De Gand à Lille : le casse-tête de l`autoroute A22

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De Gand à Lille : le casse-tête de l`autoroute A22
CIRCULATION MÉTROPOLE
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JEUDI
28 NOVEMBRE 2013
NORD ÉCLAIR
NORD ÉCLAIR
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JEUDI
28 NOVEMBRE 2013
De Gand à Lille : le casse-tête de l’autoroute A22
L’autoroute A22 fait partie des axes les plus chargés de la métropole avec une moyenne de 100 000 véhicules par jour. Un trafic de
plus en plus dense en poids lourds qui composent avec les nouvelles restrictions.
Le projet du Petit Menin
Il est présenté comme l’un des plus
gros chantiers de la métropole.
Dans les cartons depuis quelques années, le projet d’agrandissement de la
zone commerciale d’Auchan Roncq
par la société Immochan, située sur
les communes de Neuville-en-Ferrain Tourcoing et Roncq, va-t-il nécessiter la création d’une nouvelle
sortie d’autoroute ? Non. Il est question de réaménager l’échangeur de la
sortie 17 pour répondre aux flux que
générera cette future zone commerciale. La communauté urbaine a sol-
Cinq points d’entrée depuis la Belgique
En venant de Belgique, on dénombre cinq points d’entrée sur le réseau routier du
département du Nord, dont quatre axes autoroutiers. Zoom sur les trafics.
- sur l’A16 à Ghyvelde : 27 000 véhicules/jour dont 23 % de poids lourds.
- sur l’A22 à Neuville-en-Ferrain : 35 000 véhicules/jour dont 23 % de poids lourds.
- sur l’A27 à Anstaing : 36 000 véhicules/jour dont 15 % de poids lourds.
- sur l’A2 à Onnaing : 37 000 véhicules/jour dont 10 % de poids lourds.
- sur la RN 2 (non autoroutière) à Bettignies : 9 000 véhicules/jour dont 11 % de poids
lourds.
Ces chiffres correspondent au trafic moyen journalier annuel, donc tous les jours
confondus. Le trafic en jours ouvrés est plus élevé : 33 % de poids lourds sur l’A22 par
exemple, soit 9 500 poids lourds par jour et par sens. ●
Vous avez
la parole
Vous qui empruntez l’A22
en voiture, ces restrictions sur les camions vous
soulagent-elles ?
Vous
nous répondez sur les réseaux sociaux.
Didier Vanthuyne : « Non,
les sorties sont difficiles. »
Reynald Strasseele : « Les
camions ne respectent que
très peu cette limitation et
certains poussent aux fesses
des voitures qui n’avancent
pas assez vite à leur goût.
L’idée est bonne mais l’application moins évidente. »
Pascal Vandewalle : « Je ne
vois pas de changement. Les
camions roulent toujours
aussi vite et ne se gênent
pas pour doubler. » ●
1140.
REPORTAGE
La Direction interdépartementale des routes (DIR) du
Nord gère, pour le compte de
l’État, le quotidien des autoroutes du Nord Pas-de-Calais,
de l’Oise, de l’Aisne, de la
Marne et des Ardennes. Soit
près de 1 000 kilomètres de
routes nationales. L’A22 fait
partie de l’arrondissement
gestion de la route Ouest sous
la responsabilité de Suzanne
Albert, chef de service. Pour
la DIR, ce n’est plus un secret
de Polichinelle : « L’A22 est
une autoroute très chargée. »
L’autoroute
Lille-Gand
draine en moyenne 100 000
véhicules par jour dans les
deux sens. Un trafic qui se décharge à mesure que l’on approche de la Belgique : jusqu’à 35 000 véhicules/jour
sur les derniers kilomètres
avant la frontière dont 23 %
de poids lourds.
Mais où démarre vraiment
l’autoroute A22 ? « Elle démarre au niveau de la courbe de
Babylone à Villeneuve d’Ascq,
c’est la continuité de la
RN227. » Un tronçon de 15
kilomètres au total qui passe
de trois à deux voies à hauteur de Château rouge sur le
territoire de Wasquehal. À
titre de comparaison, le plus
gros trafic de la métropole
s’enregistre au niveau de la
Porte Sud à Lille au niveau de
la jonction A1-A25 et le passage à cinq voies. La DIR
comptabilise une moyenne de
200 000 véhicules/jour à cet
endroit. « C’est l’une des autoroutes les plus chargées de
France. Le trafic dépasse celui de
certaines portions du périphérique parisien », note Suzanne
Albert.
9 500 poids lourds
par jour et par sens
Un trafic en constante augmentation sur toutes les autoroutes de la métropole selon
la DIR. La singularité de
l’A22 : les poids lourds. « C’est
une autoroute de grand transit »
confirme Suzanne Albert. Il
passe une moyenne de 9 500
poids lourds par jour ouvré
dans chaque sens. « Plus on se
rapproche de la Belgique, plus
c’est chargé en poids lourds.
Beaucoup de poids lourds venant
des pays nordiques empruntent
l’A22 pour rejoindre Lille, Paris
et le Sud. C’est une autoroute de
grand transit entre l’Europe du
Nord et l’Europe du Sud. » Elle
n’est pas le seul point d’entrée
du trafic de marchandises par
la route depuis la Belgique
(lire l’encadré).
Quid des voies
de contournement ?
Pour désengorger le trafic,
plusieurs projets de contournement ont été étudiés par le
passé… mais ils n’ont pas
abouti. Pour ceux qui s’en
souviennent, il y a eu l’A24,
qui permettait de relier Paris à
la Belgique via Amiens, sans
passer par Lille. En décembre
2006, on croyait le problème
« résolu » avec l’arrêté mis en
place par la préfecture du
Nord. Le préfet de région avait
alors décidé d’obliger les camions, en transit vers la Belgique et n’ayant pas d’arrêt
programmé dans la métropole
lilloise, à emprunter une voie
de contournement à l’est.
Concrètement, cette voie
consiste à prendre l’A27 jusqu’à l’entrée de Tournai puis
l’A17. Soit un total de 14 kilomètres supplémentaires. On
peut se demander, vu le trafic,
si l’arrêté est respecté. L’obligation n’étant valable que
dans le sens Lille-Belgique,
elle ne contribue donc pas à
alléger le trafic dans l’autre
sens, le plus embouteillé.
Depuis septembre, les poids
lourds sont invités à lever le
pied sur toutes les autoroutes
de l’agglomération lilloise en
réduisant de 10 km/h la vitesse normalement autorisée
(90 km/h). Au départ cette
mesure concernait les véhi-
cules légers et les camions.
« Nous avons privilégié le différentiel pour les camions pour assurer une meilleure fluidité du
trafic et une sécurité plus accrue
des véhicules légers qui peinent
souvent à doubler les poids
lourds. » La hantise des usagers de l’A22 quand l’autoroute, particulièrement accidentogène, se réduit à deux
voies. D’où la mesure qui a
précédé la restriction de vitesse pour les poids lourds.
Depuis juin, la DIR a en effet
mis en place une interdiction
de doubler pour les camions
qui a connu quelques aménagements pratiques.
Si l’interdiction est permanente sur 11 kilomètres dans
le sens Lille-Gand, le dispositif
est
« dynamique »
dans
l’autre sens. « La mesure a été
supprimée entre 7 h 15 et
9 h 30 pour éviter les convois de
poids lourds sur la voie de droite
qui empêchent les voitures de
sortir de l’autoroute. » C’est
également le cas le dimanche
soir entre 22 h et minuit, moment où les routiers reprennent massivement la
route. La DIR a équipé la section concernée de panneaux
lumineux « à messages variables ». Si ces nouvelles dispositions sont accueillies bon
gré mal gré par les usagers, la
DIR n’a pas assez de recul
pour en évaluer les premiers
résultats. ●
ÉLODIE BARTOLIC ET ANGÉLIQUE
DA SILVA-DUBUIS
INFOGRAPHIE GIEM
L’INTERVIEW
licité les services de l’État qui mènent
actuellement des études préliminaires pour une mise en service attendue en 2016. Au regard du trafic
de l’A22 en pleine heure de pointe,
on imagine l’importance de la réflexion.
La future zone commerciale, est dédiée à l’équipement de la maison et
aux loisirs. Il est question de 60 000
m2 de nouveaux commerces. Darty,
Alinéa, Maisons du monde et la
FNAC sont notamment attendus. ●
«
HERVÉ DIZY, de la Ligue
contre la violence routière
Créons
une voie
de bus »
Matthieu emprunte l’A22 tous les jours et compose avec les restrictions.
PHOTOS NE ET MAX ROSEREAU
Ce qu’en pensent les routiers
Des centaines de poids
lourds français et étrangers
se croisent chaque jour au
Centre international de
transports à Roncq. Point de
ralliement sur l’autoroute de
Gand. Lieu de ravitaillement
et de repos. À la table du Mille
Pattes, la cantine des routiers,
Francis souffle sur son café.
Origine de Saint-Omer, il
conduit son super poids lourd
depuis 37 ans. Chaque semaine, ce chauffeur à l’international fait la navette entre
l’Allemagne et la France pour
la grande distribution. Il
connaît l’autoroute LilleGand par cœur. « En trente
ans, le trafic a doublé. Il y a
beaucoup plus de voitures
qu’avant » observe Francis qui
ne peut s’empêcher de faire la
comparaison avec les autoroutes allemandes. « Elles sont
beaucoup plus larges. L’autoroute A22 est beaucoup trop
juste pour le trafic. »
Et c’est surtout dans le sens
Gand-Lille que la situation est
particulièrement critique aux
heures de pointe. Pas un matin où la double voie n’est pas
engorgée de Reckem à l’entrée
de Lille. « Dès 7 h 30, c’est la
galère. On roule au pas… »
Quand il passe la frontière,
Francis est supposé mettre
une demi-heure pour relier
l’entrée de Lille : « Cela n’arrive
jamais ! » Depuis quelques
mois, les poids lourds sont invités à lever le pied sur une
portion de 11 kilomètres avec
une vitesse limitée à 80 km/h
au lieu de 90. « On était déjà en
dessous avec le trafic. » Quant à
l’interdiction de dépassement,
c’est mi-figue mi-raisin : « Cela
rassure les automobilistes qui ne
savent pas voir les camions mais
qui pleurent quand les frigos
sont vides. » Pour ce routier,
l’A22 n’est plus adaptée au
flux massif venant des pays
nordiques. « Tout ce trafic devrait être dévié par Tournai pour
rejoindre Lesquin. »
Usagers exaspérés
« Ce sont les effets de la mondialisation, observe le gérant de la
station essence du CIT. Il y a
beaucoup plus d’échanges commerciaux notamment avec les
pays de l’Est. Et la majorité du
trafic se fait de la Belgique vers
la France, c’est très net. » D’où
les très gros embouteillages
matinaux qui exaspèrent les
usagers. « J’ai acheté une maison à Halluin, je travaille à Lille.
Il m’est arrivé de mettre deux
heures pour arriver au bureau.
Heureusement, j’ai un employeur conciliant. Mais c’est un
vrai stress » explique Catherine, secrétaire, qui verrait
bien une voie réservée aux véhicules légers en lieu et place
du terre-plein central.
Matthieu 25 ans, de Cysoing,
a choisi le métier de routier
dans le sillage de son père.
« J’aime la route » sourit-il du
haut de son 40 tonnes. Il
passe entre 10 et 12 heures
par jour dans son camion.
Avec chaque jour le même
trajet : il relie le CRT de Lesquin au CIT de Roncq pour du
transport de petit mobilier.
« J’ai la chance de circuler en dehors des heures de pointe mais
cette autoroute est l’une des plus
chargée que je connaisse, surtout
dans le sens Gand-Lille. Il faudrait une troisième voie c’est
clair. » Selon lui, les récentes
restrictions sont respectées
par les poids lourds même si
elles ne font pas toujours
l’unanimité : « On est déjà
beaucoup ralenti par le trafic… »
L’interdiction de doubler ne
chagrine pas vraiment cet
autre chauffeur qui se rend
régulièrement aux Pays-Bas :
« En Belgique, c’est interdit de
doubler par temps de pluie…
C’est une habitude à prendre. Au
moins, les Belges et les Hollandais ne font plus la course »
s’amuse-t-il. ● A.D.D.
Hervé Dizy se
bat pour le
désengorgement
et la mise en
sécurité de
l’A22.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’A22 ? C’est une porte
d’entrée de la France pour les
poids lourds : 500 camions
par heure. Lorsque l’A22 a
été construite en 1971, on
n’imaginait pas une telle expansion. Aujourd’hui, on
panse les plaies.
Cette année, plusieurs restrictions ont été mises en place
pour fluidifier le trafic. Est-ce
que ça roule mieux sur l’A22 ?
Il y a une amélioration. L’interdiction de doubler pour les
poids lourds sur les 11 kilomètres compris entre l’échangeur 13 de Wasquehal et la
frontière belge a apporté plus
de fluidité au trafic. Cette décision a aussi encouragé certains chauffeurs à emprunter
un autre chemin, l’A27 puis
l’A17, car ils peuvent doubler.
L’A22 est-il toujours un axe
dangereux ? Il y a toujours des
accidents. Sur cet axe, il n’y a
toujours pas d’arrêt pour que
les policiers puissent intercepter les véhicules qui en-
freignent la loi. La seule aire
est celle de Rekkem, mais elle
se trouve en Belgique. Les policiers français n’ont pas la
possibilité de verbaliser. Le PV
sera nul et non avenu. L’une
des solutions serait d’aménager une aire d’arrêt sur la métropole.
Quelles autres solutions proposez-vous ? On pourrait trouver
une utilité supplémentaire
aux portiques écotaxe. Ils
pourraient servir à détecter le
trafic “illicite”, j’entends par
là, les poids lourds qui ne respecteraient par l’arrêté préfectoral de 2006. Pour mémoire, l’État avait décidé
d’obliger les camions, dans le
sens Sud-Nord, ne s’arrêtant
pas dans la métropole à
contourner l’A22. Consigne
qui n’est pas respectée par les
routiers.
La vraie solution ne serait-elle
pas d’élargir l’A22 à trois voies
entre Wasquehal et la frontière
belge ? Cela ne ferait que créer
un appel d’air. En revanche, je
suis pour l’aménagement
d’une voie réservée aux bus. Il
faut améliorer l’offre de transport public pour soulager le
trafic autoroutier. Pourquoi
pas utiliser les voies d’arrêt
d’urgence de l’A22 pour créer
des couloirs de bus ? Cette solution permettrait de rejoindre la station Les Prés à
Villeneuve d’Ascq en 15 min
et de desservir la zone commerciale du Petit Menin. ●
PROPOS RECUEILLIS PAR É.B.
1140.