Art et culture - Epoch Times | Print Archive

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Art et culture
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www.EpoqueTimes.com
DIPLOMÉS DE L’ÉCOLE DE BOWIE
Producteurs : Tony Visconti, Brian Eno, Ken Scott, Nile
Rodgers, Gus Dudgeon, Harry Maslin, Mark Plati
Percussionistes : Woody Woodmansey, Aynsley
Dunbar, Tony Newman, Andy Newmark, Dennis Davis,
Omar Hakim, Tony Thompson, Alan Childs, Poogie Bell,
Zachary Alford, Matt Chamberlain, Mark Guiliana, Terry
Cox, James Murphy
Bassistes : George Murray, Trevor Bolder, Herbie Flowers, Gail Ann Dorsey, Willie Weeks, Carmine Rojas, Bernard Edwards, Tony Visconti, Erdal Kizilcay, Tim Lefebvre
Claviéristes : Brian Eno, Mike Garson, Rick Wakeman, Roy Bittan, Catherine Russell, Roger Powell, Sean
Mayes, Tony Kaye, Jason Lindner
MARK JEREMY/CC BYSA
David Bowie avec Sterling Campbell à la batterie, à San Francisco en 2002. La grosse caisse de la batterie de Campbell porte
les caractères chinois de vérité, bonté, tolérance - les principes à la base de la discipline spirituelle du Falun Gong pratiquée par
Campbell.
Le début d’un rêve
Ma première rencontre avec David a été
merveilleuse. Je rencontrais enfin mon
héros; il était prévenant, souriant; il avait
l’air excité à l’idée de faire un nouvel album.
Il avait quelques démos de nouvelles chansons et c’était très simple : joue. Il ne savait
pas encore que j’étais de «l’école» de Dennis Davis. J’avais étudié à la fois la musique de David et le jeu de batterie de Dennis. Alors j’ai joué à ma manière, mais en
ajoutant une pincée de Dennis.
David et Nile ont eu l’air d’aimer le résultat.
Être avec David a été pour moi comme
suivre un cours universitaire donné par un
incroyable ancien élève. Une partie de son
génie était sa capacité inouïe à dénicher des
talents – pas seulement des musiciens, mais
aussi des producteurs, des concepteurs
mode, des réalisateurs de films, des graphistes, des photographes et bien d’autres
personnes. Puis, nous sommes devenus
une famille.
Zach Alford, Poogie Bell et moi-même
étions proches de Dennis à l’époque où il
était le batteur de David à la fin des années
1970, alors nous avons fini par nous retrouver ensemble. Il y a une sorte de connexion
entre nous, j’ai encore des liens avec eux
presque 40 ans plus tard. En fait, j’ai cette
connexion avec plusieurs anciens élèves
de l’école de Bowie, répartie sur environ
25 ans.
Passer du temps avec David, c’était aussi
faire partie d’une confrérie. C’était un
endroit bien à part. Il n’y a que dans des
groupes comme U2, The Who ou les Stones
qu’on peut vivre ça. Je n’ai jamais rencontré Woody Woodmansey, George Murray
ou Tony Newman, mais j’aurais aimé les
prendre dans mes bras si j’en avais eu l’occasion. Parce qu’ils ont joué un rôle important pour moi.
C’était une classe incroyable de doctorants; nos diplômes, c’étaient les possibilités musicales illimitées qu’inspirait David.
Quelques années après avoir enregistré
Black Tie White Noise, j’ai reçu un coup de
fil de David lui-même, me demandant si
j’étais disponible pour enregistrer un nouvel album, Outside, avec Brian Ena à Montreux, en Suisse.
Nous étions entourés par le lac Léman
et les montagnes françaises d’Évian, un
endroit vraiment magnifique.
Ça a été un moment très spécial pour
moi. J’étais si chanceux. Chaque matin,
je déjeunais avec Brian qui me racontait
ses histoires. Puis, nous entrions au studio
pour essayer des idées inusitées et débridées, comme lorsque Brian a fait jouer
le groupe pendant que Baby Love de The
Supremes était diffusé dans nos écouteurs.
Il nous disait de jouer avec la musique, mais
de le faire de manière totalement différente. David et Brian écoutaient le résultat et quand ils entendaient quelque chose
qui leur plaisait, ils s’en inspiraient et développaient une chanson.
Un jour, Brian nous a passé des cartes
sur lesquelles il avait créé des personnages
pour un jeu de rôles. Chacun devait tenir
le sien secret et jouer «en tenant son rôle».
Le mien était :
«Tu es un musicien d’Asteroid, un club
spatial (en ce moment en orbite géostationnaire flottant à 300 km de la surface
lunaire) composé de membres d’équipes
de maintenance de vaisseaux spatiaux aux
têtes rasées, tatoués et androgynes qui se
rassemblent à cet endroit le week-end.
Ce sont des durs qui se promènent dans
un style saccadé, bizarre et squelettique,
dansant sur des mouvements sexy et violents. Leurs goûts musicaux viennent de
leur pré-adolecence, la musique du milieu
des années 1990. Quand tu étais enfant, ta
meilleure influence était les Funkadelics.»
Tout était toujours expérimental. C’était
un rêve éveillé de faire partie de ce groupe
et d’observer leurs interactions, tout ça en
prenant tellement du bon temps. La plupart
du temps, c’était vraiment amusant. David
faisait beaucoup de peintures et de portraits
de nous pendant qu’on jouait. Encore une
fois, c’était magique.
Vers 1994, j’ai été recruté comme membre à temps plein du groupe Soul Asylum,
ne sachant pas si David ferait ou non une
tournée pour Outside.
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Le groupe pendant
la période de Outside
et Earthling, au milieu
des années 1990: (G-D)
Mike Garson, Gail Ann
Dorsey, David Bowie,
Zachery Alford et
Reeves Gabrels.
Guitares : Mick Ronson, Carlos Alomar, Earl Slick, Stevie Ray Vaughan, Robert Fripp, Adrian Belew, Nile
Rodgers, Reeves Gabrels, Gerry Leonard, Mark Plati,
Ricky Gardiner, Stacy Heydon, Peter Frampton, Alan
Parker, Ben Monder, Simon House (violon)
Choristes : Luther Vandross, Robin Clark, Ava Cherry,
Tawatha Agee, G A MacCormack, George and Frank
Simms, Fonzi Thornton, Holly Palmer, Emm Gryner,
Lani Groves
Cuivres : David Sanborn, Stan Harrison, Lenny Pickett,
Steve Elson, Donny McCaslin
Ingénieurs du son : Bob Clearmountain, Mario
McNulty, Hector Castillo, Kevin Killen, Dave Richards,
Joe LaPorta, Tom Elmhirst
Cette liste ne mentionne pas tout le monde - veuillez m’excuser pour les noms que j’ai
oubliés. La liste de gens de talent est tellement longue.
FRANK OCKENFELS
Un jour, j’ai reçu un coup de fil de David
me disant qu’ils partaient en tournée.
C’était mon rêve, mais j’étais déjà engagé
avec Soul Asylum et ça n’aurait pas été honnête de les abandonner, alors j’ai dû refuser. J’ai demandé à David d’employer à ma
place Zach Alford, mon ami d’enfance et
un excellent batteur.
Cela a si bien marché avec Zach lors de la
tournée Outside qu’ils ont ensuite enregistré et fait la tournée pour Earthling, un très
bon album. J’étais vraiment fier de Zach.
Deuxième période
Dans les années 1990, j’ai reçu un autre
appel de David qui voulait m’embaucher
pour l’album Hours. Entendre David m’appeler et m’inviter à jouer avec lui, c’était de
la musique à mes oreilles. Il avait vraiment
une belle voix quand il parlait, c’était un
vrai cadeau.
Le groupe qu’il avait composé était
formé de Gail Ann Dorsey, Earl Slick,
Mark Plati, Mike Garson, Catherine Russell, Gerry Leonard et moi même. À un
moment donné, nous avons ajouté des
choristes, Emm Gryner et Holly Palmer.
L’aventure s’est poursuivie de 1999 à 2004,
une période mémorable. Nous avons joué
dans le monde entier et nous avons fait de
la super musique.
Pendant la même période, David m’a
invité à enregistrer une partie de l’album
Heathen (2002) et la plupart de Reality
(2003) avec Mario MC Nulty, qui jouait
de la batterie sur une chanson en plus
d’être l’ingénieur du son. Une fois de plus,
je conserve des liens forts avec Mario et
aussi avec Hector Castillo, l’un des techniciens impliqués dans Heathen.
La dernière grande tournée de David a été
Reality, l’une de mes préférées, celle dont je
me souviendrai toujours. Nous avons joué
tellement de chansons de son répertoire.
Si je me souviens bien, il a fallu mémoriser plus de 50 chansons. Nous avons joué
partout dans le monde – plus de 100 villes en 9 mois – et nous avons beaucoup ri.
J’ai beaucoup de souvenirs forts de la
période où j’ai travaillé avec David – il était
tellement drôle. Chacun de nous essayait
de faire rire les autres sur scène. Un soir, à
Las Vegas, nous étions en train de jouer la
dernière chanson, Ziggy Stardust, à la toute
fin, il y a une pause durant laquelle David
chante seul avant la fin explosive du morceau. La pause m’a laissé assez de temps
pour m’éloigner de ma batterie et me rendre juste à côté de David. Quand le groupe
a recommencé à jouer, j’étais là debout à
côté de David et le technicien J.W. a joué ma
partie. David m’a regardé, puis il a regardé
en direction de la batterie et a éclaté de rire.
Pendant un autre spectacle, tout le groupe
lui a joué ce tour.
Une autre fois, nous étions dans un bus
qui traversait le centre des États-Unis. À un
arrêt, nous avons rigolé en apercevant un
animal empaillé, un jackalope [animal imaginaire américain, mélange entre un lièvre
et une antilope – ndt]. Et puis, surprise, ce
jackalope a fait son apparition le soir même
sur scène comme mascotte. David l’avait
sûrement ramassé.
Six ans se sont écoulés. Puis, un jour,
alors que je partageais un studio au Rivington St. Rehearsal Studios, à New York, avec
un groupe de musiciens extraordinaires,
j’ai reçu un appel de David. Cela faisait
un moment qu’on ne s’était pas vu. Il m’a
demandé comment j’allais et s’il pouvait
venir me rejoindre. Cela m’a vraiment surpris, j’ai répondu : «Bien sûr».
C’était super de le revoir et de tomber à
nouveau sous son charme. Il m’a demandé
si j’étais disponible pour travailler sur quelques chansons dans un studio vraiment
lo-Fi, sur ce qui allait devenir l’album The
Next Day (2013).
C’était génial. La batterie tombait en
morceaux, nous travaillions sur les arrangements et les avons enregistrés très simplement avec un enregistreur digital équipé
d’un seul micro. Cela a duré pendant environ une semaine, ensuite il est reparti avec
la musique pour la retravailler chez lui.
Lorsque le temps est venu de monter l’album, il y avait un hic : je ne pouvais parler à
personne de ce projet. Ça a duré deux ans.
Zach a commencé le travail et en a accompli la plus grande partie; j’avais un conflit
d’horaire, alors je ne suis arrivé dans le projet que vers la fin et j’ai travaillé sur quelques morceaux.
La légende
C’est la dernière fois que j’ai vu David.
Nous avons échangé quelques nouvelles
par la suite, mais pas beaucoup. J’ai ensuite
entendu dire qu’il faisait un nouvel album.
Je lui ai envoyé un courriel quand le premier single est sorti, ses derniers mots ont
été : «Merci, Ster». C’était comme ça qu’il
m’appelait. Puis, il nous a quittés.
Maintenant, il est devenu une légende et
tout ce qu’il me reste ce sont mes histoires
du temps que j’ai passé avec David Bowie.
David était une personne authentique,
unique en son genre. C’était un humaniste.
Il se souciait de beaucoup de choses, il prenait à cœur les causes liées aux droits de
l’homme et s’intéressait à ce qui se passait
dans le monde. C’était un lecteur insatiable.
En 2002, je suis allé en Chine pour protester contre le génocide que le gouvernement chinois mène contre les pratiquants
de Falun Gong, une ancienne méthode de
méditation que je pratique. J’ai été arrêté,
enfermé, puis expulsé du pays.
Ça a été une période de deux semaines assez incroyable; une semaine, j’étais
détenu par la police chinoise; la suivante,
je montais sur scène avec David pour la
Tibet House au Carnegie Hall, avec Adam
Yauch des Beastie Boys, Philip Glass et le
Kronos Quartet. J’avais raté les répétitions,
mais j’ai fait le concert.
Il y aurait tellement d’histoires à raconter. Tous ceux qui ont été dans le cercle
de David ont une aventure à raconter qui
serait digne de Frodo Baggins [héros du
Seigneur des Anneaux, ndt]. J’ai passé près
de 25 années dans le domaine, dont la plus
grande partie à créer de la musique avec lui.
Je me suis fait des amis pour la vie – Dennis, Zach et les autres – en faisant partie de
cette grande famille.
David faisait en sorte que ses musiciens
restent eux-mêmes. Il nous disait rarement
comment jouer la musique. La créativité
était la responsabilité de chacun. Il respectait mes croyances et voulait que chacun puisse s’exprimer. Ce fut vraiment un
grand honneur de travailler pour David,
quelque chose que je chérirai toujours.
Sterling Campbell alors qu’il joue avec les
B-52 à New York, le 8 novembre 2008.
GRACIEUSETÉ DE STERLING CAMPBELL
2016-02-01 12:14 AM