Un cœur simple
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Un cœur simple
Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e séance 1 Corrigés Un conte à part I. Découvrir Sand. Après s’être surtout illustré dans le genre du roman, il se lance dans l’écriture d’un petit volume, puisant dans ses souvenirs d’enfance et sa connaissance de la Normandie. 2. Madame Bovary en 1857, Salammbô en 1862 et L’Éducation Sentimentale en 1869 sont parmi les œuvres les plus importantes de Flaubert. 3. Ce récit s’avère réaliste par le souci de son auteur de « fouiller le vrai ». Il dépeint ainsi avec précision la vie en province au xixe siècle. Tous les lieux géographiques, à l’exception de Colleville, sont des lieux existant et sur lesquels Flaubert s’est documenté. Les différentes catégories sociales représentées dans l’œuvre correspondent à la réalité de la Normandie de cette époque, à commencer par le quotidien de Félicité, servante travaillant sans relâche au service de Mme Aubain, bourgeoise de Pont-l’Évêque. La notice et les notes du dossier révèlent également les démarches entreprises par l’auteur pour décrire de façon très réaliste les processions ou encore le perroquet. Cependant l’appellation « conte » choisie par Flaubert s’explique aussi par son attrait pour le mouvement romantique et les thèmes qui le traversent, la mort ou l’exotisme, ainsi que pour un style parfois lyrique, employé pour évoquer l’exaltation mystique de cette servante particulièrement frappée par le destin. 1. D’abord publié en feuilleton, Un cœur simple est publié en volume en avril 1877 avec deux autres récits La Légende de saint Julien l’Hospitalier et Hérodias, sous le titre Trois Contes. 2. Le conte, tel que les élèves ont pu l’étudier en Sixième, se caractérise par sa relative brièveté, par la mise en scène de personnages stéréotypés (roi, prince, personnage faible ou opprimé récompensé à la suite d’épreuves dont il sortira vainqueur), par la manifestation éventuelle du merveilleux et par un dénouement proposant souvent un enseignement à tirer du récit. Le conte de Flaubert est certes lui aussi assez bref mais il se distingue de ces caractéristiques traditionnelles par son ancrage réaliste. De plus, le dénouement n’offre pas de fin heureuse puisque l’héroïne meurt, ce qui n’invite pas particulièrement le lecteur à faire lui aussi preuve de bonté... 3. Il s’agit de la photographie en gros plan d’un cœur rouge et brillant, pendu à un ruban doré auquel il est raccroché par un grand et fin nœud. Cette représentation correspond au sens premier du titre de l’œuvre en ne figurant seulement qu’un cœur. Ainsi cette première de couverture laisse complètement ouverte la lecture. II. Comprendre 1. Flaubert écrit ce récit à la fin de sa vie, alors qu’il est en proie à des problèmes financiers et de santé. De plus, il vient de perdre deux amies chères, Louise Colet et Georges Séance 2 Entrer dans un récit réaliste I. Découvrir et comprendre qu’évoquées, comme la chambre de Félicité, tandis que le cabinet d’étude est, lui, décrit de façon très précise. Cette description révèle une atmosphère triste, sinistre, par l’emploi de termes dépréciatifs comme : « des différences de niveau qui faisaient trébucher », « un vieux piano », « tout l’appartement sentait un peu le moisi », « le salon toujours fermé », « un luxe évanoui ». c) Cet incipit présente précisément le cadre spatial et temporel du récit. Ainsi, les indications de lieu (« Pontl’Évêque, Toucques, Geffosses et Saint-Melaine »), de temps (« pendant un demi-siècle, au commencement de 1809 ») et les détails de la description de la maison ancrent le conte dans un espace-temps réaliste. De même, le quotidien de Félicité, dont la journée est rythmée par les tâches ménagères, apparaît conforme au travail accompli par les domestiques à cette époque. 1. Un cadre réaliste a) Ce premier chapitre nous présente les personnages principaux, Mme Aubain et sa servante Félicité, dans leurs activités respectives. La maison de Mme Aubain, située à Pont-l’Évêque, fait l’objet d’une description précise et détaillée. Un portrait en action de Félicité clôt le chapitre. b) La situation extérieure de la maison est tout d’abord donnée, « placée derrière les halles, (…) entre un passage et une ruelle aboutissant à la rivière »; puis, elle est décrite « intérieurement », de manière ascendante, du rez-dechaussée au deuxième étage. Les nombreux détails donnés sur la disposition des pièces, l’ameublement ou la décoration permettent de bien se représenter la maison. Certaines pièces font l’objet d’une description plus brève ou ne sont 1 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 2 Corrigés suite II. Retenir et pratiquer 2. Portraits croisés a) Mme Aubain est une bourgeoise dont la situation est explicitée dès le début de ce premier chapitre : elle est veuve depuis 1809 « d’un beau garçon sans fortune » qui lui a laissé « une quantité de dettes », mère de deux enfants. Elle vend la plupart de ses propriétés sauf deux fermes, pour s’assurer un petit revenu régulier et quitte Saint-Melaine pour Pont-l’Évêque. On apprend qu’elle n’est « pas une personne agréable » et qu’elle « se tenait tout le long du jour, assise près de la croisée dans un fauteuil de paille » Félicité est sa servante, enviée par les bourgeoises de Pont-l’Évêque. Si celle-ci est décrite juste avant que ne soient données ces informations, ce n’est que pour évoquer le détail de ses tâches quotidiennes, à travers l’accumulation des verbes d’action (« cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval »). Ces multiples activités sont développées plus amplement à la fin du chapitre, à l’occasion du portrait en action qui lui est consacré. b) Le portrait de Félicité apparaît dans un premier temps très positif. En effet, le narrateur valorise sa force de travail (« travaillait jusqu’au soir sans interruption », sa fidélité à sa maîtresse, sa piété (« pour ne pas manquer la messe », « s’endormait devant l’âtre, son rosaire à la main »), son obstination, son caractère « économe ». Cependant, après avoir décrit sa tenue vestimentaire, le narrateur dépeint son physique ingrat (« maigre », « sa voix aiguë ») et insiste sur l’automatisme de ses gestes, la comparant à « une femme en bois ». Ses émotions ne sont pas évoquées. On sait seulement qu’elle est « toujours silencieuse ». c) Après la lecture de cet incipit et les remarques faites sur la première de couverture, le lecteur est amené à considérer le sens du mot « cœur » d’après sa valeur métaphorique. Entendu comme le siège de l’affectivité, le « cœur » est la partie qui sert à désigner le tout, c’est-à-dire un être à part entière. L’adjectif « simple » qui le qualifie facilite l’identification du personnage : « un cœur simple » c’est Félicité, simple servante au service de Mme Aubain. Comparaisons avec les incipits des nouvelles : Mateo Falcone de Mérimée, Le Nez de Gogol, Aux Champs de Maupassant. Incipit de Mateo Falcone (du début à « Le fils n’avait que dix ans mais il annonçait déjà d’heureuses dispositions. ») : Le narrateur commence par décrire précisément le cadre de l’histoire, le maquis corse, avant de présenter le personnage principal, Mateo Falcone, et sa famille, qu’il connaît personnellement. Le récit s’annonce comme celui d’un souvenir. Le narrateur intervient aussi à la première personne pour donner des conseils au lecteur. Il s’agit d’un incipit à la fois réaliste par la précision des détails concernant le cadre spatial notamment, et romantique par le goût déjà avéré de l’auteur pour la « couleur locale » visant à restituer l’atmosphère caractéristique de la Corse. Incipit du Nez (Partie I) : Il s’agit d’un début de récit très différent de celui du conte de Flaubert. Le personnage principal, le barbier Ivan Iakovlévitch, découvre, un matin, un nez dans son pain et il cherche à s’en débarrasser. Le lecteur est amené à partager l’incrédulité du personnage. Le narrateur intervient également à la première personne pour se reprocher de ne pas en avoir dit plus sur le barbier, qu’il présente donc par la suite plus précisément. Dès cet incipit, le lecteur hésite entre une explication rationnelle et le surnaturel. Il s’agit bien du début d’une nouvelle fantastique. Incipit de Aux Champs (du début à « Je m’y ferais bien tous les jours. ») : Il s’agit d’un récit à la troisième personne. Le narrateur présente les personnages, deux familles de paysans (les Tuvache et les Vallin). Leurs maisons sont voisines et leurs enfants jouent tout le temps ensemble. Le cadre est donné précisément ainsi que le quotidien de ces paysans. Il s’agit de l’incipit d’une nouvelle réaliste, proche de l’incipit du conte Un cœur simple de Flaubert. 2 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 3 Corrigés Une héroïne toute simple I. Découvrir et comprendre pourrait même faire figure de « simple d’esprit » dans ses réactions avec Théodore au début de leur relation (« Elle ne sut que répondre » p. 21). 2.Un héroïsme au quotidien a) Félicité se révèle héroïque lorsqu’elle affronte seule le taureau de retour de la ferme de Geffosses avec Mme Aubain et les enfants. La scène se passe « un soir d’automne » (p. 26). Ils traversent tous les quatre les prés, Félicité écarte les bœufs sur leur passage quand tout à coup un taureau les menace. La servante attire son attention sur elle pour permettre à Mme Aubain et à ses enfants de fuir : « elle arrachait à deux mains des plaques de terre qu’elle lui jetait dans les yeux » (p. 27). Elle manque de se faire éventrer par l’animal mais parvient à s’échapper elle aussi. b) Pendant cet épisode, Félicité se montre héroïque en faisant preuve d’un grand sang-froid. Voyant sa maîtresse « éperdue » (p. 27) et ne cherchant qu’à fuir, elle la rassure (« Ne craignez rien ! » p. 26) et l’incite à ne pas courir (« Non ! non ! moins vite! » p. 27). La description effrayante de l’animal contribue à renforcer son courage (« un beuglement formidable », « sabots comme des marteaux », « tremblait de fureur en beuglant horriblement », « sa bave lui rejaillissait à la figure » p. 27). Après cet incident, elle apparaît très modeste (« n’en tira aucun orgueil, ne se doutant même pas qu’elle eût rien fait d’héroïque » p. 28). À la fin du chapitre, elle fait également preuve de bonté et d’altruisme en aidant l’une de ses sœurs qu’elle vient de retrouver (« Elle leur acheta une couverture, des chemises, un fourneau » p. 32). c) Engagée comme cuisinière par Mme Aubain, Félicité occupe en réalité bien d’autres rôles en s’occupant des enfants (« elle les portait sur son dos comme un cheval » p. 23, « Virginie l’occupait exclusivement » p. 28), en recevant les fermiers Robelin et Liébard qui viennent offrir à leur propriétaire leurs produits (« Félicité invariablement déjouait leurs astuces; et ils s’en allaient pleins de considération pour elle » p. 24), mais aussi les habitués de la maison (« Félicité le poussait dehors poliment: « Vous en avez assez, Monsieur de Gremanville! » p. 25). Elle apparaît extrêmement dévouée à sa maîtresse. 3. Scènes de vie réalistes a) Différents personnages secondaires sont évoqués tout au long de ce chapitre: appartenant au monde paysan, Théodore « son père avait abandonné Colleville pour la ferme des Ecots » (p. 21) et les fermiers de Geffosses et Toucques, Robelin et Liébard; des pêcheurs, comme la famille de la sœur de Félicité, Nastasie Barette; des bourgeois, comme Mme Lehoussais « une vieille femme très riche » (p. 23), qu’épouse Théodore; un ancien avoué, M. Bourais; le précepteur des enfants, Guyot « un pauvre 1. Les aventures d'une simple servante a) Le chapitre débute par l’évocation du passé de Félicité. Telle Cendrillon, elle vit une enfance misérable après la mort de ses parents, employée « toute petite à garder les vaches dans la campagne », « battue » et « chassée pour un vol de trente sols, qu’elle n’avait pas commis » (p. 20). Devenue fille de ferme, elle est séduite un soir de fête par Théodore qui tente de la forcer. Après d’autres rencontres, Félicité ne lui cédant pas, il lui promet le mariage mais il épouse finalement la vieille Mme Lehoussais pour échapper à la conscription. La douleur de cette trahison lui fait quitter son emploi à la ferme. Arrivée à Pont-l’Évêque, elle est embauchée par Mme Aubain comme cuisinière. Elle s’occupe aussi de ses enfants, Paul et Virginie, et prépare la maison aux visites des habitués. Ils se rendent souvent à la ferme de Geffosses et alors qu’ils en reviennent un soir, Félicité parvient à écarter un taureau de leur chemin. Puis, comme Virginie est souffrante, est organisé un voyage à Trouville pour que l’enfant y prenne des bains de mer. Ils s’arrêtent sur leur trajet à la ferme des Liébard pour y déjeuner. À Trouville, Félicité retrouve l’une de ses sœurs, Nastasie Barette, qu’elle aide quelques temps, avant que, de retour à Pont-l’Évêque, Paul ne parte dans un collège à Caen. b) Le narrateur raconte l’ « histoire d’amour » (p. 20) qu’a connue Félicité avec Théodore en développant les circonstances de leur rencontre et les raisons de son échec. Dès le début de leur relation, le jeune homme se montre brutal (« il la renversa brutalement » p. 21) et insistant. Félicité accepte de l’épouser et se laisse gagner par la tendresse mais elle est finalement trompée par Théodore qui en épouse une autre « pour se garantir de la conscription » (p. 22). Le déterminant possessif dans « son histoire d’amour » (p. 20) se justifie bien au terme de cette relation : Félicité est seule à aimer tandis que le jeune homme ne pense qu’à satisfaire son désir, sans considération des sentiments ni de la situation de la jeune fille. Cette mésaventure la conduit à s’engager auprès de Mme Aubain. c) À l’issue de son histoire malheureuse avec Théodore, c’est sa naïveté qui semble avoir joué des tours à Félicité. Elle n’a pas su identifier la « couardise » (p. 22) du jeune homme que pointe le narrateur. Sa famille aussi profite de sa générosité (« évidemment ils l’exploitaient » p. 32). Félicité semble aussi assez ignorante, comme lors de l’assemblée de Colleville au début du chapitre (« Tout de suite, elle fut étourdie, stupéfaite par le tapage des ménétriers, les lumières dans les arbres » p. 20) ou lorsque Paul, âgé de sept ans, lui explique les gravures offertes par M. Bourais (« Ce fut même toute son éducation littéraire » p. 25). Elle 3 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 3 Corrigés suite II. Retenir et pratiquer diable employé à la mairie » (p. 23) ; un noble désargenté, le marquis de Grémanville « ruiné par la crapule et qui vivait à Falaise sur le dernier lopin de ses terres » (p. 24). Cette galerie de portraits plus ou moins esquissés ancre le récit de façon réaliste dans la société de cette petite ville de Normandie. b) Le temps principalement employé est l’imparfait, à valeur itérative pour marquer l’habitude : « recevait, se présentait, le poussait dehors, l’ouvrait avec plaisir, il s’enfermait » (p. 25). Les indications temporelles suivantes contribuent également à l’effet de répétition: « À des époques indéterminées », « toujours », « chaque fois » (p. 24). c) Les descriptions de lieux se révèlent particulièrement réalistes par les précisions apportées et le vocabulaire employé. Ainsi, à l’assemblée de Colleville, des détails nous sont donnés comme la mention du « timon d’un banneau » (p. 21), à la ferme de Geffosses, les personnages déjeunent dans « un appartement faisant suite à la laiterie » (p. 26), Paul monte dans la « grange » (p. 26) et tape sur « les grosses futailles » (p. 26). Mais c’est la ferme de Toucques qui est décrite le plus précisément « les poutrelles, les murailles, les carreaux, le dressoir, les toits, la charreterie » (p. 29-30). La nature traversée pour se rendre à Trouville fait aussi l’objet de descriptions développées (p. 30) ainsi que le bord de mer lui-même (p. 31). Ces pauses dans le récit permettent au lecteur de mieux se figurer les différents environnements dans lesquels évoluent les personnages. Étude de l’affiche du film Un cœur simple de Marion Laine, réalisé en 2008 : a) Au premier plan, on peut voir Félicité assise sur une plage, tenant une poupée entre ses mains. Elle porte une simple robe rouge à petit col blanc. À sa droite, derrière elle, on aperçoit une femme avec deux enfants protégés par une ombrelle ouverte, posée au sol, qui les protège du vent. Le fils est debout derrière sa mère et sa sœur et semble occupé par quelque chose tandis que la fille regarde sa mère et apparaît donc de profil. Ils sont vêtus de tenues bourgeoises. À l’arrière plan, on distingue un paysage de falaises. b) Elle regarde au loin, sans sourire, avec un air grave et pensif, fronçant légèrement les sourcils. Elle paraît très concentrée, ses doigts sont crispés sur ce qu’elle tient entre les mains. c) Cette scène fait penser aux bains de mer de Virginie ou aux parties de pêches évoqués à la fin du chapitre II, page 31: « ils cherchaient des coquilles (…) ; et les enfants couraient, pour saisir des flocons d’écume que le vent emportait. Les flots endormis, en tombant sur le sable, se déroulaient le long de la grève ». L’attitude des personnages se rapproche davantage d’une scène qui se déroule un peu avant dans un pré : « Mme Aubain, assise, travaillait à son ouvrage de couture ; Virginie près d’elle tressait des ajoncs ; Félicité sarclait des fleurs de lavande; Paul, qui s’ennuyait, voulait partir. » (p. 31). Cependant, sur cette affiche, la composition souligne la solitude de Félicité et l’absence de communication entre elle et Mme Aubain et ses enfants. 4 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 4 Corrigés L’écriture du récit court I. Observer et comprendre valeurs de description, de répétition ou pour des actions longues, et le passé simple pour les actions de premier plan. De plus, le récit rapporte également les paroles des personnages. 5. Les paroles de Théodore sont rapportées au discours indirect : « Il l’aborda d’un air tranquille, disant qu’il fallait tout pardonner » (p. 21), « Il ajouta qu’on désirait l’établir » (p. 21), tandis que celles de Félicité, très peu nombreuses, sont mises en valeur par le style direct : « "Ah !" dit-elle. », « Mais non, je vous jure ! ». Le déséquilibre entre les deux personnages est ainsi accentué par ces prises de parole rapportées de façon différente. 6. Félicité apprend l’échec de son histoire d’amour par un autre, venu lui annoncer la trahison de Théodore qui s’est marié avec la vieille Mme Lehoussais. Ce moment dramatique est raconté de façon assez sèche par de courtes phrases simples que la mise en page du texte met particulièrement en valeur : « Le moment arrivé, elle courut vers l’amoureux. À sa place, elle trouva un de ses amis. Il lui apprit qu’elle ne devait plus le revoir. » (p. 22) Le rythme de la narration est ainsi accéléré mais haché par les points, contrastant avec la gradation employée juste après pour évoquer la réaction de Félicité: « Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela la bon Dieu, et gémit toute seule dans la campagne jusqu’au soleil levant. » (p. 23) 7. Félicité apparaît comme quelqu’un de timide, s’exprimant peu, mais aussi de déterminé, en ne cédant pas à Théodore avant de s’être assurée de sa volonté de l’épouser : « la raison et l’instinct de l’honneur l’empêchèrent de faillir ». Elle manifeste ses sentiments physiquement: « elle courut vers l’amoureux » (p. 22), « elle se jeta par terre, poussa des cris... » (p. 23). 1. Les deux premiers verbes du chapitre, « avait eu » et « s’était tué », sont conjugués au plus-que-parfait de l’indicatif. Il s’agit d’un retour en arrière (ou analepse) qui évoque les premières années de Félicité. Orpheline très jeune, elle est employée dans une première ferme où elle est maltraitée puis dans une seconde où elle est fille de basse-cour. 2. Il n’y a apparemment pas de lien entre les deux phrases. Dans la première, est évoquée de façon assez réductrice « l’histoire d’amour » de Félicité, rendue banale par l’expression « comme une autre ». La phrase suivante rapporte un événement dramatique, la mort accidentelle de son père, produisant une rupture. Ces deux informations données de façon concomitante au lecteur assombrissent d’emblée le récit de sa jeunesse. 3. Ces premières années sont racontées très rapidement, sous la forme d’un sommaire. En quelques phrases au style très dépouillé nous est dépeinte la vie misérable d’une enfant exploitée. Les verbes succèdent les uns aux autres: « mourut, se dispersèrent, la recueillit, l’employa, grelottait, buvait, était battue, fut chassée, n’avait pas commis », en une gradation qui mène à l’injustice la plus totale. L’ironie de l’auteur est perceptible dans ce décalage entre les événements racontés et le ton employé, qui invite le lecteur à une réaction d’autant plus vive. 4. Le récit de la relation entre Félicité et Théodore est assez long comparativement à d’autres périodes racontés rapidement, comme l’enfance de Félicité. Le narrateur introduit plusieurs petites scènes par des indications de temps précises: « Un soir du mois d’août » (p. 20), « un autre soir » (p. 21), « la semaine suivante » (p. 22), et il emploie conjointement l’imparfait dans ses différentes 5 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 5 Corrigés Les expansions du nom I. Observer et comprendre – « vieux » : adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « paysan » – « haute »≈: adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « taille » – « de haute taille » : groupe nominal complément du nom « paysan » – « en arrière » : groupe nominal complément du nom « casquette » – « crochu » : adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « nez » – « qui était Robelin » : proposition subordonnée relative complément du nom « paysan » – « le fermier de Geffosses » : groupe nominal apposé au nom « Robelin » – « de Geffosses » : groupe nominal complément du nom « fermier» d) Au moyen d’une planchette, Loulou fut établi sur un corps de cheminée qui avançait dans l’appartement. – « établi » : adjectif qualificatif attribut qui complète le nom « Loulou » – « de cheminée » : groupe nominal complément du nom « corps » – « qui avançait dans l’appartement » : proposition subordonnée relative complément du nom « corps » e) Il arrivait le dimanche après la messe, les joues roses, la poitrine nue, et sentant l’odeur de la campagne qu’il avait traversée. – « roses » : adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « joues » – « nue » : adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « poitrine » – « de la campagne » : groupe nominal complément du nom « odeur » – « qu’il avait traversée » : proposition subordonnée relative complément du nom « campagne » 2. Portrait physique de Virginie : Virginie, la fille de Mme Aubain, était une enfant à la santé délicate. Elle souffrait d’une affection nerveuse qui nécessitait un changement d’air. À Trouville, elle prit des bains de mer qui lui firent le plus grand bien. Avec Paul, son frère, elle jouait au bord de l’eau et ne semblait plus essoufflée comme avant. 1. Le marquis de Grémanville est un des oncles de Mme Aubain : « un de ses oncles » (p. 24) est un groupe nominal séparé par des virgules du nom auquel il se rapporte: « marquis de Grémanville ». Il s’agit d’un groupe nominal apposé, comme l’est le groupe nominal « ancien avoué » pour le nom « M. Bourais ». 2. « Ruiné par la crapule » et « qui vivait à Falaise sur le dernier lopin de ses terres » (p. 24) sont deux groupes de mots qui apportent également des précisions sur le personnage. Le premier est un groupe adjectival et le second une proposition subordonnée relative. 3. Le caniche est caractérisé par l’adjectif qualificatif épithète « affreux » et la proposition subordonnée relative « dont les pattes salissaient tous les meubles. ». 4. Si l’on supprimait les expansions non indispensables, voici la phrase que l’on obtiendrait : « Sa cravate (blanche) et sa calvitie, son jabot (de sa chemise), sa (ample) redingote (brune), sa façon de priser (en arrondissant le bras), tout son individu lui produisait un trouble (où nous jette le spectacle des hommes extraordinaires). Les expansions enrichissent la description. 5. Les expansions utilisées pour caractériser M. Bourais (« extraordinaires ») sont plus valorisantes que celles qui se rattachent à la description du marquis de Grémanville (« ruiné, affreux »). II. Retenir et pratiquer Correction de la Fiche élève 1 1. Corrections des phrases : a) Félicité retirait de son cabas des tranches de viande froide. – « de viande froide » : groupe nominal complément du nom « tranches » b) L’air était chaud et bleu, un merle gazouillait, tout semblait vivre dans une douceur profonde. – « chaud et bleu » : adjectifs qualificatifs attributs du sujet « l’air » – « profonde » : adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « douceur » c) Vers midi, au plus fort du marché, on voyait paraître sur le seuil un vieux paysan de haute taille, la casquette en arrière, le nez crochu, et qui était Robelin, le fermier de Geffosses. 6 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 6 Corrigés Un personnage mis à l'épreuve I. Découvrir et comprendre petit chapeau de Virginie à Félicité : « Leurs yeux se fixèrent l’une sur l’autre, s’emplirent de larmes ; enfin la maîtresse ouvrit ses bras, la servante s’y jeta ; et elles s’étreignirent, satisfaisant leur douleur dans un baiser qui les égalisait. (…) Félicité désormais la chérit avec un dévouement bestial et une vénération religieuse » (p. 51). 1.Félicité malmenée par la vie a) Le nom « Félicité » vient du mot latin felix qui signifie « qui a de la chance, qui est heureux ». Ce choix de Flaubert peut faire sourire car la vie de la servante semble au contraire sans cesse soumise à un destin implacable. Au cours de ce chapitre, elle connaît le décès de deux êtres qui lui sont très chers, Victor et Virginie, après avoir connu grâce à eux de grands moments de bonheur. Chacune des visites de Victor la réjouit (p. 38) et les instants passés aux côtés de Virginie, notamment lorsqu’elle l’accompagne à l’église la rendent très heureuse (pages 35-36). b) Félicité a connu Virginie à quatre ans et s’est occupée d’elle depuis avec une grande affection, comme le narrateur le rappelle après le départ de la jeune fille pour le couvent des Ursulines : « Elle s’ennuyait de n’avoir plus à peigner ses cheveux, à lui lacer ses bottines, à la border dans son lit » (p. 38). Elle se révèle tout aussi proche de son neveu Victor avec lequel elle se comporte comme une mère : « Ils déjeunaient l’un en face de l’autre ; et mangeant elle-même le moins possible pour épargner la dépense, elle le bourrait tellement de nourriture qu’il finissait par s’endormir. (...) elle le réveillait, brossait son pantalon, nouait sa cravate, et se rendait à l’église, appuyée sur son bras dans un orgueil maternel. » (p. 38). En leur absence, Félicité réagit de la même façon : « elle n’entendait à rien, avait perdu le sommeil, suivant son mot, était "minée". » (p. 38), « Dès lors, Félicité pensa exclusivement à son neveu. » (p. 41). À la mort de Victor, elle se contient jusqu’à finir par s’abandonner à sa douleur (dernier paragraphe p. 44). Lors de l’enterrement de Virginie, « elle songe à son neveu, et n’ayant pu lui rendre ces honneurs, avait un surcroît de tristesse, comme si on l’eût enterré avec l’autre » (p. 48) et réprime à nouveau son chagrin. c) Victor au loin, Félicité « jamais ne parle de ses inquiétudes » (p. 41). Mme Aubain la méprise quand elle les évoque : « Et, haussant les épaules, Mme Aubain reprit sa promenade, ce qui voulait dire: "Je n’y pensais plus !... Au surplus, je m’en moque ! Un mousse, un gueux, belle affaire !... tandis que ma fille..." » (p. 42). C’est pourtant par elle qu’elle apprend la mort de son neveu. Mme Aubain fait alors preuve de compassion : elle « tressaillit » (p.43), « tremblait un peu ». À la mort de Virginie, elle manifeste sa douleur de façon bien différente de Félicité, par « des hoquets d’agonie » (p. 47), « son désespoir illimité » (p. 48). À partir de ce moment, elles se rapprochent : « Félicité la sermonnait doucement » (p. 49), « Elles se promenaient ensemble » (p. 50) jusqu’au jour où Mme Aubain offre un 2. Un cœur saint a) Les cours de catéchisme de Virginie auxquels assiste Félicité produisent sur elle une grande impression, comme le prouvent les passages suivants : « Elle croyait voir le paradis, elle pleura en écoutant la Passion » (p. 34), « elle demeurait dans une adoration » (p. 35). Bien que le sens profond de l’enseignement lui échappe, elle partage intimement la foi de Virginie. Ses moments lui font éprouver des émotions très variées, la joie, la peur, le doute et une forme d’extase : « au moment d’ouvrir la bouche, en fermant les paupières, elle manqua s’évanouir » (p. 36), lors de la première communion de Virginie. b) La religion occupe une place de plus en plus importante dans la vie de Félicité avec l’éveil de sa foi. Elle se rend à l’église régulièrement, comme lorsque son neveu vient la voir le dimanche (p. 38), et elle prie souvent, comme après être allée saluer Victor une dernière fois à Honfleur (« Félicité, en passant près du Calvaire, voulut recommander à Dieu ce qu’elle chérissait le plus; et elle pria pendant longtemps, debout, la face baignée de pleurs, les yeux vers les nuages. » p. 40), ou quand elle apprend que Virginie est au plus mal (« Félicité se précipita dans l’église, pour allumer un cierge » p. 46). C’est elle qui accomplit les gestes rituels lors de la veillée du corps de Virginie : « Elle répétait les mêmes prières, jetait de l’eau bénite sur les draps » p. 47). c) Félicité fait preuve d’une grande bonté, comme le prouve notamment sa réaction à l’attitude méprisante de Mme Aubain lorsqu’elle évoque ses pensées pour son neveu, son indignation est de courte durée et elle excuse sa maîtresse aussitôt : « Il lui paraissait tout simple de perdre la tête à l’occasion de la petite. » (p. 42). Son dévouement au quotidien pour ceux qui l’entourent est manifeste, et plus encore après le décès de Virginie, comme le souligne le narrateur : « La bonté de son cœur se développa. » (p.51) En effet, elle prend soin des soldats de passage, des « cholériques » mais aussi des « Polonais », peu appréciés de la population, ou encore du père Colmiche mis au ban de la société. Le détail des soins qu’elle lui prodigue contribue à faire d’elle une véritable sainte. 3. Un portrait d'une tendre ironie a) Au cours de ce chapitre, Félicité apparaît « simple » 7 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 6 Corrigés suite « s’appuyant », « baissé », « pendantes » p. 43), les comparaisons qui traduisent l’imaginaire sombre du personnage (« comme des chevelures de cadavre flottant dans l’eau » p. 44), les contrastes qui soulignent l’effort fait sur soi-même (« elle retenait sa douleur » / « elle s’y abandonna » p. 44). dans ses rapports aux autres, avec tout ce que comporte de laudatif cet adjectif en ce sens : elle est pure, droite, naturelle et sincère. Cependant, cette simplicité peut aussi s’entendre dans un sens plus dépréciatif, comme une forme de naïveté, de simplicité d’esprit, telle que celle dont fait preuve Félicité lorsqu’elle assiste au catéchisme : « Elle avait peine à imaginer sa personne », « Quant aux dogmes, elle n’y comprenait rien, ne tâcha même pas de comprendre. » (p. 35) ou quand M. Bourais tente de lui expliquer où se situe La Havane : « Elle se pencha sur la carte; ce réseau de lignes coloriées fatiguait sa vue, sans rien lui apprendre » (p. 43). b) Lorsque M. Bourais est interrogé par Félicité sur des questions de géographie, le narrateur ne semble pouvoir s’empêcher de commenter les réactions de la servante : « tant son intelligence était bornée » (p. 43). L’ « ahurissement » et la « candeur » de Félicité sont ainsi soulignés par un narrateur qui semble marquer une certaine distance ironique avec le personnage principal de son récit. c) On ne peut qu’éprouver de la compassion pour cette héroïne frappée par le destin. Le récit pathétique des abandons successifs qu’elle connaît suscite la pitié et l’admiration du lecteur : l’annonce de la mort de Victor et la douleur de Félicité, la mort de Virginie, le baiser des deux femmes lors du don du petit chapeau de Virginie. On peut identifier différents procédés qui caractérisent ce registre pathétique, comme, par exemple, après l’annonce de la mort de Victor : tous les verbes, participes ou adjectifs qui expriment un mouvement vers le bas (« tomba », Séance 7 II. Retenir et pratiquer Analyse du tableau de Camille Pissaro, Femme au fichu vert : La jeune femme représentée porte une robe sombre et sur la tête un fichu fleuri, noué sous le menton, tenue qui peut faire penser à celle de Félicité décrite à la fin du premier chapitre : « un mouchoir d’indienne fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui cachant les yeux » (p. 19). Le personnage du tableau est assis à une table que l’on aperçoit en arrière-plan, son visage est tourné de trois quarts. Son regard, dans le vague, est dirigé vers le bas, elle semble songeuse. Son attitude s’apparente à celle de Félicité, peu bavarde et souvent pensive, notamment dans ce chapitre, quand elle est séparée de son neveu, ou après le décès de Virginie. Le peintre a procédé par aplats de petites touches de peinture, il s’agit du pointillisme qui donne l’impression d’une image floue et exprime bien l’évanescence de la jeune fille, absorbée dans ses pensées. On peut comparer cette technique et ses effets à celle du narrateur nous invitant à adopter, comme lui, une certaine distance avec le monde qu’il nous dépeint, et en particulier le personnage de Félicité. Les paroles rapportées I. Observer et comprendre Il n'y a plus de guillemets, de tirets ni de ponctuation forte. On identifie un verbe de parole et la présence de la conjonction de subordination « que ». 3. Il s'agit bien d'une parole prononcée par Félicité, comme les phrases précédentes nous invitent à le penser. On retrouve une ponctuation forte mais aucun élément n'introduit cette parole. Certaines paroles de Mme Aubain sont elles aussi rapportées sur ce mode : « C’était vraiment extraordinaire ! Depuis quatre jours, pas de nouvelles ! » Ce type de discours donne l'impression d'avoir accès de façon plus naturelle encore aux pensées du personnage. 1. « Félicité lui dit : - Moi, Madame, voilà six mois que je n'en ai reçu !... - De qui donc ?... La servante répliqua doucement : - Mais de mon neveu ! » On reconnaît des paroles adressées directement par un personnage à un autre aux guillemets et aux tirets employés pour marquer la prise de parole, ainsi qu'aux verbes de parole comme dire et répliquer et aux signes de ponctuation forts. 2. Le narrateur rapporte aussi les paroles des personnages de façon indirecte : « Le pharmacien lui apprit que le bateau de Victor était arrivé à La Havane. » II. Retenir et pratiquer 8 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 7 Corrigés suite Correction de la Fiche élève 2 Elle ne sut que répondre et avait envie de s'enfuir. (…) Il ajouta : - On désire m'établir, mais je ne suis pas pressé et j'attends une femme à mon goût. Elle baissa la tête. Alors il lui demanda : - Vous pensez au mariage ? Elle reprit en souriant : - C'est mal de se moquer ! » 1.a) Discours direct : verbe de parole (dit), tiret et ponctuation forte. b) Discours indirect : verbe de parole (demanda), conjonction de subordination (si) et concordance des temps. c) Discours indirect libre : pas de verbe introducteur, ponctuation forte. d. Discours direct : verbe de parole (répliquait), tiret et ponctuation forte. 2. « Il l'aborda et lui dit d'un air tranquille : - Il faut tout me pardonner car c'était la faute de la boisson !... Séance 8 Expression écrite Pas de corrigés pour cette séance. Séance 9 La triste fin du conte I. Découvrir et comprendre c) Le dernier chapitre, de trois pages seulement dans notre édition, raconte l’agonie de Félicité le jour de la FêteDieu, soit quelques heures. Il s’agit bien à nouveau d’une scène, isolée par le découpage des chapitres, qui contraste, par le temps de narration qui lui est consacré, avec le récit tel qu’il se présente depuis le début. Le narrateur consacre ainsi l’importance de ce moment et attire notre attention sur chacun des détails caractérisant la fin de l’héroïne. Loulou, le compagnon fidèle a) Loulou est un perroquet dont il est précisé dès le début du chapitre IV que le « corps était vert, le bout de ses ailes rose, son front bleu, et sa gorge dorée » (p. 54). Ses habitudes et manies sont décrites notamment par une série de verbes d’action: « s’arrachait les plumes, éparpillait ses ordures, répandait l’eau de sa baignoire » (p. 54), « il cognait les vitres avec ses ailes, et se démenait si furieusement » (p. 55). Il circule librement dans la maison et est une véritable attraction pour tous les visiteurs. Il parle : « Charmant garçon ! Serviteur, monsieur ! Je vous salue Marie ! » (p. 54), imite divers bruits et Mme Aubain. Il est malade de temps en temps : « Il devint malade, ne pouvant plus parler ni manger. » (p. 56). Il meurt brutalement de froid et, sur les conseils de Mme Aubain, Félicité décide de le faire empailler. Elle l’établit alors dans sa chambre : « splendide, droit sur une branche d’arbre, qui se vissait dans un socle d’acajou, une patte en l’air, la tête oblique, et mordant une noix, que l’empailleur par amour du grandiose Un dénouement rapide a) Ces deux derniers chapitres racontent la fin de la vie de Félicité, marquée principalement par la présence de Loulou, le perroquet offert à Mme Aubain mais que celle-ci lui a donné. Un jour, Félicité le perd et ne s’en remet pas ; sa santé décline à partir de ce moment-là. Loulou meurt et elle le fait empailler. Paul se marie, M. Bourais meurt et peu de temps après, c’est le tour de Mme Aubain. La maison est mise en vente mais Félicité y termine ses jours. Elle meurt le jour de la Fête-Dieu. b) Les différences de rythme dans la narration sont importantes dans le chapitre IV. Le narrateur s’arrête parfois sur certains petites scènes du quotidien comme celle dans laquelle Bourais cherche à échapper aux moqueries de Loulou, mais ce sont surtout les incidents malheureux que connaît Félicité qui font l’objet d’un récit prolongé : ses recherches désespérées pour retrouver le perroquet ou son voyage jusqu’à Honfleur au cours duquel elle reçoit un coup de fouet d’un conducteur de voiture. Sur un autre ton, la description de sa chambre marque une pause dans le récit. Les événements les plus marquants et les plus douloureux sont, quant à eux, racontés très rapidement, la narration faisant se succéder sans ménagement, par exemple, le mariage de Paul et la mort de sa mère en quelques paragraphes (p. 62-63). Ces effets de rupture surprennent le lecteur, et l’invitent à adopter cette même distance propre au narrateur. 9 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 9 Corrigés suite avait dorée. » (p. 60) Sa ressemblance avec le Saint-Esprit, tel qu’il est représenté sur une image d’Épinal qu’acquiert Félicité, devient alors évidente pour elle : « Avec ses ailes de pourpre et son corps d’émeraude, c’était vraiment le portrait de Loulou. » (p. 62) b) Loulou représente beaucoup pour Félicité, il est « sa seule richesse » (p. 65). Elle entretient très vite avec l’animal une relation passionnée : « Loulou, dans son isolement, était presque un fils, un amoureux » (p. 58). Il concentre tout l’amour qu’elle ne peut plus porter à Théodore et à Victor et devient le seul être avec lequel elle communique encore : « Ils avaient des dialogues, lui, débitant à satiété les trois phrases de son répertoire, et elle, y répondant par des mots sans plus de suite, mais où son cœur s’épanchait. » (p. 55) S’opère une véritable fusion entre eux : « comme elle penchait son front en branlant la tête à la manière des nourrices, les grandes ailes du bonnet et les ailes de l’oiseau frémissaient ensemble » (p.58), qui semble réciproque : « Comme pour la distraire, il reproduisait le tic tac du tournebroche, l’appel aigu d’un vendeur de poisson... » (p. 57). c) Félicité entreprend d’« instruire » son perroquet, comme on le ferait d’un enfant, en lui apprenant certaines phrases (p. 54). Elle tente de le protéger des moqueries de Fabu ou de M. Paul (p. 55-56) et en prend soin « Elle le guérit, en arrachant cette pellicule avec ses ongles. » (p. 56). Mais c’est véritablement lorsqu’il s’égare un jour que son attachement est le plus visible. Le narrateur raconte dans le détail les recherches entreprises par Félicité pour retrouver Loulou et témoigne de son désarroi. Le lecteur est invité à vivre l’événement du point de vue de Félicité et d’en mesurer ainsi la gravité pour elle. Après la mort du perroquet, son attachement prend une autre dimension. Après avoir été violemment blessée sur la route de Honfleur où elle se rend pour le faire empailler, son premier geste est de s’assurer que Loulou n’a rien (p. 59). Puis, lorsqu’elle l’installe dans sa chambre, il se trouve « sanctifié par ce rapport avec le Saint-Esprit, qui devient plus vivant à ses yeux et intelligible » (p. 62). C’est donc une apothéose pour Félicité quand elle peut le placer sur le reposoir de la Fête-Dieu. On peut percevoir l’ironie de l’auteur dans l’évocation de cette relation lorsque Félicité tente de justifier son adoration du perroquet : « Le Père, pour s’énoncer, n’avait pu choisir une colombe, puisque ces bêtes-là n’ont pas de voix, mais plutôt un des ancêtres de Loulou » (p. 62). Une chute mystique a) D’après le Petit Robert, le mysticisme est l’« ensemble des croyances et des pratiques se donnant pour objet une union intime de l’homme et du principe de l’être (divinité) », c’est « la foi, la dévotion fervente à caractère mystique, intuitif ». Il est aussi synonyme de « contemplation, extase, oraison ». Félicité apparaît en effet comme quelqu’un de prédisposé au mysticisme, en particulier dans les derniers chapitres du conte, en en venant à ériger son perroquet empaillé au rang de figure spirituelle par son association au Saint-Esprit. Elle l’admire de façon rituelle : « Chaque matin, en s’éveillant, elle l’apercevait à la clarté de l’aube, et se rappelant alors les jours disparus. » (p. 61) et « contracte l’habitude idolâtre de dire ses oraisons agenouillée devant le perroquet » (p. 64). La vue de son œil de verre, dont jaillit « un grand rayon lumineux » la met « en extase » (p. 64). Le perroquet devient ainsi l’unique objet de sa foi fervente et il est celui qui l’accompagne dans la mort : « Une vapeur d’azur monta dans la chambre de Félicité. Elle avança les narines, en la humant avec une sensualité mystique ; (…) elle crut voir, dans les cieux entrouverts, un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tête » (p. 69). b) Le chapitre V, consacré au récit de la mort de Félicité, fait s’alterner deux tonalités distinctes. Les allusions à l’été et ses connotation positives contrastent ainsi fortement : « le soleil faisait luire la rivière, chauffait les ardoises » (p. 67), la description de la procession « les voix claires des enfants, la voix profonde des hommes » (p. 68) à travers les perceptions auditives de Félicité, sensible aux différents bruits et au silence : « En songeant à la procession, elle la voyait, comme si elle l’eût suivie. » (p. 67). Ce que peut voir la Simonne depuis la chambre : « des flambeaux d’argent et des vases en porcelaine, d’où s’élançaient des tournesols, des lis, des pivoines, des digitales, des touffes d’hortensias » (p. 68-69), et enfin le caractère dramatique de son agonie (p. 68). Les derniers instants de Félicité semblent cependant apaisés et son dernier souffle apparaît comme une libération heureuse : « Ses lèvres souriaient » (p. 69). c) Ce dénouement est à la fois très réaliste à travers la description du perroquet, de la procession ou de l’agonie de Félicité : « Un râle, de plus en plus précipité, lui soulevait les côtes. Des bouillons d’écume venaient aux coins de sa bouche, et tout son corps tremblait. » (p. 68), « Les mouvements de son cœur se ralentirent un à un, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine s’épuise, comme un écho disparaît » (p. 69). Ce réalisme apparaît cependant tout subjectif puisque ces descriptions se font à travers le point de vue de certains personnages, principalement Félicité. C’est ainsi surtout une fin sublimée par l’héroïne qui nous est contée. Seule, malade et abandonnée de tous, elle part pourtant dans une véritable apothéose. Sa « sensualité mystique » fait d’elle une éternelle amoureuse et ce romantisme justifie la dénomination de « conte » choisie par l’auteur. 10 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 10 Corrigés Le conte en images I. Découvrir l’œuvre 1 et 2. La scène du voyage de Félicité jusqu’à Honfleur pour faire empailler le perroquet et le coup de fouet qui la blesse, ainsi que le mariage de Paul et la visite qu’il rend à sa mère avec sa femme ne font l’objet d’aucune mise en images, ainsi que l’association du perroquet à la figure du Saint-Esprit, du moins dans cette partie du film. La réalisatrice semble avoir privilégié les scènes qui mettent en présence Mme Aubain et Félicité. 3. Mme Aubain est brune, ses traits sont peu expressifs et son visage est assez fermé. Elle est souvent assise ou immobile. Elle porte le plus souvent une robe noire à col blanc, en signe de deuil. Félicité est blonde, son visage est très expressif, on la voit passer du rire aux larmes. Elle fait preuve de tendresse, notamment avec son perroquet. Elle est perpétuellement active. Sa démarche est claudicante à la fin du film et elle est devenue sourde. Elle porte une robe noire, parfois un tablier blanc sur sa robe. Dans les dernières séquences, elle porte une robe blanche (qui rappelle la tenue de Clémence/Virginie). II. Analyser et comprendre l’œuvre 1. Dans son discours, à plusieurs reprises, Félicité associe Loulou à son amour de jeunesse : « Mon trésor ! Je t’aime, mon Loulou... Mon Théo ! ». Sa fascination s’exprime dès la première scène de l’extrait lorsque Mme Aubain le lui donne. Elle reporte sur Loulou l’affection qu’elle éprouvait pour Théodore et pour son neveu Victor en disant : « Il a la même couleur que mon foulard (offert par Théodore), et il revient d’Amérique, comme mon neveu. » Elle se montre physiquement très caressante avec son perroquet et ses moments paraissent d’autant plus intimes quand, par exemple, Mme Aubain, témoin de la scène pendant laquelle elle le cajole, se retire. Sa réaction, à la mort de celui-ci, est particulièrement pathétique. Dans les derniers plans, on voit Félicité embrasser son perroquet comme s’il s’agissait d’un crucifix. 2. Comme dans le livre, après la disparition du perroquet, Félicité ne « s’en remet » pas. Alors qu’elle est alitée, Mme Aubain la veille et, lorsqu’elle se réveille, lui parle. Félicité ne l’entend pas et le spectateur est amené à comprendre qu’elle est sourde au moment où elle-même en prend conscience. 3. Aucun son ne nous parvient alors même que Mme Aubain continue à parler. De même, quand la maison est vidée de ses meubles, l’absence totale de son, en dehors du tintement du lustre de cristal filmé en gros plan, nous plonge dans l’état d’hébétude similaire à la torpeur dans laquelle se trouve Félicité. C’est sa perception du monde que nous partageons alors, de même que lors de l’apparition finale du perroquet en surimpression. 4. Les dernières séquences du film se révèlent particulièrement pathétiques. Seule dans sa mansarde remplie d’objets hétéroclites, Félicité est alitée, habillée d’une robe blanche semblable à un linceul et coiffée d’une couronne de fleurs blanches qui peut fait penser à celle que portait le Christ lors de la Passion. 5. L’attitude de la voisine, prompte à voler la broche donnée par Victor, accentue la compassion du spectateur, ainsi que les paroles moqueuses que prononcent Fabu et la voisine : « Elle est folle! », « Elle a jamais eu toute sa tête! ». On entend la pluie tomber et son râle d’agonie, très perceptible jusqu’à la fin de l’extrait. III. Mettre en perspective 1. Parmi les scènes transposées, celle de la mort de Mme Aubain et de la venue des héritiers pour vider la maison offre une mise en image particulièrement intéressante. La mort de Mme Aubain fait l’objet d’une ellipse narrative et ce sont les images de la maison qui permettent de comprendre ce qui s’est passé. Par un lent fondu enchaîné, le spectateur passe du visage pensif de Mme Aubain au lustre de cristal, filmé en gros plan, dont on entend les breloques tinter. Les plans sont très subjectifs : il nous semble vivre cette scène à travers le regard et les perceptions de Félicité. On voit des hommes déplacer des meubles dans une atmosphère ouatée qui peut signifier le choc ressenti par la servante à la mort de sa maîtresse, à laquelle elle était si dévouée. De même, les scènes dans lesquelles Félicité lave le sol puis ferme tous les volets de la maison jusqu’au noir complet laissent implicitement mesurer la douleur et l’isolement de celle-ci. 2. Dans le film, la proximité entre Mme Aubain et Félicité est accentuée par certaines mises en image, comme la scène du banc lorsque Félicité confie sa détresse à sa maîtresse ou quand Mme Aubain veille Félicité. Mais la scène la plus émouvante est certainement celle au cours de laquelle Mme Aubain couvre les épaules de Félicité d’un pan de son propre châle. Leurs silhouettes sont ressemblantes et elles semblent bien « s’égaliser », comme l’écrit Flaubert au sujet du baiser qu’elles échangent au moment où elles vident l’armoire de Virginie : « elles s’étreignirent, satisfaisant leur douleur dans un baiser qui les égalisait » (p. 51). 3. On peut concevoir qu’un réalisateur ait le désir d’adapter le conte de Flaubert aujourd’hui pour de nombreuses raisons. Ainsi, différentes thématiques de l’œuvre ne sont pas limitées au xixe siècle, comme l’expérience de la perte, de l’éloignement, du deuil, de l’échec sentimental que vivent les personnages. Les liens de domination et d’exploitation qui régissent la relation entre Mme Aubain et Félicité sont encore très actuels, dans d’autres contextes. 11 Un cœur simple Gustave Flaubert Séquence classe de 4e Séance 11 Corrigés Évaluation de fin de séquence I. Analyse de texte 1. Après cet incident, l’état de santé de Félicité se dégrade : « il lui vint une angine; peu de temps après, un mal d’oreilles. Trois plus tard, elle était sourde. », « Des bourdonnements illusoires achevaient de la troubler. », « Le petit cercle de ses idées se rétrécit encore. », « Tous les êtres fonctionnaient avec le silence des fantômes. » (p. 57). 2. Ce passage est marqué par une accélération de la narration avec l’ellipse qu’indique l’indication de temps « Trois ans plus tard » (p. 57), ainsi qu’avec l’évocation inattendue de la mort de Loulou « Un matin du terrible hiver de 1837 » (p. 58). 3. Réponse c) : Les péchés de Félicité sont insignifiants. 4. La voix du perroquet est « (le) seul bruit » qui « arrive maintenant à ses oreilles » (p. 57). Il la distrait en reproduisant des bruits du quotidien, imite Mme Aubain. Ils échangent : « Ils avaient des dialogues, lui, débitant à satiété les trois phrases de son répertoire, et elle, y répondant par des mots sans plus de suite, mais où son cœur s’épanchait. » (p. 57). Une métaphore consacre véritablement ce lien très fort entre eux : « Loulou dans son isolement, était presque un fils, un amoureux. » (p. 58). Cette métaphore est filée ensuite par les verbes d’action qui soulignent la proximité physique entre les deux êtres « escaladait ses doigts, mordillait ses lèvres, se cramponnait à son fichu ». Puis, Félicité est comparée à une nourrice vivant une relation fusionnelle avec son protégé « les grandes ailes du bonnet et les ailes de l’oiseau frémissaient ensemble. » 5. La mort de Loulou est racontée en quelques lignes, au passé simple. L’emploi de ce temps souligne bien l’importance de cet événement dans la vie de Félicité. Cependant, les premières réactions de Félicité, rapportées sans mention de ses sentiments, surprennent, après l’insistance sur le rôle du perroquet dans sa vie : « elle le trouva mort (…) Une congestion l’avait tué sans doute ? Elle crut à un empoisonnement par le persil (…) ses soupçons portèrent sur Fabu ». Ce n’est que dans un deuxième temps que l’émotion de Félicité est évoquée : « Elle pleura tellement... » (p. 58). 6. Dans ce passage, Mme Aubain a des répliques moqueuses : « Mon Dieu ! Comme vous êtes bête ! » (p. 57). Son insensibilité est renforcée par la mention de la réponse de Félicité, en complet décalage puisqu’elle est sourde « elle répliquait : - Oui, Madame, en cherchant quelque chose autour d’elle. » (p. 57). Après la mort du perroquet, elle réagit froidement et dit assez brutalement à Félicité : « - Eh bien! Faites-le empailler! » (p. 58). 7. Comme très souvent dans le conte de Flaubert, les scènes pathétiques se caractérisent par leur brièveté, comme dans cet extrait l’évocation de la dégradation physique de Félicité ou la mort de Loulou, et sont ici limitées par les répliques de Mme Aubain, dont la tonalité satirique compensent d’une certaine façon le pathétique. Cet équilibre qui évite au texte d’être larmoyant tient également au registre comique de certains passages, comme celui où sont évoquées les facéties de Loulou « aux coups de la sonnette, imitait Mme Aubain, - Félicité ! La porte ! La porte ! » (p. 57), ou le coq-à-l’âne lié à la surdité de Félicité « Mon Dieu! Comme vous êtes bête ! elle répliquait : - Oui, Madame » (p. 57). II. Questions de grammaire 1. Trois expansions du nom différentes : - « du tournebroche » : groupe nominal complément du nom « tic tac ». - « aigu » : adjectif qualificatif épithète qui complète le nom « appel ». - « qui logeait en face » : proposition subordonnée relative complément du nom « menuisier ». 2. et 3. Les deux temps majoritairement employés sont le passé simple, qui marque des actions importantes, de premier plan (« elle eut du mal » p. 57, « elle le trouva » p. 58) et l’imparfait, dans ses valeurs descriptive (« la scie du menuisier qui logeait en face » p. 57, « (il) était presque un fils » p. 58) et itérative (« il reproduisait » p. 57, « Ils avaient des dialogues » p. 57). 4. Les paroles des personnages sont rapportées au discours direct, identifiable aux guillemets et aux tirets, à sa ponctuation forte et aux verbes introducteurs : « sa maîtresse lui disait : - Mon Dieu! Comme vous êtes bête ! elle répliquait: - Oui, Madame », en cherchant quelque chose autour d’elle. » (p. 57). Une phrase relève du discours indirect libre : « Une congestion l’avait tué, sans doute ? » (p. 58). On peut imaginer que ce soit Mme Aubain qui la prononce puisque Félicité croit de son côté à un empoisonnement... La ponctuation est forte mais aucun autre signe n’indique qu’il s’agit d’une parole prononcée par un personnage. 12