Détours en France

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STYLE DE VILLE
Le Puyen-Velay
Cité volcanique
Riche d’un patrimoine architectural
parfaitement mis en valeur, sublimée
par les aiguilles de lave qui se dressent
en son centre, la ville de la dentelle et
de la lentille verte mérite bien que l’on
use un peu ses semelles sur ses pavés
de guingois. À l’image des dizaines de
milliers de pèlerins qui viennent saluer
la Vierge Noire avant de partir à pied
vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
43
HAUTE-LOIRE
LIMAGNE
DE BRIOUDE
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LE PUY-EN-VELAY
Luc Olivier - Détours en France
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64 Détours en France
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MONT MÉZENC
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Sur les necks volcaniques,
la capitale vellave a érigé
ses grands lieux de culte
dédiés à Marie. Au premier
plan, à 88 m de hauteur sur
son pain de sucre, la petite
chapelle Saint-Michel
d’Aiguilhe. Son intérieur est
un trésor architectural du Xe
siècle. Pour aller s’y recueillir,
gravissez les 268 marches.
Juste derrière, c’est le rocher
Corneille, que le XIXe siècle
couronna d’une statue
monumentale de la Vierge.
Enfin, au fond, surplombant la
ville haute – « la ville sainte » -,
émergent le clocher et la
coupole de la cathédrale
Notre-Dame, superbe
sanctuaire roman (inscrit
au patrimoine mondial de
l’Unesco), mâtiné d’influences venues de l’Espagne
mauresque et de l’Orient.
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66 Détours en France
A
u bas de la vieille ville, la royale de la ville. Au 16, une tourelle à
place du Martouret fait encorbellement fait l’angle avec la rue
un drôle de point de Philibert, étroite venelle pavée qui rejoint la
départ. C’est ici que fut rue Raphaël. Nous voici dans le cœur du
brûlée la statue miracu- vieux Puy, réseau de ruelles pentues et torleuse de la Vierge Noire, tueuses. Pèlerins et touristes battent
en 1794. Depuis lors, la ensemble le pavé de la rue Raphaël, occupée
« cité de la Vierge » a retrouvé la foi et conti- jadis par les bourgeois et notables. Au 21,
nue de drainer, année après année, des mil- une Vierge Noire trône dans une niche, non
liers de pèlerins partant pour Saint-Jacques loin du Centre d’enseignement de la dentelle
de Compostelle. Avant de rejoindre la cathé- au fuseau. La dentelle... Impossible d’ignodrale, prenez le temps de flâner dans la ville rer la spécialité ponote lorsqu’on atteint la
basse, scandée de jolies maisons pastel. place des Tables, bel ensemble de façades
Avec ses façades rouges, ocre et
moutarde, l’adorable place du Plot
semble parler avec l’accent du sud.
En son centre trône la fontaine de
la Bidoire, la plus ancienne de la
ville (1246), ornée d’aigles et de
Pour agrandir Notre-Dame,
dauphins. Rue Pannesac, de belles
on dut bâtir de hautes arcades
demeures des XVe, XVIe et XVIIe sièafin de soutenir une partie
cles se succèdent au n° 42 (jolies
de la nef et le porche ouest,
arcades), 46 (mascarons et cartouches) et 51 jusqu’à l’ancienne porte
construits sur du vide.
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Le Puy, côté ville basse.
C’est sur la place du Plot,
bordée de sobres maisons
dont les plus anciennes
remontent aux XVe siècle,
que tout se passe.
Les rendez-vous à la
terrasse des bistrots,
les commérages, les visites
des « officiels » et surtout
le grand marché du samedi
matin. Au milieu
des barquettes de myrtilles
et de champignons,
ne loupez pas le fromage
aux artisons, une tomme
typiquement vellave.
Ivan Vdovin - AGE Fotostock
Yvon Boëlle - Andia.fr x 2
Luc Olivier - Détours en France
PUY-EN-VELAY
pimpantes entourant une fontaine. Sur le
pas d’une échoppe, une jeune fille, son carreau sur les genoux, fait une démonstration.
« À l’intérieur est exposé le plus grand carreau
du monde : une pièce de 1989 fuseaux, créée
en une journée à l’occasion de bicentenaire de
la Révolution française », nous dit-elle.
CARREAUX DES DENTELLIÈRES
ET BÂTONS DE PÈLERINS
Au pied de la cathédrale, des pèlerins, bâton
de marche à la main, marquent une pause.
Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco,
le monument dresse sa sombre masse de
lave aux complexes motifs noir et blanc. Le
style roman s’est ici mâtiné d’influences
orientales et mauresques. Sur les deux portes de cèdre du porche central, on lit de
curieuses inscriptions arabes de style coufique, et la voûte abrite une belle peinture
d’inspiration byzantine. Étrange édifice,
décidément, dont seul le chœur repose sur
le rocher. Lorsqu’il fallut agrandir l’église, à
la fin du XIIe siècle, on dut bâtir de hautes
1// La rue des Tables, dans
la vieille ville, évoque le
petit monde du « carreau »,
ces dentellières qui
perpétuent une tradition
remontant au XVIe siècle.
2// Place du Plot : la
fontaine de la Bidoire a été
plusieurs fois remaniée,
mais ses aigles et dauphins
dateraient du XVe siècle.
3// Un raide escalier
de 137 marches) depuis
la place des Tables, vous
amène sur le parvis de
la cathédrale (XIe-XIIe siècles).
arcades afin de soutenir une partie de la nef
et le porche ouest bâtis sur le vide. À l’intérieur, le maître-autel abrite la Vierge Noire,
copie fidèle de la statue originale brûlée sous
la Révolution. Un parfum de Byzance flotte
ici : sans doute est-ce dû à la présence des
coupoles qui coiffent la nef. À gauche du
maître-autel, voyez la pierre des Fièvres,
grande lauze sur laquelle les malades continuent de s’allonger pour guérir.
En sortant par le porche Saint-Jean, on rejoint
le cloître roman, dans la cité épiscopale.
Sur la via Podiensis
Près de 30 000 pèlerins partent chaque année du Puy-en-Velay pour
rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle. Des quatre grands chemins, cette
via Podiensis (750 km) est la plus fréquentée. Elle est rejointe au Puy par la
via Gebennensis qui, au départ de Genève, draine les pèlerins suisses et
allemands. Ces deux voies sont aussi connues sous le nom de GR 65®.
Des variantes locales ont été aménagées à partir du Puy : le GR651® passe
par la vallée du Célé, le GR652® par Rocamadour.
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PUY-EN-VELAY
Jour de marché
avec François Gagnaire,
le terroir au cœur
Les arcs à claveaux noirs, blancs et rouges
forment une savante marqueterie, un bestiaire foisonne sur les chapiteaux sculptés. À
deux pas, une lourde porte Renaissance
garde la chapelle des Pénitents. Depuis
1584, les membres de cette confrérie portent en procession la statue de la Vierge
Noire, le 15 août, et les instruments de la
Passion du Christ, le jeudi saint.
Il est 8 heures 30, une belle effervescence règne sur la place du Plot. Le marché du samedi réunit tout
ce que la Haute-Loire compte de petits producteurs. Une corne d’abondance géante pour François
Gagnaire, le seul chef du Puy-en-Velay étoilé au Michelin. Suivons-le !
LA CHAPELLE SAINT-MICHEL,
LE CIEL POUR TÉMOIN
Pourquoi ne pas monter à l’assaut du rocher
Corneille ? Ce cône volcanique de 757 mètres
est surmonté de la colossale statue de
Notre-Dame de France. Haute de près de
23 mètres, la statue a été érigée en 1860
grâce à la fonte des 213 canons pris à la
bataille de Sébastopol ! Mieux vaut cependant rejoindre le rocher d’Aiguilhe. Cette
ancienne cheminée de volcan (neck), surgit
au milieu du village d’Aiguilhe. À son sommet, une minuscule chapelle dédiée à saint
Michel aimante tous les regards. On pense
aux monastères orthodoxes des Météores,
perchés sur des pitons semblables, appelés
« colonnes du ciel ». Un escalier de plus de
260 marches s’entortille autour du rocher.
Lorsqu’on en vient à bout, c’est pour admirer les fresques peintes de l’oratoire primitif,
construit dès le Xe siècle grâce à l’encouragement de l’évêque du Puy, Godescalc,
premier pèlerin non espagnol de SaintJacques-de-Compostelle. La nef voûtée,
curieusement désaxée, fut construite deux
siècles plus tard pour accueillir les pèlerins
toujours plus nombreux. Comme au MontSaint-Michel, l’homme vénère une montagne pour mieux toucher le ciel...
L
saint-nectaire... et des artisous. » Star du
Velay, ce fromage au lait de vache présente
une croûte grisâtre sculptée par de minuscules bestioles à six pattes : les acariens !
Le fromager Michel Pagès découpe un fin
triangle dans le fromage pour en montrer
l’intérieur. Aux stands voisins, des retraités, casquette vissée sur la tête, vendent le
fruit de leur ferme ou de leur terrain :
volaille, artisous (ou artisons), fraises des
bois, myrtilles, œufs de caille... Des ballotins en toile de jute fleurissent sur les
Au marché du Plot,
François Gagnaire ne
manque jamais de faire
halte devant l’étal de
Michel Pagès. Parmi les
fromages du cru,
l’artisou ou tomme aux
artisons. Un véritable
régal qui tire son nom
des artisons, une espèce
d’acariens qui composent
sa croûte et participent
à son affinage.
Luc Olivier - Détours en France
'œil malicieux, le chef de l’hôtel du Parc n’aime rien tant
qu’asticoter ses copains producteurs tout enachetant, à
l’un, un cageot de rattes, à
l’autre, une barquette de myrtilles. Autour de la fontaine de
la Bidoire, le voici discutant affinage avec
un producteur traditionnel de fourme
d’Ambert. « On trouve une trentaine de producteurs de fromages sur ce marché, préciset-il. Des fourmes, des tomes de brebis, des
Il faut rejoindre la cathédrale par la montée
Gouteyron pour découvrir le quartier noble à
partir de la place du For. La placette en balcon au-dessus de la ville offre une jolie vue
sur les toits du Puy. Un escalier raide descend jusqu’à la rue Cardinal-de-Polignac, où
s’alignent les hôtels particuliers de l’aristocratie locale. Porches élégants, cours intérieures (au 14), tourelles (au 10)... Au 28, la
chapelle de l’école Anne-Marie-Martel rappelle l’œuvre de la fondatrice des Béates, qui
assistaient les malades et animèrent dans le
Velay, dès le XVIIe siècle, des « assemblées »
au cours desquelles elles enseignaient la
dentelle et le catéchisme. La belle tourelle
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La cathédrale Notre-Dame
est totalement intégrée
au quotidien des Ponotes.
Outre la visite du
sanctuaire marial, la « ville
sainte » vous accueille dans
son cloître (XIe siècle), au
baptistère Saint-Jean (Xee
XI siècles), dans la chapelle
des Pénitents, siège de la
confrérie des Pénitents
blancs qui processionnent
chaque année à l’occasion
du jeudi saint.
d’angle de l’hôtel du Lac de Fugères signale
la rue Rochetaillade, dont la rampe d’escalier dégringole jusqu’à la rue du Bouillon.
L’écrivain Jules Vallès ne reconnaîtrait pas
sa maison natale sur la place de la Plâtrière,
mais un peu mieux l’église du Collège, plus
bas par la rue du Bessat. Première église de
style jésuite de France, cette dernière renferme dans son chœur de belles peintures
de Guy François (1578-1650), artiste vellave fortement marqué par Le Caravage. La
jolie rue Chaussade nous ramène place du
Martouret en passant devant d’anciennes
boutiques, qui ont conservé leurs arcades
du XVIIe siècle.
Luc Olivier - Détours en France
LE SOUVENIR DE LA FONDATRICE
DE L’ORDRE DES BÉATES
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PUY-EN-VELAY
LE CARNET
« La fameuse lentille verte du Puy !»,
commente François Gagnaire,
qui l’accommode à sa sauce.
«Je la travaille en velouté, en blinis,
en yaourt, en gaspacho...
Je me suis amusé à destructurer le petit
salé : saucisse aux champignons, velouté
de lentilles et chantilly au lard fumé.»
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70 Détours en France
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Voici justement Robert Chouvier, président des producteurs de lentilles vertes du
Puy. «Saviez-vous qu’en Haute-Loire, la lentille
verte est cultivée depuis plus de 2000 ans ? Sa
couleur verte et son goût unique sont dus au
microclimat et au terrain volcanique du
Velay. » Fini le souvenir du « bifteck du pauvre» et des plâtrées verdâtres de la cantine.
En 1996, la lentille verte a été le premier
légume à décrocher une AOC (désormais
AOP, appellation d’origine protégée).
Une joyeuse cohue anime la rue SaintPierre. François Gagnaire serre les mains
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Luc Olivier - Détours en France
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UNE CULTURE ALTILIGÉRIENNE
DEUX FOIS MILLÉNAIRE
comme un élu local, examine une laitue
« oreilles du diable », hume le miel de
ronce de Christian Girard. Les charcutiers
de la rue Grenouillit offrent un spectacle
non moins appétissant : lard gras, tripes et
foie gras ! Hélas, pas de bœuf fin gras du
Mézenc, que le chef travaille en carpaccio,
accompagné de chutney sucré-salé. Sur la
place du Marché couvert, il s’arrête causer
avec Patrick Hugon, dont toute la ville
s’arrache les fruits rouges. « Je prépare
actuellement un dessert composé de cubes de
fraises, framboises, groseilles, cassis.
J’attends avec impatience la saison. » Son
maître d’hôtel passe dans notre dos, portant un panier rempli de fromages : salers,
artisons, chèvres et brebis. « Regardez son
costume, on voit bien qu’il a un gros
salaire ! », plaisante François Gagnaire.
L’heure tourne et la foule s’épaissit. Un
œil à la montre, la balade est terminée : il
faut regagner les cuisines. À midi, le menu
« retour du marché » devrait tenir toutes
ses promesses. 2
Montée Gouteyron
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HÔTEL DU PARC
FRANÇOIS GAGNAIRE
étals. « La fameuse lentille verte du Puy »,
commente François Gagnaire, qui sait,
mieux que personne, l’accommoder à sa
sauce. « Je la travaille en velouté, en blinis,
en yaourt, en gaspacho... Je me suis amusé à
déstructurer le petit salé : saucisse aux
champignons, velouté de lentilles et chantilly
au lard fumé. »
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43000 Le Puy-en-Velay.
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Dix ans que François Gagnaire régale les
gourmets du Puy ! Sa cuisine à la fois
ancrée dans le terroir et doucement
sophistiquée lui vaut une étoile au Michelin.
Son caviar de lentilles vertes du Puy reste
un sommet de la gastronomie vellave.
Côté hôtel, quinze chambres spacieuses
et contemporaines, récemment
redécorées. Chambre (photo) à partir
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Chapelle
Rocher
Saint-Michel d’Aiguilhe
SE LOGER, SE RESTAURER
« Elle est belle ma feuille
de chêne, elle est belle ma
laitue oreilles de
diable! » Pour Gagnaire,
rien n’est laissé au hasard.
Il s’approvisionne auprès
de maraîchers et de petits
producteurs locaux.
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Le dynamique Guillaume Fourcade tient
d’une main de maître cette excellente
table, postée au pied de la cathédrale.
Ici, l’ancien et le moderne se téléscopent
hardiment, à l’image de la décoration très
colorée. On adore les Saint-Jacques et les
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