dans la maladie de Charcot- Marie
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dans la maladie de Charcot- Marie
JUIN 2014 AvanCées dans la maladie de CharcotMarie-Tooth Ce document présente l'état actuel des connaissances scientifiques sur les maladies de Charcot-Marie-Tooth, mis à jour à l'occasion des Journées des Familles 2014 de l'AFM-Téléthon. Il est téléchargeable sur le site de l'AFM-Téléthon : WEB www.afm-telethon.fr . Pour en savoir plus sur la maladie de Charcot-MarieTooth, vous pouvez consulter le Zoom sur... la maladie de Charcot-Marie-Tooth Comprendre qui et traitent les de Repères sujets Savoir et scientifiques, médicaux, psychologiques et sociaux. Destinés aux personnes atteintes de maladies neuromusculaires et à leurs familles, ils sont disponibles sur le site internet de l'AFM-Téléthon et auprès du Service régional de votre région. > CMT > neuropathie sensitivomotrice héréditaire (HSMN) > neuropathie de type Charcot-Marie-Tooth Ils ne peuvent en aucun cas se substituer à l'avis d'un médecin, même s'ils peuvent vous faciliter le dialogue avec votre équipe soignante. Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Sommaire Rédaction Myoinfo, Département d'information sur les maladies neuromusculaires de l'AFM-Téléthon, Évry Validation Benoît Funalot Centre de Référence « Neuropathies périphériques rares », CHU de Limoges, Limoges Faits marquants ..................................................................................... 2 Qu'est-ce que la maladie de Charcot-Marie-Tooth ? ........................ 3 Les différentes formes de maladie de Charcot-Marie-Tooth ........................3 À quoi la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) est-elle due ? .... 5 Où en est la recherche dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT)? .................................................................................................... 6 Des causes génétiques mieux connues... ...............................................................6 ... et mieux reconnues....................................................................................................7 Développer des outils pour la recherche ...............................................................7 Des bases de données de patients pour mieux connaître les CMT. ...........7 Étude de l’histoire naturelle pour mieux décrire la CMT ................................... 8 Connaître la fréquence des différents gènes impliqués pour guider la démarche diagnostique................................................................................................8 Des biomarqueurs pour apprécier la sévérité des CMT. ..................................9 Une nouvelle échelle de mesure pédiatrique. .....................................................9 L’imagerie pour mieux décrire l’atteinte cérébrale. ...........................................9 Pistes thérapeutiques ....................................................................................................9 Pistes thérapeutiques dans la CMT1A ....................................................................... 9 La thérapie génique à l’étude chez la souris dans la CMT1A ........................ 10 La vitamine C (acide ascorbique) est sans effet sur la CMT1A ..................... 11 Essai de pléothérapie dans la CMT1A .................................................................... 11 * * * Faits marquants > Des nouveaux gènes impliqués dans la CMT ont été identifiés. > Deux bases de données, l’une dans la CMT et l’autre dans les neuropathies périphériques sont en cours de construction. > Une étude de l’histoire naturelle de la CMT est en cours aux ÉtatsUnis. > Preuve de concept de l’efficacité d’une thérapie génique apportant le gène de la neurotrophine 3 dans une souris modèle de CMT1A. > Les résultats d’un nouvel essai de la vitamine C dans la CMT1A confirment le manque d’efficacité du traitement. > Essai de PXT3003 dans la CMT1A La phase clinique est terminée. Les données sont en cours d’analyse. Des résultats encourageants ont été annoncés au congrès de l’association CMT-France. PTX 3003 a reçu la désignation de médicament orphelin. 2 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Savoir & Comprendre Qu'est-ce que la maladie de Charcot-Marie-Tooth ? La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) représente un groupe de maladies cliniquement et génétiquement hétérogènes, caractérisées par une atteinte des nerfs des jambes et des bras (nerfs périphériques). Ces nerfs périphériques relient les muscles et les organes sensoriels de la peau et des articulations à la moelle épinière (système nerveux central). Les informations qu'ils transmettent entre les muscles, les récepteurs de la peau, les récepteurs articulaires et le cerveau sont nécessaires aux mouvements, aux perceptions tactiles et douloureuses ainsi qu’au maintien de l'équilibre. Cette atteinte entraîne principalement un manque de force musculaire, des troubles de la sensibilité des extrémités des membres (pieds, mains) et des troubles de l'équilibre. Dans certaines formes, il peut y avoir d’autres symptômes : atteinte respiratoire, atteinte des cordes vocales, atteinte visuelle, surdité. Elle débute la plupart du temps dans l’enfance ou chez l’adulte jeune par des difficultés à la marche ou des déformations des pieds. La maladie de Charcot-Marie-Tooth est une maladie rare qui concerne 1 personne sur 2 500, soit environ 30 000 personnes en France. La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) est une maladie génétique héréditaire. Elle se transmet des parents aux enfants par les gènes. Plus de soixante gènes sont impliqués dans l'apparition et la transmission de la CMT. Selon les gènes impliqués, la maladie est transmise selon différents modes (autosomique ou lié au chromosome X, dominant ou récessif). À chaque gène, correspond une forme distincte de la maladie. Les différentes formes de maladie de Charcot-Marie-Tooth Certains médecins préfèrent parler de "maladies de Charcot-Marie-Tooth" au pluriel, car même si toutes ces formes se manifestent de façon similaire, les mécanismes en jeu et les futurs traitements innovants à l'étude sont spécifiques de chaque forme génétique de la maladie. Il existe plus d’une soixantaine de formes différentes de maladie de Charcot-Marie-Tooth, classées selon trois critères : - la nature de l'atteinte du nerf périphérique, déterminée d'après les vitesses de conduction nerveuse à l'électromyogramme : • axonale (vitesse de conduction nerveuse > 40 m/s), • démyélinisante (vitesse de conduction nerveuse < 35 m/s) • mixte (vitesse de conduction nerveuse intermédiaire entre 25m/s et 45m/s) ; - le mode de transmission génétique : autosomique dominant, autosomique récessif ou lié à l'X ; - l'anomalie génétique en cause. Selon les deux premiers critères, il existe 5 grands types de CMT : CMT1, CMT2, CMT4, CMTX et DI-CMT (historiquement, l'appellation CMT3 a été utilisée, mais a aujourd'hui disparu). Une maladie est dite rare quand elle touche moins d'une personne sur 2 000. Les maladies rares font l'objet d'une politique de santé publique commune dans les domaines de la recherche, de l'information et de la prise en charge. Les maladies (d'origine) génétiques sont des maladies dues à des anomalies de l'ADN, c'est-à-dire de l'information qui détermine le fonctionnement biologique de notre organisme. Cette information est présente dans nos cellules sous forme de chromosomes. Nous l'héritons de nos parents et nos enfants héritent de la nôtre. C'est pourquoi les maladies génétiques sont souvent familiales, c'est-àdire qu'il peut y avoir plusieurs membres d'une même famille atteints par la maladie génétique. Une maladie héréditaire est transmise sur le mode dominant lorsque la personne malade a une copie porteuse de l'anomalie génique et une copie normale du gène. La maladie se manifeste même si l'autre copie du gène n'est pas altérée. Une maladie héréditaire est transmise sur le mode récessif lorsque la personne malade a ses deux copies du gène - celle reçue de son père et celle reçue de sa mère - porteuses d’une anomalie génétique. La maladie ne se manifeste que lorsque les deux copies du gène sont altérées. 3 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Atteinte nerveuse Mode de transmission Dénomination Autosomique dominant CMT1 Autosomique récessif CMT4 Autosomique (dominant ou récessif) CMT2 Liée au chromosome X (dominant ou récessif) CMTX Autosomique dominant DI-CMT Démyélinisante Axonale Intermédiaire Ces 5 grands types sont divisés en sous-types (1A, 1B, 1C..., 2A, 2B...). Chacun de ces sous-types correspond à une anomalie génétique touchant la fabrication d'une protéine donnée. Par exemple, la CMT1A correspond à la forme démyélinisante, autosomique dominante, liée au gène PMP22, tandis que la CMT1B correspond à la forme démyélinisante, autosomique dominante, liée au gène P0. Formes axonales : atteinte de l'axone. Vitesse de conduction nerveuse (VCN) > 40 ms. Formes démyélinisantes : atteinte de la myéline. Vitesse de conduction nerveuse (VCN) < 35 ms. Formes intermédiaires : atteinte de la myéline et de l’axone. Vitesse de conduction nerveuse : 25m/s < VCN < 45m/s. axone cellule de Schwann La maladie de Charcot-Marie-Tooth est liée à une atteinte des nerfs périphériques, qui relient la moelle épinière au muscle. L’axone est un prolongement qui émerge du corps cellulaire du neurone. Il conduit l’influx nerveux sous la forme de signaux électriques. L’axone est recouvert par une gaine de myéline, enveloppe isolante riche en lipides qui permet à l'influx nerveux de circuler très rapidement. La gaine de myéline est constituée par les cellules de Schwann, cellules indispensables à la survie et à la maturation des neurones. 4 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth À quoi la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) estelle due ? La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) est une maladie d'origine génétique. Les anomalies génétiques conduisent généralement à un déficit ou à une altération d'une protéine donnée, impliquée dans le fonctionnement des nerfs périphériques. Il en résulte une atteinte qui peut toucher la gaine qui entoure le nerf, la myéline (formes démyélinisantes) ou l'axone lui-même (formes axonales). La gaine de myéline est produite par les cellules de Schwann, cellules indispensables à la survie et à la maturation des neurones. Plus d’une soixantaine de gènes ont été identifiés dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth et d'autres gènes restent encore à découvrir. Les gènes altérés dans les maladies de Charcot-Marie-Tooth codent des protéines impliquées dans différentes fonctions cellulaires Composants de la myéline : Transport axonal : - PMP22 (CMT1A), - P0 (CMT1B, CMT2I, CMT2J), - GJB1 (CMTX1), - SH3TC2 (CMT4C), - PRX (CMT4F). Facteur de transcription impliqué régulation de gènes de la myéline : - EGR2 (CMT1D, CMT4E). Transport interne à la cellule (transport intracellulaire) : - MTMR2 (CMT4B1), - MTMR13 (CMT4B2), - DNM2 (CMT2M, DICMTB), - RAB7 (CMT2B), - NDRG1 (CMT4D), - LITAF (CMT1C), - FIG4 (CMT4J), - PLEKHG5 (CMT récessive intermédiaire), - NEFL (CMT2E, CMT1F), - HSPB1 (CMT2F), - HSPB8 (CMT2L), - KIF1B (CMT2A) - DYNC1H1 (CMT2O). dans la Régulation du fonctionnement mitochondrial : - MFN2 (CMT2A), - GDAP1 (CMT4A, CMT2H, CMT2K), - PDK3. (CMT liée à l’X), - DHTKD1. (CMT2Q), - SURF1. (CMT4), - HADHB (CMT récessive). Autres protéines : - LMNA (CMT2B), - TRPV4 (CMT2C), - AARS (CMT2N), - GARS (CMT2D), - YARS (CMT DIC), - INF2 (CMT DIE), - GNB4 (CMT DIF), - FBLN5 (CMT1), - LRSAM1 (CMT2P), - MARS (CMT2 à début tardif), - SBF1 (CMT4B3), Le transport intracellulaire est l'ensemble des mécanismes qui permettent à une cellule de faire circuler du matériel d'un compartiment cellulaire à un autre au moyen de petits sacs délimités par une membrane (vésicules). Le transport axonal est un transport intracellulaire qui chemine le long de l'axone, du neurone vers le muscle et réciproquement. Un facteur de transcription est une protéine qui régule l’expression de gènes, soit en activant, soit en inhibant leur transcription. Les mitochondries sont les organites cellulaires qui fournissent l'énergie indispensable au fonctionnement de nos cellules. 5 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Où en est la recherche dans la maladie de CharcotMarie-Tooth (CMT)? Le congrès national de l'association CMT-France a été organisé le 29 mars 2014 à Paris. Les discussions ont porté sur la base de données CMT, les essais en cours, les différentes présentations cliniques de la maladie ainsi que la grossesse dans la CMT. Une présentation a fait le point sur l'essai du PXT 3003 dans la CMT1A. Le premier congrès international consacré à la CMT2A s’est déroulé à Milan (Italie) le 7 avril 2014. Il avait pour but de présenter les dernières avancées de la recherche dans la CMT2A et de promouvoir de potentielles collaborations internationales. Une conférence pour les patients et leur famille organisée par la CharcotMarie-Tooth Association aura lieu le 27 septembre 2014 à Stanford (ÉtatsUnis). Elle sera l’occasion de faire le point sur la recherche et les traitements dans la CMT. Des causes génétiques mieux connues... Chaque gène est structuré en une alternance de séquences codantes : les exons, et de séquences non codantes : les introns. On appelle "codant" les portions du gène qui sont utilisées par la machinerie cellulaire comme patron pour la fabrication de l’ARN messager, qui sera lui-même traduit ensuite en protéine. Seuls les exons sont traduits en protéine. L’ARN de transfert intervient dans la synthèse des protéines. Chaque ARN de transfert est spécifique d’un acide aminé qu’il apporte au ribosome. L’acideaminé est alors transféré à la protéine en cours de synthèse. Le trafic membranaire est l'ensemble des mécanismes qui permettent à une cellule de faire circuler du matériel d'un compartiment cellulaire à un autre au moyen de petits sacs délimités par une membrane (vésicules). 6 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Certains gènes impliqués dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth (GDAP1, DNM2, P0…) peuvent être associés à une atteinte de l'axone et à une atteinte de la myéline. Certaines des protéines touchées dans la CMT sont d'ailleurs impliquées directement dans l'interaction physique entre l'axone et sa gaine de myéline. De nouvelles techniques de diagnostic ont été mises au point pour rechercher de nouveaux gènes ou identifier de nouvelles anomalies génétiques. Plus rapides et plus précises, ces techniques de séquençage nouvelle génération permettent de séquencer le génome entier ou de caractériser l’ARN messager, les petits ARN, les régions de facteurs de transcription, la structure de la chromatine, la méthylation de l'ADN… Récemment, la technique dite de "séquençage de l’exome entier" c’est-àdire de séquençage de tous les exons de gènes codant des protéines, a permis de mettre en évidence cinq nouveaux gènes : - le gène MARS (chez une famille atteinte de CMT2 à début tardif), qui code une synthétase d'ARN de transfert de la méthionine. Ce gène s’ajoute à la liste de 4 gènes "ARS" (pour synthétase d’ARN de transfert) déjà connus dans des formes axonales de CMT : les gènes GARS, YARS, AARS et KARS . - le gène SBF1 (pour SET binding factor 1 aussi appelé MTMR5) qui est impliqué dans la CMT4B3 et qui code une protéine liée à la myotubularine, une protéine qui régule le trafic membranaire. - le gène PLEKHG5 (chez une famille atteinte d’une forme intermédiaire de CMT, autosomique récessive, à début tardif) qui code une protéine qui active un facteur de transcription impliqué dans la réponse immunitaire. - le gène SURF1 (CMT4) qui code une protéine de la membrane interne des mitochondries, impliquée dans le bon fonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale. - le gène HADHB (chez une famille atteinte d’une forme autosomique récessive de CMT avec faiblesse et atrophie musculaires, sans épisode de Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Savoir & Comprendre myoglobinurie) qui code une des sous-unités de la protéine mitochondriale trifonctionnelle appelée MTP (pour mitochondrial trifunctional protein). ... et mieux reconnues. La technique d’hybridation génomique comparée réalisée sur des gènes impliqués dans la CMT a également permis de mettre en évidence une augmentation du nombre de copies du gène MPZ à l’origine d’une CMT. L’apport de ces nouvelles technologies (séquençage haut-débit, hybridation génomique comparée pour les remaniements de grande taille et séquençage d’exome) permet notamment de réduire l’errance diagnostique. C’est ce que vise la mise au point d’un test permettant d’analyser tous les gènes connus sur une même puce d’hybridation génomique comparative. Le séquençage de l’exome entier de 25 personnes atteintes de CMT dont les anomalies génétiques responsables n’étaient pas identifiées par les techniques habituelles, a permis d’identifier 8 anomalies génétiques dans des gènes déjà connus. Ce taux de détection de 32% confirme l’intérêt de cette technique, comme outil de diagnostic moléculaire fiable et rapide. Ces analyses génétiques étendues ne sont interprétables qu'à la lumière des observations cliniques. C'est notamment une analyse génétique couplée à une analyse clinique, qui a permis d’identifier un effet fondateur d’une anomalie (E1085fsX4) dans le gène PRX (codant la périaxine) dans une cohorte réunionnaise atteinte de maladie de Charcot-Marie-Tooth démyélinisante. Développer des outils pour la recherche Pour étudier les mécanismes moléculaires en jeu dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth et tester de nouvelles pistes thérapeutiques, les chercheurs développent des modèles animaux qui reproduisent les anomalies génétiques et les signes cliniques de la maladie. Il existe des souris modèles pour les CMT les plus fréquentes (CMT1A, CMT1B…). Des modèles de souris CMT2A exprimant une forme anormale de la protéine mitofusine 2 ou de souris exprimant une anomalie dans le gène Lmna ont également été développés. Récemment, de nouveaux modèles de souris ont été développés : un modèle de CMT1C qui exprime une anomalie dans le gène LITAF et un modèle de CMT4H, présentant un déficit en frabine/Fgd4. Les chercheurs travaillent également sur des modèles cellulaires, tels que des fibroblastes du nerf, des cellules de Schwann ou des neurones. Des bases de données de patients pour mieux connaître les CMT. Les gènes sont mieux identifiés, mais il reste difficile de définir précisément des profils d’évolution clinique pour chaque anomalie génétique (ce que l’on nomme corrélations génotypes/phénotypes) car à l’exception de la CMT1A qui est la forme de CMT la plus fréquente, le Une puce d'hybridation génomique comparative (ou puce CGH) est une technique utilisée pour détecter des anomalies de l'ADN sur l’ensemble des gènes (génome). Elle permet, par exemple, de détecter des délétions ou des amplifications de l’ADN. Un modèle animal est un animal qui reproduit les caractéristiques de la maladie (à la fois sur le plan génétique et sur le plan clinique) permettant l'étude des mécanismes de la maladie ou l'essai de traitements potentiels. Un modèle cellulaire permet d'étudier les mécanismes biologiques d'une maladie à partir de cellules cultivées en laboratoire qui reproduisent les caractéristiques de cette maladie. Ces cellules peuvent provenir de personnes atteintes de la maladie. Un modèle cellulaire permet aussi de tester les effets d'un traitement potentiel. Les études de corrélations génotype/phénotype recherchent l'existence de liens entre les caractéristiques génétiques, le génotype, et les caractéristiques s'exprimant de façon apparente, le phénotype (taille, couleur et forme des yeux, couleur des cheveux, manifestation d'une maladie...). On peut ainsi identifier une relation plus ou moins étroite entre la présence d'une anomalie génétique et les manifestations de la maladie génétique. 7 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Ce que les médecins appellent l'histoire naturelle d'une maladie est la description des différentes manifestations d'une maladie et de leur évolution au cours du temps en l'absence de tout traitement (médicaments, kinésithérapie, chirurgie…). nombre de patient est faible pour la plupart des autres formes de la maladie. D'où la nécessité de mettre en place des bases de données de patients qui permettront de mieux connaître l’histoire naturelle des différents types de CMT. Le développement d’un registre de patients permet d’effectuer un recensement exhaustif des personnes atteintes d'une maladie et de préciser l’histoire naturelle de celle-ci. La détermination de l’histoire naturelle d'une maladie est un pré-requis important avant la mise en place d'essais cliniques. A l’occasion du congrès organisé par l'association CMT-France le 29 mars 2014, deux projets de bases de données ont été évoqués : un projet dédié aux neuropathies périphériques pour la collecte des données cliniques et génétiques, et un autre dédié à la CMT, plus axé sur le diagnostic, la génétique et les essais thérapeutiques. Ces deux projets de bases de données sont encore à l'étude et devraient pouvoir être testés par la communauté médicale courant 2014. Étude de l’histoire naturelle pour mieux décrire la CMT Une étude observationnelle internationale est en cours dans les CMT1B, CMT2A, CMT4A, CMT4C et autres CMT afin de décrire l’histoire naturelle de ces maladies et de déterminer des corrélations génotype/phénotype. Cette étude qui se déroule en Australie, aux États-Unis, en Italie et au Royaume-Uni est en cours de recrutement de 3000 personnes. Étude de l’histoire naturelle des CMT en cours en Australie, Etats-Unis, Italie et Royaume-Uni • Étude internationale observationnelle chez 3000 personnes atteintes de CMT1B, CMT2A, CMT4A, CMT4C ou autres CMT. - Recrutement en cours. - Fin de l’étude prévue en décembre 2015. Connaître la fréquence des différents gènes impliqués pour guider la démarche diagnostique. Une étude américaine réalisée sur 787 cas de CMT de 2004 à 2009 a permis l’identification d’une anomalie génétique connue chez 67% d'entre eux. Les sous-types les plus fréquents étaient la CMT1A, la CMT1X, la neuropathie héréditaire avec paralysie à la pression, la CMT1B et la CMT2A. Chacun des autres sous-types représentait moins de 1% de l'effectif étudié. Le diagnostic génétique de 1607 personnes atteintes de CMT a mis en lumière des anomalies génétiques dans les gènes PMP22, GJB1, MPZ et MFN2, ce qui représentait plus de 90% de tous les diagnostics moléculaires de CMT. La fréquente implication de ces gènes dans la CMT doit les faire analyser en premier en cas de suspicion de CMT. A noter que dans cette étude réalisée par un centre londonien spécialisé dans les neuropathies, l'anomalie génétique a pu être identifiée dans près de 80% des formes démyélinisantes (CMT1) et 59% des formes intermédiaires de CMT. Cela n'a été le cas que dans 25% des formes axonales (CMT2) de CMT. 8 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Savoir & Comprendre Des biomarqueurs pour apprécier la sévérité des CMT. Récemment, l’étude de l’expression de gènes susceptibles d’être utilisés comme marqueurs de sévérité de la CMT1A dans le nerf sciatique et la biopsie cutanée de rats modèles de CMT1A a mis en évidence une dérégulation de gènes qui interviennent dans le métabolisme lipidique. Ces gènes qui s’expriment à un stade précoce du développement, sont prédictifs d’altérations cliniques d’apparition plus tardive. Ces marqueurs de sévérité de la maladie ont été validés sur des biopsies cutanées de 46 personnes atteintes de CMT1A. Une association entre l’âge et la quantité d’ARN de ces marqueurs pourrait servir d’indicateur de sévérité de la maladie. Un protocole européen, en collaboration avec le réseau Treat-NMD, est en cours afin de valider ces résultats sur un plus grand nombre de personnes atteintes de CMT1A. Une nouvelle échelle de mesure pédiatrique. Une nouvelle échelle de mesure destinée aux enfants atteints de CMT a été récemment mise au point. Explorant sept domaines (force, dextérité, sensibilité, marche, équilibre, puissance et endurance) et basée sur 11 items, cette échelle, appelée CMT Pediatric Scale (CMTPedS), a pour but de suivre l’évolution et de servir de critère d’évaluation dans les essais thérapeutiques chez les enfants atteints de CMT. Facile à passer (environ 25 minutes), la CMT Pediatric Scale peut être utilisée dès l’âge de 3 ans et a déjà été validée chez 172 enfants atteints de CMT à travers le monde. La capacité de cette nouvelle échelle à mesurer l’aggravation de la maladie chez des personnes atteintes de CMT est testée sur une période de cinq ans dans l’étude d’histoire naturelle réalisée en Australie, aux États-Unis, en Italie et au Royaume-Uni, actuellement en cours. L’imagerie pour mieux décrire l’atteinte cérébrale. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale réalisée chez 15 des personnes atteintes de CMT1A a mis en évidence une démyélinisation des cellules nerveuses dans le système nerveux central des personnes atteintes de CMT. Celle-ci semble donc ne pas se cantonner aux nerfs périphériques. Pistes thérapeutiques L'identification des gènes en cause dans les CMT, des protéines correspondantes et des fonctions cellulaires impliquées, permettent d'envisager différentes pistes thérapeutiques. Cependant, à l'exception de la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A, les recherches sont pour l'instant très préliminaires. Pistes thérapeutiques dans la CMT1A La cause la plus fréquente de maladie de Charcot-Marie-Tooth 1A est une duplication d’une région du chromosome 17 contenant le gène PMP22, lequel code la protéine 22 de la myéline périphérique (protéine PMP22), entraînant la surexpression de cette protéine. Un biomarqueur est une caractéristique biologique mesurable témoignant d’un processus normal ou anormal qui peut être utilisée pour le dépistage, le diagnostic, l’évaluation de la réponse ou de la tolérance à un traitement. Treat-NMD est un réseau européen d'excellence dans le domaine dans maladies neuromusculaires, dont le but est de créer l'infrastructure qui garantit que les recherches les plus prometteuses atteignent les patients le plus rapidement possible. Depuis sa création en janvier 2007, Treat-NMD s'est concentré sur le développement d'outils (registres de patients...) pour amener de nouvelles approches thérapeutiques à la clinique, et sur l'établissement des meilleures pratiques de soins des personnes atteintes de maladie neuromusculaire dans le monde. WEB www.treat-nmd.eu/ L'imagerie par résonance magnétique ou IRM est une technique d'imagerie médicale qui permet d’obtenir des images en coupe ou en volume d'un organe ou d'une région du corps humain. >> Diagnostic des maladies neuromusculaires, Repères Savoir & Comprendre, AFM, Janvier 2010. Le système nerveux central comprend l'encéphale (cerveau, cervelet, tronc cérébral) et son prolongement, la moelle épinière. Il est protégé par une structure osseuse (la boîte crânienne pour l'encéphale et la colonne vertébrale pour la moelle épinière). Il analyse les informations sensorielles, programme le mouvement et transmet les ordres de contraction au muscle. 9 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Beaucoup plus rarement, il s’agit d’autres anomalies (mutations) du gène PMP22, dont certaines provoquent une accumulation toxique de la protéine PMP22 anormale dans les cellules de Schwann. La surexpression ou les anomalies de la protéine PMP22 entraînent la dégénérescence de la gaine de myéline et par conséquent la neuropathie. Les pistes thérapeutiques dans cette maladie visent à agir à différents niveaux : - au niveau du gène, en diminuant l'expression du gène PMP22, - au niveau des cellules de Schwann en limitant l'accumulation toxique de la protéine PMP22 anormale, - ou encore, au niveau des nerfs périphériques pour empêcher leur dégénérescence en utilisant des facteurs de croissance neuronale. Limiter la dégénérescence neuronale - La neurotrophine 3 (facteur de croissance neuronale) apportée par thérapie génique améliore la fonction motrice de souris modèles Restaurer le transport axonal - Les inhibiteurs d’histone déacétylase (HDAC6) rétablissent le transport axonal et corrigent les signes cliniques dans des souris modèles Diminuer l'expression du gène PMP22 Thérapie cellulaire - Remplacer un gène défectueux par un gène thérapeutique : à l’essai dans des souris modèles Limiter l'accumulation toxique de la PMP22 anormale - La curcumine réduit la pathologie chez des souris modèles. - Un antagoniste de la progestérone (onapristone) améliore la pathologie chez des rats modèles - La vitamine C : résultats décevants chez l’Homme - PXT3003 diminue la quantité de protéine PMP22 in vitro et chez le rat. A l'essai chez l'homme La thérapie génique à l’étude chez la souris dans la CMT1A La neurotrophine 3 (NT-3) est une substance naturelle de l’organisme impliquée dans la croissance et la survie des cellules de Schwann. Les cellules de Schwann sont des cellules qui entourent les fibres nerveuses et qui produisent la myéline, participent au développement, au fonctionnement et à la régénération des neurones. Dans des souris 10 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth Savoir & Comprendre modèles de CMT1A, la neurotrophine 3 augmente la régénération des axones. Une étude pilote chez 8 personnes atteintes de CMT1A a montré que la neurotrophine 3 était modérément efficace chez l’homme car elle présente l'inconvénient de se dégrader rapidement dans le sang. Une piste consiste à apporter le gène de la neurotrophine 3 par thérapie génique à l’aide d’un vecteur virus adéno-associé (AAV) afin qu'elle soit secrétée de façon plus permanente dans l'organisme. De récents travaux ont rapporté la preuve de concept de l’efficacité de cette méthode à long terme (au moins 40 semaines) dans une souris modèle de CMT1A. Le taux de neurotrophine 3 dans le sang était suffisant pour améliorer la fonction tissulaire des nerfs périphériques ainsi que la fonction motrice des souris. Ces améliorations ont concerné aussi bien le membre où a eu lieu l’injection que le membre controlatéral. La vitamine C (acide ascorbique) est sans effet sur la CMT1A Au cours de ces dernières années, de nombreux essais cliniques évaluant les effets de la vitamine C (acide ascorbique) ont été réalisés à travers le monde (France, Australie et Nouvelle Zélande, Canada, États-Unis, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni…). Différentes doses (de 30 mg/j à 4 g/j) et durées de traitement (jusqu’à 2 ans) ont été testées. Si dans certains essais, la vitamine C est bien tolérée, dans d’autres, elle provoque à fortes doses des effets indésirables comme des troubles digestifs qui disparaissent dans le mois qui suit l'arrêt du traitement. Aucune amélioration significative des fonctions motrices, des vitesses de conduction nerveuse ou des autres paramètres de surveillance étudiés (force musculaire, périmètre de marche, qualité de vie...) n'a été constatée. Récemment, un nouvel essai chez 110 personnes atteintes de CMT 1A et qui s’est déroulé aux États-Unis, n’a pas démontré d’effet bénéfique de 4 g/j de vitamine C pendant 2 ans sur l’évolution de la CMT1A. Au vu de l’ensemble des résultats de ces essais, la vitamine C n'est donc pas préconisée dans le traitement de la CMT1A. Si aucun effet secondaire grave lié à la vitamine C n’a été rapporté au cours de ces essais, une prise à long terme de vitamine C doit se faire sous le contrôle du médecin traitant. La vitamine C à forte dose est déconseillée aux enfants et aux adolescents, ainsi qu'aux femmes enceintes ou allaitantes. Essai de pléothérapie dans la CMT1A La pléothérapie est une méthode de traitement qui consiste à utiliser une association de faibles doses de médicaments déjà disponibles sur le marché (pour d’autres maladies), les pléomédicaments. Le réseau biologique perturbé dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A a été reconstitué selon une approche mise au point par la société Pharnext. Des molécules candidates ciblant ce réseau ont été testées in vitro et chez des rats, aboutissant à la sélection d'une combinaison de 3 médicaments, appelée PXT3003, capable de diminuer la production de la protéine PMP22. Basé sur ce concept, un essai français multicentrique, de phase II, contrôlé, en double aveugle, vise à évaluer la tolérance et le devenir dans Le virus adéno-associé (AAV pour adeno-associated virus) est un petit virus à ADN, qui peut infecter l'être humain. Toutefois, il ne provoque pas de maladie et n'entraine qu'une réponse immunitaire de défense modérée Il est utilisé en génie génétique comme vecteur pour la thérapie génique. Au cours d'un essai clinique de phase II, un médicament, dont il a été montré au préalable qu'il était bien toléré (au cours d'un essai de phase I) est administré à un groupe de malades dans le but de déterminer l'efficacité thérapeutique, les doses optimales et la sécurité du traitement (Quel est le mode d’administration et la dose maximale tolérée ?). Lors d'un essai clinique contre placebo, on utilise un placebo, produit qui ressemble au médicament testé, mais qui ne contient pas de principe actif afin de mesurer l'action réelle du médicament, en comparant les effets du médicament et du placebo. Dans un essai en double aveugle, ni les patients ni les médecins nesavent quelle alternative de traitement les patients prennent. >> Essais cliniques et maladies neuromusculaires, Repères Savoir & Comprendre, AFM, Juillet 2010. 11 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014 Savoir & Comprendre Avancées dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth l’organisme (pharmacocinétique) chez 80 personnes atteintes de CMT1A de 3 doses ("faibles", "intermédiaires", "fortes") de PXT3003 pendant 1 an. A l’occasion du congrès organisé par l'association CMT-France le 29 mars 2014, un point a été réalisé sur cet essai : le traitement semble bien toléré et sans risque pour la santé des participants. Ces résultats sont suffisamment encourageants pour que la société Pharnext poursuive l'évaluation de ce candidat-médicament. Ils ne permettent cependant pas encore de conclure sur son degré d’efficacité compte tenu, notamment, du petit nombre de personnes traitées. La société Pharnext va soumettre un dossier aux autorités de santé dans différents pays pour mettre en place un nouvel essai de phase IIb/III du PXT3003. Cet essai, dont l'objectif sera de démontrer l'efficacité du PXT3003 et de déterminer la dose la plus efficace du produit sur un grand nombre de patients, pourrait démarrer en France fin 2014. Essai en cours d’analyse • Essai de phase II, contrôlé, en double aveugle du traitement oral par PXT3003 : 3 doses ("faibles", "intermédiaires", "fortes") chez 80 personnes atteintes de CMT1A âgées de 18 à 65 ans - Phase clinique terminée. Données en cours d’analyse. - Investigateur principal : Dr S. Attarian (CHU de la Timone, Marseille) - Contact : 04 91 38 75 63 / [email protected] En février 2014, le PXT3003 a reçu la désignation de "médicament orphelin" dans le traitement de la CMT. Un médicament orphelin est un médicament développé pour le traitement d’une maladie dite "orpheline", c’est-à-dire une maladie rare. Pour les entreprises pharmaceutiques, le coût de mise sur le marché d’un produit préconisé dans une maladie rare ne serait pas couvert par les ventes attendues sur ce marché "restreint" du fait du peu de personnes concernées. C'est pourquoi, sous la pression des associations de maladies rares, une politique incitative économique a été mise en place pour encourager les entreprises pharmaceutiques à développer et à commercialiser des médicaments orphelins à destination des patients atteints de maladies rares et laissées pour compte. WEB www.eurordis.org/fr > Médicaments orphelins >> Tout au long de l'année, suivez l'actualité de la recherche dans les maladies neuromusculaires sur WEB www.afm-telethon.fr > Voir toutes les actus > Maladies 12 ǀ AFMTéléthon ǀ Juin 2014