La conception des réseaux d`eau sanitaire

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La conception des réseaux d`eau sanitaire
Conception des réseaux sanitaires
Jacques NAITYCHIA
Ingénieur hospitalier, ancien gestionnaire des risques dans les réseaux sanitaires à la Direction
Générale de l’AP-HP
A participé au règlement des problèmes liés aux légionelles de l’hôpital Georges
Pompidou en 2001.
Fut chargé de mission pendant 4 ans pour assister les hygiénistes, ingénieurs et
techniciens lors des épisodes de contaminations des réseaux sanitaires.
Fut responsable, pour les travaux neufs, de l’élaboration des cahiers des charges,
de leur application, de la validation des études de dimensionnement jusqu’à la mise au point et la réception
des installations sanitaires.
Actuellement, ingénieur conseil dans la société Isagua Concept spécialisée en Formation, Conseil et
Expertise dans les réseaux sanitaires.
■ Assure les actions de formation « maitrise des risques sanitaires dans les réseaux d’eau » pour le
Centre Technique et Scientifique du Bâtiment (CSTB).
Les bureaux d’étude de maîtrise d’œuvre et d’exécution
• Les entreprises.
• Les administrations DRASS et DASS.
• Les maitres d’ouvrage.
■ Assure les conseils et l’assistance pour les hôpitaux ayant des projets de construction
• Les bureaux d’étude pour le dimensionnement.
• La recherche et l’identification de l’origine des désordres dans les réseaux par la méthode ATP
métrie.
• La prescription et la mise en place des actions préventives et curatives.
■ Assure les expertises des réseaux dans les établissements de santé.
“
Nous allons passer à la présentation de Monsieur NAITYCHIA qui était ingénieur hospitalier à
l’Assistance Publique de Paris. Il s’est beaucoup impliqué dans l’épidémie d’un Hôpital célèbre de
la région parisienne.
Mais avant, pour reprendre la notion d’amibe, c’est le cheval de Troie, et personnellement je me
suis fortement opposé à une première Circulaire du Ministère qui demandait de désinfecter au
chlore l’eau des réseaux. C’est à mon avis une hérésie (et cela est maintenant démontré) car les
micro-organismes se trouvent à l’intérieur des amibes qui résistent à de fortes concentrations de
chlore. Finalement, en traitant au chlore, on est d’une part confronté à la résistance des amibes
au chlore, et d’autre part, on sélectionne des micro-organismes plus résistants et plus pathogènes.
La maîtrise doit donc prendre en compte ces phénomènes microbiologiques.
”
Philippe HARTEMANN
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A
vant tout, il est important de comprendre
qu’une bonne conception des réseaux est
une étape indispensable à la prévention et à la
lutte contre les bactéries.
Une longue étape reste encore à franchir dans la
conception des réseaux bouclés que ce soit en
milieu hospitalier ou dans les installations collectives.
Il faut noter que les actions curatives (chocs
thermiques ou chlorés) n’atteignent que partiellement les zones de non-circulation et n’agissent
que sur les bactéries libres dans l’eau (pas dans le
biofilm). Néanmoins, c’est cette eau que nous
utilisons pour nos besoins et particulièrement pour
la douche.
Le fonctionnement d’un réseau d’eau chaude
bouclé
La température
Le bouclage est une canalisation permettant
d’assurer une circulation permanente et le maintien
en température des canalisations de distribution.
Une boucle est constituée d’un collecteur «aller»,
d’une canalisation de bouclage (ou «retour») et
d’un organe de réglage. Le débit est assuré par
une pompe. Son fonctionnement est identique à
une installation de chauffage par radiateurs.
La réglementation précise que les systèmes de
distribution sont à l’origine du plus grand nombre
de cas de légionellose. Dans toutes les circulaires,
le problème de la conception des installations,
de la maintenance et de la maîtrise de la
température de l’eau sont mentionnés. Dès lors
que ces 3 points essentiels sont maîtrisés, les
recours aux actions curatives, chocs thermiques
et chlorés ne devraient plus être nécessaires.
La principale cause du développement des
légionelles dans les réseaux d’ECS est la
stagnation de l’eau dans les canalisations de
bouclage. À défaut de circulation dans une ou
plusieurs boucles, l’eau devient stagnante et
l’abaissement de température (28°C - 45°C) est
favorable au développement des légionelles.
La longueur des antennes
Les divers guides préconisent que « la longueur
des antennes doit être la plus courte possible ». On
constate sur le terrain que la longueur des antennes
n’est pas un critère de risque pour les légionelles,
par contre un réseau contaminé ensemence
l’ensemble du réseau, quelle que soit leur longueur,
ce paramètre doit rester un critère de confort et
d’économie. Les différents textes préconisent
3 litres dans l’arrêté brûlure (soit une longueur
d’antenne correspondant à 20 m de canalisation
en diamètre 14/16) et 3 mètres dans le Guide de
l’eau (DHOS 2005).
La stagnation de l’eau est liée :
Quel choix pour les concepteurs ?
A la conception du réseau :
La règle des 3 mètres implique pour le concepteur
de multiplier le nombre des boucles ou
d’acheminer la canalisation de grosse section à
proximité du point d’utilisation. Cette dernière
solution satisfaisante sur le plan hydraulique a un
coût non négligeable sur le plan financier sachant
qu’elle n’améliore en rien l’aspect qualité
bactériologique de l’eau. Cela se traduit dans la
plupart des cas par un bouclage par piquage, par
chambre ou par robinet. Ce schéma est viable
lorsqu’il est projeté suite à une étude hydraulique
sérieuse (mais hélas, c’est rarement le cas).
Imposer ce schéma, se traduit dans la plupart des
cas par une erreur de conception au sens
hydraulique qu’il faudra corriger dès l’apparition de
la contamination.
■ Difficulté de répartir l’eau dans chaque bouclage
(phénomène d’équilibrage).
■ Obstruction des organes de réglage inadaptés
aux débits mis en œuvre.
A la maintenance du réseau :
■ Défaut de surveillance des débits ou de températures.
■ Colmatage des organes de réglage et des
canalisations.
Le biofilm s’installe et nourrit en permanence le
réseau et la production. Le biofilm représente
99 % du nombre des légionelles et seulement
1 % de ces légionelles sont véhiculées dans le fil
de l’eau.
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■ La réglementation demande une température
de 50°C en tout point du réseau, c'est-à-dire
sur l’ensemble des canalisations maintenues
en circulation. Je précise que ce n’est donc
pas la température prise au niveau du puisage
même si cela reste un indicateur. Un réseau
correctement conçu a une température de
l’ordre de 57°C (pour des raisons hydrauliques
liées à la conception). On peut affirmer que si
tous les bouclages fonctionnent il y a peu de
risque de développement de légionelles.
Il vaut mieux concevoir des antennes de
plusieurs mètres alimentées par un bouclage à
57°C que des antennes très courtes alimentées
par des bouclages à 30°C.
Comment concevoir un réseau d’eau chaude
sanitaire pour prévenir la contamination du
réseau par des légionelles ?
dégazage de l’oxygène dissout dans l’eau. C’est
la raison pour laquelle on retrouve ces bactéries au
niveau de la robinetterie, les électro-vannes, les
régulateurs de pression…
Les Pseudomonas se multiplient et colonisent
le réseau dans un environnement de l’ordre de
25°C à 36°C et en présence d’oxygène.
Comment limiter les causes du réchauffement et
■ Concevoir une architecture de réseau la plus permettre la mise en œuvre d’actions curatives
simple possible et réaliser les calculs de simples ?
Une bonne conception c’est :
dimensionnement des canalisations de bouclage.
C’est la condition sine qua none si l’on veut
maîtriser les débits et les températures de l’eau
dans l’ensemble de l’installation.
■ Choisir des matériels d’équilibrage en fonction
des calculs réalisés.
■ Limiter le nombre de bouclages pour faciliter
l’équilibrage et l’exploitation.
Les solutions :
■ Réaliser une conception des réseaux bouclés
dans les nouvelles installations, garantissant
la maîtrise des débits.
■ Adapter le matériel d’équilibrage à l’ECS pour
limiter le colmatage.
■ Revisiter les textes réglementaires, la France
a décidé de revisiter le DTU en 2008. Cela
permettra à terme d’imposer des règles aux
acteurs du dimensionnement.
La contamination par Pseudomonas :
Ce micro-organisme est une bactérie aérobie
stricte.
On constate que la contamination est principalement terminale :
■ Dans la robinetterie, si l’adhésion est réversible,
la bactérie peut-être évacuée par simple
puisage.
■ Dans la robinetterie et sa canalisation d’alimentation, l’adhésion est souvent irréversible et
nécessite des actions curatives plus lourdes. Elle
est moins fréquente dans les canalisations
principales car elle ne trouve pas de terrain
favorable à son installation (air).
■ Veiller à ce que les pressions d’eau froide et
chaude soient voisines.
■ Installer des clapets pour éviter les retours
d’eau dans le réseau primaire.
■ Abaisser la température dans les pièces de
toilette au point terminal.
■ Limiter la mise en place d’organes permettant
les mélanges, tels les robinets thermostatiques
ou les appareils à chambre de mélange en
général. Cela implique une mise en œuvre de
matériel adapté (robinetterie classique, équipée
de butée de limite de température et d’un
équilibreur de pression, placé en amont pour
les risques de brûlure en cas de coupure ou
de variation de la pression d’eau froide).
■ Eviter les réseaux mitigés, Il faut donc prévoir,
dans la conception des réseaux d’eau froide, la
possibilité de pouvoir réaliser une désinfection
thermique ou thermo-chimique (chlore et ECS à
60°C 1 h ) des antennes, de la robinetterie et des
matériels raccordés (si possible).
En conclusion, prévoir dès la conception une
installation permettant de limiter le risque
et une mise en œuvre rapide d’actions
curatives pour revenir à une situation
normale en cas de contamination.
La principale cause du développement des
Pseudomonas dans les réseaux eau froide sanitaire
est la conjonction de deux éléments : la
température et l’oxygène sous forme gazeux. Le
changement de pression de l’eau provoque le
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