L`homonymie viticole - Un cas de bonne foi

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L`homonymie viticole - Un cas de bonne foi
L’homonymie viticole : Un cas de bonne foi
L’emploi, par un viticulteur de bonne foi, de son nom de famille n’est pas constitutif d’un acte de
contrefaçon d’une marque tierce, que cet emploi soit antérieur ou postérieur à l’enregistrement de
la marque opposée.
Il s’agit là d’une exception légale au droit des marques, selon laquelle tout à chacun conserve, sous
certaines conditions, la faculté d’employer son nom de famille à des fins commerciales ; ceci relève,
au demeurant, de l’exercice de l’un des attributs fondamentaux du droit de la personnalité.
Dans le domaine de la viticulture, cette dérogation est d’importance, tant foisonnent des noms de
vins, issus d’exploitation viticoles distinctes, ayant recours à des patronymes communs.
Toutefois, les conditions d’application sont strictement encadrées, et ce afin d’éviter que l'usage ne
dégénère en abus par une intention malveillante de créer une confusion ou de parasiter la marque
tierce.
L’article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet que : « l’enregistrement d’une
marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :
a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à
l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ».
La bonne foi de l'homonyme est fréquemment retenue lorsqu'il est établi qu'il exerce lui-même un
commerce effectif sous son nom patronymique, ou anime lui-même une société se livrant
effectivement à une activité de fabrication et de commercialisation sous ce nom de famille.
Au contraire, l'usage de l'homonyme est, le plus souvent, considéré comme frauduleux lorsque le
porteur du nom ne joue qu’un rôle de prête-nom ou n’est qu’un associé minoritaire au sein de la
société à laquelle il s’identifie.
Dans l’affaire rapportée, il ne pouvait donc être reproché aux juges d’appel de ne pas avoir recherché
si l’emploi incriminé était antérieur, ou non, à l’enregistrement des marques invoquées, à partir de
l’instant où il avait été constaté que Messieurs Serge et Raymond HENRIOT exerçaient en qualité de
gérants, de réelles fonctions de contrôle et de direction, de sorte qu’ils avaient toute légitimité à
mettre en exergue de leur patronyme dans la dénomination sociale de leur entreprise à laquelle ils
s’identifiaient.
Les sociétés CHAMPAGNE HENRIOT et MASAI, titulaires de marques champenoises, intégrant le
terme HENRIOT, étaient donc malvenues à vouloir interdire aux sociétés CHAMPAGNE SERGE
HENRIOT EARL et RAYMOND HENRIOT SARL et à Monsieur Raymond HENRIOT, de commercialiser du
champagne, des vins crémants ou blancs de blanc sous les dénominations commerciales RAYMOND
HENRIOT, CHAMPAGNE SERGE HENRIOT, CHAMPAGNE RAYMOND HENRIOT, en adoptant leurs
dénominations sociales actuelles et en réservant le nom de domaine www.champagne-sergehenriot.fr.
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Rappelons que l'homonymie se limite légalement à la faculté d’employer, de bonne foi, son nom de
famille comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne (voire nom de domaine), ce qui
exclut, de ce fait, la possibilité d’un dépôt de marque le comprenant.
Toutefois, la jurisprudence en matière de marques viticoles n’est pas, pour autant, constante,
admettant, dans certaines occurrences, que l’homonyme puisse fonder un droit sur la marque
viticole à la condition d’y adjoindre des éléments différenciateurs suffisants (prénoms du viticulteur,
graphismes distincts, indications de la localisation géographique de la production, etc.) pour éviter
toute confusion avec la marque tierce.
En cas de confusions avérées, le titulaire de la marque pourra toujours demander en justice la
réglementation, voire l’interdiction, de l’emploi commercial du patronyme, qu’il soit de bonne foi, ou
même antérieur à l’enregistrement de la marque opposée.
Afin d’éviter de telles déconvenues, on ne saurait que trop recommander à tout viticulteur
souhaitant employer son nom de famille dans ses activités professionnelles de le déposer à titre de
marque après s’être assuré de sa disponibilité juridique.
Cass. Com, 21 juin 2011, CHAMPAGNE HENRIOT SAS et SOCIETE MASAI (Luxembourg) c. CHAMPAGNE
SERGE HENRIOT EARL, RAYMOND HENRIOT SARL et Raymond HENRIOT
Par Philippe Rodhain
Conseil en Propriété Industrielle
Date : Septembre 2011
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