La symbolique des Du Chastel d`après les sceaux et les armoriaux.

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La symbolique des Du Chastel d`après les sceaux et les armoriaux.
La symbolique des Du Chastel d’après les sceaux et les
armoriaux.
Martine Fabre
To cite this version:
Martine Fabre. La symbolique des Du Chastel d’après les sceaux et les armoriaux.. Yves
Coativy. Actes du colloque, Jun 2004, Trémazan, France. Centre de Recherche Bretonne et
Celtique / Association SOS Château de Trémazan, pp.141-160, 2006. <hal-00480136>
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La symbolique des Du Chastel
d’après les sceaux et les armoriaux
Martine Fabre
Parler de la symbolique des Du Chastel d’après les sceaux et les armoriaux
médiévaux, c’est, à la fois, parler des images dans lesquelles les membres de cette maison se
sont reconnus et parler des sources qui témoignent de ces images, au temps où ces sources
sont opératoires. D’autre part, s’agissant d’images, la notion ne se rapporte pas à n’importe
quel témoignage iconographique parvenu jusqu’à notre époque sous le nom, mais à une
imagerie et à des formes dans lesquelles le lignage tout entier s’est reconnu à partir d’un
certain moment de son histoire. Si bien qu’il a fait de ces formes un signe de son identité et
que le temps les a utilisées, manipulées, les chargeant de sens. Ces formes identitaires, ce sont
les figures emblématiques associées au nom : armoirie, figures parahéraldiques et
symboliques ; ces dernières, spécialement, quand elles sont utilisées dans un contexte donné
qui oriente leur signification, soit les sources et leur fonctions sociales.
1. — Les signes
Les signes, quels sont-ils ? Nous ne les connaissons que par les personnes qui les
portent. Entre le XIIIe siècle et la fin du XVe, seize Du Chastel et un siège de juridiction laissent
trace de la même armoirie dans les sceaux et les armoriaux, deux sources fondamentales pour
connaître l’emblématique médiévale.
Dix-sept témoignages, donc, que l’on citera dans l’ordre chronologique, avec les titres
et qualités pris aux documents scellés et aux armoriaux.
1. seigneur Bernard du Chastel, chevalier, attesté en 1274.
2. Tanguy, chevalier bachelier, capitaine des château et ville de Brest avec Henri de Kaer
pour la comtesse de Montfort, en 1342. En 1350, il est seigneur du Chastel.
3. Gacien, chevalier, attesté en 1369. C’est probablement lui le sénéchal d’Agenais,
gouverneur de Marmande et de Damazan, capitaine de Bouglon en 1372 et 1374.
4. Hervé, sire du Chastel, chevalier, qui jure et scelle l’acte de ratification du second
traité de Guérande à Guingamp, en 1381.
5. Mahieu, chevalier, attesté en 1392.
6. Guillaume, chevalier, chambellan du roi Charles VI et du duc d’Orléans, qui participe
au combat de Montendre, un combat en champ clos qui oppose quatre français et
quatre anglais, en 1402.
7. Hervé, écuyer, attesté en 1415-1416.
8. Olivier, sire du Chastel, chevalier, attesté par les sources de 1419 à 1427. Il ratifie le
traité de Troyes en 1427, aux côtés de l’amiral de Bretagne, Jean sire du Penhoat, les
deux sceaux apposés au même acte. Mais Olivier scelle aussi pour ses pairs, Sylvestre
2
seigneur de La Feillée, Jean de Malestroit, seigneur de Kaer et de Beaumont,
Guillaume seigneur de Ploeuc et Jeau de Kermellec, seigneur de Châteaugal. C’est lui
le sénéchal de Saintonge, en 1416, mort en 1455.
9. Tanguy, chevalier, chambellan de Charles VI, régent puis roi, maréchal de Guyenne
en 1416, maréchal des guerres en 1420 ; prévôt de Paris en 1416 et 1418 ; gouverneur
d’Aigues-Mortes en 1434 ; viguier et châtelain de Beaucaire et d’Aigues-Mortes en
1438 ; lieutenant du gouverneur du Languedoc en 1446 et 1454. Enfin, il est chevalier
de l’ordre du Croissant, un ordre de chevalerie créé par René d’Anjou en 1448, et
figure à ce titre dans l’armorial de l’Ordre, mais avec la mention « trespassé », le
recueil vraisemblablement établi après sa mort.
10. Un membre non identifié de la maison, attesté en 1456.
11. Tanguy, chevalier, vicomte de la Bellière, seigneur de Rénac, chambellan du roi,
premier écuyer de corps et maître de l’écurie du roi, en 1460 ; gouverneur du
Roussillon, en 1476.
12. Jeanne de Malestroit, veuve du précédent, son témoignage daté de 1481 et de 1492.
13. Tanguy seigneur du Chastel, en 1497.
14. Olivier, évêque de Saint-Brieuc [1506-†1525], son sceau attesté en 1519.
Et aussi, une cour de justice établie, aux armes d’un Du Chastel :
15. Rénac, son sceau attesté en 1499.
1
Ensuite, représentés dans les armoriaux factices , on citera pour mieux les écarter dans une
étude d’emblématique médiévale :
16. François, sire du nom, au XVe siècle.
17. Olivier sire du Chastel, commissaire de la montre reçue à Lesneven, en 1467, avec
Guillaume de Penhoat, Tanguy de Kermavan et Thomas de Kerazret.
Soit, au total, quinze témoignages qui nous font connaître les choix emblématiques de
la maison du Chastel, au Bas Moyen Âge, et deux témoignages modernes.
Ce relevé des Du Chastel ne saurait toutefois être complet sans signaler également des
témoins de même nom, retenus sans preuves dans les généalogies de la maison. On les citera
ici pour les ignorer ensuite. Dans un cas il y a confusion certaine due à l’homonymie, dans
l’autre, la proximité des noms a conduit à une assimilation bien fragile, sans argument pour
l’étayer.
Ainsi, on trouve cité un Guillaume du Chastel, écuyer, qui jure et scelle le second
traité de Guérande, en 1381, à Guérande. Il est clair que le personnage est étranger au
lignage : son sceau, du type armorial, porte un écu au château. L’autre personnage est un
certain Jaquet Chatel/Chastel, écuyer. Lui aussi ratifie et scelle le traité de Guérande, à Dinan,
2
cette fois, mais son signet est aujourd’hui illisible, s’il était armorié , pour être utile. En outre,
1
Les armoriaux dits factices retenus sont des recueils classés jusqu’à une époque récente comme copies
d’anciens. Il s’agit, en fait, de listes de noms levés par des érudits de l’époque moderne dans des documents de la
fin du Moyen Âge, des noms auxquels ils ont associé les armes qu’ils leur connaissaient par diverses sources,
que ces dernières soient médiévales ou postérieures. Ces armoriaux sont distincts des armoriaux modernes
proprement dits puisque le listage des noms est ancien, mais ils sont inutiles à l’héraldique médiévale, d’autant
que les confusions d’armoiries y sont fréquentes dans les cas d’homonymie. S’ils présentent un intérêt, sur le
plan emblématique, c’est comme indicateurs des méthodes de travail de leurs auteurs et de leur érudition. Pour
l’analyse critique de ces recueils, cf. M. Fabre, Images personnelles (vers 1350-1500). Héraldique médiévale
bretonne. Armoriaux, sceaux, tombeaux, Villeneuve-d’Ascq, 1998, (désormais Images personnelles…), t. I, p.
XXXIX-XLVIII. En ce sens, l’armorial de Guérande n’est pas une référence ; sa critique, Ibidem, p. XLI-XLIII. Les
cotes des recueils factices sont données à la note 22.
2
La place où est mentionné le personnage, place de garnison, renseigne tout au plus sur une carrière militaire.
3
l’absence de particule devant le nom, alors que les textes de l’époque ne l’omettent jamais
dans les témoignages avérés de la maison léonarde (du/de, sources documentaires et
littéraires), est un indice desservant l’hypothèse d’une parenté entre ce Jaquet et les Du
Chastel.
L’armoirie
Si l’on s’attache, maintenant, aux signes, parmi les différents emblèmes recensés, on
s’intéressera, tout d’abord, à l’armoirie. Celle-ci est attestée pour la première fois sur un sceau
3
appendu à un acte daté de 1274 . Il s’agit du sceau de Bernard seigneur du Chastel, requis
comme témoin, garantissant la cession au duc d’un emplacement à Penfell près de Brest (auj.
Penfeld), pour construire un moulin et la chaussée y conduisant.
Le sceau de Bernard, un sceau équestre, porte comme armoirie un fascé de six pièces,
4
plein . À la même époque, les émaux de l’armoirie, l’or et le gueules sont attestés pour la
5
première fois dans l’armorial Wijnbergen , un recueil brabançon datable du règne de Philippe
III le Hardi. L’armoirie y est d’or fascé de gueule de six pièces.
Les brisures
Dans cette armoirie, on peut encore préciser la brisure personnelle des membres du
groupe et, grâce au nombre de sources recensées, le système des brisures perpétué au fil des
générations et sa stabilité.
En 1274, Bernard est chef d’armes, l’acte le dit dominus, seigneur, et il porte de plein.
En 1342 et 1350, Tanguy est également chef d’armes et porte de plein. Comme Hervé, en
1381 et 1395. Comme Guillaume, en 1403 ; Olivier, en 1419 et 1427 ; et Tanguy, en 1497, sur
son sceau authentique, son sceau de juridiction. Olivier, évêque de Saint-Brieuc, porte lui
aussi de plein, en 1519, mais cette fois comme ecclésiastique et non point en raison d’une
hiérarchie masculine.
En revanche, qu'on les sache cadets ou non par d'autres sources, en 1369, Gacien
affiche son rang en brisant d’une étoile ; Mahieu, en 1392, se reconnaît sous un lambel de
trois pendants ; en 1415-1416, Hervé, écuyer, porte un meuble en chef (peut-être un
croissant) ; en 1416, encore, et jusqu’aux dernières sources recueillies, en 1454, Tanguy, le
prévôt de Paris, arbore une roue ; l’anonyme de 1456 montre un lambel, ce qui rend
6
improbable l’attribution du sceau à l’évêque de Léon . Tanguy, le gouverneur du Roussillon,
3
Le catalogue des sceaux et des entrées armoriales de la maison du Chastel est donné en Annexe, p. 11 sqq.,
sous
la même numérotation que la liste des personnes, qui précède.
4
Lors du colloque, on a émis l’hypothèse d’une armoirie brisée, ce sceau étudié sur photographie. Depuis, la
lecture de l’original a permis d’établir que l’armoirie est portée pleine par Bernard. Ce qui semblait devoir être lu
comme une brisure par le jeu des ombres n’est qu’une rayure entamant la surface de l’écu et se prolongeant hors
de cette forme, une rayure de la matrice, vraisemblablement, dont il n’y a pas à tenir compte dans la lecture de
l’image. De même, la bordure que semblait porter la housse du cheval, en raison du même jeu d’ombres, est une
mauvaise lecture du revers du caparaçon, appliqué contre la face pour simuler le mouvement de l’étoffe, et ne
modifie
pas l’armoirie.
5
La Haye, manuscrit de l’Association Royale Néerlandaise de Généalogie et d’Héraldique, original figuré. La
séquence utile de cet armorial brabançon (fol. 26-27v°) a perdu les identifications qui accompagnaient les
armoiries,
le manuscrit anciennement endommagé par l’eau.
6
Improbable mais pas impossible. Certes les membres du clergé portent habituellement des armoiries pleines,
n’ayant pas de descendance, mais un prélat issu d’une branche cadette de maison maintient ou non la brisure de
sa branche, les deux dispositions se rencontrent ; il est plus rare qu’il se donne une brisure personnelle, mais, là
encore, même exceptionnels, les témoignages existent. Dans le duché de Bretagne, le cas se rencontre
notamment dans une grande maison, celle de Malestroit, dont deux membres contemporains sont prélats, Jean et
Guillaume, l’oncle et le neveu ; le neveu succédant à l’oncle, de plus, au siège de Nantes: Jean porte de plein
4
pour sa part, charge le fascé d’une bordure componnée sur des sceaux de 1460 à 1476 ;
brisure que l’on retrouve dans les armes de sa veuve, Jeanne de Malestroit, qui la porte au I
7
d’un parti , sur deux sceaux distincts, en 1481 et encore en 1492. La cour de Rénac, elle, ne
montre plus sur son sceau authentique, en 1499, qu’un fascé de six pièces, à la bordure. La
brisure y apparaît simplifiée, les compons absents.
Cette disposition de l’image de Rénac mérite que l’on s’y attarde. En effet, pour ne pas
être très fréquente, elle n’est pas rare, notamment sur les sceaux impersonnels. Mais, ici, on
peut faire parler la source davantage, non pas de la maison du Chastel, mais du lieu, lui8
même. En effet, le témoignage date de 1499 , alors que le titulaire de l'emblème est mort
depuis plus de vingt ans. Après le décès de Tanguy, Rénac passe en d’autres mains, or le fascé
de six pièces, à la bordure lui reste. Du Chastel à la bordure est associée désormais au nom
du lieu, gelée sur le sceau authentique de la place, sceau impersonnel en service à la petite
chancellerie locale et pérennisée malgré les propriétaires successifs du fief, comme on
l'observe parfois lorsque l’autorité nouvelle n'a pas à imposer sa légitimité.
Le phénomène se rencontre dans les villes, dans le duché de Bretagne comme dans
tout l'Occident chrétien. Pour l’observer, toutefois, il ne suffit pas d'une seule empreinte de
sceau sous un nom de sigillant. Au contraire, c’est l’étude de toutes les empreintes recensées
tirées d’une même matrice et la fourchette des dates d’emploi ainsi obtenue qui permettent
9
d’évaluer la durée du service d’une matrice. Le fait observé ne doit pas laisser déduire,
toutefois, qu’un tel emploi a cristallisé une armoirie sous un nom de lieu. C’est le sceau qui
est opératoire, comme moyen de validation et signe de pouvoir, l’armoirie qu’il porte n’est
plus qu’un élément de son image, un élément attendu, parce que connu dans l’emploi, que
l’on regarde pour s’assurer de la validité du signe. Si l’armoirie est réellement cristallisée sous
le nom du lieu comme signe identitaire, la confirmation est à chercher dans d’autres
catégories de sources.
Bref, si l’on résume les types de brisures choisies dans la famille du Chastel pour
distinguer les diverses branches sous le fascé, on trouve deux pièces honorables : la bordure
et le lambel, et deux ou trois petits meubles : une forme qui est peut-être un croissant, une
étoile et une roue. Une roue d’azur, précisera-t-on, encore, dans le seul armorial ancien,
l’armorial dit de l’ordre du Croissant, qui donne une brisure à un tenant du nom, le prévôt de
Paris.
Roue, étoile, croissant ( ?), bordure, lambel, sur l’ensemble des témoignages
conservés, ces quelques pièces ou meubles montrent une belle unité de choix sous le nom.
Une unité et, aussi, une stabilité qui, sur plus de deux siècles, prouve que les Du Chastel ont
bien en main leur emblématique, soit en arrière plan une mémoire familiale, gage d’identité.
Tableau : Armoirie des Du Chastel et brisures
[fichier tableau]
(sceaux personnels et administratifs de l’évêque de Nantes : 1428-1443), Guillaume brise d’un lambel (sceaux
administratifs de l’évêque : 1449-1459). Le système héraldique s’adapte aux besoins, hors des normes, pour des
raisons pratiques vraisemblablement. C’est bien plus tard qu’il va se rigidifier, et encore, dans les ouvrages
théoriques. On trouvera les références des sceaux de Jean et de Guillaume, dans Images personnelles…, t. II,
notices
2565-2569 et 2551-2553.
7
Voir
Annexe,
p. 11 sqq., au nom du personnage.
8
Un témoignage de 1516, de seconde main, ne relève pas la brisure ; aucune déduction ne peut en être faite, ni
dans le sens d’une erreur de lecture, ni dans celui d’une simplification. On n’en a pas retrouvé l’original. Voir
Annexe,
p. 11 sqq., au nom de la place.
9
Les empreintes conservées, surtout s’il s’agit de sceaux d’autorités publiques, ne sont que les quelques rares
traces conservées d’un emploi.
5
D’autres figures emblématiques vont confirmer cette observation : les figures
parahéraldiques, en particulier, les cimiers et les supports des écus.
Figures parahéraldiques
Les cimiers
Le sceau de Bernard montre le cavalier heaume en tête, cimé d’un plumail, en 1274.
Ensuite, à partir de 1342, date du premier témoignage attesté, le cimier est un château,
cimier familial, comme les sources l’attestent, que l’on suit de génération en génération sur
plus d’un siècle, jusqu’à 1476.
En 1342, c’est Tanguy, capitaine de Brest, qui l’arbore le premier. Il est, dès ce
moment-là, le cimier personnel du personnage puisque Tanguy se reconnaît dans un cimier au
château sur des empreintes tirées de deux matrices distinctes, en 1342 et en 1350. Gacien, en
1369, se cime, encore, de deux têtes de cygne affrontées, selon une description de Dom
Morice. C’est ensuite, avec Hervé, seigneur du nom, que le château peut être tenu pour un
10
cimier familial, en 1381 et 1395 . Dans le même temps, Mahieu, cadet du nom, le porte
également, comme Guillaume, chef d’armes, en 1403, et après lui, Olivier, en 1419 et 1427 ;
comme, aussi, Hervé, autre cadet, en 1415-1416 ; Tanguy le prévôt de Paris, attesté de 1416 à
1455, et après lui, le gouverneur de Roussillon, en 1460 et jusqu’à 1476. Tous, les uns après
les autres, coiffent le château.
En résumé, les Du Chastel ont porté, l’un un plumail, une forme neutre, courante sur
les sceaux, à la fin du XIIIe siècle, peut-être un simple ornement sigillaire ; un autre, deux têtes
de cygne, occasionnel ou personnel, le témoignage est unique et de seconde main. Avant que
la maison ne se reconnaisse, sur le long terme, dans un château, cimier parlant, s’il en est,
cimier banal qui fera certes honneur au nom, au gré de l’histoire de ce dernier, mais qui ne
11
connote aucune référence remarquable , hormis un simple jeu de mot, mode le plus courant à
l’époque où il apparaît, aux mains d’une officine ou volonté de son premier tenant. C’est la
constance de son emploi à travers les générations qui rend acquis son caractère identitaire.
Les supports
Concernant les supports, on n’en connaît pas de témoignage avant le sceau de Gacien
(1369), décrit par Dom Morice. Deux griffons y accostent l’écu cimé de deux têtes de cygnes
affrontés. Ensuite, en 1381, Hervé affiche sur son sceau personnel deux léopards en supports,
des supports peut-être déjà fixés puisque son sceau de juridiction, attesté en 1395, laisse
encore voir un léopard en support sénestre, l’animal adossé à l’écu, le dextre détruit. Dans la
même période, en 1392, Mathieu, un cadet, arbore deux chiens – deux lévriers – colletés et
bouclés, de part et d’autre de l’écu au lambel et du cimier familial au château. Après lui, on ne
connaît pas d’autres écarts, le choix des léopards semble acquis comme supports à chaque
génération. Guillaume, chef d’armes, les montre sur une empreinte de 1403. Hervé, autre
cadet, écuyer, les porte encore en 1415-1416 ; comme Olivier, chef d’armes, sur ses sceaux de
10
Château ou tour, deux variantes d’un même thème, ici. Cette lecture n’est pas généralisable, cependant, dans
certaines traditions iconographiques familiales, la tour est distincte du château. Sur le sceau du prévôt de Paris,
les détails sont très nets, le château, ouvert, herse levée. Détails décoratifs, allusifs, on le comprend, mais il n’y a
pas lieu d’y porter une attention particulière, d’autant qu’il s’agit d’une iconographie profane, sans longue
tradition. Dans les sceaux, l’état des cires permet rarement d’analyser le détail d’une gravure et quand c’est
possible,
ce détail illustre un savoir-faire, une mode, dont l’enluminure donne d’autres témoignages.
11
Sans texte contemporain pour l’établir, il serait aventureux de chercher une allusion à la puissance territoriale
dans le château ; en revanche, la référence au nom est dans l’esprit du temps.
6
1419-1427 ; comme le prévôt de Paris, sur ses sceaux de 1416 à 1454. L’anonyme de 1456 les
12
ignore, certes, son sceau accoste l’écu de deux palmes . Mais on retrouve les léopards sur le
sceau du gouverneur du Roussillon, les empreintes datées de 1460 à 1476.
Sur l’ensemble du catalogue, à l’exception d’un témoignage d’homme laïc, on peut
donc retenir avec certitude que, après l’acquisition d’une armoirie, au XIIIe siècle, sans doute
au milieu du siècle comme on l’observe pour la moyenne noblesse bretonne dans les rares
traces connues, la maison du Chastel a complété son appareil emblématique, un siècle plus
tard, au milieu du XIVe siècle, en se dotant de figures parahéraldiques identitaires, le château et
les léopards, des emblèmes que l’on voit fonctionner dans les sources sigillaires et armoriales
en association, mais qui, selon l’emploi, pouvaient également être utilisés séparément.
Il n’y a pas lieu de s’attarder davantage sur ces emplois, il suffit d’en noter le caractère
récurrent. D’autant qu’il s’agit d’une iconographie profane stéréotypée, dénuée d’épaisseur
sémantique a priori, même si, le temps passant, ce genre de figure s’est parfois prêtée aux
surlectures. Ce qu’il y a à retenir de ces figures, en cette fin du Moyen Âge, c’est qu’elles
sont, essentiellement, les compléments d’un signe de reconnaissance, et dans leur usage
courant des figures ornementales volontairement perpétuées à partir du tournant du XIVe siècle
sous le nom de la maison du Chastel.
Autres figures emblématiques
La couronne
À cela, on ajoutera un autre élément de lecture, ténu dans l’image et cependant
formellement important. Il s’agit de la couronne posée sur le heaume et qui sert d’assise au
château en cimier.
Cette couronne, d’après les sources conservées, semble introduite dans l’appareil
emblématique des Du Chastel par Gacien, que l’on sait chevalier, attestée pour la première
fois en 1369. Avant ce témoignage, Bernard ne la porte pas, en 1274, ni Tanguy, en 1342.
Après 1369, elle ne quitte plus les sceaux personnels masculins, toujours portée en cimier,
sommant le heaume et soutenant le château familial.
Que le sceau de Bernard ne montre pas la couronne, au XIIIe siècle, l’emploi du signe
en cimier sur les sceaux personnels n’est nulle part encore un usage général en Occident.
Alors qu’au milieu du siècle suivant, l’usage s’en rencontre sur les sceaux personnels
masculins aussi bien dans le royaume de France qu’en Angleterre et dans l’Empire. En France
et en Angleterre, la guerre de Cents ans n’en a pas été la cause directe, loin s’en faut,
néanmoins, la mode du sceau de type armorial au cimier sur couronne se diffuse largement
dans la première période de la guerre en même temps que la capacité sigillaire s’étend à une
petite et moyenne noblesse masculine silencieuse auparavant, l’encadrement militaire –
jusqu’aux derniers échelons de la hiérarchie. Et le sens porté par cette couronne dans les États
où on l’observe, c’est la défense d’une cause, la cause royale. Les tenants du cimier à la
couronne sont dans les armées royales, ils défendent la Couronne.
Dès lors, si Tanguy n’arbore pas cette couronne, en 1342, une explication peut être
avancée, c’est qu’il est au service des Montfort. Mais le port du cimier à la couronne n’est pas
normalisé. Il répond, certes, à un usage général constaté, l’explication n’est qu’une hypothèse,
sans texte théorique pour l’étayer.
Le portrait
12
Le fait qu’il s’agisse d’un écu droit n’empêchait pas le choix des léopards. Sans rapport avec l’habitude
familiale, à l’époque considérée, ces palmes ne sont guère plus qu’un remplissage ornemental.
7
À retenir encore dans cet ensemble emblématique, le signet personnel du prévôt de Paris,
signet attesté en 1416, signet au portrait, anépigraphe, montrant un profil à gauche. Avec ce
témoignage, on a l’exemple d’une mode de cour, mode du portrait – antique (camée ou
intaille), imitation –, qui se rencontre dans les élites princières par tradition, mais qui connaît
un engouement soudain dans la noblesse et parmi les clercs de l’entourage des princes de tout
l’Occident chrétien, aux dernières décennies du XIVe siècle.
Le signet au portrait du prévôt de Paris n’est donc pas un choix emblématique
spécialement breton. Certes, comme la couronne, il dénote le milieu d’appartenance de son
possesseur, mais contrairement à cette dernière qui est un signe de reconnaissance fort en
usage dans les armées européennes, le portrait sigillaire, lui, est une mode.
L’ange
Dans le cas de l’image à l’ange telle qu’elle apparaît sur le sceau de Jeanne de
Malestroit, à la fin du XVe siècle, l’écu brochant et tenu par un ange, les ailes abaissées, il
s’agit encore d’une mode. À l’instar de toute l’iconographie sacrée, cet ange a, en principe,
une signification précise se rapportant aux affaires terrestres puisque la position de ses ailes
13
indiquent un message en relation avec les affaires d’ici-bas . Mais, dans le cas des sceaux de
la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, la mise en œuvre de l’ange est autant – sinon plus –
affaire d’agencement des formes du thème choisi que choix symbolique. En bref, l’ange de
Jeanne est sans doute moins discours que figure s’intégrant dans une formule décorative.
Le phylactère
De la même façon, le phylactère sur lequel est gravée la légende du sceau du vicomte
de La Bellière, en service de 1460 à 1476, est à lire de manière nuancée. À la fin du XVe
siècle, le phylactère n’appartient plus seulement à l’iconographie sacrée, la forme s’est
banalisée et selon le contexte, c’est-à-dire l’image où il s’insère, il peut n’être qu’un élément
décoratif aux mains d’un artiste ou bien maintenir la tradition et souligner le caractère
spirituel du message qu’il porte, texte biblique, prière, sentence morale… Ici, sur un sceau
laïc, c’est le nom du possesseur du sceau qu’il valorise.
2. – Les sources
Après cet examen des images emblématiques des Du Chastel, il convient maintenant
de s’intéresser aux sources qui les attestent.
Sceaux
Les sceaux constituent la source la plus importante qui nous renseigne sur la
représentation illustrée des personnes, et cela aussi bien au point de vue qualitatif que
quantitatif. En effet, le sceau est porteur d’informations de valeur juridique, tandis que les
armoriaux sont une source littéraire. Le sceau est donc supposé transmettre une information
14
exacte. On sait qu’il est daté rigoureusement (date de lieu et de temps) par l’acte auquel il est
13
Tandis que les ailes volantes se rapportent aux affaires spirituelles et les ailes mixtes, l’une volante, l’autre
abaissée,
signalent une situation intermédiaire.
14
Dans les chancelleries ou les bureaux d’écriture locaux de forte activité, l’acte n’est pas scellé immédiatement
après sa rédaction, mais dans la semaine ou les semaines – voire l’année, mais les exemples sont exceptionnels –
qui suivent, en audience du sceau, le Sceau. Les dates de l’acte données au sceau sont donc conventionnelles.
8
appendu. En outre, le sceau de validation, selon son type diplomatique, transmet des
informations sur l’autorité de son titulaire et l’étendue de son pouvoir. Son type sigillaire
renseignera, quant à lui, davantage sur le milieu social d’appartenance et l’art du graveur. Le
signet, pour sa part, au point de vue diplomatique, n’est pas un sceau de validation, mais une
marque personnelle, à usage privé, qui témoigne de la présence physique de son titulaire au
moment du scellage, quand on le trouve apposé au bas d’un document, car le signet au Bas
Moyen Âge est le seul sceau qui reste en la possession directe de son possesseur, porté en
bijou de corps, perpétuant l’anneau sigillaire ou suspendu en breloque, mais il n’a pas de force
en justice.
Valeur juridique du signe, témoin de vérité comme l’annonce l’acte écrit qui le porte, le
sceau revêt une image et fait corps avec elle. Mais dans le choix de cette image, une image
15
16
qui procède, sauf rares exceptions , d’un art officiel aux mains d’ateliers d’orfèvres , nous ne
savons pas la part de décision du possesseur du sceau. Tous les cas de figures existent
certainement, de la volonté exprès d’un prince esthète à la matrice pré-gravée, achetée auprès
d’un marchand, la légende à inscrire chez l’orfèvre local. Au cas par cas, il est impossible de
déterminer les circonstances de l’acquisition d’une matrice si l’information n’est pas
explicitée par un document écrit (facture, révocation de sceau, etc.).
Néanmoins, pour ce qui concerne la légende du sceau, comportant l’énoncé du nom de
baptême et du patronyme du sigillant, il est clair que l’information a été précisément donnée
au graveur. En effet, Pour un nom de consonance étrangère, le nom gravé dans la légende du
sceau respecte la langue d’origine, tandis que dans l’acte écrit, la transcription est souvent
phonétique. Il s’en déduit que dans la chancellerie où l’acte est rédigé, la langue du nom n’est
pas familière. On l’observe aussi bien en Bretagne, en Normandie, en Flandre…, quand le
scribe manie le français ou le latin mais ignore les autres langues. Et l’observation est
générale à l’Occident. Tandis que sur le sceau, l’orthographe du nom, en langue vulgaire, peut
présenter des variantes, évoluer au cours du temps, jamais, cependant, elle n’est purement
phonétique. Cela laisse supposer que l’artiste dispose pour graver la légende sigillaire d’un
document écrit confié lors de la commande.
D’autre part, l’imagerie même des sceaux et le caractère stéréotypé des figures, sous une
mise en œuvre variée, induisent l’existence de carnets de modèles dans les ateliers. Il est
patent, en effet, que le graveur dispose d’une imagerie prête à l’emploi, au XIVe siècle, au
moment de la plus grande diffusion du signe, spécialement dans les centres urbains
importants. Si bien que de la matrice de sceau vendue pré-gravée au travail de commande, il
n’est pas aisé de savoir qui a choisi l’image, le sigillant ou l’orfèvre. En tout état de cause, dès
lors que le sigillant scelle, il se reconnaît dans le signe qui porte son nom et fait sienne
l’image qui le revêt.
Dans le cas des sceaux des Du Chastel, l’image perpétue d’un document à l’autre une
tradition familiale. De toute évidence, chaque matrice est un travail de commande,
l’information fournie au graveur. En outre, si le sceau équestre de Bernard est un instrument
de prestige, les choix sont tout à fait classiques, ensuite, de belle facture, indéniablement, mais
conventionnels. Les sceaux des Du Chastel montrent leur efficacité, affichant seulement sous
les types diplomatique et sigillaire les élément de leur emblématique familiale et personnelle,
et leur nom, sans embellissement superfétatoire.
Mais, même à quelques mois près, combien de sources de l’histoire peut-on citer dont la datation est aussi
précise
?
15
Une image sigillaire peut être maladroite dans son organisation, elle peut être aniconique, anépigraphe, ne
porter qu’un dermatoglyphe ou une trace de dent, le sceau n’en est pas moins signe de validation si le sigillant
l’appose
comme tel.
16
Orfèvres, graveurs ou fondeurs-mouleurs qui travaillent le métal vil.
9
Armoriaux
Passant aux sources armoriales, l’information est à lire sous un tout autre éclairage.
Les armoriaux n’ont pas le rôle majeur des sceaux. Les armoriaux ne prouvent pas. En
revanche, ils font rêver leurs contemporains et honorent une éthique. Le genre a sa genèse
dans l’écriture même du roman historique. L’armoirie apparue dans la première moitié du XIIe
siècle, dès 1165, elle illustre le nom de guerriers valeureux dans le Roman de Troyes de
Benoît de Sainte Maure, signe social et déjà trope. Un siècle plus tard, le succès est tel, succès
du signe de reconnaissance et succès de la tournure littéraire, que le genre armorial est
constitué, toujours chargé de mettre en valeur un groupe social : hommes d’armes, corps des
bourgeois d’une ville, corps de métier…, chaque œuvre se donnant sens dans l’unité de ses
sélections, miroir social, mémoire d’honneur, ou, les siècles passant, tableau des vanités.
Bref, les armoriaux touchent non seulement au domaine de l’imaginaire et du sensible
par le biais des représentations, mais aussi à celui de l’idéologie par le choix de leurs entrées
et de leur agencement. Leur écriture transmet par l’image un ordo, chevaleresque, urbain…
Autrement dit, bien loin du caractère ludique ou d’aide-mémoire qui leur est parfois prêté,
tous les recueils armoriaux du Moyen Âge apparaissent à l’étude comme des programmes
idéologiques. Et sous cet angle, ils sont une source de l’histoire.
Que l’on trouve dans les armoriaux l’écu des Du Chastel, chaque emblème puise dans
sa mise en œuvre une force abstraite, bien au-delà de la réalité du cercle restreint de noms
contenu dans le livre, pour illustrer symboliquement la noblesse de sa marche, bretonne,
française et tout simplement de l’Occident chrétien – spécialement, dans le cas des armoriaux
universels qui ajoutent à la fine fleur des royaumes chrétiens, les souverains musulmans et les
figures mythiques de l’idéologie chevaleresque.
C’est ainsi que les Du Chastel ont une entrée dans des recueils majeurs, tels que
l’armorial Wijnbergen, un recueil brabançon datable des années 1270-1285, celui d’Urfé, du
tournant du XIVe siècle (vers 1380-1400), avec des ajouts postérieurs, celui du héraut Berry
(vers 1455), du nom d’un roi d’armes de Charles VII, Gilles le Bouvier, et, dernier des
universels utiles, le Bergshammar, compilation qui puise à plusieurs traditions dont celles des
17
deux premiers avec ses propres traits originaux, le travail exécuté vers 1435-1450 . On trouve
également Tanguy le prévôt de Paris dans un armorial institutionnel, l’armorial de l’ordre du
Croissant (vers 1460-1480), ordre créé en 1448 par René d’Anjou. Ici, c’est la carrière du
personnage qui compte, ses origines importent peu.
Le fait que les Du Chastel soient retenus dans ces deux groupes de sources armoriales
dit indéniablement leur appartenance à l’élite de la noblesse bretonne et aussi leur renommée.
Car le héraut sait choisir la bravoure, au XIIIe siècle ; dans les noms qu’il retient, il fait l’éloge
du preux. Au XVe, c’est une tradition d’écriture qui se perpétue, le canevas ici ou là actualisé
dans de nouveaux noms ou quelque détail.
À côté de cela, les armoriaux factices, qui datent tous des XVIIe-XVIIIe siècles, ne
présentent pas d’intérêt au point de vue héraldique, pour le Moyen Âge. Ce sont des sources à
connaître, néanmoins, pour leur apport anthropologique et social.
17
Berry est le seul armorial ancien qui mentionne le nom de Trémazan. Wijnbergen : La Haye, ms. de
l’Association royale néerlandaise de Généalogie et d’Héraldique, original. Urfé : original perdu, copies
anciennes : BnF, mss fr. 32753, 9477. Berry : BnF, ms. fr. 4985, original. Bergshammar : Stockholm, Arch. de
l’État, coll. Bergshammar, original. L’armorial du Croissant est cité d’après la version du fr. 25204.
10
Maintenant, que nous disent les formes dans lesquelles les Du Chastel se reconnaissent de
manière récurrente, durant les trois derniers siècles du Moyen Âge : fascé, or-gueules,
château, léopards ; le château, surtout, et les léopards.
Le fascé, partition et rebattement, sont la schématisation des pièces de renfort apportés, à
l’origine, aux boucliers des combattants. Le château, pour sa part, on l’a compris, est parlant
sur le nom d’origine de la maison ; formule qui s’explique par la pensée analogique, soit le
mode de créativité de base le plus fécond en science cognitive. Les léopards, eux, léopards
plutôt que lions car la source aux lions est unique, l’armorial du Croissant, alors que tous les
sceaux montrent des léopards, ces léopards, donc, empruntent moins sûrement à la maison de
Léon qu’au fond iconographique européen dans lequel puise le bestiaire héraldique. Léopard,
lion, griffon et dragon sont particulièrement appréciés dans tout l’Occident comme supports.
Ils sont des formes sigillaires parahéraldiques très à la mode dans les milieux nobles, durant
les deux derniers siècles du Moyen Âge, si bien que lorsqu’une maison investit
symboliquement l’une de ces formes, on n’a pas les moyens, aujourd’hui, de le savoir sans
indication écrite contemporaine de l’emploi, sauf à risquer une surlecture – fautive sur le plan
scientifique.
Enfin, pour clore cette approche de la représentation emblématique des Du Chastel, on ne
saurait s’intéresser au nom et à son signe de reconnaissance sans se servir de ce dernier pour
tenter de sonder son rayonnement local. Ainsi, en deux cartes du Léon, la première exploitant
les sources médiévales, la seconde, les armoriaux factices, les figures fasce, fasces en nombre,
fascé et les émaux or-gueules, figure et couleurs combinées ou non, on peut se faire une idée
de l’influence de la maison ou de l’imitation qu’elle a suscitée. Tantôt, c’est l’alliance qui a
fait revêtir l’écu illustre ; tantôt, une branche cadette a pris le nom de sa terre mais rappelle
son origine par l’image ; mais aussi souvent on observe une proximité du choix des formes
sans pouvoir l’interpréter, faute d’archives…
En somme, le fascé d’or et de gueules, de six pièces, émergé dans la seconde moitié du
e
XIII siècle, joue pleinement son rôle de signe dans la longue durée, à mesure que l’usage se
diffuse dans la société, – les sources anciennes et factices illustrent deux étapes de cette
diffusion, le Bas Moyen Age et la Renaissance d’un côté, le XVIIe siècle de l’autre –, et trace
autant une parentèle qu’une zone d’influence. Quelle est la part de l’une et de l’autre, on ne
sait pas, les sources font défaut pour l’évaluer. Maintenant s’il y a un fait spécialement
remarquable dans cette emblématique léonarde, c’est l’unité du signalement (or-gueules,
fasce/fascé) des maisons nobles Du Chastel et Penhoat, ancrées aux deux extrémités du pays.
[fichier : carte 1]
Légende : noms dont l’armoirie (fasce, fasces en nombre, fascé, or-gueules) est connue par des sources
médiévales.
[fichier : carte 2]
Légende : noms dont l’armoirie (fasce, fasces en nombre, fascé, or-gueules) est connue par des sources factices.
Résumé : Dans cette approche symbolique de la maison du Chastel, nous ne nous
intéresserons pas aux événements qui ont fait la fortune du nom, ni aux carrières, du moins
pas directement, mais aux images dans lesquelles les uns et les autres se sont reconnus,
images officielles dans les sceaux, images idéalisées dans les armoriaux médiévaux. De ces
11
images, entre formes, sens et mémoire d’une famille aristocratique bretonne, nous
remonterons aux documents qui les font connaître, à la valeur de ces derniers comme sources
historiques, produites dans une certaine perspective, avec un sens déterminé par l’attente d’un
public et l’intention de l’auteur dans le cas d’un armorial, du possesseur lorsqu’il s’agit d’un
sceau. Cela nous permettra d’analyser les choix symboliques des du Chastel dans la durée, en
relation avec le temps de chacun des membres dont la représentation est conservée. Car du
XIIIe siècle à la Renaissance – et à l’époque moderne, pour certains armoriaux – , le sens, le
goût ont évolué et portent une leçon qu’il s’agit de savoir reconnaître, entre l’attrait pour des
formes communes, dans la production du royaume et de l’Occident chrétien, formes les plus
représentatives des tendances profondes de la culture du Bas Moyen-Âge, et le rayonnement
local que trahissent les armoiries de maisons voisines.
_____________
Annexes
Catalogue de sceaux
1. Bernard seigneur du Chastel, chevalier
Sceau, du type équestre armorié. Ph. 8 – Guillaume du Chastel [homonyme], sceau Ø 18 mm. AN, J 242 n° 57/9
(1381).
Sceau rond, cire verte scellée sur simple queue, Ø 36 mm.
18
Légende — […]ARDI (croisette) DE : CASTEL/[…]ILITIS (lettre ornée)/
Figure équestre, à droite, le cavalier vêtu d’une cotte d’arme armoriée d’un fascé de six
pièces, sur une cotte de maille, heaume en tête, cimé d’un plumail, se protégeant d’un écu aux
armes et brandissant une épée. ; la monture houssée aux armes.
ADLA, E 161/9 (1274), fichier de sceaux : n° 742.
Une empreinte inventoriée.
Ph. 1 – Bernard seigneur du Chastel, sceau Ø 36 mm. ADLA, E 161/9 (1274).
2. Tanguy [I] du Chastel, chevalier bachelier, capitaine des château et ville de Brest en 1342,
avec Henri de Kaer.
A – Sceau
du type armorial.
Sceau rond, Ø env. 30 mm.
Légende — [...]LI/TIS /
18
L’image du champ ponctue la légende en la joignant ou en la transgressant, à l’exergue, les sabots antérieurs
du cheval touchant le pied de deux lettres du nom de baptême (A et R), les sabots postérieurs scindant le nom
d’origine, la pointe de l’épée et le cimier séparant ensemble le commencement et la fin du texte de légende.
12
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, surmonté d’un heaume à long volet et cimé d’un
château ouvert ; la figure dans un polylob de six pièces, ouvragé, brochant sur un filet
circulaire.
Images personnelles, 960 (1342) ; (1342).
Deux empreintes inventoriées.
Ph. 2 – Tanguy du Chastel, sceau Ø env. 30 mm. AN, J 241 n° 43 (1342).
– Sceau du type armorial.
Sceau rond, 25 mm.
Légende — [...]GILL[...] / D(OMI)NI DE [...]STEO
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, surmonté d’un heaume cimé d’un château ; la figure
entre deux rameaux (chêne), dans un cartouche.
Images personnelles, 961 (1350).
Une empreinte inventoriée.
B
3. Gacien du Chastel, chevalier
Sceau du type armorial.
Légende et dimensions inconnues.
19
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, à l'étoile , surmonté d’un heaume cimé de deux
têtes d'oiseau (cygne) affrontées, sur une couronne ; en supports deux griffons.
Images personnelles, 950 (1369).
Une empreinte inventoriée.
4. Cour d'Hervé seigneur du Chastel, au port de Poultaniou (auj. Pontaniou en Brest), précisé
au terroir d'Hervé.
Sceau aux contrats, du type armorial.
sceau rond, env. 30 mm.
Légende détruite.
Sceau à l’écu droit, fascé de six pièces, timbré d’un buste de face ou d’une fleur feuillée, et
accosté d’un léopard adossé à l’écu, au flanc dextre, le flanc sénestre perdu ; la figure dans un
polylobe à redents, inscrit dans un filet circulaire.
Images personnelles 946 (1395).
Une empreinte inventoriée.
4 bis. Hervé sire du Chastel, chevalier, jure le second traité de Guérande à Guingamp
Sceau personnel, du type armorial.
sceau rond, Ø 33 mm.
Légende — S: HERVE [D]U CHASTE[L]
19
Dom Morice ne blasonne pas l’écu, le disant aux armes des Du Châtel, brisé d'une étoile.
13
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, surmonté d’un heaume cimé d’une tour ouverte, sur
une couronne, et accosté de deux léopards ; le champ semé de trèfles.
Images personnelles 953 (1381).
Une empreinte inventoriée.
Ph. 3 – Hervé sire du Chastel, sceau Ø 33 mm. AN, J 242 n° 58/33 (1381).
5. Mahieu du Chastel, chevalier
Sceau, du type armorial.
sceau rond, env. 25 mm.
Légende détruite.
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, au lambel, surmonté d’un heaume, de face, cimé
d’un château ouvert, sur une couronne ; en supports, deux chiens (lévrier) colletés et bouclés ;
un rameau de part et d'autre du cimier ; le champ bordé d'un filet orné.
Images personnelles 956 (1392).
Une empreinte inventoriée.
6. Guillaume du Chastel, chevalier, chambellan du roi et du duc d'Orléans. (Voir aussi infra
les armoriaux factices).
Sceau, du type armorial.
Légende et dimensions inconnues.
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, surmonté d’un heaume cimé d’un château ouvert,
sur une couronne ; en supports, deux léopards.
Images personnelles 951 (1403) ; (1403).
Deux empreintes inventoriées.
7. Hervé du Chastel, écuyer
Sceau du type armorial.
sceau rond, env. 25 mm.
Légende — [...] / CHAST[...] /
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, au croissant ( ?) en chef, surmonté d’un heaume
cimé d’un château ouvert, herse levée, sur une couronne ; en supports, deux léopards.
Images personnelles 954 (1415) ; (1416).
Deux empreintes inventoriées.
Ph. 4 – Hervé du Chastel, sceau Ø env. 25 mm. ADIV, 23 J 119 (1416).
8. Olivier sire du Chastel, chevalier
Sceau du type armorial.
14
sceau rond, 29 mm.
Légende — S': OLIVIER / (RAMEAU) DU CHASTEL /
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, surmonté d’un heaume cimé d’un château ouvert,
herse levée, sur une couronne ; en supports, deux léopards ; un rameau de part et d'autre du
cimier.
Images personnelles 957 (1419) ; (1427), trois empreintes ; (14..).
Cinq empreintes inventoriées.
Ph. 5 – Olivier sire du Chastel, sceau Ø 29 mm. AN, J 244 n° 99/12 (1427).
9. Tanguy [II] du Chastel, chevalier, conseiller et chambellan du régent puis du roi, maréchal
de Guyenne en 1416, maréchal des guerres en 1420, prévôt de Paris en 1416 et 1418,
gouverneur d'Aigues-Mortes en 1434, viguier et châtelain de Beaucaire et d'Aigues-Mortes en
1438, lieutenant du gouverneur du Languedoc en 1446 et 1454. Marié à Sebille Le Veier.
(Voir aussi infra le catalogue armorial.)
A – Sceau du type armorial.
sceau rond, 40/43 mm.
Légende — [...] TANGUY DU CH/ASTEL
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, à la roue en abîme, surmonté d’un heaume cimé
d’un château ouvert, herse levée, sur une couronne ; en supports, deux léopards ; des rameaux
dans le champ ; un filet à rehaut séparant le champ de l’exergue.
Images personnelles 962 (1416) ; (1418) ; (1420), trois empreintes ; (1421) ; (1422) ; (1433) ;
(1434), deux empreintes ; (1437) ; (1438) ; (1446) ; (1454) ; (1457).
B – Signet,
du type emblématique, anépigraphe.
sceau ovale, 10 x 8 mm.
signet au portrait, un profil à gauche.
Images personnelles 963 (1416).
Une empreinte inventoriée.
10. Anonyme.
Sceau, du type armorial.
sceau rond, fragment
Légende détruite.
Sceau à l’écu droit, fascé de six pièces, au lambel, accosté de deux palmes…
Images personnelles 3693 (1456).
Une empreinte inventoriée.
11. Tanguy [III] du Chastel, chevalier, vicomte de La Bellière et seigneur de Rénac, conseiller
et chambellan du roi, premier écuyer de corps et maître de l’écurie du roi, en 1460,
gouverneur du Roussillon, en 1476.
15
Sceau du type armorial.
sceau rond, 40 mm.
Légende — S' TANGUY D/U CHAST/EL
Sceau à l’écu penché, fascé de six pièces, à la bordure componnée, surmonté d’un heaume
cimé d’un château sur une couronne ; en supports, deux léopards ; la légende sur un
phylactère, la volute initiale dans le champ.
Images personnelles 964 (1460) ; (1468) ; (1475) ; (1476).
Quatre empreintes inventoriées.
12. Jehanne de Malestroit, veuve de Tanguy du Chastel, chevalier de l'Ordre, gouverneur du
Roussillon pour le roi.
A – Sceau,
du type armorial.
sceau rond, Ø 23 mm.
Légende – IEHANNE DE MALESTROIT
Sceau à l’écu en losange, mi-parti, au I d'un fascé de six pièces, à la bordure componnée ; au
II besanté ; accosté de quatre rinceaux, un à chaque flanc.
Images personnelles 2575 (1481).
Une empreinte inventoriée.
B – Sceau
du type armorial.
sceau rond, Ø env. 30 mm.
Légende détruite.
Sceau à l’écu en losange, mi-parti, au I d'un fascé de six pièces, à la bordure componnée ; au
II d'un écartelé, aux 1/4 besanté ( ?), aux 2/3 contre-écartelé de cinq billettes ( ?) en sautoir
et de deux fasces ; l’écu brochant et tenu par un ange, la tête au timbre, les ailes abaissées.
Images personnelles 2576 (1492).
13 Cour de Tanguy seigneur du Chastel.
Sceau aux contrats, du type armorial.
Légende détruite.
sceau rond, Ø env. 40 mm.
sceau à l’écu droit, fascé de six pièces, accosté de fleurs ( ?).
Images personnelles 947 (1497).
Ph. 6 – Cour de Tanguy seigneur du Chastel, sceau aux contrats Ø env. 40 mm. ADF, 1 E 24/1 (1497).
14. Olivier, évêque de Saint-Brieuc (1506-†1525).
Sceau de l’évêque, de type armorial.
sceau rond, Ø env. 34 mm.
Légende détruite.
Sceau à l’écu droit, fascé de six pièces, brochant sur une crosse, le crosson au timbre.
16
Images personnelles 959 (1519).
Une empreinte inventoriée.
15. Cour de Rénac.
Sceau aux contrats, du type armorial.
sceau rond, Ø env. 40 mm.
Légende — [...]E COU[...]
sceau à l’écu droit, fascé de six pièces, à la bordure, timbré d’un végétal.
20
Images personnelles 3116 (1499) .
Une empreinte inventoriée.
Ph. 7 – Cour de Renac, sceau aux contrats Ø env. 40 mm. ADIV, 1 F 1228 (1499).
Homonymes, sceaux.
21
Guillaume du Chastel, écuyer, jure le second traité de Guérande à Guérande .
sceau du type armorial.
sceau rond, 18 mm.
Légende — S' [...]/ U[...] / [...]U /
sceau à l’écu droit, au château, dans un trilobe à redents.
Images personnelles 966 (1381).
Une empreinte inventoriée.
Ph. 8 – Guillaume du Chastel [homonyme], sceau Ø 18 mm. AN, J 242 n° 57/9 (1381).
Jaquet Chastel / Chatel, écuyer, jure le second traité de Guérande à Dinan.
Signet anépigraphe, de type emblématique.
Sceau rond, Ø moins de 10 mm.
signet au portrait, plein champ, un profil.
Images personnelles 583 (1381).
Une empreinte inventoriée.
Catalogue armorial
Armoriaux universels
20
Ibidem, une source de seconde main relève une empreinte de 1516 et la blasonne à l’écu plein. Si la
description
du sceau est juste, l’empreinte provient d’une seconde matrice.
21
L’armorial de Guérande attribue, à tort, à un homonyme l’armoirie de la maison léonarde.
17
Urfé : Celui du Castel, blason fascé d’or et de gueules de six pièces.
Bergshammar : m. du Chastel, écu figuré, aux armes.
Berry : le sire du Chastiel de Tremazan, écu figuré, aux armes.
Images personnelles 948.
Armorial institutionnel
Armorial de l’ordre du Croissant : Tanguy [II] du Chastel, chevalier de l'ordre du Croissant,
sénéchal de Provence, dit trépassé. (Voir aussi supra le catalogue de sceaux, n° 9).
écu figuré, fascé d’or et de gueules de six pièces, à la roue de sainte Catherine d'azur en
abîme, surmonté d’un heaume cimé d’un château d'argent, sur une couronne d'or ; en
supports, deux lions d'or. La figure soutenue de la devise de l’Ordre LOS EN CROISSANT.
Images personnelles 962.
22
Armoriaux factices
Guérande : Guillaume du Chastel, fascé d’or et de gueules de six pièces.
Voir supra Homonymes.
23
Montendre : Guillaume du Chastel, l’écu figuré d’or à la croix engrêlée de gueules .
Voir supra n° 6.
Pierre II : François sire du Chastel, blasonné fascé d’or et de gueules de six pièces.
Images personnelles 949.
Rennes A : Hervé du Chastel, blasonné fascé d’or et de gueules de six pièces, au lambel
d'azur.
Images personnelles 955.
Léon A, Léon B : Olivier sire du Chastel, commissaire de la montre reçue à Lesneven, en
1467, avec Guillaume de Penhoat, Tanguy de Kermavan, et Thomas de Kerazret, blasonné
fascé d’or et de gueules de six pièces.
Images personnelles 958.
22
Armorial de Guérande : BnF, ms. fr. 22361, p. 11-30 ; Armorial de Léon A : Ibid., p. 314-324 ; Armorial de
Pierre II : Ibid., p. 144-151 ; Armorial de Rennes A : BnF, ms. fr. 5506, p. 131-164 ; Armorial de Léon B : Ibid.,
p. 169-182 ; Armorial de Montendre : BnF, ms. Clair. 901, p. 121.
23
L’auteur de ce petit armorial fait à tort de Guillaume un Du Châtel-lès-Nangis, maison illustrée dans la marche
d'Ile-de-France des armoriaux médiévaux, dès le XIIIe siècle.