Prévention des risques professionnels - Comprendre
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Prévention des risques professionnels - Comprendre
Prévention des risques professionnels Mieux protéger la santé des salariés Article de Jean Hodebourg, membre du conseil supérieur des risques professionnels, dans la revue NVO Espace Elus de mars 2004. Chaque année au 2e trimestre, l'employeur à l'obligation de soumettre aux représentants du personnel des documents relatifs à ''l'évaluation des risques professionnels pour établir un programme d'amélioration des conditions de travail. Le CHSCT et le CE ont des pouvoirs trop souvent méconnus et sous utilisés. Mieux vaut prévenir que guérir. Cet adage prend tout son sens à l'entreprise. Surtout à un moment où l'on constate un développement important d'atteintes à la santé, liées directement à une instabilité et à une aggravation des conditions d'emploi et de travail, par l'augmentation de la pollution et de l'intensité du travail. Certes, l'obligation générale de résultat du maintien de la santé des salariés qui pèse désormais sur l'employeur est une véritable obligation de résultat. Des tribunaux condamnent d’ailleurs tout manquement à celle-ci par une faute inexcusable de l'employeur. Ce qui permet, notamment, une meilleure indemnisation des victimes (cf. Nvo espaCEélus n° 5, décernbre 2002). Un point d'appui considérable pour les salariés, le syndicat et le CHSCT qui doivent prendre toutes leurs responsabilités pour exercer les droits et les pouvoirs qu'ils tiennent notamment de la loi. Programme annuel de prévention Un programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail doit obligatoirement être élaboré par l'employeur et soumis au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d'entreprise (voir schéma d'élaboration ci-après). Il doit, a priori, fixer la liste détaillée des mesures devant être prises et de leurs conditions d'exécution. En pratique, il ne s'agit pas de vagues travaux d'entretien ou de sécurité, comme souvent les employeurs le proposent... Les mots «santé» et «amélioration» ont l'avantage de préciser clairement l'objectif fixé par le Code du travail. Ces deux mots clés constituent un repère et un «fil rouge» pour l'activité de la CGT. Ils renforcent les pouvoirs des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Rappelons que l'employeur qui ne respecte pas ses obligations impératives s'expose à des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à la prison 1. 1 Article L.263-2-2 du code du travail. Emergences, 08/04/2004 Page 1 sur 5 Le document unique d'évaluation de l'ensemble des risques professionnels L'évaluation des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs doit être rédigée sous la responsabilité de l'employeur et consignée dans un seul document: la déclaration unique d'évaluation (DUE). L'objectif du DUE est de renforcer la prévention. Il ne doit pas être confondu avec les fiches de données de sécurité élaborées par le médecin du travail. Chaque CHSCT doit être informé du contenu de ce document et de sa mise à jour annuelle. Il doit aussi exiger des compléments, des modifications et signaler les oublis de l'entreprise. Ça n'est pas une simple formalité. Il s'agit, en fait, d'une démarche d'utilité sociale. Le DUE doit être élaboré par unité de travail et non globalement au niveau de l'entreprise. Il doit être complété par un plan précis de prévention qui découle de l'évaluation ainsi que des modalités de suivi du plan précédent 2. Le bilan annuel du CHSCT Selon l'article L.236-4 du Code du travail, au moins une fois par an l'employeur présente au CHSCT un rapport écrit faisant le bilan de la situation générale de l'hygiène, de la sécurité, des conditions de travail et des actions qui ont été menées dans les domaines définis par l'article L.236-2 du Code du travail (encadré ci-dessous). SANCTIONS Atteintes au fonctionnement Selon l'article L.263-2-2 du Code du travail, «Quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte, soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres, soit au fonctionnement régulier des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, notamment par la méconnaissance des dispositions de l'article L.236-11 et des textes réglementaires pris pour son application, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, l'emprisonnement peut être porté à deux ans et l'amende à 7 500 euros». Ce rapport, devant être rédigé d'après un modèle type officiel, les élus au CHSCT auront à cœur de démasquer les nombreuses tricheries patronales à la déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles. Suggestions pour y parvenir: - Registre des accidents bénins : Vérifier si toutes les lésions physiques ou mentales survenues sur le lieu de travail y sont bien inscrites. Cette définition de l'accident de travail est trop souvent volontairement ignorée par les employeurs. Cet enregistrement des passages à l'infirmerie constitue souvent le premier élément d'observation des atteintes de la santé par le travail; - Déclaration d'accidents : Il convient de contrôler que toutes les lésions ayant occasionné des soins médicaux extérieurs apparaissent ainsi que celles qui entraînent un arrêt de travail; - Les faits saillants : c'est un chapitre des plus importants. En général, les employeurs le négligent. Il est donc nécessaire de relire la demande 2 La CGT a édité une méthode d'évaluation des risques. II s'agit d'une aide précieuse pour la démarche syndicale d'identification des risques. À commander à l'activité «Travail et santé» CGT, 263, rue de Paris, 93516 Montreuil Cedex. Emergences, 08/04/2004 Page 2 sur 5 du modèle type. Cela permet d'intervenir pour que la réalité des risques apparaisse, notamment ceux mis en évidence par l'activité du CHSCT. Cela est déterminant pour que le programme de l'année suivante s'attaque à la prévention de ses constats. LE MAINTIEN DE LA SANTÉ DES SALARIÉS Une obligation de résultat pour l'employeur Des années de jurisprudence ont été renversées le 28 février 2002 par la publication, le même jour, de vingt-neuf arrêts confirmés depuis par d'autres décisions du même ordre. Pour la Cour de cassation, l'objectif est clair: le chef d'entreprise doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé des salariés (y compris des temporaires). S'il ne respecte pas cette obligation de résultat, il peut être condamné pour faute inexcusable. Cette jurisprudence reste bien dans l'esprit de diverses modifications législatives (1992 et 2002) qui ont précisé les missions du CHSCT (1). Celles-ci s'étendent à la protection de la santé physique et mentale. À noter que les actions de prévention sont élargies au harcèlement moral. Ainsi, la définition du harcèlement, telle qu'elle résulte de la loi du 17 janvier 2002, est large: altération de la santé portant atteinte à la dignité et compromettant l'avenir professionnel. Elle peut permettre de combattre ce que l'on appelle la gestion par le stress, les manipulations psychologiques et l'intensification des charges de travail par la peur, la menace et le mensonge comme l'a qualifié Christophe Dejours, professeur titulaire de la chaire de Psychanalyse-Santé-Travail au Conservatoire national des arts et métiers. (1) Article L.236-2 du Code du travail. Le rapport annuel d'activité de la médecine du travail Ce rapport, dont l'essentiel porte sur les commentaires et observations de l'activité du médecin du travail, doit être rédigé avant le 30 avril de chaque année par chacun des médecins ayant une activité dans l'entreprise. Chacun d'eux doit personnellement présenter son rapport oralement au CHSCT puis, obligatoirement, au CE. Les fiches de risques établies et mises à jour par le médecin du travail doivent y être jointes. Son plan d'activité en milieu de travail pour la période à venir doit être présenté avec le bilan des périodes écoulées. Une demande syndicale précise et argumentée, s'appuyant sur les obligations légales, est souvent nécessaire pour que les médecins puissent se dégager des pressions patronales afin d'exercer leurs fonctions de façon indépendante et dans le respect de leur déontologie. Chacun des onze chapitres de ce rapport oblige le médecin du travail à présenter et à commenter ses observations. Elles doivent êtres demandées avec insistance et discutées par les représentants du personnel, notamment le chapitre XI intitulé «Observations générales du médecin du travail sur son activité». Tout un programme! Cette partie nécessite un développement de plusieurs pages où le médecin exprime son opinion sur l'évolution de la santé des salariés et les causes de celles-ci. Des textes de cinq lignes de généralités doivent être refusés. C'est ce travail d'analyse qui va donner de l'importance, de la qualité et de l'efficacité à ce document. Attention à la stratégie de l'isolement Les employeurs ont une stratégie d'isolement de chaque document. Ils veulent les réduire à leur seul aspect chiffré et technique. Mais, tous les Emergences, 08/04/2004 Page 3 sur 5 documents évoqués ci-dessus sont utiles. Non seulement pour leurs données statistiques, mais surtout pour les commentaires qui les accompagnent. En donnant de précieuses indications sur les évolutions de l'état de santé des salariés d'une année sur l'autre, ces rapports permettent de mieux cibler les responsabilités de l'employeur dans l'aggravation de l'altération de la santé par le travail. Ces documents, obligatoires, constituent un élément clé pour l'action revendicative à l'entreprise. Ils constituent un outil d'analyse de données humaines, de bien-être ou de souffrance au travail. C'est au syndicat de les articuler et de les mettre en cohérence, pour qu'ils débouchent sur une action syndicale développée avec les salariés, pour obtenir que le programme annuel de prévention fixe des objectifs élevés d'amélioration des conditions de travail. Emergences, 08/04/2004 Page 4 sur 5 Emergences, 08/04/2004 Page 5 sur 5