Télécharger le diagnostic - Politiques d`Aménagement Solidaire

Transcription

Télécharger le diagnostic - Politiques d`Aménagement Solidaire
Joliette - Bon Pasteur
Une démarche participative pour une écocité dans
un quartier existant
Lily CELLE
Olivier MICHEL
Yasmine OUADI
Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional
Master 2 Urbanisme et Aménagement
Spécialité « Habitat, Politique de la Ville et Renouvellement Urbain »
Année universitaire 2014-2015
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier Brigitte Bertoncello, Séverine Bonnin-Oliveira
et Nicolas Persyn pour l’aide et l’expertise qu’ils nous ont apportées tout au
long de cette phase de diagnostic, ainsi que pour le temps qu’ils ont consacré
à la relecture de ce travail. Nous remercions aussi Olivier Cadart pour ses
apports tout au long des séances de travail.
Nous remercions Sandra Ben-Brahim, Agent de Développement à
la Politique de la Ville, pour le partage de ses connaissances précises sur le
périmètre étudié. Nous la remercions aussi d’avoir organisé des rencontre
avec Véronique Kloyan, responsable de la concertation pour Euromed, et
Emmanuel Viennot.
Un grand merci à Odile de l’association Petit à Petit pour la présentation
des différentes structures associatives du quartier.
Enfin, un grand merci à tous les usagers du quartier qui ont pris le temps
pour nous raconter leur histoire, leur ressenti, leur connaissance et leurs
envies à propos du quartier.
2<
SOMMAIRE
Introduction
4
PARTIE I : UN DIAGNOSTIC PRÉALABLE POUR REDÉFINIR L’ÉCOCITÉ
7
1 Constitution, évolution et scission d’un quartier
14
2 Un quartier, deux formes de dynamiques métropolitaines
29
Une habitabilité globale aux caractéristiques différenciées
62
PARTIE II : « ÇA PART DE LÀ », UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE
67
1 Préparer le cadre d’un démarche participative
73
2 Le diagnostic participatif en pratique
94
3 Coélaboration du projet
115
Conclusion
120
>3
INTRODUCTION
Depuis le milieu des années 1990, la ville de Marseille est le théâtre d’un vaste projet
de redynamisation de son économie et de renouvellement urbain sur un périmètre central
étendu (290 ha) appelé Euroméditerranée 1. Il s’étend de la façade maritime jusqu’à
la gare Saint-Charles et de la Belle de Mai à Saint-Mauront englobant ainsi « l’arrière
quartier » de la façade littorale dont les quartiers Joliette-Bon Pasteur Arenc. Ce projet
s’est vu doté du statut d’Opération d’Intérêt National en 1995 et repose sur l’engagement
partenarial de l’Etat, la ville de Marseille, la Communauté Urbaine Marseille Provence
Métropole, le Conseil Général des Bouches du Rhône et la Région Provence-Alpes-Côte
-d’Azur. Euroméditerranée se veut être un accélérateur de l’attractivité et du rayonnement
de la métropole marseillaise entre l’Europe et la Méditerranée, ses projets se déclinent
en deux phases (figure 1). La première phase, Euromed 1, a permis la requalification
de la façade maritime entre le Vieux-Port et la désormais fameuse tour CMA CGM.
Une extension du périmètre (Euromed 2) a été approuvée en 2007. Cette phase
du projet visait la labellisation ministérielle EcoCité, obtenue en 2009. Définie par le
Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, l’écocité est un projet
d’aménagement dont « l’enjeu est de soutenir la croissance et l’attractivité des villes, de
les rendre plus respectueuses de leur milieu, moins consommatrices d’énergie ou d’espace
périurbain, tout en répondant aux attentes de leurs habitants actuels et futurs ».
La première phase du projet n’ayant pas été conçue autour des critères d’écocité, la
différence de traitement de ces deux périmètres peut donc interroger quant à la cohérence
de leur aménagement.
4 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 1 : les périmètres du projet d’Euroméditerranée
Source : http://www.euromediterranee.fr/
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LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 5
Afin de saisir comment les outils du développement durable peuvent impulser
une dynamique de développement urbain, il est nécessaire d’établir préalablement un
diagnostic. C’est l’objet de cette étude commandée par la direction de l’Aménagement et
de l’Habitat de la Région PACA (désignée, par la loi du 27 janvier 2014, comme chef de file
dans les champs de l’aménagement et du développement durable du territoire) qui y a
associé le Groupement d’Intérêt Public pour la Gestion de la Politique de la Ville qui poursuit
un double objectif de réduction des inégalités entre les territoires et de revalorisation des
zones urbaines en difficultés. En décembre 2013, le gouvernement déclarait l’année 2014,
année de la transition énergétique. Face à l’urgence du réchauffement climatique et à la
multiplication des désastres environnementaux survenus, il devient impératif de mettre
en place un mode de vie et de développement plus respectueux de la nature. L’écocité est
une réponse à ces impératifs mais son application à des quartiers existants est un défi qui
interpelle le service Aménagement et Habitat de la Région.
Plusieurs questions sous-jacentes à cette commande ressortent : comment appliquer
des principes définis au niveau national à un contexte local ? Comment appliquer le même
concept d’écocité à des territoires aux réalités différentes ?
Nous avons réalisé un diagnostic préalable qui a révélé une grande diversité des
enjeux sur le quartier. Cette caractéristique rend difficilement applicable le modèle de
l’écocité au quartier singulier qu’est Joliette – Bon Pasteur.
En opérant une redéfinition de ce concept, nous nous sommes rendus compte de
la nécessité d’impliquer les usagers. C’est pour cela que le projet que nous proposons
est une démarche participative. Cette dernière redéfinit les enjeux en tenant compte
des perceptions des habitants. Après avoir présenté le diagnostic préalable, nous vous
présenterons cette démarche intitulée « ça part de là ».
6 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Surce : O. Michel, 2014
PARTIE I : UN DIAGNOSTIC
PRÉALABLE POUR REDÉFINIR
L’ÉCOCITÉ
Le périmètre d’étude, Joliette - Bon Pasteur (figure 2a), fait partie de la Zone Urbaine
Sensible (ZUS) Centre Nord, l’une des rares ZUS en France située en centre urbain. Ce
périmètre montre pourtant un double visage. Intégré au périmètre d’Euromed 1, il est en
pleine requalification urbaine. L’étude porte donc sur un quartier aux réalités paradoxales
où se côtoient le cœur des fonctions métropolitaines et des situations de fragilités sociales
aggravées. Ce diagnostic territorial a pour but d’analyser la capacité d’un quartier défavorisé
situé dans le périmètre Euromed 1, à supporter des opérations de renouvellement urbain
en s’appuyant sur la démarche de l’écocité, vecteur d’aménagement durable d’un espace.
L’ambition de ce diagnostic est de s’approprier les enjeux et les problématiques qui
traversent le quartier Joliette-Bon Pasteur afin de proposer un regard différent sur ce lieu.
Il s’agit dès lors d’identifier les dysfonctionnements apparents mais aussi de révéler
les potentialités dans une perspective de ‘’requalification‘’ du quartier dans le cadre de
l’écocité. Néanmoins, les réalités qui caractérisent cet espace nécessitent de s’éloigner de la
seule démarche de l’écocité. En effet, un diagnostic évaluant le quartier à la lumière des trois
grands piliers du développement durable ne saurait suffire à comprendre les mutations et
les besoins d’une population aussi hétérogène que celle de Joliette-Bon Pasteur.
C’est pour ces raisons que les différents éléments d’analyse traités sont appréhendés
sous le prisme de l’habitabilité. Un lieu habitable se définit comme un territoire qui « offre
à ses habitants les capacités suffisantes d’adaptation et de création pour se l’approprier »
(Blanc N., 2010, p.170). Ce concept offre un angle d’approche riche et large pour décliner
les différentes problématiques qui traversent ce quartier, où usages et pratiques des
habitants sont variés. Correspondant à des enjeux divers et transversaux (culturels, sociaux,
économiques, etc.), l’évaluation de l’habitabilité passe par des critères écologiques ainsi
que par la qualité de l’habitat et sa capacité à se maintenir dans le temps. Ainsi, tout en
prenant du recul par rapport aux seules dimensions du développement durable, le concept
d’habitabilité permet de ne pas s’en éloigner.
8 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 2a : Une ZUS au coeur d’Euroméditerranée
La situation du quartier
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Source : IGN, SCAN25, 2014
Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014
LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 9
Dépendante à la fois du logement, du cadre de vie et des possibilités qu’ont les
habitants de s’en saisir, l’habitabilité évolue au fil des transformations d’un lieu et des
habitants qui viennent l’habiter. Touché par de nombreuses opérations de rénovation, voire
par la requalification complète de certains espaces, le quartier Joliette-Bon Pasteur voit
évoluer les possibilités d’adaptation et de création qu’il offre à ses habitants. Ce diagnostic a
donc pour double objectif de comprendre comment les mutations d’un quartier populaire
ont induit une scission, engendrant la création de deux espaces aux caractéristiques
propres, parfois contradictoires ; et comment les complémentarités d’un espace où
coexistent fonctions métropolitaines et situation de précarité contribuent (potentiellement)
au développement d’une habitabilité globale.
10 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE
Afin d’appréhender ce quartier comme pourrait le faire n’importe quel visiteur, nous
avons décidé d’en faire une analyse sensible (figure 2b). Loin d’être une analyse neutre, cette
synthèse de nos perceptions (visuelles, auditives, olfactives) doit être lue comme une image
subjective et ne fait donc pas office de démonstration scientifique. Cependant, elle permet
de justifier nos choix d’analyse du quartier.
La première forte impression que nous avons eue est celle de l’existence d’une
frontière. Une frontière entre deux espaces aux propriétés radicalement différentes. Cette
limite est d’autant plus marquante qu’elle est matérialisée par des axes automobiles
fortement fréquentés ne rendant pas toujours aisé le passage entre ces deux espaces.
Existant également à travers le discours des habitants interrogés, ces deux espaces distincts
provoquent des sensations variées que nous avons tenté de décrire et d’expliquer.
Le premier sentiment que nous avons partagé est celui d’être étranger à l’ensemble
du quartier. Mais alors que ce sentiment s’estompe progressivement dans les rues étroites
de Bon Pasteur, il reste inchangé dans les avenues dessinées par la trame Mirès. Cette
différence s’explique en partie par la matérialité de l’habitat : architecture, largeur des voies,
ouverture des espaces, etc.
LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 11
L’architecture au nord du quartier présente parfois des dimensions monumentales
de par la taille des édifices. Moderne, propre et recherchée, elle semble spatialiser un
mode de vie cadré, organisé et rythmé par les horaires des bureaux qu’elle accueille.
Ponctuellement, des bâtiments viennent éveiller la curiosité du passant. Le Fonds Régional
d’Art Contemporain (FRAC) ou l’ilot M5, de par la particularité de leurs formes, invitent
naturellement le regard. Cependant, formes et aspects incitent paradoxalement à rester à
l’extérieur : les vitres du FRAC confèrent au bâtiment l’image d’un objet intouchable et les
barrières bordant l’ilot M5 le rendent inaccessible. Dans ces rues longues et peu animées,
le regard se porte au loin et vient buter sur l’inatteignable tour CMA-CGM, élément d’une
vitrine, annoncé dans un Marseille renouvelé.
C’est le phénomène inverse qui se produit dans le secteur Bon Pasteur. Focalisé sur
le bouillonnement de la rue, le regard ne s’attarde pas sur les logements délaissés et malentretenus. Les bruits de moteurs et de klaxons, si prégnants dans le quartier Mirès, sont
couverts par le bruit des marchands et de la foule. Ici, l’habitant ne semble pas replié sur
son logement, mais il semble au contraire littéralement « déborder » sur la rue : l’espace
public animé par excellence. Au fil des salutations, des propositions, des rencontres ou
des sourires, le sentiment d’être étranger s’estompe. Si c’est une sensation de distance qui
s’impose dans le quartier Mirès, au contraire, on s’imprègne progressivement de la vie qui
anime le secteur Bon Pasteur.
Alors que la curiosité n’est suscitée que ponctuellement dans le quartier Mirès, elle est
dans une forme d’éveil permanente dans les rues Montolieu ou Bon Pasteur. La richesse ne
réside pas dans les formes architecturales mais dans l’animation des rues.
12 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 2b : la dualité des ambiances ressenties en octobre 2014
LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 13
1 CONSTITUTION, ÉVOLUTION ET SCISSION
D’UN QUARTIER
L’habitabilité d’un lieu est indissociable de la trame matérielle qui le supporte. Les
premières observations menées dans le quartier Joliette-Bon Pasteur ont conduit à un
constat essentiel : au sein du même périmètre, deux types de morphologie urbaine se
distinguent. Alors que la partie sud du quartier (Bon Pasteur) est composée d’un parcellaire
resserré, de voies étroites et sinueuses, la partie nord (Joliette) est structurée par des axes
orthogonaux, aux voies larges et rectilignes.
On peut dès lors interroger la manière dont les transformations historiques ont
impacté la forme urbaine contemporaine du quartier. Ce détour par l’histoire nécessite
d’appréhender les évolutions de ce lieu dans un contexte plus large. En effet, la formation
du cadre de vie, soit du logement, des rues et plus généralement des espaces de rencontre
qui composent ce lieu, est profondément liée à l’histoire de Marseille. Plus largement,
l’essor du port de la Joliette en 1853, ou la création récente de l’établissement public
d’Euroméditerranée, traduisent des ambitions dépassant le seul cadre marseillais. Cette
alternance entre initiatives locales et ambitions nationales, voire internationales a eu pour
conséquence une différenciation de traitement des espaces au sein même du quartier
(figure 3). Pour comprendre comment s’est constitué un tel espace, nous étudierons la
constitution du quartier depuis le XVIIème siècle jusqu’aux années 1970, puis son évolution
récente résultant notamment des politiques de rénovation et d’aménagement.
14 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 3 : des tissus urbains différenciés sur les secteurs Bon Pasteur et Joliette en 2014
1.1 LES GRANDES ÉTAPES DE LA CONSTITUTION DU
QUARTIER : 1666-1970
Riche de 2600 années, l’histoire de Marseille depuis l’installation des Phocéens
jusqu’aux réflexions actuelles sur la métropole Aix-Marseille-Provence ne peut être retracée
dans son intégralité. L’accent est mis sur certaines phases jugées cruciales dans la formation
du quartier.
De la période helléniste jusqu’au XVIIe siècle, la ville est restée figée à l’intérieur de ses
premières enceintes. Seuls quelques embryons de faubourgs émergent à l’est et au nord
des remparts, lors de l’essor économique du XIIIe siècle.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 15
1.1.1. DU FAUBOURG AGRICOLE AU FAUBOURG INDUSTRIEL (1666-1853)
Les premières grandes transformations ayant eu un impact direct sur le quartier,
remontent à l’agrandissement de 1666 (figure 4) lorsque Louis XIV place Marseille sous
tutelle et décide d’étendre le périmètre de la ville en créant une nouvelle enceinte.
A cette époque, le nord de la ville accueille les hôpitaux des Insensés (1640) et du
Lazaret (1663). Ces deux équipements répulsifs (car associés aux maladies) participent au
choix d’extension de la ville en direction du sud et de l’est. Cependant, l’ouverture en 1731
du grand chemin d’Aix (actuelle avenue Camille Pelletan) reliant la Porte de Rome et la Porte
d’Aix fait de cette dernière une entrée de la ville active et donc susceptible d’accueillir un
développement économique fort. Se déploient alors de part et d’autre des remparts (actuel
boulevard des Dames), les industries de l’ancien régime : fabriques de chandelles, tanneries,
fabriques de noir animal, etc. L’installation de ces fabriques renforce l’image négative de ce
secteur. On assiste aux premiers phénomènes de ségrégation dans le quartier du Panier et
sur la butte des Carmes où s’installe la classe ouvrière défavorisée.
Figure 4 : les extensions réalisées à Marseille sous Louis XIV
Source : KAMISPHERE
périmètre
d’étude
16 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, la ville reste donc contrainte et se
développe
principalement
démantèlement
à
l’intérieur
des
secondes
enceintes,
mais
le
de vastes domaines à l’issue de la Révolution française et
la destruction des remparts achevée au cours du XIXe siècle amorcent un
développement linéaire le long des sorties de ville et des nouveaux boulevards.
On assiste, avec la Révolution industrielle, à la croissance de quelques faubourgs
embryonnaires. Les industries de l’ancien régime sont reconstruites ou réutilisées en
ateliers, dépôts, usines, malgré leur mauvaise liaison avec le port. Progressivement des
lotissements viennent se greffer sur les anciens chemins ruraux (figure 5). Construits par
des petits propriétaires locaux et peuplés par la classe ouvrière précaire, ces faubourgs
industriels marquent le point de départ de la création des quartiers populaires au nord de
Marseille.
Figure 5 : l’urbanisation autour de la porte d’Aix dans la première
moitié du XIXe siècle
0 – 500m
Source : Laboratoire INAMA
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 17
1.1.2 LA TRAME MIRÈS, REFLET D’UNE AMBITION NATIONALE : MARSEILLE
CAPITALE DE LA MÉDITERRANÉE (1854-1891)
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, on assiste à une transformation radicale
des principes de développement de la ville, qui marquent la morphologie actuelle du
quartier. Désormais, les transformations du territoire sont associées à l’ambition nationale
d’ériger Marseille en « capitale de la Méditerranée ». Politique impériale, capitaux nationaux,
banques parisiennes et européennes se substituent aux propriétaires locaux dans la
maîtrise de l’aménagement.
Pour résoudre la question de l’encombrement du Vieux-Port, un nouveau se construit
au nord (figure 6). La création du « port auxiliaire de la Joliette » en 1853 affecte durablement
le fonctionnement du quartier Joliette-Bon Pasteur et, plus largement, le destin de la cité
phocéenne. Plus adapté aux besoins du développement économique, il devient très vite
le port principal de la ville. Ainsi, l’ensemble des échanges
commerciaux et de l’industrie est ramené vers le Nord de
Marseille.
Figure 6 : le plan de construction
du nouveau port de la Joliette en
1853
Source : Laboratoire INAMA
0 – 500m
18 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
La construction du faubourg nord, longtemps retardée par des contraintes
topographiques et la présence d’éléments « gênants » tel que l’hôpital des Insensés,
s’intensifie. La destruction de l’ancien hôpital du Lazaret, les atterrissements gagnés sur
la mer représentent en effet un domaine foncier considérable (50 hectares) et désormais
exploitable. Des investisseurs tels que Jules Mirès, les frères Péreire et Paulin Talabot
saisissent cette opportunité et influencent la forme urbaine du quartier.
Réinterprétant les principes haussmanniens, ces financiers aménagent le faubourg
nord (figure 7) de manière très régulière, créant des voies larges, droites et aérées afin
de faciliter la circulation. Des immeubles de prestige sont construits en bordure de quais
et le long des axes de communication (notamment le long du grand chemin d’Aix). Mais
rapidement, ces investissements d’une grande fragilité, basés sur l’hypothèse d’une
augmentation rapide de la valeur foncière, se soldent par un échec.
Figure 7 : le plan
d’extension
du
port et le plan de
lotissement de Mirès
1872
Source : Laboratoire INAMA
0 – 500m
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 19
Ne convenant pas aux exigences de la bourgeoisie qui associe toujours ces espaces
aux éléments négatifs du nord de la ville et trop onéreux pour la classe ouvrière, ces
immeubles ne trouvent pas preneurs. L’essor de cette troisième ville semblait totalement
dépendant de sa connexion avec la ville centre et la ville sud. La rue impériale (actuelle
rue de la République) est donc née de la volonté de connecter le centre-ville et le port.
Achevée en 1864, elle marque un échec aussi considérable que le « quartier Mirès » avec
un refus des classes aisées de s’y installer. L’haussmannisation marseillaise est une période
charnière dans la constitution du quartier Joliette-Bon Pasteur. Une partie des pratiques,
fonctionnements et dysfonctionnements actuels en découlent. De fait, cette nouvelle
trame urbaine imbrique pour longtemps le quartier à l’activité industrialo-portuaire. Ainsi,
la trame Mirès, recherchant d’avantage l’articulation avec le port que le développement des
espaces publics, amorce une rupture entre les nouveaux secteurs d’activité économique et
les anciens faubourgs industriels.
20 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1.1.3 L’APPROPRIATION DU QUARTIER PAR DES CLASSES
POPULAIRES (1892-1970)
Malgré la rapidité de réalisation de la trame urbaine et de la percée de la rue impériale,
Mirès puis les frères Péreire ne parviennent pas à bâtir la totalité de cet espace. Lors de la
faillite de la société des Péreire, 666 maisons ont été construites mais 10 hectares de terrains
restent libres. La lenteur de l’urbanisation témoigne ainsi de l’échec de la spéculation. « En
dépit d’une trame très régulière basée sur le tracé du boulevard de Paris, des quartiers
hybrides (sur 2 km) voient le jour. S’imbriquent alors habitats auto-construits, bidonvilles
et infrastructures industrielles et portuaires » (M. Roncayolo, 1996). Très vite, ces quartiers
se caractérisent par une forte densité bâtie et des conditions d’hygiène désastreuses.
Les conditions d’habitat à Arenc ou dans le faubourg Saint-Lazare deviennent tout aussi
déplorables que dans la ville médiévale et font de ces banlieues le lieu d’établissement des
migrants les plus défavorisés à la fin du XIXème siècle. Employés par les activités portuaires
florissantes, ils logent dans des conditions d’insalubrité. C’est donc une classe sociale très
différente qui s’approprie ce quartier pourtant destiné à un tout autre public. La jonction
peu évidente entre la trame Mirès et les anciens foyers périphériques où étaient implantés
fiacres, scieries et industries, s’effectue ainsi progressivement au début du XXe siècle.
Sous la IIIème République, du fait des crises immobilières de 1870-1880, provoquées par
les grandes opérations de spéculation, les transformations ne sont que partielles. La trame
urbaine n’est affectée que par des remaniements limités et ponctuels. L’arrivée du Docteur
Flaissières à la mairie de Marseille en 1892 s’accompagne d’un retour à des aspirations
plus modestes et plus ancrées dans la réalité marseillaise que l’ambition de la capitale de
la Méditerranée portée sous le régime impérial. Conscient de l’enjeu que représente la
fixation d’une main d’œuvre à bon marché pour le fonctionnement de l’industrie, il incite la
classe modeste à s’approprier cet espace. Les capitaux immobiliers de Mirès et des Péreire
sont repris par la société immobilière marseillaise qui achève les constructions en cours
puis entreprend la création de logements plus modestes, en adéquation avec les besoins
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 21
de la classe ouvrière. En 1921, on compte plus de 25 000 habitants dans cet espace, occupé
progressivement par la classe ouvrière et plus tardivement par la petite bourgeoisie. L’arrivée
de classes sociales plus aisées contribue à une revitalisation du quartier. De nombreux
commerces et petits cafés voient le jour. A défaut d’espaces publics, grands oubliés de
l’haussmannisation marseillaise, ces espaces constituent des lieux de sociabilité, permettant
de créer les liaisons jamais établies entre les deux secteurs.
Des années 1920 jusqu’en 1950, où il atteint son plein développement, le port se
déploie de la Joliette à Mourepiane et à l’Estaque. La banlieue qui le borde poursuit un
développement urbain aux formes hétérogènes. Industries, immeubles haussmanniens et
maisons basses s’y côtoient. Cette grande diversité favorise la constitution d’une clientèle
de navigateurs, capitaines, marins, mécaniciens, employés ou ouvriers qui viennent
progressivement habiter le quartier. Entre 1945 et 1970, période de forte croissance
démographique, les lieux de rencontre se multiplient. La variété des espaces et des habitants
vient peu à peu stimuler la vie du quartier. L’attractivité du quartier semble alors liée aux
activités du port, lieu considérable d’emploi, plus qu’aux dispositifs d’aménagement urbain.
En effet, les plans directeurs qui se succèdent de 1933 à 1970 ciblent leurs actions sur les
zones périphériques avec la construction de grands ensembles, semblant oublier les parties
plus centrales de la ville. Si ces interventions, pensées à une grande échelle, ne ciblent pas
les quartiers centraux, elles ont pourtant des incidences sur ces derniers. Le percement de
l’A7 vient ainsi déstructurer tout le tissu urbain autour de la porte d’Aix qui se dégrade déjà
par manque d’intervention.
22 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1.2 UN ESPACE TRAITÉ DE MANIÈRE DIFFÉRENCIÉE PAR LES
POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT : 1970-2014
1.2.1 LE QUARTIER JOLIETTE-BON PASTEUR, UN ESPACE OUBLIÉ DES
POLITIQUES URBAINES ? 1970-1990
La délocalisation des activités portuaires en direction de Fos-sur-Mer et de l’Etang de
Berre touche profondément l’économie marseillaise et plus particulièrement la banlieue
d’Arenc, dont le fonctionnement est alors étroitement lié à celui du port. Les processus de
dégradation du cadre bâti et de paupérisation sont ainsi accélérés par la crise industrielle.
Ils participent à la chute massive de population observée entre 1975 et 1990 (figure 8).
Source : INSEE, 2014
Figure 8 : une décroissance démographique à Marseille et davantage dans le 2e arrondissement entre 1975 et 1990
La rénovation de l’arrière quartier, frappé par une dégradation continue, à la fois
physique et socio-économique, devient urgente. Plusieurs initiatives publiques visant à
résoudre ces problématiques émergent. La municipalité entreprend la rénovation de la
butte des Carmes qui nécessite une restructuration complète du tissu ancien (création de
l’Hôtel de Région, de la faculté des sciences économique et sociale et rénovation des halles
Puget). Puis dès 1979, la municipalité se saisit d’un outil de l’Agence nationale d’amélioration
de l’Habitat (ANAH) l’opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH). Plusieurs
OPAH se succèdent dans le quartier du Panier (1979-1990) et dans celui de Belsunce (19821994), avec pour ambition la valorisation de l’existant. Toutefois ces opérations n’impactent
que le cadre bâti et laissent pour compte le quartier Joliette-Bon Pasteur. L’addition des
processus de désindustrialisation et de focalisation de l’action publique sur l’hyper-centre
de la ville accentue un délaissement du quartier au profit du centre de Marseille et plus
largement induit une fracture entre le nord et le sud de la ville.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 23
1.2.2. UN ESPACE DÉVALORISÉ
A partir de 1995, Jean-Claude Gaudin, nouveau Maire de Marseille, impulse un
mouvement de « reconquête » du centre nord de la ville, dégradé et qui se vide de sa
population. En 1995 est lancée l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée associant
l’Etat et les collectivités territoriales. Le projet s’étend sur 290 hectares de tissu hétérogène,
mais dans un état comparable de détérioration. La concrétisation de ce projet qui vise à
insuffler de nouvelles dynamiques en favorisant notamment la création d’entreprises
nouvelles, nécessite l’enrayement des processus de dégradation et de paupérisation.
Pour cela, l’action publique s’oriente principalement vers la restauration immobilière et la
valorisation du patrimoine mais ne concerne encore une fois pas le secteur étudié (hormis
pour la place de la Joliette et le haut de la rue de la République), laissant ainsi, en creux, un
espace dévalorisé.
Parallèlement, cet espace intègre alors un périmètre d’intervention de nature
relativement différente : la ZUS Centre Nord, créée en 1996. Lentement, les pouvoirs publics
prennent conscience de l’enjeu que représente la revitalisation du quartier. Le traitement de
ces espaces par des outils dont les objectifs et les moyens divergent sensiblement amorce
une distinction dans le traitement de ces espaces.
1.2.3. DE LA CAPITALE DE LA MÉDITERRANÉE À LA CAPITALE
EUROMÉDITERRANÉENNE ?
Dès les années 1990, on constate une différenciation de traitement à l’intérieur même
du quartier Joliette-Bon Pasteur. Ancien faubourg séparé de la ville par les remparts, puis
banlieue industrielle dédiée au port, cet espace peine à construire une identité homogène
qui lui permettrait de faire l’objet de traitements ciblés de l’intervention publique. Jusqu’au
début des années 2000, le quartier n’apparait pas comme prioritaire dans les opérations de
rénovation.
24 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
En effet, les vocations d’Euroméditerranée semblent renouer avec les aspirations du
régime impérial et sa volonté d’ériger Marseille au rang de capitale de la Méditerranée. Si le
propos doit bien entendu être nuancé, le rapprochement peut être établi. Le deuxième axe
du Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du Plan Local d’Urbanisme
(PLU) de 2013 s’intitule ainsi « Marseille, capitale Euro-méditerranéenne ». La redéfinition
des axes stratégiques de l’établissement public (conforter les industries de l’information et
de la communication, les fonctions tertiaires et les services, les activités liées à la culture, au
tourisme et à l’enseignement supérieur) traduit les ambitions de l’Etat de placer Marseille
au cœur de la politique méditerranéenne et européenne. Là encore, c’est à une échelle qui
dépasse les problématiques locales que se pensent les projets d’aménagement.
La concrétisation de ces stratégies au travers des récents projets urbains
bouleverse ainsi le fonctionnement traditionnel du quartier. L’espace qui correspond
à la trame Mirès (qu’on désignera par « secteur Joliette » dans la suite du document)
est appelé à passer en quelques années d’un quartier populaire à un quartier
regroupant des fonctions métropolitaines et des unités d’habitation destinées
aux classes moyennes et aisées. Les projets de la ZAC République et de la ZAC
Joliette viennent transformer le visage et le fonctionnement du quartier (figure 9).
Intégré dans le périmètre d’Euroméditerranée, le secteur Bon Pasteur fait l’objet d’un
traitement très distinct du secteur Joliette. Le lancement de l’opération Grand Centre Ville
en 2009, la signature du Contrat Urbain de Cohésion Sociale (2007-2009), les conventions
passées avec l’ANRU, ont amorcé une réflexion sur ce territoire. Principalement pilotées par
Euroméditerranée, ces opérations ne sont cependant pas de la même nature que celles
réalisées dans les différentes ZAC (Saint-Charles et Joliette).
En effet, elles n’intègrent pas de réflexion sur la construction métropolitaine,
mais se ciblent davantage sur la réhabilitation du logement. La récente OPAH-RU
d’Euroméditerranée en témoigne (figure 10).
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 25
Figure 9 : Bon Pasteur, un secteur oublié des périmètres d’intervention
N
0
50m
Bon Pasteur, un secteur oublié des périmètres d’intervention
ZAC Cité de la méditerrannée
ZAC Joliette
ZAC Saint-Charles
Rue de la République
secteur Bon Pasteur
Source : IGN, SCAN25, 2014
Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014
26 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 10 : une intervention ciblée sur le logement dans le secteur Bon Pasteur
Source : comité de pilotage de septembre 2013 de l’OPAH RU Euromed
Ainsi le secteur Bon Pasteur est intégré dans des projets d’urbanisme dont les finalités
divergent sensiblement des autres opérations d’aménagement. Cette distinction, entre un
espace aux fonctions métropolitaines assumées et un autre qui n’est la cible que de simples
opérations de réhabilitation, entérine une scission qui s’est amorcée dès l’élaboration de
la trame Mirès. Cette juxtaposition de dispositifs conduit à une situation paradoxale.
Aujourd’hui, plus qu’un espace unique et intégré, on assiste à la cohabitation d’un secteur
tourné vers l’avenir de la capitale euro-méditerranéenne, concentrant les fonctions
métropolitaines et d’un autre fortement marqué par un processus de précarisation qu’on
tente d’enrayer dans l’urgence.
Si la redéfinition du centre urbain en 2009 par le projet de Grand Centre-Ville permet
d’inclure l’espace Bon Pasteur dans le périmètre des projets urbains (figure 11, en blanc sur
la carte), il reste, dans les projets d’aménagement, davantage un espace à rénover et à la
marge des pôles d’intervention 2011 - 2021.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 27
Figure 11 : les 35 pôles d’intervention 2011-2021 de l’opération Grand Centre Ville
Joliette
Bon Pasteur
Source : Ville de Marseille
28 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2 UN QUARTIER, DEUX FORMES DE
DYNAMIQUES MÉTROPOLITAINES
La scission entre ces deux espaces est à la fois la cause et la conséquence de choix
d’application de politiques d’aménagement différentes. Ces deux secteurs possèdent des
modes de fonctionnement et donc des habitabilités très distinctes. En effet, l’habitabilité,
qui renvoie à la fois aux individus et au territoire, peut se décliner de multiples manières.
Afin d’enrichir notre propos et d’évaluer ces différentes formes d’habitabilité, nous nous
sommes appuyés sur des sources documentaires variées mais surtout sur le discours
des habitants recueilli lors d’entretiens individuels. La manière dont ils se saisissent des
ressources offertes par le territoire ou encore la représentation qu’ils s’en font, sont des
variables indispensables à l’évaluation de l’habitabilité. L’analyse de ces espaces a ainsi révélé
l’existence de dysfonctionnements et a contrario de potentialités visibles sur l’ensemble du
périmètre d’étude.
L’analyse sensible a permis d’identifier la contradiction entre la prégnance d’un
urbanisme cadré, ordonné et difficile à s’approprier d’un côté et le dynamisme de la vie
urbaine de l’autre. Bien plus que l’évolution des trames matérielles de ces lieux, c’est la
manière dont les habitants se les approprient qui les différencie. Le premier pas vers une
compréhension de ces formes d’appropriation consiste dès lors en l’analyse des populations
qui habitent ce territoire.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 29
Les données fournies par l’Observatoire des quartiers à l’échelle du bassin JolietteGrand Carmes, ou encore celles fournies par l’INSEE sur la ZUS Centre-Nord, ne permettant
pas d’établir une distinction entre les espaces du périmètre, nous avons choisi de privilégier
les Ilôts Référencés pour l’Information Statistique (IRIS, figure 12). Cette échelle d’analyse
nous a permis de mettre à jour des contrastes très importants entre les secteurs nord et sud
du quartier. En effet, on constate de fortes disparités de revenus, de qualification, ou encore
de chômage. Bien que reflétant des disparités entre le nord et le sud ces contrastes sont
principalement marqués sur deux IRIS en particulier «Montolieu», au sud, et « L’Evêché-lesDocks », au nord. Pour simplifier la lecture de notre analyse statistique, les IRIS Montolieu et
l’Evêché-les-Docks seront utilisés pour discuter des spécificités de chaque quartier.
Outre les fortes inégalités sociales mises en lumière par les données statistiques, les
entretiens qualitatifs menés avec les habitants ou encore les relevés de terrain, ont mis à
jour des fonctionnements très différents entre ces deux espaces. Alors que le quartier Bon
Pasteur est marqué par de forts liens tissés au sein de la communauté des habitants, le
quartier de la trame Mirès, qui accueille des équipements culturels et commerciaux d’échelle
métropolitaine, draine des flux importants mais reste moins marqué par une vie de quartier.
30 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 12 : les IRIS étudiés pour l’analyse statistique
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 31
2.1 LE SECTEUR BON PASTEUR, ENTRE FRAGILITÉS ET
RESSOURCES
Alors que nous arpentions le terrain à la recherche de personnes volontaires pour
réaliser des entretiens, nous avons rencontré plusieurs garagistes de la rue de la Joliette.
L’un d’entre eux n’était pas intéressé, mais nous a renvoyé vers un de ses amis. « Allez voir
en bas de la rue, demandez Georges, il pourra surement vous aider ! ». Cet échange n’est
qu’un des nombreux exemples qui confirment l’existence de liens étroits entre les habitants
du secteur sud du quartier. Ici, l’anonymat ne semble pas exister. Cependant, ce sentiment
d’hospitalité et de convivialité fait passer au second plan un phénomène pourtant lui aussi
bien existant : le processus de dégradation du cadre bâti. Ce délitement physique n’est
que la manifestation d’un phénomène bien plus important, celui de la dégradation des
conditions socio-économiques. En effet, la précarité de certains espaces, à l’instar de celui
délimité par l’IRIS Montolieu, atteint aujourd’hui des niveaux alarmants.
Figure 13 : les étals qui
animent la rue Bon Pasteur
Source : O. Michel, 2015
32 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.1.1 UNE POPULATION PRÉCAIRE
Souvent réduite à sa dimension financière, la pauvreté est une réalité dans le quartier.
L’IRIS Montolieu présente ainsi des revenus annuels1 très faibles Le premier quartile qui
représente le seuil de revenus en dessous duquel se situe 25% de la population, s’élève à
1483 euros en 2011 soit près de quatre fois moins que celui de l’IRS l’Evêché-les Docks (6314
euros), et trois fois moins que celui de la ZUS Centre Nord (5768 euros) (figure 14a).
Ces faibles revenus sont à mettre en relation avec l’importance du taux de demandeurs
d’emplois et de personnes dépendant exclusivement des prestations sociales. Dans
l’ensemble du quartier le taux de chômeurs est supérieur à celui de Marseille (18,0%). Mais
il atteint des proportions considérables dans certaines zones. Ainsi, il s’élève à plus de 34%
dans l’IRIS Montolieu. De même dans les IRIS Montolieu-Forbin, le nombre de personnes
dépendant entièrement de la Caisse d’Allocation Familiale s’élève à 43% (Observatoire des
quartiers, 2010).
30000
€
25000
Premier quartile
Dernier quartile
20000
15000
10000
5000
0
MONTOLIEU
DAMES
L'EVECHE-LES DOCKS
ALBRAND-PONTEVES
FORBIN
MAZENOD-REPUBLIQUE
ZUS Centre Nord
Source : INSEE 2011
Figure 14a : les revenus fiscaux par unité de consommation en 2011: des disparités allant du simple au quadruple
1
Le revenu fiscal comprend le cumul des revenus d’activité salariée ou non salariée, des indemnités de
chômage, de maladie, des pensions d’invalidité ou de retraite ainsi qu’une partie des revenus du patrimoine,
soit les ressources mentionnées dans la déclaration de revenu. Les Unités de Consommation sont la résultante
d’un système de pondération attribuant un coefficient à chaque membre du ménage et permettant de
comparer les niveaux de vie de ménages de tailles ou de compositions différentes. Avec cette pondération, le
nombre de personnes est ramené à un nombre d’unités de consommation (UC).
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 33
La faible qualification des personnes résidant dans ces espaces explique en partie la
difficulté d’insertion vers l’emploi, renforcé par la fermeture de Pôle Emploi en 2014 (figure
14b).
Figure 14b : tag sur le mur des anciens bureaux de Pôle Emploi
Source : O.Michel, 2014
L’IRIS Montolieu qui présente le taux de chômage le plus important est également
celui qui affiche la proportion de personnes non scolarisées et non diplômées la plus forte
en 2011 (supérieur à 46%). Inversement, le nombre de personnes ayant suivi de longues
études se limite à seulement 2%. Dans ce périmètre où le développement du secteur
tertiaire s’accroît, les compétences des actifs ne correspondent pas à l’offre. En effet, la
part des ouvriers (selon la nomenclature des catégories socio-professionnelles de l’INSEE)
représente plus de 38% des actifs.
34 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.1.2 LE LOGEMENT, CATALYSEUR DES DIFFICULTÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES
Les rapports de l’Observatoire des quartiers et de la ZUS Centre Nord ont souligné le
rôle de « sas » d’accueil de la partie sud du quartier Joliette–Bon Pasteur, dont le parc de
logement est peu adapté à la sédentarisation des ménages. En effet, de nombreux primoarrivants viendraient s’installer dans ce secteur. Pourtant, les données récentes indiquent
que la part de la population la plus importante est celle qui réside dans le sud du quartier
(Montolieu) depuis dix ans ou plus (35.7%). Cette tendance indique les difficultés de mobilité
résidentielle auxquelles font face les habitants qui occupent des logements ne répondant
pas à leurs besoins. En effet, 62% des logements sont composés d’une à deux pièces, plus
de la moitié du parc de logement mesure moins de 40m² et héberge en moyenne 2,3
personnes (figure 15).
100
%
90
80
70
60
4 pièces et plus
50
3 pièces
40
2 pièces
1 pièce
30
20
10
0
Montolieu
Dames
l'Evéché-Les Docks
Albrand-Ponteves
Figure 15 : une proportion plus importante des logements de petite taille dans le secteur sud en 2011
Forbin
Mazenod-Republique
Source : INSEE 2011
Dans un contexte de tensions du marché immobilier et du marché de l’emploi, les
solutions précaires de logement temporaires se transforment parfois en impasses. Lors
de nos entretiens avec des travailleuses sociales de l’accueil de nuit Saint Jean de Dieu et
de l’accueil de jour du Secours Catholique, celles-ci nous ont raconté la situation d’une
personne hébergée : arrivé il y a 9 ans, « S. » est le plus ancien résident. Il n’est jamais parvenu
à trouver un emploi et un logement. Ses seules perspectives d’évolutions résidentielles
aujourd’hui se limitent à son transfert en maison de retraite.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 35
Le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en 2014 souligne
l’aspect multidimensionnel de la pauvreté et met en lumière l’effet du logement qui joue
parfois un rôle de catalyseur des difficultés. En effet, les surcoûts liés à l’insalubrité ou au
mauvais confort thermique que les façades dégradées laissent supposer (figure 16) viennent
accentuer des situations de précarité déjà existantes.
Si l’IRIS Montolieu est celui qui présente les plus forts indicateurs de précarité,
d’autres ménages se retrouvent dans des situations de fragilité dans d’autres secteurs.
Nous avons eu l’occasion de rencontrer une famille Kurde résidant dans l’IRIS AlbrandPonteves. Réfugiés politiques, cette famille a dû quitter le Kurdistan dans l’urgence, laissant
derrière elle deux enfants, âgés de 12 ans et 18 ans. Les parents vivent aujourd’hui avec
leur fille de 10 ans et leurs derniers enfants de 3 ans et 3 mois. A cinq personnes dans 67m²,
ils vivent grâce aux revenus du mari (1600 euros), complétés par 200 euros d’allocations
versées par la CAF. Faisant déjà face au loyer (600 euros) et aux frais alimentaires onéreux
en raison des besoins nutritifs des plus jeunes, ils envoient également de l’argent à leurs fils
ainés restés au Kurdistan. Le passage récent du chauffage au gaz au chauffage électrique
a contribué à l’augmentation des charges qui pèsent sur le ménage, rappelant ainsi cet
Figure 16 : des façades dégradées dans le secteur Bon Pasteur
Source : O. Michel, 2014
36 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
aspect multidimensionnel de la précarité, qui peine à être intégré dans les politiques
publiques, se limitant souvent à la prise en compte des revenus. Soulkaïna, leur fille de
10 ans, déclare ainsi ne jamais être partie en vacances. Cependant, des liens de solidarité
informels contrebalancent légèrement cette situation d’isolement et de fragilité. Nora, la
voisine de palier, enseignante en littérature dans un collège de Marseille, accueille ainsi
quotidiennement Soulkaïna afin de l’aider à faire ses devoirs. Ces liens de solidarité qui ne
sont pas toujours visibles dans le quartier sont pourtant bien existants. Odile, membre de
l’association PetitàPetit1, nous a expliqué lors d’un entretien que l’association était née de
pratiques informelles. En effet, lorsqu’elle habitait dans le quartier, dans un immeuble situé
rue d’Hozier, (IRIS Forbin) de nombreux enfants venaient chez elle pour jouer, observer
la mer avec ses jumelles ou encore trouver un soutien pour les devoirs. De fil en aiguille,
ces pratiques informelles se sont ancrées et concrétisées au travers de la création de
l’association.
Ces liens de solidarité semblent encore plus marqués dans le secteur Bon Pasteur.
La forte précarité qui marque cet espace est tempérée par une solidarité active entre
les habitants du quartier. Au delà ces fragilités des individus ou les faibles ressources du
territoire conduisent parfois à des modes de vie inédits.
Mlle L., 23 ans, habitante depuis trois mois du secteur Bon Pasteur, a évoqué plus en
détail ces liens de solidarité. Premièrement, depuis son arrivée, de nombreuses habitantes,
sachant qu’elle vit avec des enfants, sont venues la voir afin de lui donner des vêtements.
De la même manière, elle déclare volontairement éviter les chaines commerciales présentes
dans le périmètre (Casino, Monoprix) et favoriser les commerçants de son secteur (rue Bon
Pasteur), qui lui rendent service en lui avançant parfois la monnaie qu’elle n’a pas.
Cette association développe et accompagne des actions participatives et citoyennes pour agir sur les
difficultés à vivre en société. Deux exemples d’actions : formation aux relations sociales et accompagnement à
la résolution de conflits dans différents milieux, développement d’une démarche participative sur un quartier
d’habitat social.
1
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 37
2.1.3 UNE SOCIABILITÉ DÉVELOPPÉE GRÂCE À UNE
APPROPRIATION DE LA RUE
Le manque d’espaces publics dans le secteur Bon Pasteur se traduit par une
occupation très active de la rue. Ici, les rues ne sont pas limitées à leur fonction de circulation
ou même à leur fonctions commerciales. Si les nombreux commerces drainent la vie du sud
du quartier, avec la présence de nombreux marchands de fruits et légumes ou d’autres
produits venus en partie du Maghreb, la fréquentation de la rue n’est pas uniquement le fait
de ces commerces. Au détour de la rue du Fiacre, on trouve ainsi une occupation originale
de l’espace. Les travaux ont permis provisoirement de couper la circulation routière, laissant
Figure 17 : les façades dans la rue Pierre Albrand, secteur Joliette
Source : O. Michel, 2014
ainsi la possibilité de placer devant un bar associatif, chaises, tables et narguilés. La plupart
du temps quand nous sommes passés en journée et lorsque les conditions climatiques
étaient favorables, un groupe d’hommes discutait de manière conviviale autour de cet
espace public improvisé. Le « débordement sur la rue » est une des caractéristiques du
secteur Bon Pasteur, il ne s’agit pas seulement pour les habitants de pratiquer la rue mais
de se réapproprier l’espace extérieur. C’est ainsi qu’en traversant la rue Pierre Albrand (figure
17), où se font face deux grands immeubles haussmanniens, il n’est pas rare d’observer une
série d’alignement, formé par le linge étendu.
38 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Bien que la population soit fragile, les ressources mobilisées pour s’approprier le
territoire sont donc importantes. L’exemple du marché informel qui se déroule sur la place
Jules Guesde en témoigne. Avant l‘arrivée du parking en 2011, ce marché, tenu en partie par
des habitants du quartier, avait lieu sur l’intégralité de la place. La construction du parking
a changé son organisation mais sans remettre en cause son fonctionnement. En effet, les
usages des commerçants, qui continuent de vendre leurs stocks sur les espaces alentours,
témoignent d’une forte capacité d’adaptation.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 39
2.2 JOLIETTE, UN ESPACE NEUF ET ATTRACTIF
POUR DE JEUNES ACTIFS
Le nord du quartier Joliette - Bon Pasteur est au cœur des opérations d’aménagement
d’Euromediterranée. C’est sur ce périmètre qu’Euromed 1 a ouvert ses premiers chantiers
avec le réaménagement de la place de la Joliette en 1998 (figure 18). La volonté de
l’Etablissement public est de requalifier ce périmètre pour y développer une activité tertiaire
d’envergure internationale, « un véritable quartier de vie en centre-ville pour les salariés des
bureaux et pour les habitants » (Euromediterranée).
Afin d’en accentuer le rayonnement, une attention particulière est portée à la qualité
architecturale des projets et l’aménagement d’espaces qui se veulent être lisibles. Ainsi,
Euromed 1 attire de nombreux ménages qui se distinguent par leurs caractéristiques socioéconomiques.
Pour dresser cette analyse, l’IRIS l’Evêché-les-Docks (Figure 12, p.21) a été pris dans
la plupart des cas comme référence car cet IRIS marque à lui seul les déséquilibres socioéconomiques entre le nord et le sud du quartier. Cet IRIS intègre la Joliette qui, comme dit
précédemment, est le terrain d’application des opérations d’Euromed 1. La Joliette intègre
la ZUS Centre Nord, mais dispose pourtant de caractéristiques sociales et économiques qui
s’apparentent davantage à celles d’un quartier d’affaire dynamique.
Figure 18 : la place de la Joliette en 2012
Source : GoogleEarth
40 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.2.1 UNE POPULATION EN PLEINE MUTATION
La population de l’IRIS Evêché-les-Docks est plus jeune que la moyenne du quartier
en 2011 (31,3% des 25-39 ans). Les ménages sont composés de couples actifs occupant des
emplois qualifiés. En effet, les cadres et professions intellectuelles supérieures ainsi que les
professions intermédiaires représentent 52,7% des actifs occupés du secteur (figure 19).
100%
Artisans Commerçants
et Chefs d'entreprise
90%
80%
Professions
Intermédiaires
70%
60%
Cadres et Professions
Intellectuelles
supérieures
50%
40%
Ouvriers
30%
20%
Employés
10%
0%
Montolieu
Dames
l'Eveche-Les Docks
Albrand-Ponteves
Forbin
Mazenod-Republique
Figure 19 : les actifss occupants des emplois qualifiés sont majoritairement représentés dans le secteur nord du quartier en 2011
Source : INSEE 2011
La majorité de ces ménages ne sont que récemment arrivés dans le secteur : plus de
la moitié d’entre eux (62,3%) a emménagé entre 2005 et 2011. La population d’Evêchéles-Docks est plus aisée que dans les autres IRIS, le revenu annuel médian y est égal
à 15 583 euros en 2010, ce qui est plus élevé que celui de la ZUS (14 578 euros). Par ailleurs,
cet IRIS connaît le taux de chômage le plus bas du quartier (10,9%) en 2011.
Le profil des ménages du secteur nord que nous venons de dresser coïncide avec celui
des ménages « Euroméditerranéens » décrit par l’enquête éponyme1 et menée par l’AGAM
en 2011 :
« De jeunes couples d’actifs plutôt aisés et qualifiés, voici ce que pourrait être le profil-
type des habitants installés dans les logements récents du périmètre d’Euroméditerranée.
De nouveaux visages qui marquent peu à peu de leurs caractéristiques ce morceau de ville
populaire déjà engagé dans une nouvelle dynamique résidentielle, économique et urbaine.
[…] les « Euroméditerranéens » font valoir en tous points leurs différences dans le quartier.
Cette enquête a été menée auprès des ménages installés dans les résidences neuves ou rénovées livrées
depuis 2004 par Euroméditerranée parmi lesquelles l’îlot M5, M1, Horizon Schuman et Villa Forbin.
1
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 41
»1
Cette enquête a été menée conjointement par l’AGAM et l’Etablissement Public
d’Aménagement d’Euroméditerranée dans le but de mieux connaître les habitants des
résidences récentes d’Euroméditerranée. Un certain nombre de résidences visées par cette
enquête sont localisées dans le quartier Joliette-Bon Pasteur.
Les « Euroméditerranéens » sont soit des Marseillais d’autres arrondissements venus
s’installer dans le quartier ou des « néo-marseillais », des habitants qui ne résidaient pas à
Marseille il y a cinq ans. Ces derniers représentent la moitié de la population des nouvelles
résidences et sont proportionnellement quatre fois plus nombreux qu’à l’échelle de la ville.
Le quartier semble exercer une certaine attractivité sur cette catégorie de population dont le
motif principal d’emménagement est d’ordre professionnel (60% des enquêtés). La relation
entre le motif professionnel, la situation géographique du quartier et l’accès à un logement
neuf ou rénové justifie l’installation des ménages dans ce secteur et de fait l’apparition d’un
nouveau profil de population dans ce quartier populaire.
Ainsi, le secteur nord du quartier Joliette-Bon Pasteur est animé par de nouvelles
dynamiques, de jeunes ménages ayant emménagé récemment, attirés par les programmes
d’aménagement réalisés par Euroméditerranée.
42 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.2.2 DES NOUVEAUX LOGEMENTS ADAPTÉS À LA POPULATION ACTIVE CIBLÉE
MAIS UN ENVIRONNEMENT PEU APPRÉCIÉ PAR CELLE-CI
C’est un parc de logements relativement récent qui caractèrise l’IRIS l’Evêché-lesDocks en comparaison avec le reste du quartier. Dans tous les autres secteurs, plus de 50%
du parc de logements a été construit avant 1946, cette part n’est que de 30,5% à l’EvêchésLes-Docks (voir figure 20 ci-après). Cet espace a fait l’objet de nombreuses opérations
d’aménagement et notamment de construction de logements, 36,3% de son parc de
logements y est créé entre 1991 et 2008 alors que cette proportion est quasiment nulle
pour le reste du quartier (figure 20). Le projet Euroméditerranée, lancé en 1995 n’est pas
étranger à cette dynamique. C’est au regard des chiffres sur la période récente que nous
pouvons prendre toute la mesure de l’impact de l’OIN sur la création de logements au sein
des IRIS de l’Evêché-les-Docks, Forbin et Mazenod-République.
100
%
90
80
70
60
entre 2008 et 2011
50
entre 1991 et 2008
entre 1946 et 1990
40
avant 1946
30
20
10
0
Montolieu
Dames
l'Evéché-Les Docks
Figure 20 : une juxtaposition de logements neufs et anciens
Albrand-Ponteves
Forbin
Mazenod-Republique
Source : INSEE 2011
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 43
En 2011, les logements créés par Euromed 1 représentent 24,61% du parc de
logements dans ces IRIS1 (figure 21). Ont ainsi été créés 865 logements entre 2004 et
2009 dans le quartier Joliette-Bon Pasteur, dont 712 à l’Evêché-les-Docks. Sur un total de
1501 logements existants en 2011, les logements créés dans le cadre d’Euroméditerranée
représentent 47,4%.
Opérations Euromed 1 Logements
Logements en
Part des logements créés par
créés entre
2011
Euromed
2004 et 2009
Evêché-lesîlot M5
358
1501
47,4 %
Docks
Horizon Schuman
60
îlot M1
294
Forbin
Villa Forbin
38
1044
3,6 %
Mazenod-Ré- îlot 19-21 rue de la Ré115
969
11,9 %
publique
publique
Source : INSEE 2011, Radioscopie des Euroméditerranéens
Figure 21 : une part importante de logements ont été construits par Euroméditerranée à l’Evêché-les-Docks
Les Euroméditerranéens représentent ainsi près de la moitié des habitants du nord du
quartier. Le profil des ménages que nous avons dressé plus haut (couples de cadres actifs), se
retrouve dans les caractéristiques des logements. En effet, 60,9% des résidences principales
sont composées de trois (47%) à quatre pièces (20,9%) en 2011. Selon l’enquête menée
conjointement par l’AGAM et l’EPAEM, les résidents Euroméditerranéens sont satisfaits
de leur logement, ils lui attribuent en moyenne la note de 15/20 et de 13/20 pour leur
résidence. Euroméditerranée propose ainsi, à l’image de l’îlot M5, de grandes résidences, au
sein desquelles sont aménagés des espaces ouverts mais privés (figure 22). Les enquêtés de
l’AGAM disent jouir d’une « situation d’excellence », grâce à la bonne desserte en transport
en commun et à la proximité du centre-ville, de la gare TGV et des grands axes autoroutiers.
Malgré ces avantages les enquêtés attribuent au quartier la note de 9/20, l’ambiance du
quartier, que ces derniers jugent peu agréable, prévalant ainsi sur sa situation.
Ce taux a été calculé en utilisant le nombre de logements créés par les opérations Euromed au regard du
nombre total de logements recensés par l’INSEE en 2011.
1
44 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 22 : les barrières d’interdiction d’accès au centre de l’îlot M5
Source : O. Michel, 2014
Les enquêtés ne se sentent pas à l’aise dans le quartier. Ce sont d’ailleurs les habitants
de l’îlot M5 et de la rue de la République qui sont les plus critiques, mettant en cause la saleté
des rues, le manque de commerces de proximité et d’espaces récréatifs. Un certain nombre
de commerces sont pourtant présents dans le quartier, notamment des commerces non
franchisés situés dans le secteur sud (figure 23, p.44) mais ce n’est pas vers ces commerces
que se tournent les enquêtés qui préfèrent se rapprocher de la rue de la République (42%)
entièrement requalifiée plutôt que la rue Camille Pelletan (18%). Pour certains d’entre eux
le sud du périmètre ne semble pas être un secteur attrayant. A cet effet l’enquête de l’AGAM
montre que « nombre d’habitants » sont en attente du réaménagement de la porte d’Aix,
entrée emblématique de la ville, afin d’effacer ce que certains qualifient de « verrue
urbaine ».
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 45
Figure 23 : une offre commerciale diversifiée en 2014
Occupation en rez-de-chaussée en octobre 2014
Façade d’activités tertiaires, immeubles de bureaux
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Commerces franchisés actifs sur la rue
Commerces non franchisés, identitaires et artisanat
Equipements éducatifs et services à la personne
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Locaux associatifs, lieux de culte et équipements
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Sources :
IGN, BD TOPO, 2014
relevés de terrain, oct 2014
Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, oct. 2014
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46 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.2.3 UN USAGE DE L’ESPACE PUBLIC DU QUARTIER TRÈS LIMITÉ
Contrairement au secteur Bon Pasteur, les rues du secteur Joliette sont peu
appropriées par ses habitants et les rues sont peu animées. Plusieurs facteurs peuvent
expliquer ce phénomène.
UNE CONFIGURATION IMPROPRE À LA FRÉQUENTATION DE L’ESPACE PUBLIC
D’abord, la configuration des constructions d’Euroméditerranée participe au repli
des habitants sur l’îlot. En effet, la généralisation des parkings souterrains participe à la
déconnexion entre l’îlot et la trame urbaine puisque les habitants-automobilistes peuvent
passer une journée entière sans mettre un pied dans le quartier. Par ailleurs, plusieurs îlots
possèdent un espace ouvert en leur sein permettant aux habitants de profiter de l’extérieur
sans sortir de leur résidence (figure 24). L’interaction avec les autres habitants du quartier
est alors très réduite.
Figure 24 : les espaces ouverts en coeur d’îlots appropriés au détriment de la rue
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 47
DES ACTIVITÉS HORS-SOL PEU PORTEUSES D’ANIMATION À L’ÉCHELLE DU QUARTIER
Par ailleurs, les activités en rez-de-chaussée sont une variable importante de
l’animation de la rue. Une façade d’activités tertiaires et d’immeubles de bureaux se
distingue sur toute la partie ouest du périmètre, à l’articulation (que constitue le Boulevard
de Dunkerque) avec les Docks, un pôle tertiaire majeur du projet d’Euroméditerranée.
Ce secteur économique a peu d’impact sur la vie du quartier : il ne produit que peu
d’animation sur la rue, il n’est pas attaché à la culture ou à une ressource locale. Par ailleurs,
il ne représente pas une source d’emploi directe importante pour les habitants du quartier
en particulier pour les personnes peu ou pas diplômées, même si certains emplois induits
(tels que la restauration, les prestations d’entretien, de maintenance et de gardiennage)
peuvent participer à la dynamique du quartier. Il s’agit d’une activité dite « hors-sol » dont
l’empreinte sur le territoire est limitée.
DES ÉQUIPEMENTS SCOLAIRES, PÉRISCOLAIRES ET DES SERVICES QUI AMÈNENT UNE DIMENSION
HUMAINE AU SECTEUR
Le cœur du secteur Joliette est principalement occupé par des équipements scolaires,
périscolaires et des services à la personne :
•
Ecole communale maternelle Leblanc (1)
•
Ecole maternelle Désirée Clary (2)
•
Ecole élémentaire Chevalier Paul (3)
•
Collège Izzo et son terrain de sport géré par une association en dehors des heures
scolaires (4)
•
Crèche Hozier (5)
•
Services 13Habitat (6)
•
Cabinet médical de chirurgie (7)
•
Maison de repos (La Maison de Fannie) (8)
48 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Les équipements éducatifs sont particulièrement vecteurs d’animation et de vie
communautaire au sein d’un quartier. Dans le cas du secteur Joliette, cette ambiance
communautaire reste limitée mais la présence des jeunes et donc des familles amène
une certaine humanité dans un cadre bâti très dense et imposant (des îlots étendus, des
immeubles hauts, des façades homogènes et monolithiques).
UN PETIT AGGLOMÉRAT D’ÉQUIPEMENTS CULTURELS ET DE LOCAUX ASSOCIATIFS À L’INTERFACE AVEC
LE SECTEUR BON PASTEUR
Autour de l’îlot Massabo gravitent une mosquée, une école de musique, un espace
de rencontre pour les séniors, un cinéma de quartier, un centre d’accueil de nuit pour les
personnes sans-abris, une auberge de voyageurs, un local associatif du Secours Catholique
et l’association Petitàpetit d’accueil pour les enfants. Ce cœur associatif et culturel situé
dans la trame Mirès mais destiné à accueillir des personnes de tout le quartier y compris
du secteur Bon Pasteur est un élément représentatif des liens malgré tout existants, entre
ces deux secteurs. Même s’ils ne font pas centralité dans le sens où ils ne brassent pas la
majorité de la population du quartier, ils marquent un lien fort entre ces deux secteurs
pourtant différents. Il est à noter que les conditions des locaux utilisés sont plutôt médiocres
: un équipement plus grand et plus adapté pourrait permettre d’assurer la pérennité de ces
initiatives qui viennent combler un manque d’actions ou de pouvoir d’actions des politiques
sociales locales.
Au-delà des caractéristiques différentes, voire contradictoires du quartier qui
entérinent une scission entre les deux secteurs qui le composent, certaines problématiques
peuvent se lire à l’échelle du quartier. Les dysfonctionnements et potentialités qui traversent
le quartier peuvent également être appréhendés dans le cadre du projet d’Ecocité.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 49
2.3 DYSFONCTIONNEMENTS ET POTENTIALITÉS D’UN
QUARTIER SCINDÉ
Le lien entre ces deux espaces qui fonctionnent de manière sensiblement différente,
n’est pas toujours évident. Le manque d’espaces publics et la difficile communication
piétonne, accentués par des dynamiques métropolitaine juxtaposées, peuvent venir
expliquer cette scission.
2.3.1 UN MANQUE D’ESPACES PUBLICS QUI VIDE LE QUARTIER DE
DYNAMIQUES SOCIALES
Que ce soit dans le secteur Bon Pasteur ou dans le secteur Joliette, l’aménagement
d’espaces publics est le grand oublié des politiques publiques. Il n’existe pas un seul espace
dans le quartier capable d’accueillir un évènement, une manifestation ou toute autre forme
de rassemblement social d’envergure. En effet, les seuls espaces publics identifiés sont le
parvis du collège Izzo, la place Gantes et l’espace public « Trame Mirès ».
Le parvis du collège Izzo (figure 25) est un petit espace planté soumis aux nuisances
de la circulation du boulevard de Dunkerque. L’importance de l’espace dédié à la voirie en
fait davantage une zone de passage que de repos et de rencontre. La fréquentation de cet
espace dépend d’ailleurs largement du rythme du collège (entrée/pause/sortie).
La place Gantes, tout comme le parvis du collège Izzo, résulte de la jonction du tracé
Mirès orthogonal et du boulevard de Dunkerque, transversal (figure 26, p.50). La lisibilité
est renforcée par la façade de l’entreprise Richardson qui cadre le tout. Cela produit un
rectangle ouvert sur l’une de ses longueurs. Malheureusement, cet espace public a été
aménagé de manière extravertie, en direction du littoral (figure 27, p.50). La place tourne
ainsi le dos à la trame Mirès. Par ailleurs, les nombreux camions de l’entreprise de plomberie
et la circulation automobile du boulevard de Dunkerque provoquent nuisances sonores et
olfactives qui n’incitent pas les usagers potentiels à rester.
50 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
a) Trame urbaine
b) vue aérienne
Figure 25 : le parvis du collège Izzo, un espace dédié au passage
Source : GoogleEarth 2015
L’espace public de la trame Mirès est un espace linéaire complétant l’emprise du
collège Izzo sur l’ilot (figure 28, p.51). Cet aménagement se compose d’une promenade
et d’un parc pour enfants. Pourtant cet espace, qui permet d’habiller le dénivelé entre le
collège Izzo et la rue Chevalier Paul, ne fonctionne pas. Au-delà des problèmes techniques
qui le transforment en bassin de rétention d’eau, le manque d’arbres produit un espace
ouvert, sans intimité et n’invitant pas les habitants à s’y retrouver (figure 29, p.51). Si le
parc de jeux est, lui, plutôt utilisé, il est peu entretenu. Proche des équipements scolaires
accueillant aussi les jeunes du secteur Joliette, cet espace pourrait pourtant se prêter à la
réunion des habitants du quartier grâce à un aménagement adapté.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 51
a) Trame urbaine
b) vue aérienne
Figure 26 : la place Gantes, un espace dédié au passage
Figure 27 : un aménagement extraverti
Source : GoogleEarth 2015
Source : O. Michel., 2014
52 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 28 : l’espace public « Mirès », un espace peu adapté au public
Source : GoogleEarth 2015
Source : O. Michel., 2014
Figure 29 : l’espace public « Mirès » inondé
Ce défaut d’espaces publics représente un frein à la sociabilité et participe à l’absence
de cohésion entre les habitants de chaque secteur et des deux secteurs. Au-delà, il amoindrit
l’habitabilité globale du quartier car la création de rassemblements culturels ou associatifs
n’est pas permise par l’aménagement du quartier. Au-delà, le manque d’espaces publics
traduit la faible centralité du quartier. En effet, un espace bien identifié, situé au cœur du
quartier, permettrait de créer une identité commune et un point de repère et de rencontre
pour les habitants du quartier Joliette-Bon Pasteur.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 53
2.3.2 DES LIAISONS PIÉTONNES PEU ÉVIDENTES ENTRE LES DEUX ESPACES
UNE QUALITÉ COMMUNE DES CHEMINEMENTS PIÉTONS AUX CARACTÉRISTIQUES POURTANT OPPOSÉES
Les axes structurants du quartier que sont les boulevards de Paris, de Dunkerque et
des Dames sont peu agréables pour la déambulation piétonne. En effet, malgré la présence
de trottoirs relativement larges, l’expérience piétonne subit les nuisances caractéristiques
des grands axes aux flux automobiles importants (figure 30a).
Figure 30a : un trafic routier générateur de nuisances sur le Boulevard de Paris
Source : O. Michel., 2014
Dans les rues intérieures du secteur Bon Pasteur, la configuration des cheminements
piétons est totalement différente. Les trottoirs, lorsqu’ils existent, sont très étroits ou en
mauvais état. Souvent, ils sont utilisés à d’autres fins comme le stationnement automobile,
le stockage des poubelles (figure 30b), l’accueil des étals ou des terrasses des commerces
et restaurants. Ces utilisations obligent le piéton à marcher sur la chaussée, ce qui peut
entraîner des conflits d’usages et présente des risques. Cependant, le trafic automobile
dans ces rues est tellement minime qu’il devient agréable de marcher au milieu de l’espace
public sans se restreindre à un espace dédié (figure 30d, p.56). Cette quasi-piétonnisation
54 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Figure 30b : un trottoir inutilisable
par le piéton dans la rue Montolieu
Source : O. Michel, 2014
de fait des rues du secteur Bon Pasteur donne une dimension humaine à l’ensemble. Elle
montre aussi la liberté d’appropriation laissée à l’habitant et participe donc à l’habitabilité
du quartier.
Dans le secteur Joliette, toutes les rues possèdent des trottoirs larges et peu
encombrés, sur lesquels au moins deux piétons peuvent se croiser sans aucune gêne (figure
30c).
Le trafic automobile y est supérieur à celui des rues intérieures du secteur Bon Pasteur.
Figure 30c : un trottoir large et
confortable dans la rue Désirée Clary
Source : O. Michel, 2014
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 55
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Une déambulation piétonne
confortable à l’intérieur du quartier
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Analyse sensible de la qualité des
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Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014
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Figure 30d : une déambulation piétonne confortable à l’intérieur du quartier
Source : Observation de terrain, 2014
Cependant, la largeur des rues et l’éloignement entre la chaussée et le trottoir, permis par
une rangée d’arbres ou un espace linéaire de stationnement, permettent de restreindre la
perception des nuisances liées au trafic automobile. Même le boulevard de Dunkerque, qui
est le support de deux voies de tramways et de trois voies de circulation automobile, est
doté d’un bon niveau de confort des cheminements piétons.
56 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
DES COUPURES ENTRE LES DEUX ESPACES
Les cheminements internes des deux espaces sont agréables mais ne communiquent
pas. Un changement d’ambiance est saisissant à l’abord des rues Forbin et Malaval. Le bruit
et l’étroitesse des trottoirs produisent un effet d’oppression contrastant de manière radicale
avec le calme de la trame Mirès et la liberté ressentie dans le secteur Bon Pasteur.
La rue Forbin qui relie le boulevard de Paris à la place de la Joliette est une double
voie à sens unique où le trafic est constant et rapide (figure 30e). La rue Malaval sert, elle, de
transit entre l’autoroute A7 et la rue de la République, ce qui génère un trafic inadapté aux
proportions de la rue. En effet, la circulation est dense sur la rue Malaval, la présence de la
Caisse d’Allocation Familiale (CAF) participe notamment à l’afflux de piétons qui se rendent
dans ces locaux. Nous avons régulièrement constaté au cours de nos visites sur le terrain
qu’une file d’attente se formait tant bien que mal sur le trottoir étroit qui y permet l’accès.
Cette succession de frontières franches dans les cheminements piétons représente un
frein à l’unité du quartier, à l’échange entre les habitants des secteurs Bon Pasteur et Joliette.
Morphologiquement, le quartier Joliette - Bon Pasteur semble détaché de son
environnement urbain par les grands axes routiers qui le ceinturent (Boulevards de
Dunkerque, de Paris, des Dames). Ces limites rendent l’accès au quartier difficile pour
les piétons. Cependant, elles permettent le développement d’une offre de transport en
commun efficace et un accès au quartier depuis tout le périmètre métropolitain.
Figure 30e : un trafic automobile constant
dans la rue Désirée Clary
Source : O. Michel, 2015
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 57
2.3.3 UN QUARTIER QUI PRÉSENTE DES DYNAMIQUES MÉTROPOLITAINES À
CONFORTER
LE RÉSEAU DE TRANSPORT EN COMMUN, UN LIEN RAPIDE ET EFFICACE AVEC LE RESTE DE LA VILLE
Le quartier est desservi par d’importantes infrastructures de transport (métro et
tramway) qui permettent d’accéder de manière rapide et efficace à l’ensemble du réseau
(figure 31). La partie sud du secteur est située à un arrêt de métro de la Gare SaintCharles qui constitue un pôle de transport multimodal d’envergure régionale, nationale
voire internationale (train en direction de l’Italie, navette pour se rendre à l’aéroport de
Marignane). Enfin, la ligne de tram 2 relie la gare de Marseille Blancarde et Euroméditerranée,
en longeant le boulevard de Dunkerque.
Des lignes de bus viennent compléter l’offre de transport notamment sur le boulevard
de Paris et au niveau des rues Forbin et Pontevès. L’ensemble du quartier se trouve ainsi à
moins de 150 mètres d’une station de transport en commun.
UN QUARTIER CONNECTÉ AUX INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES MÉTROPOLITAINES
Joliette - Bon Pasteur se situe à proximité directe de deux axes autoroutiers (A55 et
A7) qui le relient rapidement aux autres pôles régionaux tels que Toulon, Aix-en-Provence
et Avignon (figure 32, p.60).
58 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
N
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50
100m
Un quartier connecté au
reste de la ville grâce à de
nombreuses lignes de
transport collectif
Le réseau de transport en
commun RTM en 2014
Métro
Tramway
Source : RTM, Plan du réseau, nov. 2014
IGN, SCAN25, 2014
Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014
Bus
Périmètre d’étude
Figure 31 : un quartier connecté au reste de la ville grâce à de nombreuses lignes de transport collectif
L’accès au quartier depuis le réseau régional (et au-delà national) se fait au niveau de
la place de la Joliette (depuis l’A55) et au niveau du carrefour de l’avenue Camille Pelletan
(depuis l’A7). A ces accès d’envergure métropolitaine s’ajoutent des entrées à l’échelle locale
au niveau de la Porte d’Aix, de la rue de la République (l’accès au Vieux-Port), de l’avenue
Robert Schuman (lien au Fort Saint-Jean) et du boulevard de Paris. Ceinturé par le réseau
routier, le quartier est ainsi très bien desservi. Il s’agit d’un atout majeur pour les échanges
économiques et pour l’accessibilité des familles aux zones de consommation locales et
régionales.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 59
Aix-en-Provence
Marseille-nord
Avignon
Lyon
Un accès au quartier
facilité par la proximité
aux axes autoroutiers
Réseau routier en 2014
Voie rapide prioritaire
Voie urbaine majeure
Accès extra-communal
Accès local
N
100m
A7
50
A55
0
Marseille-est
La Corniche
Aubagne
Toulon
Source : IGN, SCAN25, 2014
Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014
Marseille-sud
Figure 32 : un accès au quartier facilité par la proximité aux axes autoroutiers en 2014
60 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
ATTRACTIVITÉS ET INSUFFISANCES DU QUARTIER
Les commerces du secteur Bon Pasteur et notamment le Marché du Soleil attirent de
nombreux clients venant des autres quartiers de Marseille mais aussi d’autres communes
de l’aire urbaine. En effet, il s’agit de commerces spécialisés dont les produits ne se trouvent
pas dans les centres commerciaux (textile, restauration exotique, etc.) et dont les prix
pratiqués, plutôt attractifs, semblent participer au succès commercial du quartier. Une autre
caractéristique de l’économie projette le quartier cette fois-ci à l’échelle méditerranéenne :
l’import-export automobile. En discutant avec un commerçant du quartier présent
depuis plus d’une trentaine d’années, nous apprenons qu’au cours des années 1970, de
nombreuses entreprises automobiles non franchisées étaient installées permettant des
échanges avec le Maghreb. Il en a résulté une spécialisation de l’économie du quartier
marqué par la présence de nombreuses entreprises liées à la mécanique, au stationnement
automobile, etc. Ces activités perdurent encore aujourd’hui même si les échanges se sont
ralentis depuis les décisions des Etats nord-africains de limiter les importations automobiles
à la fin des années 1980.
Si l’offre commerciale existe bien dans le quartier, elle n’apparait pas toujours adaptée
à la population. La famille Kurde interrogée nous expliquait ainsi qu’elle était obligée de
prendre la voiture pour se rendre au centre commercial. En effet le quartier ne dispose
pas d’une offre commerciale de grande distribution discount, ce qui oblige les familles les
moins aisées à en sortir.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 61
UNE HABITABILITÉ GLOBALE AUX
CARACTÉRISTIQUES DIFFÉRENCIÉES
Le quartier Joliette - Bon Pasteur est traversé par différentes réalités. En effet, il
concentre à la fois des ménages en forte situation de précarité et des projets d’envergure
métropolitaine. Le traitement différencié des politiques publiques dont il fait l’objet tend à
renforcer ces disparités. Intégré à la Zone Urbaine Sensible (ZUS) Centre Nord et en partie
à l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée, le quartier Joliette - Bon Pasteur est
marqué par une forme de rupture entre deux espaces aux fonctionnements différents. Pour
identifier les dysfonctionnements apparents, mais également révéler les potentialités dans
la perspective d’une démarche d’écocité, nous avons appréhendé les différents éléments
d’analyse (données historiques, morphologiques, statistiques et entretiens qualitatifs)
au prisme de l’habitabilité. Nous nous sommes appuyés sur les travaux de la sociologue
Nathalie Blanc définissant un lieu habitable comme un lieu qui « offre à ses habitants les
capacités suffisantes d’adaptation et de création pour se l’approprier » (BLANC N., 2010).
Ce concept nous a permis de nous interroger sur les capacités du quartier à supporter des
opérations de renouvellement urbain. Au cours des évolutions du quartier, deux formes
d’habitabilité se sont développées. En vue d’évaluer ces différences, nous avons déterminé
trois critères de l’habitabilité globale du quartier : la qualité du logement, la qualité de
l’espace public et l’intensité des interactions sociales (figure 33, p.63). Le secteur Joliette
est ainsi caractérisé par une haute qualité du logement, une qualité modeste des espaces
publics et une faible intensité des interactions sociales. A l’inverse, le secteur Bon Pasteur
se caractérise par une dégradation avancée du logement, un manque d’espace public et
une solidarité qui s’illustre par de nombreux échanges entre les habitants. Finalement,
ces deux secteurs bénéficient d’un niveau d’habitabilité équivalent, témoignant de la
complémentarité entre ces deux espaces.
62 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Les caractéristiques de l’habitabilité
Qualité du logement
Qualité de l’espace public
Intensité des interactions sociales
JOLIETTE
BON PASTEUR
Réalisation : CELLE-MICHEL-OUADI
Figure 33 : une habitabilité aux caractéristiques distinctes mais complémentaires
REPENSER L’ÉCOCITÉ DANS UNE PERSPECTIVE DE PROJET
DANS LE QUARTIER JOLIETTE - BON PASTEUR
Le concept de l’habitabilité nous a permis de mieux saisir la richesse des interactions
et des dynamiques du quartier Joliette – Bon Pasteur. De plus, il nous a permis de prendre du
recul vis-à-vis du développement durable et de ses outils. En effet, le concept d’écocité qui
ne permet pas d’appréhender la complexité du quartier et semble plus adapté à la mise en
place de projets nécessite d’être enrichi. Constituant une entrée pour l’analyse du quartier,
l’habitabilité rend également possible l’articulation entre écocité et quartier existant.
En posant la question d’un quartier habitable, on pose non seulement la question d’un
quartier durable, mais aussi et surtout celle d’un quartier vivable. Le concept d’habitabilité
permet ainsi de considérer les problématiques du quartier Joliette - Bon Pasteur, telles
que celles induites par le renouvellement urbain, amenées à toucher des personnes plus
ou moins en capacité de répondre à ce changement. Afin d’amorcer une réflexion sur des
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 63
projets globaux et générateurs de liens dans un quartier aussi singulier que Joliette - Bon
Pasteur, il est nécessaire de se réapproprier le concept d’écocité.
ADAPTER UN CONCEPT A UN TERRITOIRE SINGULIER
La complexité de la commande réside dans l’adaptation du concept d’écocité à un
lieu vécu et habité. Comment penser un modèle davantage conçu pour des espaces
inhabités que pour un quartier existant ? L’usage du concept d’habitabilité permet
véritablement de transformer cette contrainte en avantage. En effet, nous avons vu qu’au
sein du quartier Joliette - Bon Pasteur, deux formes d’habitabilité se déclinent. Alors que
l’habitabilité du secteur Joliette dépend quasi entièrement de la qualité des logements,
celle du secteur Bon-Pasteur a pour principal facteur le niveau d’intensité des interactions
sociales. Cette particularité du quartier est constitutive de son identité. La construction
d’une identité locale, en partie fondée sur cette diversité, est nécessaire pour que les
habitants s’approprient leur milieu de vie. De plus, la valorisation de l’existant, qu’il s’agisse
des nouvelles entreprises tertiaires ou des commerçants maghrébins de la rue Bon Pasteur,
peut également devenir vecteur du bon fonctionnement d’un quartier aux composantes
diverses. S’inspirer des spécificités locales peut constituer un atout essentiel dans la mise en
œuvre d’une écocité aux caractéristiques singulières. Le mélange des cultures (Française,
Comorienne, Italienne, Algérienne, Marocaine, etc.) représente un atout singulier de la
future métropole Aix-Marseille Provence. L’enjeu de l’écocité s’incarne alors dans sa capacité
à faire fonctionner ensemble des acteurs aux histoires, vies et aspirations différentes. En
marquant une attention particulière pour ces derniers, l’habitabilité permet de saisir toute la
complexité de fonctionnement du territoire pour adapter la démarche d’écocité au quartier
Joliette - Bon Pasteur. Cette appropriation de la démarche permet ainsi d’affirmer la vision
territorialisée de l’écocité.
64 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
PRENDRE EN COMPTE LES ASPIRATIONS DES HABITANTS
Le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie définit l’écocité
par un enjeu : « l’enjeu des écocités est de soutenir la croissance et l’attractivité des villes, de
les rendre plus respectueuses de leur milieu, moins consommatrices d’énergie ou d’espace
périurbain, tout en répondant aux attentes de leurs habitants actuels et futurs. Plus
globalement, la démarche s’inscrit dans la lutte contre l’artificialisation des sols, la pollution
de l’air et le réchauffement climatique. »
Nous retenons de cette définition que l’écocité doit répondre aux attentes des
habitants actuels et futurs. En ce sens, elle se doit d’être évolutive dans les domaines de la
mobilité, le logement, les parcours résidentiels, les espaces publics, l’environnement, etc.
Non dénuée d’une vision à long terme, elle laisse la place aux actions et réajustements à
court terme. Elle se nourrit donc des transformations environnantes, qui se produisent à des
échelles plus ou moins larges. Au-delà de répondre aux attentes des habitants, les projets
doivent être innovants en plaçant les éco-citoyens au cœur des processus de projet. L’enjeu
principal de l’écocité est donc d’intégrer les habitants de l’amont du projet, au sein de la
phase de diagnostic, en passant par la réalisation, jusqu’aux dispositifs d’évaluation en aval.
La démarche participative est un élément clef des projets proposés dans le cadre
de l’écocité en tant que processus de co-création de la ville dans le quartier Joliette - Bon
Pasteur.
Définie comme un moyen de co-construire la ville et non comme une fin dont les
objectifs seraient intangibles, l’écocité évolue selon le contexte où elle prend source. Ses
enjeux, outils et projets sont donc en permanence ajustés aux aspirations et attentes des
habitants qui la vivent. En ce sens, le premier pas vers l’écocité réside dans l’appropriation
d’un territoire et de ses enjeux par les habitants. Selon Nathalie Blanc, l’appropriable
constitue une dimension inextricable du développement durable (Blanc N., 2010). En effet,
la considération d’un bien partagé, dont on est à la fois dépendant et responsable, est une
nécessité pour la mise en œuvre de projets respectueux de l’environnement.
1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 65
CRÉER UNE MÉTHODOLOGIE DE DÉMARCHE PARTICIPATIVE
POUR UN PROJET D’ÉCOCITÉ DANS UN QUARTIER EXISTANT
Dans un quartier aux caractéristiques socio-économiques et aux fonctionnements
aussi différents et complexes, il semble difficile d’imposer un projet urbain qui réponde
vraiment à la diversité des besoins sans prendre en compte l’expertise des habitants et
usagers du quartier. Cette expertise d’usage permet d’identifier les dysfonctionnements
et potentialités de la vie locale qu’un diagnostic d’urbaniste ou de technicien ne peut
révéler sans une immersion totale dans le terrain étudié. L’expertise d’usage peut être
définie comme « une somme de compétences acquises et transmissibles, de savoir-être et
savoir-faire dans l’utilisation au quotidien des espaces urbains, des espaces privatifs, des
réseaux et des relations sociales de proximité. » (Bonnet, 2006). Elle permet de favoriser
une coélaboration des projets répondant mieux aux besoins et d’assurer leur pérennité.
L’ambition est de construire une méthodologie pour une démarche participative adaptée
au contexte (social, urbain, économique) local. Le choix de s’inscrire dans un processus
participatif pour la mise en place d’une écocité dans le quartier Joliette-Bon Pasteur étant
fait, il s’agit désormais de mieux préciser le cadre de cette démarche et les modalités de sa
mise en oeuvre.
66 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
PARTIE II : « ÇA PART DE
LÀ », UNE DÉMARCHE
PARTICIPATIVE
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 67
Les tags, affiches et slogans engagés sur les murs du quartier Joliette - Bon Pasteur
sont des éléments qui ont marqué nos visites de terrain. Ces moyens d’expression donnent
lieu à des citations frappantes, à l’image de celle relevée à l’angle de la rue Bon Pasteur et
de la rue Malaval : « L’urbanisme est une opération de police » (figure 34a). Si on ne peut
qu’établir des suppositions à propos de son auteur et des raisons qui l’ont poussé à l’écrire,
elle reflète cependant une réalité : les projets d’aménagement du quartier Joliette - Bon
Pasteur sont vécus par certains comme un acte d’oppression, une forme de violence. Les
expropriations engendrées par la requalification des ZAC de la Rue de la République et de
Joliette, les restructurations du quartier liées au Projet de Rénovation Urbaine ou encore
l’implantation d’un parking à la place de l’ancien marché aux puces, ont impacté habitats et
habitants. Témoins du légitime intérêt que portent les usagers à leur cadre de vie et à son
évolution, ces moyens d’expression ne sont pas toujours lus ou compris par les aménageurs.
Régulièrement arrachés, repeints, volontairement ou non cachés, ces interpellations à
même les murs ne permettent pas aux revendications et aspirations des habitants de
s’incarner dans un projet.
O. Michel, 2015
Figure 34a : une affiche de révolte à l’égard de « l’urbanisme » dans la rue Montolieu
68 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Perçu par certains comme un pouvoir de contrôle, l’urbanisme offre cependant les
possibilités d’associer durablement les habitants à la construction et à l’évolution de leur
cadre de vie. Dans les années 1970, alors qu’émerge une prise de conscience mondiale sur
les limites de la Terre, apparaît le concept du développement durable et avec lui la prise
en compte au niveau national, européen et international d’un cadre législatif pour la
participation citoyenne. La participation du citoyen revêt dans les faits plusieurs formes
allant de l’information, qui consiste à communiquer à la population sur des projets à venir,
jusqu’à la coélaboration qui consiste à créer un projet partenarial construit par les élus et
les habitants. Ces réglementations ont permis de mettre en place des instances telles que
les comités locaux d’information et de concertation, les conseils de développement ou plus
récemment les conseils citoyens, prévus dans les nouveaux contrats de ville, pour intégrer
les habitants dans les processus décisionnels. Cependant, la concertation est souvent
perçue par les élus comme une contrainte. Qualifiée notamment de chronophage, elle se
réduit souvent à de simples procédés d’information ou de consultation. Pourtant, construire
et entretenir la cité dans la durée ne peut se faire qu’avec les citoyens.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 69
Face à la difficulté des habitants à concrétiser leurs souhaits et revendications et à leur
faible prise en compte dans les projets d’aménagement, l’enjeu est double. D’une part, les
élus doivent apprendre à partager leurs connaissances et surtout à donner la parole aux
habitants. D’autre part, les habitants doivent partager leur connaissance de l’histoire, de la
culture et des enjeux propres à leur quartier. La modification du cadre vie dans le sens d’une
plus grande habitabilité constitue un moyen efficace de répondre aux enjeux propres au
quartier et d’augmenter l’appropriation des lieux par les habitants.
Une profusion de vocabulaire existe sur les types de démarches dans la sphère de
la participation citoyenne. Ces différents termes (concertation, participation, partenariat,
etc.) permettent de qualifier le degré d’inclusion des usagers à l’élaboration des projets
territoriaux. En 1969, Sherry R. Arnstein a élaboré une « échelle de la participation »
distinguant huit niveaux de participations des citoyens allant du niveau le plus bas, la «
manipulation », au plus haut, celui du « contrôle citoyen » (figure 34b).
S. R. Arnstein, 1969
Figure 34b : échelle de la participation élaborée par S.R. Arnstein
70 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Sur cette échelle, l’auteure classe les différentes échelles sous trois catégories : la
« non participation », la « coopération symbolique » et le « pouvoir effectif des citoyens ». La
démarche participative que nous cherchons à mettre en place s’insère dans cette dernière
catégorie. En effet, le concept d’habitabilité implique de donner la capacité aux usagers de
voir, de modifier et de s’approprier un territoire.
Dans un contexte de projet communautaire à l’échelle d’un quartier, le niveau de «
contrôle citoyen » et de « délégation du pouvoir » pourrait être envisagé même dans une
ville comme Marseille où la reconnaissance des citoyens dans la démarche de coélaboration
n’est que peu valorisée. Dans le cadre de Joliette - Bon Pasteur où le public cible est
extrêmement diversifié et dont les aspirations peuvent être différentes voire antagonistes,
il est plus réaliste d’envisager une démarche de « partenariat » dans laquelle l’usager,
le technicien et l’élu construisent ensemble une vision partagée du quartier. L’élu reste
cependant le seul acteur décisionnel du projet. Le pouvoir de décision n’est pas délégué à
l’usager. Ceci vaut pour les projets institutionnels (où la réalisation ne peut se faire que par
l’action de la puissance publique) et ne s’applique pas aux projets citoyens qui pourraient
émerger de la démarche participative. Le projet citoyen s’entend ici comme le projet
(souvent micro-projet) où le citoyen est à la fois concepteur et réalisateur. Il peut donc se
passer de l’institution pour concrétiser le projet dans le respect du cadre réglementaire.
Beaucoup d’initiatives de ce genre peuvent émerger lors de cette démarche participative.
Elles viendraient rééquilibrer une des éventuelles limites du projet qui serait le manque de
portage politique et de moyens techniques et financiers accordés aux projets d’amélioration
de la vie du quartier Joliette - Bon Pasteur. Ce risque est réel étant donné la proximité et
même l’inclusion d’une partie du quartier dans le périmètre Euromed 1. En effet, des
interventions coûteuses sur cette partie nouvellement aménagée semblent compromises.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 71
Dans ce projet d’étude, avant même de s’intéresser aux réalisations concrètes qui
pourraient être envisagées dans le cadre d’une écocité dans un quartier existant, il nous a
semblé essentiel de réfléchir à la manière dont pourraient être inclus les habitants au projet.
C’est pour cela que nous proposons une méthodologie de démarche participative. Dans
cette dernière nous distinguons trois phases. Le premier temps concerne la préparation,
c’est à dire l’identification et la mobilisation des acteurs. La seconde phase s’intéresse à
la mise en place d’un diagnostic participatif. Enfin la dernière étape consiste à aborder la
coélaboration en pratique.
Notre objectif étant de proposer une démarche participative, adaptable et pensée à
la lumière des enjeux propres au quartier Joliette - Bon Pasteur, nous avons élaboré une
méthodologie, mais également des documents opérationnels. En appui à la phase de
diagnostic participatif, nous proposons des fiches d’aide au pilotage, conçues comme
un outil de travail mobilisable au cours des réunions de participation. Un « catalogue des
initiatives » servira d’appui au porteur de projet pour la phase de coélaboration. Prenant la
forme d’un document de travail, ce catalogue contient différents projets susceptibles d’être
réalisés sur le quartier Joliette – Bon Pasteur.
Cette démarche a été nommée « ça part de là ». Son appellation résulte de notre
vision personnelle de l’aménagement du territoire. En tant que futurs urbanistes, nous
considérons que notre rôle est de favoriser le dialogue entre élus, techniciens et usagers et
ainsi d’accompagner la mise en place de grands et petits projets se nourrissant directement
des aspirations citoyennes. Il s’agit de donner à ces différents acteurs des possibilités pour
lire des concepts, des relations et des territoires complexes ainsi que des moyens simples
pour les écrire.
72 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1 PRÉPARER LE CADRE D’UN DÉMARCHE
PARTICIPATIVE
1.1 IDENTIFICATION ET MOBILISATION DES ACTEURS
La démarche participative se doit d’être encadrée par un acteur représentant l’intérêt
de la communauté (par rapport aux intérêts individuels) telle qu’une personne publique,
une association, un groupement d’habitants, etc. Le premier travail consiste donc à identifier
le porteur de la démarche pour adapter la méthodologie à son statut, sa reconnaissance, sa
légitimité et son pouvoir d’action.
1.1.1 LE GIP POLITIQUE DE LA VILLE, UN PORTEUR DE PROJET LÉGITIME
Pour identifier ce porteur de projet, nous nous sommes intéressés à nos interlocuteurs
dans le cadre du projet d’écocité dans un quartier existant. Au vu de ses compétences
(développement économique, programmation des équipements et aménagement du
territoire), l’intervention de la Région, commanditaire de l’étude, semble pertinente, en
tant que porteur d’une vision transversale du territoire. De manière complémentaire, le
Groupement d’Intérêt Public (GIP) Politique de la Ville, associé à cette étude sur une écocité
appliquée au quartier Joliette - Bon Pasteur, apporte une vision plus fine du territoire.
Pour des raisons liées au contexte du secteur étudié et à la nature même de notre projet, à
savoir une démarche participative, le GIP Politique de la Ville constitue un porteur de projet
pertinent, à condition de l’asseoir sur des partenariats institutionnels.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 73
1.1.2 LE GIP POLITIQUE DE LA VILLE, UNE STRUCTURE ANCRÉE DANS LE
QUARTIER JOLIETTE-BON PASTEUR
Le GIP Politique de la Ville, créé en 1998, représente la structure juridique et financière
pour la gestion de la Politique de la Ville à Marseille (Contrats de Ville 2000-2006, CUCS 20062015 et nouvelle génération des Contrats de Ville en cours d’élaboration). Mise en place par
les pouvoirs publics afin de revaloriser les zones urbaines en difficulté, elle agit sur plusieurs
leviers :
• Développement social et culturel
• Revitalisation économique et emploi
• Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie
• Sécurité, citoyenneté et prévention de la délinquance
• Santé
Compte tenu de la transversalité de ses interventions, le GIP Politique de la ville
s’associe à un grand nombre d’acteurs du territoire : le GIP Marseille Rénovation Urbaine
(MRU), la région PACA, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, l’Agence
nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) et il compte parmi ses
membres des conseillers municipaux représentant la ville de Marseille.
Le quartier Joliette - Bon Pasteur constitue l’un des secteurs d’intervention du
GIP Politique de la Ville. Les inégalités marquées au sein même du quartier justifient
son intervention qui tend à favoriser l’égalité entre les territoires. Plus qu’une politique
sectorielle et orientée uniquement sur le volet social, la Politique de la Ville se décline sur
un champ d’intervention large et transversal. Elle traite aussi bien de l’économie que de
la problématique de la délinquance en passant par la dynamisation du tissu associatif. La
74 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
diversité des enjeux révélés dans le diagnostic préalable requiert un acteur polyvalent qui
possède la connaissance du terrain et les moyens d’intervenir de par son expérience et sa
connaissance fine du territoire.
La loi du 21 Février 2014 relative à la ville et la cohésion sociale a engendré une
modification de la géographie prioritaire. Une partie du secteur Joliette, au nord, sort
donc du zonage des nouveaux Contrats de Ville (figure 34c). Le portage du projet par le
GIP Politique de la Ville permet alors de conserver et d’utiliser la connaissance longuement
acquise sur le secteur Joliette malgré sa sortie du zonage prioritaire.
Périmètre prioritaire avant 2015
0
Périmètre prioritaire à partir de 2015
0
50 100m
50 100m
Joliette
Joliette
Bon Pasteur
Bon Pasteur
Source : GIP Politique de la Ville
Source : GIP Politique de la Ville
Figure 34c : le secteur Joliette sort de la géographie prioritaire des nouveaux Contrats de Ville (à droite)
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 75
1.1.3 LA POLITIQUE DE LA VILLE, À PROXIMITÉ DES HABITANTS
Le portage du projet par le GIP Politique de la Ville se justifie également par la nature
même de la démarche participative par laquelle il s’agit de mobiliser les différents acteurs
qui pratiquent dans le quartier au quotidien, autour d’un projet commun. Le GIP Politique
de la Ville étant en charge de la gestion urbaine de proximité, son expérience dans la mise
en œuvre de projets participatifs constitue une compétence essentielle pour la mise en
place de cette démarche. En juin 2014, en partenariat avec la Compagnie des rêves urbains,
les deux GIP Marseille Rénovation Urbaine (MRU) et Politique de la ville ont organisé un
séminaire portant sur les actions participatives menées et pilotées par ces derniers dans
le cadre de projets d’aménagement. A cette occasion une cartographie des actions a été
réalisée (figure 35).
0
1
2km
Source : GIP Politique de la Ville
Figure 35 : actions participatives menées dans le cadre de projets d’aménagements urbain par le GIP
Politique de la Ville et le GIP Marseille Rénovation Urbaine
76 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Toutes ces opérations ont été le fruit d’un travail entre les citoyens, les techniciens
des GIP et des associaions. Ces initiatives nous confortent dans l’idée que le GIP Politique
de la Ville détient les compétences et l’expérience nécessaires au pilotage d’une démarche
participative.
1.1.4 DES PARTENAIRES ESSENTIELS DU GIP POLITIQUE DE LA VILLE
Pour s’assurer de la réalisation du projet, le GIP Politique de la Ville devra s’associer
à d’autres institutions telles que la Région, la communauté urbaine Marseille Provence
Métropole (MPM) et la Ville de Marseille. En effet, la démarche participative est amenée à
mettre en débat des sujets variés entrant dans le champ de compétences d’autres instances
que le GIP Politique de la Ville.
Ce dernier est une entité dépendante de la Ville de Marseille. Sans le soutien de cette
dernière, sa marge de manœuvre est faible puisque les interventions et même les modalités
de son fonctionnement (notamment en termes d’effectif ) dépendent de la volonté politique
de la municipalité. Il n’a ni la compétence ni les moyens d’agir ou d’imposer ses choix, ce qui
rend l’association de la municipalité à la démarche participative indispensable.
Par ailleurs, dans le cadre des nouveaux Contrats de Ville, les intercommunalités
assurent le pilotage stratégique des dispositifs relatifs aux quartiers prioritaires.
Politiquement plus influente que le GIP Politique de la ville et possédant une vision plus
large du territoire, le partenariat avec la Communauté Urbaine MPM pour une démarche de
diagnostic participatif dans un quartier prioritaire semble donc intéressante.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 77
Enfin, un partenariat avec la Région PACA, commanditaire de cette étude sur une
écocité dans le quartier Joliette - Bon Pasteur, permettrait également d’enrichir la démarche
d’une vision plus large du territoire. L’implantation d’une partie de ses locaux au sein même
du secteur, comme ses compétences dans des domaines tels que l’environnement, la
mobilité ou l’économie, en font une force d’initiatives dans le cadre d’un projet participatif.
Elargir ainsi les partenariats et adopter une vision large et transversale du territoire
permettrait de sortir de la logique de zonage prioritaire. En effet cette dernière tend à
confiner la Politique de la Ville dans des territoires restreints dont les liens avec les autres
quartiers de la ville sont déjà fragiles. De plus, elle tend à empêcher ou limiter l’intervention
d’autres acteurs sous prétexte que la Politique de la Ville est déjà en charge de ces zones
prioritaires. Ce manque de porosité de part et d’autre des limites du zonage prioritaire peut
constituer un frein à l’élaboration de projets d’ensemble cohérents et peut participer à
l’accroissement des inégalités par la différence de traitement des espaces qu’il entraîne.
Le GIP Politique de la Ville semble donc détenir des atouts essentiels pour piloter
la démarche participative. Toutefois, il s’agira pour cette structure de renforcer ses
connaissances et son poids politique par la mise en place de partenariats. Cela permettra
de crédibiliser politiquement le projet et d’engager les réflexions à une échelle plus large
que celle du quartier. Pour enclencher la démarche participative, le porteur de projet
devra identifier et mobiliser le public-cible. Pour aider le porteur dans cette démarche
nous identifierons dans un premier temps les acteurs indispensables à la démarche et
dans un second temps nous exposerons la stratégie à mettre en place pour favoriser leur
mobilisation.
78 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1.2 UN LARGE ÉVENTAIL D’ACTEURS À MOBILISER
L’identification du public-cible est une étape essentielle dans l’élaboration d’une
méthodologie de démarche participative. Il est ici question de désigner, au regard des
spécificités du territoire étudié, les acteurs à associer à la démarche. Ces derniers seront
identifiés pour leur pouvoir décisionnel, leur expertise technique et leur expertise
d’usage. Cette dernière constitue une connaissance du fonctionnement d’un territoire par
l’implication physique dans cet espace, par son usage. Il ne s’agit pas d’une connaissance
objective, basée sur des données statistiques ou des cartographies mais bien d’une
expérience de proximité qui repose sur une pratique régulière des espaces. L’élu, seul acteur
à détenir le pouvoir décisionnel, est garant de l’intérêt collectif et peut apporter une autre
vision du quartier grâce à sa connaissance globale du territoire, des enjeux du quartier et
des environs. Il s’agit donc bien de croiser ces différentes expertises pour une vision plus
riche et transversale du quartier.
1.2.1 LE PUBLIC-CIBLE : TOUS LES USAGERS DU QUARTIER
La diversité des interactions dans le quartier rend nécessaire une réflexion avancée sur
l’éventail des acteurs à associer à la démarche participative. L’objectif de cette démarche est
bien de mettre en lumière des fonctionnements et dysfonctionnements que le diagnostic
préalable a révélé et de réfléchir collectivement aux projets ou initiatives qui permettraient
de répondre aux enjeux du quartier en complétant les thèmes que le diagnostic préalable ne
pouvait pas étudier. Du résident au simple usager en passant par le membre d’association,
tous jouent un rôle dans le quartier. Ils se voient, se côtoient, parfois se parlent, se gênent, se
réunissent, etc. La réalisation d’un diagnostic participatif est l’occasion de faire se rencontrer
ces personnes pour échanger sur leurs besoins, leurs préoccupations, leurs difficultés et
leurs envies pour faire émerger des points de convergence pouvant se transformer en pistes
de projets collectifs.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 79
En ce sens, il nous semble particulièrement intéressant de cibler un public large sans
pour autant prendre le risque de s’éloigner des préoccupations des acteurs locaux. En effet,
même si le risque demeure faible, il convient de ne pas étendre la démarche à une échelle
trop large pour ne pas noyer les enjeux internes au quartier dans des enjeux relevant
d’autres échelles (arrondissement, commune, etc.). Le diagnostic préalable a montré que
les ambitions métropolitaines des opérations d’aménagement ont déjà fortement modifié
la forme et le fonctionnement du quartier, ce qui a mené à sa scission. C’est pourquoi le
public-cible est constitué des différents usagers du quartier, c’est-à-dire toutes les personnes
utilisant le quartier pour une ou plusieurs fonctions de la vie quotidienne : habiter, travailler,
étudier, se promener, se déplacer, consommer, se divertir, etc. Cela renvoie donc à une
diversité d’acteurs :
• Les résidents
• Les actifs travaillant dans le quartier (commerçants, salariés et autres professionnels)
• Les membres d’associations
• Les usagers des équipements publics
• Les clients des commerces et services
• Les écoliers et leurs parents
• Les étudiants
• Les passants
Ce panel d’usagers permet de traiter d’une diversité d’enjeux en croisant des visions
et des expertises d’usage différentes. Nous détaillons une liste non-exhaustive des apports
de chaque type d’usager dans le but de montrer l’intérêt de sa mobilisation (figure 36) .
80 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
CELLE-MICHEL-OUADI, 2015
Figure 36 : les apports des usagers ciblés pour participer à la démarche participative
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 81
Mettre en place une démarche participative ne remet pas en cause la place du
technicien dans la conception du projet. Comme le précise Jean-Jacques Terrin, « il ne
s’agit pas (pour les habitants) de concevoir à la place ou aux côtés de concepteurs dont
c’est le métier, mais d’élaborer une sorte de « projet du projet », de représenter une vision
de la conception à travers un processus de réflexion collective plutôt que sa conception
architecturale ou urbaine. » (J.-J. Terrin, 2014). Le but n’est donc pas de déléguer la
conception du projet final mais de créer avec les participants un cadre à la coélaboration.
1.2.2 DES ÉLUS ET DES EXPERTS POUR UNE VISION GLOBALE DU QUARTIER
Pour aider l’expertise d’usage à se développer et à se matérialiser (en mots, croquis,
plans, etc.) et pour l’enrichir d’une vision plus technique, des élus et des experts complètent
la palette d’acteurs de la démarche participative. Nous identifions et détaillons le rôle de
ces différents acteurs dans la seconde partie au regard de leur domaine de compétences et
des thématiques traitées lors des ateliers de diagnostic participatif (voir II-2.« Le diagnostic
en pratique »).
A travers l’identification du public-cible nous avons pu affirmer la place centrale de
l’expertise d’usage dans cette démarche. Ce parti pris requiert alors la mise en place d’une
stratégie de mobilisation du public-cible pour inciter un maximum d’usagers à participer.
82 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1.3 MOBILISER LE PUBLIC-CIBLE DE MANIÈRE INNOVANTE
Une fois le public-cible identifié, il faut l’informer de la démarche et l’amener à
participer. Pour cela, distribuer des tracts ne suffit pas. D’autres actions, comme une
manifestation marquante, des slogans accrocheurs, sont nécessaires pour intéresser la
population, attiser sa curiosité et motiver sa participation. Nous détaillons ici une stratégie
de mobilisation du public-cible pour le quartier Joliette - Bon Pasteur.
1.3.1 CAPTIVER LE PUBLIC ET DÉVELOPPER LA CURIOSITÉ DU PASSANT
Dans nos sociétés occidentales contemporaines, l’affichage, la publicité et le
marketing font partie intégrante du paysage urbain. Ce sont des éléments inévitables et
captivants avec lesquels les initiatives locales peinent à rivaliser en termes de visibilité.
La communication pour le lancement du diagnostic participatif doit donc être efficace
pour se distinguer de la grande quantité d’information à laquelle le citoyen est confronté
quotidiennement. Il ne s’agira pas pour le porteur de projet de rivaliser avec les campagnes
de communication à visée notamment commerciale ou institutionnelle, il n’en a ni les
moyens ni les compétences. Mais cela l’invite à utiliser des outils de communication
efficaces et persuasifs. A cet effet, « l’écolo-tag ou « Clean Tag » semble être un moyen
efficace et écologique pour attirer l’attention des usagers à moindre coût. Le Clean Tag
est un marquage au sol pouvant être réalisé à travers un pochoir à la peinture à bombe
biodégradable. C’est un dispositif de visibilité éphémère qui peut être présent pendant
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 83
quelques heures ou quelques semaines en fonction du marqueur choisi. Ce procédé permet
ainsi de diffuser un message, de montrer le chemin vers un évènement et dans certains
cas de renvoyer vers un site web (Figure 37). Ces dispositifs sont aujourd’hui utilisés par un
large panel d’acteurs.
cleantag.fr
O. Michel
cleantag.fr
Figure 37a : une diversité d’informations grâce au Clean Tag
INNOVER POUR SE DIFFÉRENCIER DES CAMPAGNES D’INFORMATION
Toute la difficulté d’une démarche de participation citoyenne est de faire comprendre
à la population dans toute sa diversité qu’elle peut participer et que son expertise est
attendue. Dans notre cas, il faut aussi faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une consultation
ou d’une simple campagne d’information destinées à fabriquer du consensus et de
l’acceptabilité sociale. Il faut donc utiliser un vocabulaire et des modes de communication
différents de ceux mobilisés pour ces processus.
La communication autour de la démarche de participation doit se différencier
des modes de communication habituels (qui sont visuellement reconnaissables) pour
attiser la curiosité des usagers. Sur nombre d’affiches invitant les citoyens, les habitants,
les usagers à se rendre dans les instances de participation, l’organisation des éléments
84 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
visuels est identique et les mêmes mots sont fréquemment utilisés (Figure 38). Au centre
de l’affiche, les mots-clés : « Participez », « Rejoignez », « Votre conseil » et les illustrations,
photos ou dessins, sont censés représenter les usagers. Ces affiches et le texte affilié sont
assez clairs pour nous permettre de comprendre que les lecteurs sont invités à participer
aux assemblées de quartier. Toutefois l’utilisation d’un vocabulaire type largement partagé
par les pouvoirs publics autour de la démarche de participation ne permet plus d’attiser la
curiosité de l’usager.
Mairie de Clichy
Mairie de Paris
Figure 37b : les visuels standards de la
participation
Mairie d’Auxerre
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 85
Comme nous le disions précédemment une communication efficace repose sur
l’utilisation d’éléments qui permettront à la démarche d’être reconnue par tous :
• Un logo
• Des mots-clés choisis pertinents
• Des dates clés
• Un lieu de rendez-vous
UNE CAMPAGNE DE COMMUNICATION EN PLUSIEURS TEMPS
Pour attiser la curiosité des usagers il s’agit de ne pas dévoiler tous ces éléments en une
seule fois, la communication pourra ainsi être divisée en plusieurs cycles. Lors du premier
cycle le porteur de projet ne dévoilera qu’un ou deux éléments de la démarche au public.
Qu’il s’agisse de dévoiler le logo, des mots-clés ou des citations pertinentes en rapport avec
l’esprit de la démarche, ce premier cycle devra durer assez longtemps (3 semaines environ),
pour que les usagers puissent effectivement voir les éléments plusieurs fois. L’idée est ici
d’offrir un minimum d’information pour que le peu d’éléments diffusés marquent les esprits
(Quel est ce logo ? Que signifie-t-il ? Quel intérêt ? Qui en est l’auteur ?). Lors du second
cycle de communication, toutes les informations seront dévoilées : logos, mots-clés, date
(évènement, rencontre) et lieu de rencontre.
Prenons l’exemple d’une campagne publicitaire innovante à Paris en 2013. Dans les
stations de métro et dans les rues de la capitale, une affiche (Figure 39) présentant une
photo en noir et blanc de cinq seniors a interrogé bon nombre de passants sur son origine,
son motif et ses protagonistes. L’affiche était dénuée de tout texte ou logo, ce qui est peu
commun pour une affiche publicitaire. Ce manque d’information a suscité l’intérêt du
public. Quelques semaines plus tard, une seconde affiche la remplace reprenant les mêmes
éléments que la première avec cette fois-ci, les membres d’un groupe de musique bien
connu et les informations sur leur tournée (Figure 40).
86 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
dailyelle.fr
Figure 39 : première affiche de la campagne à être diffusée dans les stations du métro parisien
dailyelle.fr
Figure 40 : deuxième affiche du groupe Indochine diffusée peu après, avec cette fois-ci, des informations sur leur tournée
Dans notre société où les usagers sont constamment sollicités à travers les affiches et
les images de marketing, la lecture des publicités est devenue un automatisme et doit, par
voie de conséquence, reprendre certains codes pour être comprise. Face à une affiche, le
lecteur à l’habitude de trouver une image, un texte en référence et un logo. Pourtant cette
campagne publicitaire annonçant la tournée du groupe musical a marqué les esprits car elle
a suscité la curiosité des passants en s’affranchissant des codes habituels. La communication
de la démarche participative se doit d’être innovante. En diffusant les informations de façon
progressive, elle attisera la curiosité du passant et marquera davantage son esprit.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 87
L’ART EN TANT QU’ACCROCHE DANS L’ESPACE PUBLIC
L’Art est un formidable moyen d’attirer l’attention. Le quartier Joliette - Bon Pasteur
a la chance d’accueillir des structures artistiques comme l’école d’art « Axe Sud », l’espace
« Mode Méditerranée » ainsi que l’association d’accueil des enfants du quartier « Petit à
Petit » pouvant participer à la mise en lumière de la démarche participative. Il faut proposer
à ces structures de créer des éléments artistiques qui interpellent les usagers de l’espace
public. Les étudiants de l’école d’art et de design « Axe Sud » pourront, par exemple, travailler
sur les supports de communication à réaliser pour promouvoir la démarche participative
(Figure 41).
Ecole Axe Sud
Figure 41 : des réalisations de l’école d’art « Axe Sud » située sur le quartier
88 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1.3.2 IDENTIFIER ET MOBILISER LES PERSONNES-RESSOURCES
Au-delà des outils de communication visuelle évoqués précédemment, la dynamique
d’identification et de mobilisation du public-cible doit être renforcée par l’intervention d’un
ambassadeur de la démarche.
Le vendredi 13 Février nous avons rencontré Sandra Ben Brahim, agent de
développement du GIP Politique de la Ville et Emmanuel Viennot, chef de projet Grand
Centre-Ville. Au cours de cet entretien ils ont évoqué le manque d’agents de terrain et la
nécessité d’en faire intervenir davantage. En effet, une prise de contact avec les usagers, par
un ambassadeur, est indispensable.
Dans le cadre de la « Mission Tramway », une démarche participative menée dans la
ville d’Aubagne, un poste d’ambassadrice a été créé. Cette dernière détenait un rôle clef
dans le processus de concertation. Lors d’un entretien en 2012, elle déclare : « Je vais au
devant des gens, qu’ils soient habitants, riverains ou professionnels installés le long du
tracé (du tramway). Je les rencontre, les renseigne et si besoin, je fais le lien entre eux, les
techniciens de la ville, de l’agglo et de la Mission Tramway. Il faut que les messages circulent
dans les deux sens. ».
Membre du GIP ou acteur extérieur recruté par le GIP spécialement pour cette mission,
il sera mobilisé tout au long de la démarche participative et servira de relais entre le GIP et
les usagers. L’ambassadeur devra dans un premier temps organiser un travail d’identification
des personnes ou structures ressources du quartier et dans un second temps les sensibiliser
au projet.
C’est en montrant sa présence dans le quartier et en allant à la rencontre des usagers
que l’ambassadeur pourra identifier les personnes ressources, les réseaux (collectif
d’habitants, réseaux informels) et les structures actives du quartier (écoles, centre social,
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 89
associations). L’ambassadeur mènera un travail de rencontre des acteurs. De façon proactive,
il sera chargé d’aller à la rencontre des usagers, via le porte à porte, en se rendant dans les
marchés et dans les commerces. Parallèlement, il se rendra disponible pour que les usagers
viennent à sa rencontre. Par le biais de permanences assurées dans un local appelé « La
Maison de la Participation » (le lieu et les horaires restant à définir), le porteur de projet via
l’ambassadeur assurera ainsi la visibilité du projet et engagera les premiers échanges avec
les usagers.
Après avoir identifié les personnes-ressources du quartier, l’ambassadeur sera chargé
de les sensibiliser à la démarche et de s’appuyer sur leur connaissance du quartier et des
réseaux d’acteurs pour faciliter le rayonnement de son action. Les personnes et structures
ressources sont en effet des relais de l’information (Figure 42b) et il est essentiel de les
convaincre du bien-fondé de la démarche. L’ambassadeur devra ainsi leur présenter le
projet, leur en expliquer l’intérêt collectif ainsi que leur intérêt propre. Enfin, l’ambassadeur,
avec l’appui du porteur de projet, devra les doter du matériel nécessaire à la promotion de
la démarche : tracts, affiches, etc.
Figure 42a : les personnes-ressources comme relais de la mobilisation
90 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
1.3.3 ORGANISER UN ÉVÈNEMENT POPULAIRE ACCESSIBLE
ET APPROPRIABLE PAR TOUS
La démarche doit bénéficier d’un tremplin qui favorisera son rayonnement sans quoi
le nombre de participants serait trop faible pour mener à bien un diagnostic de qualité.
Cet évènement public devra être capable d’intéresser une grande partie de la population
et devra être divertissant. Il s’agit, dès cet évènement, de rassembler un maximum de
personnes du quartier pour les amener à échanger, à interagir. Pendant cet évènement, la
démarche participative sera annoncée et le calendrier des réunions distribué. Les acteurs
artistiques seront sollicités pour exposer quelques éléments du diagnostic préalable et ainsi
attirer le regard et susciter la réflexion. Une exposition de photos montrant les espaces à
enjeux peut représenter un premier échange sur les visions du quartier.
La mobilisation du public-cible doit permettre à un large public de se sentir concerné
par la démarche proposée. Au vu des spécificités du quartier Joliette – Bon Pasteur, il s’agira
de s’appuyer sur des outils visuels, des évènements organisés avec les structures et acteurs
ressources du quartier pour promouvoir la démarche.
Dans le cadre de la révision de son Plan Local d’Urbanisme (PLU) la commune de
Sauzès Vaussais dans le Poitou-Charentes a fait appel au Conseil d’Architecture d’Urbanisme
et de l’Environnement (CAUE) des Deux-Sèvres pour sensibiliser la population aux questions
d’aménagement. Pour ce faire, le CAUE, en collaboration avec le collectif Pixel 13, a réalisé
un évènement populaire à l’échelle de la commune, intégrant une démarche plus large
d’Accompagnement Artistique d’un Projet d’Urbanisme (AAPU). Dans ce cadre, la circulation
de la rue principale de la commune a été interrompue pour permettre aux habitants de se
retrouver, de se détendre en profitant du mobilier mis à disposition et de discuter autour de
panneaux d’expositions réalisés pour l’occasion (figure 42b). Dans le cadre d’une démarche
participative sur le quartier Joliette – Bon Pasteur un tel évènement pourrait être l’occasion
d’interroger les habitants sur leurs préoccupations.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 91
Figure 42b : fermeture d’une rue à Sauzès-Vaussais pour le
lancement d’une démarche participative
Pixel 13
Le cadre de la démarche repose ainsi sur trois fondamentaux :
• Le GIP Politique de la Ville, identifié comme porteur du projet, est l’acteur le plus
à même d’animer une démarche participative dans le quartier Joliette – Bon Pasteur.
L’intervention de proximité de cet acteur s’appuiera sur des partenariats pour enrichir la
démarche et lui donner un poids politique important.
92 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
• Les usagers sont le public-cible de cette démarche participative pour leur expertise
d’usage, si essentielle dans l’identification des enjeux d’un quartier existant. Elle complète
l’expertise technique et la connaissance de l’élu.
• La diversité des profils socioéconomiques du quartier Joliette - Bon Pasteur oblige le
porteur du projet à mettre en place une stratégie de mobilisation innovante.
Cette phase de préparation précède le début de la démarche participative en tant
que telle. Il s’agit de la première étape d’un processus s’étalant sur un an avant le début de
réalisation des projets (figure 43).
Réalisation : CELLE-MICHEL-OUADI, 2015
Figure 43 : le planning prévisionnel de la démarche participative
Si ce cadre temporel n’est pas fixé il permet de clarifier la demarche. La préparation de
la démarche et le lancement de l’évènement réalisés, il convient désormais de s’intéresser à
la phase de diagnostic participatif.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 93
2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF EN
PRATIQUE
La démarche participative doit permettre la réalisation de projets correspondant
aux aspirations citoyennes ainsi qu’aux spécificités du quartier. C’est dans cet esprit qu’il
s’agit d’organiser la première étape du projet : le diagnostic participatif. Si ce dernier
s’appuie nécessairement sur le diagnostic préalable, l’idée est de l’enrichir en croisant
regards, sensibilités et souhaits des différents usagers. Il ne s’agit pas seulement d’établir un
recensement des usages et pratiques en consultant les citoyens, mais d’inciter ces derniers
à s’approprier les enjeux et à construire une vision globale et partagée du quartier.
C’est en vue d’accompagner le GIP Politique de la Ville dans la mise en place du
processus participatif que nous lui fournissons des outils spécifiques à chaque étape de la
démarche. Cette partie vise à détailler la phase de diagnostic participatif et à présenter les
fiches d’aide au pilotage, outils de supports aux réunions participatives. Il est ainsi nécessaire
dans un premier temps de clarifier le rôle de chacun des acteurs qui seront présents dans
cette étape. Puis, nous poserons le cadre dans lequel se dérouleront les différents ateliers.
Enfin, nous détaillerons les attendus des différentes réunions.
94 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.1 CLARIFIER LE RÔLE DES DIFFÉRENTS ACTEURS
Dans son rapport « Demain la ville », remis en 1998 au Ministère de l’emploi et de
la solidarité, Jean Pierre Sueur dénonce la complexité des circuits et la lourdeur des
procédures de la Politique de la Ville. Cette réflexion est toujours d’actualité comme en
témoignent les modifications prévues dans la nouvelle génération des Contrats de Ville.
Ces derniers qui allègent les dispositifs de mise en œuvre des projets prévoient également
la mise en place de conseils citoyens et confèrent davantage de place à la participation
citoyenne. Parallèlement d’autres acteurs (élus, techniciens, habitants et association, etc.)
de cultures professionnelles très variées affirment de plus en plus leur souhait d’intégrer
les processus de concertation. Si la multiplicité des acteurs favorise le décloisonnement de
l’action publique et les interactions, elle peut également engourdir la mise en œuvre des
projets. C’est pour faire de la diversité des acteurs un véritable atout, que le rôle de chacun
a été clarifié. Nous avons ainsi établi cinq catégories d’acteurs : l’ambassadeur, les élus, les
techniciens du GIP de la Politique de la Ville, les usagers, et les intervenants extérieurs.
2.1.1 L’AMBASSADEUR : CLEF DE VOUTE DE LA DÉMARCHE PARTICIPATIVE
Cette personne peut être détachée parmi les membres du GIP Politique de la
ville ou recrutée dans une structure spécialiste de la participation. Intervenant dès la
sensibilisation du public-cible, l’ambassadeur détient un rôle clef tout au long du processus
de participation. Dans la phase de diagnostic participatif il prépare les réunions, les anime
puis effectue les comptes rendus.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 95
PRÉPARER LES RÉUNIONS EN AMONT
L’ambassadeur est chargé d’organiser les réunions et de coordonner les équipes
mobilisées pour l’atelier (usagers, élus, membres du GIP, techniciens). Présent sur le terrain,
allant à la rencontre des habitants, il a connaissance des dynamiques existantes. Il permet de
récolter suffisamment de matière pour enrichir l’analyse et préparer en amont les réunions
participatives. Sa connaissance du terrain lui permet d’orienter les réunions vers des lieux
signifiants et des créneaux horaires adaptés.
L’ambassadeur va également à la rencontre du public qui ne participe pas aux ateliers.
Sa présence sur le terrain est donc indispensable pour intégrer au diagnostic participatif
les perceptions et envies d’un panel représentatif de la population. Il pourra, à ce titre, être
chargé de réaliser des enquêtes qualitatives, voire quantitatives auprès des usagers du
quartier.
ANIMER LES RÉUNIONS
En tant qu’animateur des réunions, l’ambassadeur veille au bon déroulement de cellesci. Accueillant le public, présentant et remerciant les différents intervenants, il annonce
également l’ordre du jour et décrit les modalités de l’atelier. Ce rôle est donc très important
puisqu’il permet de définir clairement les objectifs et sous-objectifs des séances. Il est
également chargé de régler les conflits, ainsi que les imprévus pouvant avoir lieu au cours
de la réunion. Il détient un rôle fondamental puisqu’il est amené à adapter les exercices au
contexte. Il peut par exemple redéfinir des sous-objectifs, au cours même d’une séance si le
contexte ne lui parait pas propice et adapté. Participant au bon déroulement des ateliers,
il veille à ce que l’expertise d’usage soit placée au coeur des réfléxions. Il doit équilibrer le
temps de parole entre les participants, en veillant à ce que le discours politique ne prenne
pas le pas sur les temps de débat entre les autres participants. Enfin il est chargé de clôturer
la réunion dans les délais fixés. A cette occasion, il doit présenter le programme des séances
suivantes.
96 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
EFFECTUER LES COMPTES RENDUS DE RÉUNIONS
L’ambassadeur désigne également, en début de chaque séance, un rapporteur. La
personne peut être choisie parmi les usagers du quartier Joliette - Bon Pasteur ou au sein
de l’équipe du GIP Politique de la Ville. Elle rédige des notes qui constituent un support
essentiel à la rédaction des comptes rendus dans lesquels doivent figurer les objectifs
réalisés et les objectifs prévisionnels. Par exemple l’ensemble des thèmes et sous-thèmes
ont-ils bien été abordés ? Quels sujets ont émergé ?
En conclusion, l’ambassadeur établit le lien entre les élus, les usagers et les intervenants
en instaurant un climat propice au dialogue. Favorisant l’échange et les interactions entre
ces différents acteurs, il permet de pérenniser la dynamique participative dans la durée. Il
veille à établir des relations complémentaires entre les acteurs en opposition à des relations
construites sur des rapports de force. Présent tout au long du processus participatif, il
assure la continuité entre les phases de sensibilisation, de diagnostic, de coélaboration puis
d’évaluation. Sa vision globale le place en clef de voute dans l’élaboration du diagnostic
participatif et plus généralement de l’ensemble du processus.
Établir une complémentarité entre les acteurs
Dans les nouveaux principes de la démocratie locale, tout le monde peut être expert
(M. Nonjon, 2006). Alors que les relations du triptyque « élus-techniciens-citoyens » ont
longtemps été conflictuelles, elles sont de plus en plus perçues comme complémentaires.
C’est la diversité du savoir-faire et du savoir-être de chacun qui constitue la richesse
d’un diagnostic participatif. Afin de cerner les contributions des différents acteurs, nous
avons repris le trio élus-techniciens-citoyens auquel nous avons ajouté une catégorie :
l’intervenant extérieur.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 97
2.1.2 L’ELU : LEGITIMATEUR DE LA DEMARCHE
Lors des ateliers, il n’y a pas d’enjeux de pouvoir, pas d’arbitrage ou de décisions à
prendre. Le rôle de l’élu est d’écouter les débats, d’y participer pour les alimenter de
sa vision du territoire et de ses enjeux. Sa présence sert également à crédibiliser la
démarche participative. L’absence d’élus priverait non seulement la démarche d’une vision
complémentaire riche mais laisserait également les usagers penser que la démarche n’aura
pas d’incidence sur la réalisation de projets.
2.1.3 L’USAGER : UN EXPERT
L’expertise d’usage s’appuie sur les savoirs concrets dont dispose une diversité
d’acteurs. Elle permet d’appréhender le territoire de manière sensible. Cette expertise se
développe grâce à l’expérience de proximité, inhérente à l’utilisation au quotidien des
espaces urbains, des relations sociales et des espaces privatifs. L’impératif participatif
nécessaire à ce diagnostic doit permettre la reconnaissance et la valorisation de l’expertise
d’usage et l’utiliser comme base de travail. Ce point de vue est d’autant plus intéressant
qu’il est nécessaire pour évaluer l’habitabilité du quartier (N. Blanc, 2010). L’évaluation de
l’habitabilité nous interroge sur la capacité des habitants, et plus largement des usagers, à
se saisir des ressources du territoire pour mieux se les approprier.
98 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.1.4 LE TECHNICIEN : UN REGARD COMPLEMENTAIRE
A l’inverse, le technicien apporte un regard davantage « technique » telle une
traduction du regard « sensible » des participants en qualifiant leurs ressentis grâce aux
formes urbaines, au mobilier urbain, etc. Son rôle est donc d’analyser l’approche sensible
des usagers pour la traduire en termes d’éléments urbains. Cela concerne notamment
l’atelier sur les espaces publics. Certains usagers ne seront pas en mesure d’expliquer
immédiatement les raisons de leur utilisation ou de leur non-utilisation. Le technicien
pourra alors les guider, les questionner et ainsi les pousser à s’interroger sur les critères
d’appréciation de ces espaces.
2.1.5 LES INTERVENANTS EXTERIEURS
Les intervenants extérieurs enrichissent le débat lors des réunions. Dans le cadre
de cette démarche participative, il s’agit de mobiliser des structures ou des personnes
qui apportent leurs connaissances sur un sujet précis. Ainsi les intervenants ont été
spécificiquement choisis pour chacune des réunions d’atelier (voir 2.3 « Les fiches d’aide au
pilotage »).
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 99
2.2 UN CADRE D’ATELIER SOUPLE ET ORIGINAL
Le quartier Joliette - Bon Pasteur présente une réalité complexe, marquée à la fois par
de fortes interactions sociales au sud et un amoindrissement des pratiques des espaces
publics au nord. Un modèle préconçu de participation ne peut lui convenir. Dès la phase
de sensibilisation, les méthodes employées doivent être adaptées et donc innovantes et
percutantes. Au même titre, les ateliers ne devront pas être organisés de manière scolaire
ou trop normative, à savoir, un intervenant face à un parterre d’auditeurs. Ainsi pour chacun
d’entre eux on retrouvera des buffets ou des expositions photos qui permettent d’instaurer
un climat convivial.
2.2.1 DES BUFFETS FAVORISANT LES DISCUSSIONS
Afin d’attirer les personnes, leur permettre de faire connaissance, d’échanger de
manière informelle, les réunions seront organisées autour d’évènements conviviaux tels
que des apéritifs ou des buffets (figure 44). Nous proposons notamment de faire participer
le collectif Disco Soupe. C’est lors de la manifestation « Faire la ville autrement », organisée
par Robin des Villes en février 2015 que nous avons découvert l’association Disco Soupe. Ses
membres récupèrent les aliments invendus des supermarchés, afin d’éviter le gaspillage.
Organisant régulièrement des ateliers visant à cuisiner les aliments et à les mettre en
conserves, ils couvrent également de nombreux évènements en organisant des buffets
avec la nourriture récupérée. S’ins crivant clairement dans une pratique de développement
durable puisqu’elle évite le gaspillage alimentaire, l’association permet de générer du lien
autour de son activité. Lors d’un entretien, une habitante du quartier Bon Pasteur nous a
confié qu’elle allait régulièrement avec ses colocataires, du côté Joliette, afin de récupérer
dans les poubelles les aliments consommables et de les redistribuer auprès de certains
voisins. Ces pratiques informelles témoignent des liens de solidarité existants dans le
quartier. Cependant, cette même habitante s’est également montrée réticente à la mise en
place d’un cadre associatif pour pérenniser cette pratique. L’implication des habitants dans
la mise en œuvre des buffets ou autres manifestations visant à mobiliser le public autour
100 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
du diagnostic participatif peut amorcer le dialogue sur la formalisation des pratiques de
solidarité existantes. En se dotant d’un statut associatif, ces habitants du quartier pourraient
en effet récolter davantage d’aliments auprès des commerces et ne plus les récupérer
directement dans les poubelles.
Disco Soupe
Figure 44 : préparation d’un buffet avec l’aide des participants lors d’un évènement culturel
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 101
2.2.2 UN ESPACE CHALEUREUX
L’idée d’une maison de la participation permet d’instaurer un cadre convivial et
familial. Ce dernier est essentiel pour établir un climat propice au dialogue. L’agencement de
l’espace et la décoration de ce lieu sont alors des éléments très importants (E. Hauptmann,
2010). Les tables ne doivent pas être alignées mais organisées sous forme de tables rondes
pour favoriser le dialogue entre les acteurs. Leur disposition peut également s’adapter aux
exercices en petits groupes qui sont proposés dans les fiches d’aide au pilotage. Enfin les
différents acteurs doivent pouvoir s’approprier ce lieu. Pour cela des tableaux, affiches,
cadres photos sont mis à disposition des participants. Ces derniers peuvent y placer tracts,
photos, dessins, poèmes, écrits et diverses créations qui participent à la convivialité du
lieu et au débat entre les participants. Nous pouvons imaginer l’affichage d’une carte, sur
lesquels les participants indiqueraient les initiatives citoyennes ayant déjà eu lieu dans le
quartier, en s’inspirant de la carte de Robin des Villes lors des Rencontres du Cadre de Ville
(figure 45).
Figure 45 : carte participative de recensement
des initiatives citoyennes à Marseille
Robin des Villes
102 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
2.3 LES FICHES D’AIDE AU PILOTAGE
Sur la base des enjeux du diagnostic préalable, cinq thèmes ont été choisis pour leur
capacité à intéresser les usagers, à couvrir certaines des problématiques du quartier, à
produire du débat et à enrichir le diagnostic préalable d’éléments peu analysés tels que l’état
du logement ou les interactions sociales dans les espaces intermédiaires. Il s’agit de la vie de
quartier, des espaces publics, des commerces et services de proximité, des déplacements et
enfin du logement et des relations de voisinage. Les thèmes n’ont volontairement pas été
problématisés, afin de laisser une importante marge de manœuvre aux usagers et de ne pas
trop orienter leurs regards et ainsi leurs envies en ce qui concerne les projets.
Les fiches d’aide au pilotage conservent la même structure afin d’en assurer la lisibilité.
On retrouve pour chacune d’entre elles le thème abordé, un nuage de mots comportant les
thèmes clefs, puis les exercices proposés selon les objectifs définis.
Cette partie ne vise pas à détailler l’ensemble des ateliers thématiques que nous
proposons durant le processus participatif, mais elle expose les réflexions qui ont mené à
la réalisation des fiches d’aide au pilotage. Elle précise les thèmes abordés, démontre leur
intérêt au regard des critères de l’habitabilité, présente les acteurs qui seront sollicités dans
les ateliers. Enfin, elle livre des scénarios d’ateliers avec les enjeux potentiels qui peuvent en
découler.
En ce qui concerne les acteurs mobilisés durant les différents ateliers de diagnostic
participatif, on distingue ceux qui interviennent de manière systématique de ceux qui
interviennent ponctuellement. Alors que l’ambassadeur et les techniciens du GIP de
la Politique de la Ville seront présents pour toutes les séances, les élus et intervenants
extérieurs varient selon les thématiques d’atelier abordées. Afin d’éviter les répétitions,
nous avons seulement justifié le choix de ces deux dernières catégories d’acteurs.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 103
Enfin, les scénarios sont des récits fictifs du déroulement des ateliers. Ils permettent
d’imaginer certains des enjeux qui seront soulevés et la manière dont ils se révèlent à
travers le discours des participants. Nous avons construits ces scénarios en s’appuyant
sur le diagnostic préalable. Néanmoins, nous ne pouvons savoir à ce stade si ces enjeux
seront effectivement soulevés par les participants. Ces scénarios apparaîtront sous formes
d’encadrés.
2.3.1 ATELIER 1 : VIE DE QUARTIER
Thème large et ludique, il constitue une entrée en matière pour le diagnostic
participatif. La vie de quartier correspond à tous les évènements ou manifestations et
plus généralement aux liens quotidiens de solidarités existants qui contribuent à rendre
le quartier vivant. On peut également dresser cette analyse en creux, en identifiant les
éléments manquant à l’animation d’un quartier. Au regard de la notion d’habitabilité,
l’évocation de la vie de quartier présente un intérêt puisqu’elle fait écho aux capacités de
création des habitants. La création renvoie à la fois aux aspects physiques et artistiques,
mais également aux liens qui peuvent découler de ces initiatives. Les différents exercices
des ateliers du diagnostic participatif visent à soulever plusieurs interrogations. Quels sont
la fréquence et le type des évènements ayant lieu dans le quartier ? Quels sont les lieux qui
existent pour les accueillir ? L’offre culturelle est-elle en adéquation avec les habitants du
quartier ? Existe-il des conflits faisant obstacle à la vie de quartier ?
Visant à apporter des réponses à ces questions et, au-delà, à en poser de nouvelles, les
exercices de cet atelier participatif nécessitent de mobiliser plusieurs acteurs. En reprenant
les différentes catégories d’acteurs que nous avons identifiées, nous précisons ici lesquels
peuvent intervenir dans l’atelier « vie de quartier ».
104 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
L’ÉLU MOBILISÉ
Nous pensons faire intervenir l’adjointe au Maire chargée de la Jeunesse, de l’animation
dans les quartiers et du droit des femmes. Sandra Ben Brahim, agent de développement au
GIP Politique de la Ville, avait souligné l’importance de prendre en considération les enfants
et les jeunes dans le quartier. C’est en partie pour cela qu’il est intéressant de mobiliser cette
élue.
LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS
Ayant assisté aux rencontres « Faire la ville autrement » organisées par Robin des
villes, il nous semble intéressant de faire intervenir cette association. Son expertise dans
le domaine de la concertation constitue une réelle plus-value dans le cadre de cet atelier.
Il semble également important de faire intervenir le personnel des écoles et des lycées,
qui peut apporter ses connaissances et son savoir faire en ce qui concerne la jeunesse et
l’éducation. D’autres acteurs ayant en charge les loisirs de la jeunesse, comme l’association
Petit à Petit peuvent être conviés.
Le scénario
Au cours des exercices, différents éléments ressortent du discours des habitants
•
Il existe peu d’évènements sur le quartier :
•
Les structures culturelles ne sont pas toujours en adéquation avec la population.
Une habitante a déclaré ne pas se rendre volontairement au FRAC car cette
structure ne correspondait pas à ses attentes.
•
On constate un manque d’espaces de liberté et de locaux disponibles pour
favoriser les initiatives.
•
D’autres habitants ont également montré leur volonté d’investir le quartier à
travers des projets d’agriculture urbaine.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 105
2.3.2 ATELIER 2 : ESPACES PUBLICS
Définis comme les espaces librement accessibles à tous, les espaces publics sont très
divers dans le quartier Joliette - Bon Pasteur. Alors qu’on retrouve des places et jardins dans
le secteur Joliette, dans le secteur Bon Pasteur, c’est davantage la rue qui est pratiquée. C’est
pour mieux analyser les différentes pratiques de ces espaces qu’il nous a semblé important
de réaliser un atelier sur ce sujet. Par ailleurs, l’appropriation des espaces publics est
essentielle à l’appropriation d’un quartier et à l’impulsion de dynamiques créatives. Ainsi, ils
contribuent à développer l’habitabilité globale du quartier.
L’atelier sur les espaces publics sera le seul à se dérouler sur deux jours. En effet, en vue
de réaliser un diagnostic en marchant, il est nécessaire de dissocier la séance de préparation
de la séance d’observation de terrain. Pour cet atelier, nous avons pensé à faire intervenir
différents acteurs.
LES ÉLUS MOBILISÉS
Pour les raisons précitées, nous pensons que l’adjoint chargé de la jeunesse, de
l’animation dans les quartiers et du droit des femmes doit également être présent sur la
question des espaces publics. Il serait intéressant qu’il soit accompagné de l’adjoint en
charge des espaces naturels parcs et jardins qui, au vue de son domaine de compétence,
pourra enrichir les débats. En effet, le peu de végétalisation des espaces publics du quartier
nous laisse penser que cette question devrait être abordée au cours de cet atelier.
106 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS
Le CAUE 13 a réalisé, dans la commune d’Aureille, un projet participatif. Comprenant
une phase de diagnostic, cette expérimentation a poussé notamment les habitants à
s’interroger sur les espaces qu’ils pratiquaient et à poser des questions sur les projets en
cours. De par sa connaissance du département, des problématiques concernant les espaces
publics, et de par son approche ludique du territoire, il représente un intervenant extérieur
approprié.
Il est également nécessaire de faire intervenir une personne compétente
d’Euroméditerranée. En effet, l’aménagement de certains espaces, comme l’espace Trame
Mirès, a été conduit par Euroméditerranée. A ce regard de technicien, il faudrait également
ajouter celui d’autres acteurs chargés de la gestion de ces espaces et conscients des
réalités du terrain. Les agents municipaux en charge de la voirie ou de la propreté doivent
également être conviés à ce titre.
Scénario
Plusieurs éléments sont ressortis de cet atelier :
•
Il existe peu d’espaces publics
•
Les rares espaces publics existants dans le secteur Joliette sont peu pratiqués
•
La rue est appropriée dans le secteur Bon Pasteur
•
Des conflits existent autour de l’appropriation des espaces publics. Lors de
l’atelier un membre de l’association « Petit à Petit » nous a rapporté l’existence
de conflits autour de l’appropriation d’un trottoir. Un habitant avait, en effet,
souhaité porter plainte suite à la pose de pots de fleurs dans la rue.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 107
2.3.3 ATELIER 3 : COMMERCES ET SERVICES DE PROXIMITE
Dans un quartier ou les difficultés économiques sont nombreuses, il est essentiel
d’aborder le thème des commerces et services de proximité. De plus le diagnostic préalable
a révélé de nombreuses inégalités entre le secteur Joliette et le secteur Bon Pasteur.
L’enjeu de cet atelier est d’analyser les manques du quartier et de révéler les potentialités
économiques au regard des principes de l’économie sociale et solidaire. En effet cette
dernière étant génératrice de liens, elle favorise les interactions et ainsi l’habitabilité globale
du quartier.
L’ÉLU MOBILISÉ
C’est l’adjoint en charge du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et du
Grand Centre-Ville qui est mobilisé pour cet atelier. Sa connaissance des enjeux économiques
à l’échelle du quartier comme de la ville permettra d’enrichir les débats d’une vision globale.
Ces enjeux sont particulièrement intéressants en raison du déclin économique qu’a connu
le centre-ville de Marseille y compris le quartier Joliette - Bon Pasteur.
LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS
Afin de sensibiliser à l’économie sociale et solidaire, l’intervention d’un acteur
extérieur, ayant une vision large de cette dernière, est importante. La Chambre régionale
de l’économie sociale et solidaire, qui comporte notamment un pôle « développement
et territoires », constitue un intervenant idéal. De par sa connaissance notamment de
milieux associatifs et coopératifs, ses représentants sont expérimentés en matière d’ateliers
participatifs. De plus,les valeurs que porte l’économie sociale et solidaire, à savoir replacer
l’être humain au cœur de l’économie, sont en accord avec la démarche participative.
108 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Nos différents entretiens avec les représentants de la Politique de la Ville ont dévoilé
l’attention qu’ils portaient au commerce de proximité, mais aussi à la valorisation du Marché
du Soleil qui y est implanté. Il est essentiel de veiller à ce que des commerçants du quartier
ainsi que des représentants du Marché du soleil soient présents afin de favoriser le dialogue
entre ces différents acteurs.
Scénario
Au cours de l’atelier plusieurs éléments ont émergé :
•
La nécessité d’implanter davantage de commerces de proximité en adéquation
avec la demande des usagers (des prix pratiqués plus bas).
•
La volonté de certains habitants de créer leurs propres emplois à partir de leurs
savoir-faire. Les habitantes particulièrement impliquées dans la démarche
participative ont ainsi fait part de leur volonté d’utiliser leurs savoir-faire dans
les domaines de la cuisine, de la couture ou du jardinage. Elles souhaitent ainsi
créer des petits commerces ou des associations.
•
La volonté de valoriser le Marché du soleil et de véhiculer une image singulière
(une identité) à l’ensemble du quartier.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 109
2.3.4 ATELIER 4 : DÉPLACEMENTS
Qu’il s’agisse de la mobilité à l’intérieur du quartier, ou à l’extérieur, il est nécessaire
d’approfondir le sujet en laissant les différents acteurs s’exprimer. Dans le quartier Joliette Bon Basteur, on constate que se côtoient des formes de déplacements doux (marche à pied,
trottinettes, bicyclettes, etc.) et un usage intense de l’automobile qui vient parfois perturber
ces premiers. L’appropriation et l’adaptation d’un quartier par ses usagers dépendant
fortement de leurs capacités à se déplacer, à cheminer, les questionner sur leurs ressentis
et leur mode de déplacement contribue à enrichir le diagnostic participatif. Cet atelier vise
alors à repérer les itinéraires fréquemment employés et, a contrario, ceux peu pratiqués. Il
est destiné à repérer les obstacles existants qui empêchent certains cheminements. L’atelier
sur les espaces publics, précédemment présenté, est composé d’une séance en salle et
d’une deuxième séance dédiée au « diagnostic en marchant ». Débuter par la séance en salle
est possible car les usagers connaissent ces espaces publics, ils peuvent les localiser et sont
capables de les qualifier. Dans l’atelier « déplacements », le « diagnostic en marchant » est
nécessaire pour évaluer le confort piéton car les usagers auraient des difficultés à localiser
les rues et à se rappeler leur état. Le « diagnostic en marchant » suffit à évaluer le confort de
ces rues et repérer les obstacles, c’est pourquoi il n’est pas précédé d’une séance en salle.
110 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
LES ÉLUS MOBILISÉS
La participation de l’élu en charge de l’emploi, des déplacements et des transports
urbains ainsi que l’adjoint en charge de l’environnement, du développement durable, du
plan climat, du cadre de Vie et de la qualité de ville serait enrichissante. Ces deux derniers
thèmes semblent particulièrement propices au dialogue dans le cadre d’un atelier qui
aborde la qualité des cheminements piétons.
LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS
Dans le cadre de l’atelier sur les déplacements, nous porposons l’intervention
de la Compagnie des Rêves Urbains qui organise de nombreuses ballades urbaines en
sensibilisant le public à l’analyse du cadre de vie.
Scénario
Plusieurs enjeux ont été soulevés lors de l’atelier sur les déplacements :
•
La nécessité d’accorder plus de place aux déplacements piétons.
•
La volonté de réduire la circulation automobile.
•
Lors du diagnostic en marchant de nombreux habitants se sont ainsi plaints
de ne pas pouvoir circuler aisément à pied dans l’ensemble du quartier. Ils
ont relevé la présence de nombreuses grilles empêchant l’accès à l’intérieur
de certains îlots alors qu’ils pourraient être traversés.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 111
2.3.5 ATELIER 5 : LOGEMENTS ET RELATIONS DE VOISINAGE
Au cœur de l’habitat, le logement est un enjeu primordial du quartier Joliette Bon Pasteur. La difficulté d’accès aux informations, ainsi que l’impossibilité de visiter des
logements du quartier, font de cet atelier un module essentiel du diagnostic participatif.
Faire venir les usagers à la rencontre du porteur de projet est donc fondamental pour
préciser les enjeux liés au logement et aux relations dans les espaces privés collectifs.
L’objectif de cet atelier est de repérer les formes de mal-logement, qu’elles soient liées à
l’insalubrité, au surpeuplement, à la précarité énergétique ou à une combinaison de ces
facteurs. Il s’agit également de repérer d’autres formes d’insatisfactions et les aspirations
des habitants en ce qui concerne leur logement ou leurs relations de voisinage.
L’ÉLU MOBILISÉ
L’adjoint au maire en charge de la Politique de la Ville et de la rénovation urbaine
est invité à cet atelier. Ce choix permet d’élargir la problématique du logement à celle
de l’habitat et du cadre de vie en général, tout en accordant une place importante aux
problèmes de mal-logement.
LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS
Pour cet atelier, nous avons pensé à faire intervenir le GIP Marseille Rénovation
Urbaine qui pourra apporter son expertise sur la rénovation urbaine dans le quartier Joliette
- Bon Pasteur. Une intervention du PACT 13, spécialisé dans les questions du mal-logement
et habitué aux rencontres avec le public pourra également enrichir les différents exercices.
112 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Scénario
Plusieurs enjeux ont été révélés lors de cet atelier :
•
La nécessité de résorber le mal-logement.
•
La nécessité de favoriser la construction de logement social.
•
Cette réunion a été particulièrement animée car de nombreux habitants ont
montré une réelle inquiétude face aux travaux de rénovation urbaine menés
par Euroméditerranée. En effet, dans le secteur Joliette ces travaux avaient
engendré de nombreuses expulsions.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 113
2.4 LE RAPPORT DE DIAGNOSTIC
Le rapport de diagnostic est établi grâce aux comptes rendus des réunions qui
mettent à jour les enjeux ressortant des différents ateliers. Cependant, si les ateliers sont
classés par thèmes, il ne s’agit pas de réaliser un rapport de diagnostic thématique. En effet,
l’ambassadeur, chargé de sa rédaction, doit retranscrire les interactions entre les acteurs,
les enjeux évoqués, etc. Il est chargé d’identifier les complémentarités entre les différentes
expertises (usages, techniques, etc.), tout en apportant la sienne. Dans ce rapport paraissent
ainsi les différents dysfonctionnements et potentialités du territoire. Il constitue donc un
support essentiel pour la mise en place de la phase de coélaboration.
C’est la nécessité d’intégrer les usagers en amont des projets, croisée au manque de
littérature sur la méthodologie de diagnostic participatif qui nous ont poussés à créer notre
propre méthode. Cette dernière reste expérimentale et comporte des limites. On ne peut
qu’établir des suppositions quant au bon déroulement des ateliers et à la nature des enjeux
qui en ressortent. Les scénarios présentés découlent ainsi uniquement de nos perceptions
et analyses du quartier. Cependant, ils nous ont permis de réfléchir à la nature des projets
qui pourraient être mis en place sur le quartier Joliette - Bon Pasteur et sur le déroulement
de la phase de coélaboration.
114 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
3 COÉLABORATION DU PROJET
Si la littérature sur la méthodologie de diagnostic participatif souffre d’un réel
manque, à l’inverse, la littérature sur la méthodologie de la coélaboration est abondante.
C’est pourquoi nous l’avons moins développée. De plus, ne pouvant pas asseoir notre
méthodologie sur les enjeux qui pourront ressortir des ateliers, nous ne pouvons proposer
une méthode aboutie et des projets prédéfinis. En effet, pour rester fidèles à notre
démarche, c’est aux citoyens d’affirmer ce qu’ils souhaitent pour améliorer leur cadre de
vie. C’est pour cela que l’outil opérationnel qui est proposé ne prédéfinit pas de thèmes et
exercices, à l’inverse des fiches d’aide au pilotage. Il s’agit d’évoquer les grands principes
des réunions de coélaboration et de présenter l’outil opérationnel qui les accompagne : le
catalogue des initiatives.
3.1 COMMENT ÉLABORER UNE DÉMARCHE DE
PARTICIPATION PARTENARIALE ?
Un des premiers critères d’évaluation des démarches est l’ordre dans lequel
interviennent les différents acteurs dans l’élaboration du projet. Plus l’implication des
usagers arrive tard dans le processus d’élaboration du projet, moins la démarche peut être
qualifiée de partenariale. Impliquer l’usager en aval n’est pas gage d’une prise en compte
de son expertise ni de son avis. L’ensemble de la démarche repose ainsi sur l’implication
précoce et pérenne des citoyens dans la démarche.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 115
3.1.1 PARTIR DES ENJEUX DU DIAGNOSTIC PARTICIPATIF
Le point de départ de la réflexion est le rapport du diagnostic participatif qui
retrace les différents enjeux soulevés au cours des réunions du diagnostic participatif.
Un premier travail en atelier permettra d’amorcer une réflexion sur la transversalité et la
complémentarité de ces enjeux qui ont été énoncés par thématique. De cette séance
doivent résulter les premières pistes d’intervention qui seront discutées dans les ateliers à
venir.
3.1.2 ORGANISER DES RÉUNIONS DE TRAVAIL RÉGULIÈRES
Le programme des ateliers sera constitué en partenariat avec les usagers pour que la
durée, la fréquence, le(s) lieu(x) correspondent aux disponibilités des participants. La séance
doit durer suffisamment longtemps pour que le débat soit constructif et la fréquence entre
chaque séance doit permettre un temps de réflexion personnel.
Le but de ces ateliers est de trouver des solutions aux enjeux révélés dans le diagnostic
participatif. Pour aider les participants à trouver des solutions innovantes et surtout
adaptées au contexte, ils auront accès à un « catalogue des initiatives ». Ce document de
travail regroupe différentes initiatives réalisées en France ou ailleurs. Il a pour but d’alimenter
les débats, de montrer le champ des possibles et de stimuler la créativité. Il est construit
sur le principe de fiches d’information sur lesquelles apparaissent le principe du projet, ses
conditions de réussite, une carte indiquant les lieux de développement potentiels dans le
quartier ainsi que des liens vers des sites internet pour en savoir plus. Il s’agit d’une liste
non exhaustive car il existe de très nombreuses initiatives en France et dans le monde. Dans
ce catalogue, ne figurent pas de projets nécessitant l’intervention institutionnelle comme
maitre d’ouvrage car la volonté politique de réalisation de projets sur le quartier Joliette -
116 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Bon Pasteur reste une variable inconnue. Dans ces conditions, nous ne pouvons prendre
le risque de proposer des projets sans la garantie d’une intervention institutionnelle. Nous
sommes convaincus que ces grands projets émaneront naturellement de la démarche
participative.
3.1.3 PROPOSER DES OUTILS D’EXPRESSION VARIÉS
Des idées d’intervention peuvent venir du public ne participant pas aux réunions de
travail. Il convient donc d’offrir une diversité de moyens d’expression accessible à tous. On
peut penser à la mise à disposition de tableaux d’expression libre dans le quartier sur lequel
les usagers pourraient coller ou agrafer leurs idées. On peut mobiliser l’outil internet par
lequel une autre partie de la population (notamment les jeunes) pourrait s’exprimer. Mais
le meilleur outil de récolte des idées reste l’immersion de l’ambassadeur sur le terrain. Ce
dernier irait à la rencontre des habitants pour les interroger sur leurs envies et leurs idées
d’action.
3.1.4 ORGANISER DES RESTITUTIONS INTERMÉDIAIRES EN PUBLIC
Au fur et à mesure de l’avancée des réunions, il est indispensable d’en restituer le
compte rendu pour qu’il puisse être critiqué par les personnes extérieures aux ateliers. Loin
de remettre en question ce qui se fait en réunion, ces critiques permettront d’enrichir la
réflexion de visions nouvelles et alternatives. Les évènement auront vraisemblablement lieu
le samedi dans les espaces publics du quartier. Les participants pourraient utiliser les locaux
de « la Maison de la participation » pour relayer les débats des ateliers auprès des autres
usagers en s’appuyant sur les schémas, les plans ou toute autre production réalisée au cours
des séances.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 117
A Aubagne, en 2013, l’Atelier Tramway, un forum participatif municipal, avait pour
mission de réfléchir à la requalification du Cours Foch, l’espace public central de la ville
qui allait être profondément modifié par le passage des lignes du tramway. Les ateliers
étaient ponctués de restitutions sur l’espace public durant lesquelles les usagers pouvaient
s’informer des réflexions tenues au sein du groupe de travail et critiquer (positivement ou
négativement) les résultats. Bien que ces échanges n’aient pas toujours été constructifs,
les avis ont permis d’enrichir les propositions. Ainsi, la demande d’une végétalisation
importante du cours qualifiée de nécessaire par le groupe de travail a été revue à la baisse
en raison des avis plutôt défavorables de la plupart des usagers rencontrés.
3.1.5 ORGANISER UN ÉVÈNEMENT POPULAIRE POUR LA PRÉSENTATION DU
CAHIER DES CHARGES FINAL ET LE LANCEMENT DES PROJETS
La restitution finale a pour but de présenter à l’ensemble des usagers les stratégies
d’action coélaborées lors des ateliers. C’est une vue d’ensemble du ou des projets. Dans le cas
de propositions de projets citoyens, cet évènement est l’occasion de constituer des groupes
pour initier ou réaliser une partie de ces projets. Cela peut concerner des micro-projets tels
que la végétalisation des rues (dont un guide et une charte sont en cours d’élaboration
au sein des services de la Ville de Marseille), la mise en place d’ateliers de cuisine ou de
jardinage, etc. Cette restitution est aussi l’occasion de révéler certaines oppositions et
donc d’anticiper les potentiels blocages. Un travail d’écoute du public est primordial pour
anticiper les conflits d’usages qui pourraient résulter des stratégies retenues.
118 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
Un scénario possible de projet
Au cours de la première réunion de travail, les participants ont révélé l’existence
de conflits entre les élus et les usagers, mais aussi entre usagers. Le conflit d’usage
autour de l’installation de pots de fleurs (voir le scénario de l’atelier « Vie de quartier »)
est révélateur. En effet, un homme âgé vivant dans la maison de retraite située rue
Vincent Leblanc n’était pas d’accord avec un usager qui souhaitait égayer la rue en
la fleurissant. L’ambassadeur dont le rôle est également de désamorcer les conflits, a
donc souhaité en approfondir les causes. Il est ressorti du débat que les pots de fleurs
rendaient le cheminement difficile pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. En
consultant le catalogue des initiatives, une alternative a été trouvée. La création de
fresques urbaines pourrait alors constituer un moyen de rendre la rue plus vivante,
sans empêcher le cheminement.
Bien que les participants se soient tous mis d’accord sur l’intérêt et l’originalité de ce
projet, ce dernier ne comble pas l’envie de jardiner et de fleurir le quartier. Il a donc été
convenu de réaliser des jardins partagés sur l’espace Trame Mirès, durant le diagnostic
en marchant de l’atelier « espaces publiques », qui s’est révélé être un lien potentiel
entre le secteur Joliette et le secteur Bon Pasteur.
1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 119
CONCLUSION
L’écocité est amenée à devenir un modèle d’intervention prédominant dans le
domaine de l’aménagement urbain. Davantage affilié à une démarche de projet sur des
quartiers peu habités, le concept d’écocité semble inadapté pour une intervention dans
un quartier existant. Or, la densité nécessite le renouvellement urbain, la construction de
« la ville sur la ville » (A. Grumbach, 1998) et ainsi l’adaptation du concept d’écocité aux
caractéristiques d’un quartier.
L’analyse du quartier Joliette - Bon Pasteur, au prisme du concept de l’habitabilité
(N. Blanc, 2010), montre que le quartier est composé de secteurs complémentaires. Dans
le secteur Joliette, l’habitabilité est marquée par une qualité élevée des logements, un
manque d’espaces publics qualitatifs et une faible intensité des interactions sociales. A
l’inverse, dans le secteur Bon Pasteur, l’habitabilité se compose d’une dégradation avancée
des logements, un manque en espaces publics et un niveau élevé d’interactions sociales.
Cette complémentarité est une force car elle offre à chacun la possibilité de s’approprier au
moins une partie du quartier.
Cette diversité dans les caractéristiques du quartier rend difficile si ce n’est illégitime
une intervention publique unilatéralement élaborée. C’est d’autant plus vrai, que le quartier
a déjà été fortement marqué par des opérations de renouvellement urbain telles que celles
initiées par Euroméditerranée. La réalisation d’un diagnostic du quartier et l’élaboration
de projets avec les usagers du quartier sont donc inévitables pour construire des projets
adaptés et durables. C’est pourquoi nous avons donné naissance à la démarche « ça part de
là » qui traduit la nécessaire participation des usagers. Leur expertise d’usage pour analyser
le quartier et proposer des projets adaptés est une ressource que cette méthodologie
place au centre de la démarche. Ainsi, le public-cible appelé à participer ne se limite pas
120 > INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
au résident mais s’élargit à l’échelle de l’usager du quartier, c’est-à-dire, celui qui utilise au
moins une ressource du quartier : résident, écolier, passant, etc. Les débats n’en seront que
plus riches et transversaux.
Toute une phase de préparation précède les séances de travail participatives. Cette
première étape permet de déterminer le cadre de la démarche. L’identification du porteur
de projet en constitue la base. Dans le quartier Joliette - Bon Pasteur, le GIP Politique de
la Ville, de par sa connaissance pointue du quartier, sa proximité avec les habitants et son
expérience en matière de participation citoyenne, est le porteur de projet le plus légitime.
Il missionnera un « ambassadeur » de la démarche qui aura pour mission de mobiliser le
public-cible, animer les réunions et en faire le compte-rendu, accueillir les usagers à la
« maison de la participation » pour recueillir les connaissances des usagers et diffuser les
résultats des réunions. Une stratégie de mobilisation a été élaborée pour aider le porteur
de projet dans cette tâche. Elle préconise l’utilisation d’outils de communications innovants,
l’appui sur les personnes-ressource (commerces, associations, etc.) pour élargir le public
atteint et l’organisation d’un évènement public et populaire de lancement de la démarche.
La phase de diagnostic participatif prend la forme de 5 réunions thématiques
pendant lesquelles usager, élu, technicien, intervenant extérieur débattent sous l’animation
de l’ambassadeur. Les cinq thématiques ont été choisies pour couvrir un large champ de
la vie (espaces publics, déplacements, vie de quartier, commerces et services de proximité
et logements et relations de voisinage). Cette phase constitue le cœur de la démarche.
Des fiches d’aide au pilotage ont donc été élaborées. Elles ont pour but d’aider le porteur
de projet à fertiliser les débats des ateliers. Elles sont composées de plusieurs exercices à
faire en petit groupe et avec l’ensemble des participants. Cette phase se conclut par un
évènement public durant lequel un rapport de diagnostic est diffusé.
> 121
La coélaboration des projets prend également la forme de réunions mais leur contenu
et modalités de fonctionnement seront établis par les participants. Néanmoins, dans le
but de fertiliser les débats et d’aider les participants, nous avons élaboré un « catalogue
des initiatives » recensant différents projets dont la plupart peuvent être réalisés sans
l’intervention de la collectivité. Ce catalogue est mis à disposition des participants dans la
phase de coélaboration. Il a donc pour but d’illustrer le champ des possibles et de favoriser
la participation, l’échange et le dialogue entre les usagers du quartier dans la vie, au-delà
de la démarche « ça part de là ». Cette dernière débouchera certainement sur la réalisation
de projets citoyens à court terme pour compenser la faible intervention publique. Par ces
créations, l’appropriation du quartier augmentera et par la même occasion son habitabilité.
La démarche « ça part de là » ne doit cependant pas légitimer le retrait de la
puissance publique sur des territoires dont les besoins sont nombreux. En effet, elle est
conçue davantage comme une action transitoire précedant des investissements publics
conséquents. Elle permet de mobiliser les citoyens, de les amener à échanger sur leurs
besoins et leurs aspirations sur la vie du quartier et de se forger une lecture singulière de la
ville. Les projets citoyens, qui ne réponderont pas à l’intégralité des besoins, donneront de la
visibilité à la communauté qui sera alors apte à analyser, critiquer, améliorer voire proposer
des projets à la collectivité. Forte de son expertise d’usage et de son expérience dans la
conduite de projet, la communauté sera en capacité, dans le cadre de la participation
citoyenne, de donner un avis éclairé sur des projets déclinés à différentes échelles (du
trottoir à la métropole).
122 > INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
Bertoncello, Brigitte. Girard, Nicole. Les politiques de centre-ville à Naples et à Marseille : quel
renouvellement urbain ?. Méditerranée, Tome 96, 1-2-2001. Politique urbaines à Naples et à Marseille :
regards croisés. pp. 61-70.
Grumbach, Antoine. La ville sur la ville. Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat
et de la construction, 1998.
Hauptmann, Eléonore. Concertation citoyenne en urbanisme. Broché, 2010.
Nonjon, Magali. « Quand la démocratie se professionnalise... » : enquête sur les experts de la participation.
2006.
Roncayolo, Marcel. Marseille, les territoires du temps. Editions locales de France, 1996.
Roncayolo, Marcel. Les grammaires d’une ville. Editions EHESS, 1996.
Soulier, Nicolas. Reconquérir les rues. Broché, 2012.
Terrin, Jean-Jacques. Le projet du projet. Broché, 2014.
ARTICLES
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2010. p.169-178.
Bonnet, Marc. L’expertise d’usage des habitants : une impossible reconnaissance ? in Economie &
Humanisme, n°376, 2006.
Seigneuret, Natacha. La notion d’habitabilité urbaine, approche méthodologique des architectes
urbanistes. Projet CIBLE - Région Rhône-Alpes. 2012.
ETUDES
Observatoire des quartiers. GIP Politique de la Ville - CUCS de Marseille, 2010.
Radioscopie des « Euroméditerranéens », Enquête habitants des résidences récentes
d’Euroméditerranée. AGAM, 2011.
DOCUMENTAIRE
Roeskens, Till. Plan de situation Joliette. 2010. (film)
RESSOURCES EN LIGNE
www.insee.com - www.euromediterranée.com - sig.ville.gouv.fr - www.agam.org.fr
> 123
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : les périmètres du projet d’Euroméditerranée
5
Figure 2a : Une ZUS au coeur d’Euroméditerranée
9
Figure 2b : la dualité des ambiances ressenties en octobre 2014
13
Figure 3 : des tissus urbains différenciés sur les secteurs Bon Pasteur et Joliette en 2014
15
Figure 4 : les extensions réalisées à Marseille sous Louis XIV
16
Figure 5 : l’urbanisation autour de la porte d’Aix dans la première moitié du XIXe siècle
17
Figure 6 : le plan de construction du nouveau port de la Joliette en 1853
18
Figure 7 : le plan d’extension du port et le plan de lotissement de Mirès 1872
19
Figure 8 : une décroissance démographique à Marseille et davantage dans le 2e arrondissement entre
1975 et 1990
23
Figure 9 : Bon Pasteur, un secteur oublié des périmètres d’intervention
26
Figure 10 : une intervention ciblée sur le logement dans le secteur Bon Pasteur
27
Figure 11 : les 35 pôles d’intervention 2011-2021 de l’opération Grand Centre Ville
28
Figure 12 : les IRIS étudiés pour l’analyse statistique
31
Figure 13 : les étals qui animent la rue Bon Pasteur
32
Figure 14a : les revenus fiscaux par unité de consommation en 2011: des disparités allant du simple
au quadruple
33
Figure 14b : tag sur le mur des anciens bureaux de Pôle Emploi
34
Figure 15 : une proportion plus importante des logements de petite taille dans le secteur sud en
2011
35
Figure 16 : des façades dégradées dans le secteur Bon Pasteur
36
Figure 17 : les façades dans la rue Pierre Albrand, secteur Joliette
38
Figure 18 : la place de la Joliette en 2012
40
Figure 19 : les actifss occupants des emplois qualifiés sont majoritairement représentés dans le
secteur nord du quartier en 2011
41
Figure 20 : une juxtaposition de logements neufs et anciens
43
Figure 21 : une part importante de logements ont été construits par Euroméditerranée à l’Evêché-
124 >
les-Docks
44
Figure 22 : les barrières d’interdiction d’accès au centre de l’îlot M5
45
Figure 23 : une offre commerciale diversifiée en 2014
46
Figure 24 : les espaces ouverts en coeur d’îlots appropriés au détriment de la rue
47
Figure 25 : le parvis du collège Izzo, un espace dédié au passage
51
a) Trame urbaine
51
b) vue aérienne
51
Figure 26 : la place Gantes, un espace dédié au passage
52
a) Trame urbaine
52
b) vue aérienne
52
Figure 27 : un aménagement extraverti
52
Figure 28 : l’espace public « Mirès », un espace peu adapté au public
53
Figure 29 : l’espace public « Mirès » inondé
53
Figure 30a : un trafic routier générateur de nuisances sur le Boulevard de Paris
54
Figure 30b : un trottoir inutilisable par le piéton dans la rue Montolieu
55
Figure 30c : un trottoir large et confortable dans la rue Désirée Clary
55
Figure
30d
:
une
déambulation
piétonne
confortable
à
l’intérieur
du
quartier
56
Figure 30e : un trafic automobile constant dans la rue Désirée Clary
57
Figure 31 : un quartier connecté au reste de la ville grâce à de nombreuses lignes de transport collectif
59
Figure 32 : un accès au quartier facilité par la proximité aux axes autoroutiers en 2014
60
Figure 33 : une habitabilité aux caractéristiques distinctes mais complémentaires
63
Figure 34a : une affiche de révolte à l’égard de « l’urbanisme » dans la rue Montolieu
68
Figure 34b : échelle de la participation élaborée par S.R. Arnstein
70
Figure 34c : le secteur Joliette sort de la géographie prioritaire des nouveaux Contrats de Ville (à
droite)
75
Figure 35 : actions participatives menées dans le cadre de projets d’aménagements urbain par le GIP
Politique de la Ville et le GIP Marseille Rénovation Urbaine
76
Figure 36 : les apports des usagers ciblés pour participer à la démarche participative
81
Figure 37a : une diversité d’informations grâce au Clean Tag
84
Figure 37b : les visuels standards de la participation
85
Figure 39 : première affiche de la campagne à être diffusée dans les stations du métro parisien
87
Figure 40 : deuxième affiche du groupe Indochine diffusée peu après, avec cette fois-ci, des
informations sur leur tournée
87
Figure 41 : des réalisations de l’école d’art « Axe Sud » située sur le quartier
88
Figure 42a : les personnes-ressources comme relais de la mobilisation
90
Figure 42b : fermeture d’une rue à Sauzès-Vaussais pour le lancement d’une démarche participative
92
Figure 43 : le planning prévisionnel de la démarche participative
93
Figure 44 : préparation d’un buffet avec l’aide des participants lors d’un évènement culturel
101
Figure 45 : carte participative de recensement des initiatives citoyennes à Marseille
102
> 125
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
4
PARTIE I : UN DIAGNOSTIC PRÉALABLE POUR REDÉFINIR L’ÉCOCITÉ
7
L’entrée par l’analyse sensible
11
1 Constitution, évolution et scission d’un quartier
14
1.1 Les grandes étapes de la constitution du quartier : 1666-1970
15
1.1.1. Du faubourg agricole au faubourg industriel (1666-1853)
16
1.1.2 La trame Mirès, reflet d’une ambition nationale : Marseille capitale de la Méditerranée (18541891)
18
1.1.3 L’appropriation du quartier par des classes populaires (1892-1970)
21
1.2 Un espace traité de manière différenciée par les politiques d’aménagement : 1970-2014
23
1.2.1 Le quartier Joliette-Bon Pasteur, un espace oublié des politiques urbaines ? 1970-1990
23
1.2.2. Un espace dévalorisé
24
1.2.3. De la capitale de la Méditerranée à la capitale Euroméditerranéenne ?
24
2 Un quartier, deux formes de dynamiques métropolitaines
29
2.1 Le secteur Bon Pasteur, entre fragilités et ressources
32
2.1.1 Une population précaire
33
2.1.2 Le logement, catalyseur des difficultés socio-économiques
35
2.1.3 Une sociabilité développée grâce à une appropriation de la rue
38
2.2 Joliette, un espace neuf et attractif pour de jeunes actifs
40
2.2.1 Une population en pleine mutation
41
2.2.2 Des nouveaux logements adaptés à la population active ciblée mais un environnement peu
apprécié par celle-ci
43
2.2.3 Un usage de l’espace public du quartier très limité
47
2.3 Dysfonctionnements et potentialités d’un quartier scindé
50
2.3.1 Un manque d’espaces publics qui vide le quartier de dynamiques sociales
50
2.3.2 Des liaisons piétonnes peu évidentes entre les deux espaces
54
2.3.3 Un quartier qui présente des dynamiques métropolitaines à conforter
58
Une habitabilité globale aux caractéristiques différenciées
62
Repenser l’écocité dans une perspective de projet dans le quartier Joliette - Bon pasteur 63
Adapter un concept a un territoire singulier
126 >
64
Prendre en compte les aspirations des habitants
65
Créer une méthodologie de démarche participative pour un projet d’écocité dans un quartier
existant
65
PARTIE II : « ÇA PART DE LÀ », UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE
67
1 Préparer le cadre d’un démarche participative
73
1.1 Identification et mobilisation des acteurs
73
1.1.1 Le GIP Politique de la Ville, un porteur de projet légitime
73
1.1.2 Le GIP Politique de la Ville, une structure ancrée dans le quartier Joliette-Bon Pasteur
74
1.1.3 La Politique de la Ville, à proximité des habitants
76
1.1.4 Des partenaires essentiels du GIP Politique de la Ville
77
1.2 Un large éventail d’acteurs à mobiliser
79
1.2.1 Le public-cible : tous les usagers du quartier
79
1.2.2 des élus et des experts pour une vision globale du quartier
82
1.3 Mobiliser le public-cible de manière innovante
83
1.3.1 Captiver le public et développer la curiosité du passant
83
1.3.2 Identifier et mobiliser les personnes-ressources
89
1.3.3 Organiser un évènement populaire accessible et appropriable par tous
91
2 Le diagnostic participatif en pratique
94
2.1 Clarifier le rôle des différents acteurs
95
2.1.1 L’ambassadeur : clef de voute de la démarche participative
95
2.1.2 L’elu : legitimateur de la demarche
98
2.1.3 L’usager : un expert
98
2.1.4 Le technicien : un regard complementaire
99
2.1.5 Les intervenants exterieurs
99
2.2 Un cadre d’atelier souple et original
100
2.2.1 Des buffets favorisant les discussions
100
2.2.2 Un espace chaleureux
102
2.3 Les fiches d’aide au pilotage
103
2.3.1 Atelier 1 : vie de quartier
104
2.3.2 Atelier 2 : espaces publics
106
2.3.3 Atelier 3 : commerces et services de proximite
108
2.3.4 Atelier 4 : déplacements
110
2.3.5 Atelier 5 : logements et relations de voisinage
112
2.4 Le rapport de diagnostic
114
> 127
3 Coélaboration du projet
115
3.1 Comment élaborer une démarche de participation partenariale ?
115
3.1.1 Partir des enjeux du diagnostic participatif
116
3.1.2 Organiser des réunions de travail régulières
116
3.1.3 Proposer des outils d’expression variés
117
3.1.4 Organiser des restitutions intermédiaires en public
117
3.1.5 Organiser un évènement populaire pour la présentation du cahier des charges final et le
lancement des projets
118
Conclusion
128 >
120
> 129

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