithéâtre
de la Sorbonne pour voir
1'orchestre
du CROUSn'ont aucuneidéedu
templede la culturebourgeoiseoù ils mettentlespieds.Toutjustepeuvent-ilslire sous
les statuesde 1'hémicyclelesnomscélèbres
de Robert de Sorbonet autrespenseurs,
hommesd'état, et pèresfondateursde la
plus célèbreUniversitéde Paris.Peut-êtresavent-ilsque certainsjours de mai 1968,des
débatsinterminablesagitaientdesfutursdirecteursde collectionde la rive gauche,et les
plaquesdansle hall de marbredanslequelils
ont patienté avant d'entrer leur auront sans
douteapprisque la fine fleur de la finance
izz J'gss*x&gl
r\lAr/JUrN
2oo4
gie ou d'Histoire, où leurs parentsont fait
leurshumanités.
Amine Kouider, né et grandi à Alger, lui,
connaîttout cela,et ce n'est pas I'une des
moindresrevanchesde celui que sespetits
c a m a ra d es
de foot à A l ger surnommai enl
<BenMozart),dit-il en riant.S'il n'estpas
facile de baigner <dans1a double culture
orientaleet occidentale>,
il I'est encoremoins
d'imaginer que, dans les annéessoixantedix, la cultureclassiqueet en particulierla
musiqueétaientassezvivacesdansuneville
où l'on tournaitle dos à tout ce qui pouvait
passerpour uneréminiscence
du colonialisme, pour générerde tellesvocations.<Mes
parents,commebeaucoupd'Algériens,aimaient beaucoupla musique>,dit le chef
d'orchestre,avantd'ajouter non sansfierté <monpère ëtait un enJantde la Casbah,
pas très riche, issudtt peuple et des classes
à une époqueoù celles-ciëtaient
moyennes
encoreimportantes.>Lune des originesde
cettevocation,qui pourraitparaîtreexotique
à ceux qui ont de l'Algérie une imagetroublée, vient sansdoute de ce que ce père,
tailleur de métier,s'expatriaà Copenhague
pour travaillerà la fabricationde costumes
d'Opéra.<C'esten royageantqu'il a dëcouvertle mondede la musiqueclassique.>
QuandAmine eut septans,sonpèredemanda à I'un de sesamis,chanteurde châabi,issu
ausside la Casbah,ce quedevaitfaire sonfils
pour apprendrela musique,et c'est ainsi
qu'il seretrouvaau Conservatoire
de musique
classiqueuniverselle,sectionviolon. Pourtantlespremiersnotesqui bercèrentle jeune
Amine ne sontpascellesde la musiqueclassique,pays de cocagneinsoupçonné,mais
cellesde la,guitarepaternelleet de la voix
matemellesurdesmélodiespopulaires,ou 1es
On auraittort de glosersur1esinfluencesintégréespar l'artiste,ce qui au boutdu compte, selonle mot célèbredu poète,reviendrait à lui demandersespapiers.D'ailleurs,
demande-t-on
àAmine Kouiderce qui I'enthousiasme1eplus dansla musique,que la
baguettedu chef d'orchestrese fait aussi
préciseque celle du sourcier'. <la musique
romantique/>. A cetteeauvive, il s'abreuve, (parce qu'il y a beaucoupd'émotion>.
Bref Beethoven,Brahms,Mahler, Richard
Strausset touslesrussesont autantde secret
pour lui queFergani(ndlr : chanteuralgérien
d'arabo-andalou).
Et pour les départager,
rien de tel quelesmodernes
russesdu 20eme
sièc1e.Chostakovitch.Katchatourianet Stravinsky en tête,dont il dirigealesæuvresau .
Kirov de Saint-Pétersbourg
en 98, à la demandedu grandValery Gergiev!
C'estsansdoutepourquoicetæcuménisme
placé sous le signe de la double culture
1'amènedepuissix ansà diriger l'orchestre
du CROUS.Côténord. Ou à faire quelques
pas,côtésud pour ies besoinsd'un concert
au théâtre Mogador, où il programmeen
premièrepartie de 1'OrchestreNational
d'Algérie dont il est le directeur,une formationarabo-andalouse.
Loud (luth),le kanoun (cithare),le derbouka(petitepercussion)et le târ (tambour)mêlésà descordes
classiques,déroulantle tapis à la Suite algériennede Camille Saint-Saëns
et à Shéhérazadede Rimsky-Korsakov.< Je respec-
+
te scrupuleusement les
p artit io ns origina I es.
Pottr les besoins de ce
concert dans le cadre
de I'Année de I'Algërîe,
j'ai inclus vingt minutes
accentsarabo-andaious.<Chezmoi onvivait
de choses simples. Ma famille n'ëtait pas
très aisée, et I'on n'avait pas beattcoup la
possibilité d'étudier. Je suis resté I I ans au
Conservatoire.>
C'était juste après la première vague d'ara-
P 15èmesiècleen
Es p a g n e , a i n .fluencé toutes les
du
mu si q u e s
Moyen-Ageet attdelà les suites baroqnes.>
bisation, et avant le basculement dans les
annéesde plomb. Epoque amitiés algéro-so-
Au Conservatoire,dans les annéessoixantedix, le programme était exclusivement eu-
tiétiques et tiers-mondistes. nla musiqtte
classique europëenne ne .fait partie de la
ropéen, <le sentiment arabe étaitjtrste dans
I'interprétation. Aujourd'hui, quand je di-
culture de I'Algérie moderne, car si I'on
prend I'hîstoire de la musique arabe, il y a
m'a beaucoup aidé à ressentir les choses,son
un lien très.fort entre ces musiques. La mu-
côtë senstrel,son rythme, et cette émotion à
sique arabo-andalouse, par son essor avant
fleur de peau ressort.))
rige, toute cette culture arabe mttsicale qui
d 'a r a b o - a n d a l o u su r
une durée d'une heure
et dentie,pour montrer
cette rencontre entre les
deux cultures.>
Alger s'ouvreà I'opéradepuisla réouverture du département
Opéradu ThéâtreNational d'Alger, vieux de cent-cinquanteans,
qui a créésondépartement
lyriqueen 200I .
SonDirecteurmusical,Amine Kouideqen est
le symbole,lui qui a déjàdirigésix opérasen
ce lieu, donttrois du divin Mozart.Celui-là
même qui lui valait quelqueslazzis sur 1es
terrainsde foot de son enfance.I
r 23