RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL: Enseignements pour les

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RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL: Enseignements pour les
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL:
Enseignements pour les agences
opérationnelles
David Sanderson et Ben Ramalingam
2 ENSEIGNEMENTSALNAP
ALNAP est un réseau unique à l’échelle du système dont la mission
est d’améliorer la performance humanitaire par le développement de
la formation et de la redevabilité. www.alnap.org
Pour plus de rapports et d’enseignments sur la réponse aux séismes,
vistez le portail d’évaluation et d’enseignements humanitaires (HELP)
d’ALNAP .
Remerciements
Le présent rapport a été rédigé par David Sanderson et Ben Ramalingam, avec le
concours de Jock Baker, Jennifer Duyne Barenstein, Paul Currion, Filiep Decourte,
Annie Devonport, Jan Egeland, Paul Gimson, Mark Harvey, Ann Lee, Raju Neopane,
Ronak Patel, Robert Piper, Graham Saunders, Anshu Sharma, Rajib Shaw, Hari Darshan
Shrestha, Shukla Tryambakesh, Maggie Stephenson et Michele Young.
Suggestion de référencement bibliographique
(2015) Réponse après le séisme au Népal: Enseignements pour les agences
opérationnelles. Étude ALNAP. Londres: ALNAP/ODI.
ISBN 978-1-910454-17-6
© ALNAP/ODI 2015. Ces travaux sont sous couverts par une licence
Commons Attribution (CC BY-NC 3.0).
Révision de la copie: Alex Potter
Références: Renee Goulet
Publication et communications: Franziska Schwarz, Alex Glynn et Chloé Sanguinetti
Image de garde: Flickr/Basil Strahm
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 3
Contenu
Portée du document
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Résumé des enseignements
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Abréviations et acronymes
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LEÇONS
Stratégie et gestion
1. Travailler avec les acteurs, les structures et les réseaux nationaux et par leur
intermédiaire.
2. Utiliser la planification très complète de la préparation qui a déjà été effectuée.
3. Veiller à ce que le développement des capacités soit perçu comme une forme
vitale d’aide et soit traité comme tel.
4. La coordination est essentielle et doit être adaptée au contexte népalais. 5. Soutenir les systèmes de fourniture de biens et services préexistants. 6. La logistique est primordiale et exige une négociation efficace de l’expertise
internationale.
7. Reconnaître la nature régionale de l’intervention.
8. Comprendre et anticiper les mouvements de population sont essentiels.
9. Accorder une attention particulière aux populations marginalisées, cachées
et vulnérables, notamment dans les zones urbaines. 6
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Exécution technique
10. L’évaluation est le fondement de toute réponse appropriée.
11. Utiliser les technologies numériques et engager un dialogue avec les
communautés affectées.
12. Faire appel à des programmes monétaires liés à une analyse des marchés.
13. Se préparer à la mousson en installant des abris temporaires durables tels
que les tentes imperméables de grande qualité.
14. Reconstruire les implantations humaines de manière sûre afin qu’elles soient
préparées au prochain tremblement de terre.
15. Gestion des débris : les décombres urbains posent un défi, mais constituent
aussi une ressource.
16. La santé et les aspects WASH doivent évoluer rapidement
et nécessitent une évaluation permanente et des réponses adaptables.
17. Les efforts d’éducation d’urgence devraient répondre aux besoins immédiats
et à long terme.
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Références
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4 ENSEIGNEMENTSALNAP
Portée du document
Le présent rapport sur les enseignements tirés a pour but d’aider les agences
opérationnelles intervenant après le tremblement de terre qui a frappé le Népal
le 25 avril 2015. S’inspirant de l’expérience de catastrophes passées similaires, il
propose 17 leçons tirées d’évaluations, de rapports de recherche et d’entretiens
avec les praticiens humanitaires opérant sur le terrain. Les principaux liens vers les
informations importantes sont fournis après chaque enseignement, les références
figurant à la fin du rapport. Les enseignements sont classés en deux catégories : «
stratégie et gestion » et « exécution technique ».
Le séisme superficiel de magnitude 7,8 a frappé à 81 km au nord-ouest de
Katmandou et a été suivi de deux tremblements de terre plus faibles et de fortes
répliques sismiques. Un peu plus d’une semaine après l’impact, le bilan était de
7 000 morts et ce nombre devrait s’accroitre. Selon les estimations des pouvoirs
publics, 70 000 habitations ont été détruites et plus de huit millions de personnes
sont touchées.
Résumé des enseignements
Stratégie et gestion
1. Travailler avec les acteurs, les structures et les réseaux nationaux et par leur
intermédiaire.
2. Utiliser la planification très complète de la préparation qui a déjà été effectuée.
3. Veiller à ce que le développement des capacités soit perçu comme une forme
vitale d’aide et soit traité comme tel.
4. La coordination est essentielle et doit être adaptée au contexte népalais.
5. Soutenir les systèmes de fourniture de biens et services préexistants.
6. La logistique est primordiale et exige une négociation efficace de l’expertise internationale.
7. Reconnaître la nature régionale de l’intervention.
8. Comprendre et anticiper les mouvements de population sont essentiels.
9. Accorder une attention particulière aux populations marginalisées, cachées et
vulnérables, notamment dans les zones urbaines.
Exécution technique
10.L’évaluation est le fondement de toute réponse appropriée.
11.Utiliser les technologies numériques et engager un dialogue avec les
communautés affectées.
12.Faire appel à des programmes monétaires liés à une analyse des marchés.
13.Se préparer à la mousson en installant des abris temporaires durables tels que les
tentes imperméables de grande qualité.
14.Reconstruire les implantations humaines de manière sûre afin qu’elles soient
préparées au prochain tremblement de terre.
15.Gestion des débris : les décombres urbains posent un défi, mais constituent
aussi une ressource.
16.La santé et les aspects WASH doivent évoluer rapidement et nécessitent une
évaluation permanente et des réponses adaptables.
17.Les efforts d’éducation d’urgence devraient répondre aux besoins immédiats et à
long terme.
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 5
Abréviations et acronymes
CaLP
Cash Learning Partnership
CBO
Association locale
CDAC
Communicating with Disaster Affected Communities
CDW
Déchets de construction et de démolition
COUN
Centre des opérations d'urgence national
EMMA
Analyse et cartographie des marchés en état d'urgence
ETC
Cluster des télécommunications d'urgence
IDRL
Principes applicables aux actions internationales en cas de
catastrophe
IPPF
Fédération internationale du planning familial
LGCDP
Programme de gouvernance locale et de développement
communautaire
MIRA
Évaluation multi-cluster initiale rapide
NRRC
Nepal Risk Reduction Consortium
NSET
National Society for Earthquake Technology-Nepal
OCHA
Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations
unies
ONG
Organisation non gouvernementale
OMS
Organisation mondiale de la santé
PDI
Personne déplacée à l’intérieur de son propre pays
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
RAM
Évaluation rapide des marchés
RSCG
Allocation en espèces de soutien au loyer
SRH
Santé sexuelle et reproductive
USAID
United States Agency for International Development
WASH
Eau, assainissement et hygiène
WHO
World Health Organisation
6 ENSEIGNEMENTSALNAP
Stratégie et gestion
LEÇON 1
Travailler avec les acteurs, les structures et les réseaux
nationaux et par leur intermédiaire.
Comme pour toutes les situations d’urgence, les intervenants internationaux
devraient travailler la main dans la main avec les organismes et les réseaux nationaux
et locaux. Au Népal, le Centre des opérations d’urgence national (COUN) du
ministère de l’Intérieur joue un rôle central à l’échelon national dans la gestion
des catastrophes ; il est accompagné dans sa tâche par les chefs de district et les
comités de développement des villages. Il existe plusieurs organisations non
gouvernementales (ONG) nationales expérimentées, dont l’Association nationale
de technologie sismique du Népal (NSET), qui a plus de 20 ans d’expérience des
tremblements de terre dans ce pays. Parmi les autres, il faut citer les organisations
communautaires et confessionnelles, dont certaines ont placé la gestion des
catastrophes au cœur de leurs impératifs stratégiques.
Établis depuis longtemps au Népal, les clusters d’urgence sont dotés de modalités
de fonctionnement bien définies qui incorporent et soutiennent certains ministères
désignés. Mis en place avant le tremblement de terre, les plans d’urgence en cluster
ont été régulièrement mis à jour (voir Leçon 2). Du fait de l’importance et de
l’histoire de l’aide au Népal, de nombreux partenariats et liens valables existent entre
la communauté internationale et les acteurs nationaux : il convient de les mettre à
profit (voir Leçon 4). De tels liens sont primordiaux pour combler l’écart entre les
efforts de secours et ceux de relèvement.
Les associations locales, en particulier celles dont la mission est d’aider les citadins
pauvres, souvent sous-représentés dans les structures nationales et municipales,
constitueront des partenaires essentiels dans les travaux de secours immédiats
et, à plus long terme, de relèvement. La Fédération nationale des communautés
de squatteurs et la Fédération nationale des caisses féminines d’épargne sont
des exemples d’organisations susceptibles d’orienter ces deux interventions au
niveau local. Elles sont toutes les deux affiliées du réseau mondial Slum Dwellers
International (réseau international des habitants de taudis).
Liens
• Site web du COUN, Centre des opérations d’urgence national:
http://neoc.gov.np/en et messagesTwitter : http://twitter.com/
neocofficial
• Plateforme d’informations sur le Népal de l’ONU : http://un.org.np
• NSET, National Society for Earthquake Technology-Nepal : http://www.nset.org.np/nset2012/
• Slum Dwellers International au Népal :
http://www.sdinet.org/country/nepal/
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 7
LEÇON 2
Utiliser la planification très complète de la préparation qui a
déjà été effectuée.
Le Népal est bien connu pour être exposé à un risque particulièrement élevé de
tremblement de terre (le dernier grand séisme, de magnitude 8,4, fit quelque 8
000 victimes en 1934). En conséquence, de nombreuses initiatives de préparation
ont été mises en place au fil des années. Lancé en 2011, le Nepal Risk Reduction
Consortium (NRRC) réunit les pouvoirs publics, les agences humanitaires, les
bailleurs de fonds et les institutions financières internationales. Parmi ses projets
phares, le NRRC compte la sécurité des écoles et des hôpitaux et la gestion
communautaire du risque de catastrophe. Les travaux de secours et de relèvement
doivent s’appuyer sur ces mesures préexistantes ainsi que sur les programmes
de développement permanents, tel le Programme de gouvernance locale et de
développement communautaire (LGCDP). L’expérience d’Haïti met en lumière les
problèmes considérables qui peuvent se poser lorsque les acteurs du développement
et de l’humanitaire, parfois au sein d’une même organisation, ne synchronisent pas
leurs activités (Clermont et coll., 2011). Les mesures spécifiques sont notamment
les suivantes :
• Aligner les efforts sur la législation en vigueur, notamment la loi de 1982 sur les
fléaux naturels (secours) et la proposition de loi qui doit lui succéder, la loi sur
la gestion des catastrophes, la stratégie nationale de 2008 de gestion du risque
de catastrophe, la Directive de 2011 relative à la planification de la gestion du
risque de catastrophe au niveau local, et le Code national du bâtiment du Népal
de 1994.
• Assurer la coordination avec les structures du gouvernement, dont le Comité
central des secours en cas de catastrophe naturelle et ses homologues au niveau
des pouvoirs locaux, ainsi que le COUN aux échelons des districts et des
municipalités.
• Utiliser les informations préparées à l’avance, telles que l’identification des
profils de risques des écoles avec le concours des étudiants et des jeunes afin de
cartographier la vulnérabilité des bâtiments (Grünewald et Carpenter, 2014).
• Formuler de nouveaux partenariats parmi différents acteurs, dont le secteur
privé.
Liens
• Préparation urbaine – enseignements tirés de la Vallée de Katmandou:
http://www.alnap.org/resource/10884.aspx
• LGCDM, Programme de gouvernance locale et de développement
communautaire :
http://lgcdp.gov.np/home/about_lgcdp.php
• Programmes du NRRC de réaménagement
des établissements hospitaliers et scolaires :
http://un.org.np/sites/default/files/2012-12-26-Flagship-1-School.pdf
8 ENSEIGNEMENTSALNAP
LEÇON 3
Veiller à ce que le développement des capacités soit perçu
comme une forme vitale d’aide et soit traité comme tel.
Renforcer les capacités et accompagner les acteurs nationaux et locaux constituent
des formes vitales d’assistance. Lorsque ces capacités s’avèrent faibles, les acteurs
humanitaires internationaux doivent en priorité coordonner leurs efforts pour les
renforcer. Les formes de soutien apporté doivent dépasser le cadre de la formation
de base pour inclure le soutien stratégique, les conseils en matière de leadership et de
gestion, le mentorat, les détachements, les équipements et les approvisionnements.
Les investissements dans les mécanismes de gouvernance nationale et locale, dont
beaucoup auront été perturbés par le séisme, devraient être la principale priorité
en matière d’action de renforcement des capacités. Plusieurs mécanismes en faveur
d’une gouvernance humanitaire efficace sont d’ores et déjà en place au Népal. À
titre d’exemple, le réseau des opérations d’urgence, composé de 44 centres dans
les districts et de deux centres régionaux, a joué un rôle vital dans l’évaluation et
la communication avec le COUN et la collaboration avec les associations locales,
les bureaux de la Croix-Rouge et la police. Le réseau du COUN a dans le passé
bénéficié de l’appui du Programme des Nations unies pour le développement
(PNUD), du ministère du Développement international et du ministère des Affaires
étrangères et du Commerce, et nécessitera un soutien accru. La collaboration avec
les activités développement du système humanitaire pourrait être utile pour obtenir
les investissements financiers nécessaires.
Liens
• Bâtir l’avenir de l’aide humanitaire :
http://www.alnap.org/resource/9151.aspx
• Capacités humanitaires dans l’intervention après le tremblement de
terre sud-asiatique :
http://www.odihpn.org/humanitarian-exchange-magazine/issue-34/humanitarian-capacity-in-the-south-asian-earthquake-response-a-local-perspective
• Développement des capacités dans les crises humanitaires :
http://www.intrac.org/data/files/resources/687/Praxis-Note-54-Capacity-Development-in-Humanitarian-Crises.pdf
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 9
LEÇON 4
La coordination est essentielle et doit être adaptée au
contexte népalais.
Comme on l’a noté à la leçon 1, le système en cluster est établi depuis longtemps
au Népal. Comme dans d’autres situations d’urgence, à la suite d’afflux importants
d’organisations, la coordination doit être adaptée au contexte local. Mal préparées,
les structures de coordination alourdissent les coûts de transaction pour toutes les
parties concernées et excluent les acteurs nationaux et locaux. Le COUN joue un
rôle central dans la coordination de l’intervention nationale, avec le soutien du
Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA).
Le COUN facilite à la fois l’établissement des divers clusters sectoriels et la
coordination par groupe sectoriel. Les pouvoirs publics ont par ailleurs mis en place
des mécanismes de gouvernance et de surveillance supplémentaires, par exemple
l’obligation pour la communauté internationale de signaler les fonds de secours
qu’elle reçoit chaque jour à la banque centrale du Népal.
Les clusters devraient assigner des rôles bien définis et justifiés aux acteurs nationaux
et locaux dès le départ (les pouvoirs publics ont tout particulièrement insisté sur la
nécessité d’une coordination efficace avec les chefs de district des 12 régions les plus
touchées), mais aussi aux très nombreux acteurs régionaux, surtout en provenance
de l’Inde et de la Chine. De plus, les clusters devraient veiller à ne pas recréer de
nouveaux mécanismes de coopération, mais devraient plutôt mettre à profit et
développer les mécanismes de collaboration des ONG et des associations locales
existants. Les efforts de coordination par groupe sectoriel devraient s’assurer que
ces mécanismes de coopération sont partagés autant que possible entre tous les
clusters. Lors des crises précédentes, chaque cluster a élaboré une série de structures
distinctes, chacune d’entre elles impliquant normalement les mêmes acteurs
nationaux et locaux. Il est essentiel de prendre des mesures contre cette duplication
inutile.
Liens
• Renforcement de la coordination de l’assistance
humanitaire d’urgence des Nations unies :
http://www.alnap.org/resource/20122.aspx
• Enseignements tirés de l’approche de responsabilité sectorielle:
http://sites.tufts.edu/jha/archives/1976
• Site web de la Plateforme de l’intervention humanitaire :
http://www.humanitarianresponse.info/coordination
10 ENSEIGNEMENTSALNAP
LEÇON 5
Soutenir les systèmes de fourniture de biens et services
préexistants.
L’expérience d’Haïti met en garde contre le risque que l’aide internationale
endommage l’économie existante, par exemple qu’elle fasse de la concurrence
déloyale aux prestataires existants en fournissant gratuitement des biens et des
services. Cela doit être évité. En milieu urbain, il existe des systèmes économiques
solides qui fournissent aux populations les denrées et services dont elles ont besoin
; ces systèmes devraient être exploités (IASC, 2010). Les acteurs internationaux
doivent ainsi agir au sein de ces systèmes et les soutenir en les aidant à retrouver
leurs capacités passées.
Cela peut se faire de plusieurs façons compatibles avec les exigences tant des travaux
de secours immédiats que du relèvement à plus long terme :
• Autant que possible, les denrées alimentaires et autres fournitures d’urgence
devraient faire l’objet d’achats locaux, fondés sur de solides évaluations des
marchés (voir Leçon 10).
• Des services régionaux d’achats de biens et services, tels ceux en provenance
de l’Inde, devraient être exploités (lorsque les voies d’approvisionnement sont
ouvertes, voir Leçon 7).
• Le secteur humanitaire international devrait collaborer plus étroitement avec
les acteurs nationaux du secteur privé aux niveaux stratégique et opérationnel
afin de garantir des avantages mutuels. Par exemple, l’aide monétaire permet
aux commerces locaux de reconstituer leurs stocks et de relancer leur activité, et
ainsi contribue à donner un coup de fouet aux économies locales.
Le secteur humanitaire international doit rechercher des moyens de coopération
avec les interventions nationales et locales du secteur privé et les renforcer. Si
certains de ces moyens pourraient impliquer le secteur privé en tant qu’intervenant
direct, d’autres pourraient en revanche être de nature plus créative et originale.
Un exemple : si le secteur du tourisme népalais risque d’être durement touché par
le tremblement de terre dans le court terme, la chute de la demande touristique
pourrait être en partie atténuée par l’achat de prestations essentielles dans ce
secteur par les acteurs humanitaires : hébergement, soutien pour les transports,
communications et logistiques. À cet égard, le tourisme peut se révéler également
utile comme moyen d’acheminer de nouvelles contributions vers l’effort de
relèvement.
Outre les acteurs et les réseaux dans le pays, il existe une importante diaspora
népalaise dont les membres participent d’ores et déjà activement à l’intervention,
soit en envoyant de l’argent à leur famille (les versements en espèces au Népal
représentent environ 25 % du PIB), soit en retournant dans le pays pour
contribuer aux efforts d’intervention. Un projet de recherche mené actuellement
sur les versements liés au risque sismique (voir liens ci-dessous) peut fournir
des renseignements utiles. En raison de la perspective unique des acteurs
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 11
internes et externes, la coopération avec des groupes népalais tels que le Réseau
international des professionnels népalais est une source d’information et de contacts
potentiellement vitale.
Liens
• Crises urbaines et intervention humanitaire : Analyse bibliographique :
http://www.alnap.org/resource/20019.aspx
• GNPN, Réseau international des professionnels népalais :
http://www.gnpn.org/#!kurakani/c1ppt
• Paiements pour réduire le risque sismique – analyse des résultats :
http://www.elrha.org/hif-blog/remittances-reducing-risk-earthquakes-analyzing-results/
LEÇON 6
La logistique est primordiale et exige une négociation
efficace de l’expertise internationale et des exigences
nationales.
L’intervention est confrontée à de nombreux goulots d’étranglement logistiques,
allant du manque de capacités des aéroports aux routes et ponts endommagés
rendant difficile l’accès aux zones rurales. À l’échelon régional, le matériel est fourni
par l’Inde et la Chine. Quatre routes principales relient l’Inde au Népal (voir lien
ci-dessous).
Si le déploiement de l’expertise militaire népalaise,régionale et du secteur privé
international aide à résoudre des questions essentielles, davantage de soutien est
toutefois nécessaire. Par rapport à d’autres catastrophes récentes, les ressources
militaires internationales ont mis du temps à être déployées au Népal. Le cluster
Logistique collabore d’ores et déjà avec UPS et DHL pour obtenir une aide
logistique supplémentaire ; de plus, Deutsche Post DHL fournit des capacités pour
gérer l’aide à l’aéroport de Tribhuvan. Au début de l’intervention, les exigences
douanières auraient été problématiques et elles risquent éventuellement de se muer
en point de discorde entre le gouvernement et la communauté internationale. Cette
dernière devrait donc servir d’intermédiaire actif visant à améliorer l’efficacité et
l’efficience de l’aide, tandis qu’il devrait être prioritaire de faire appel aux principes
applicables aux actions internationales en cas de catastrophe (IDRL) pour les États
affectés.
12 ENSEIGNEMENTSALNAP
Liens
• Voies d’accès routier vers Katmandou (Népal) depuis l’Inde :
http://quakehub.net/post/117670320993/agencies-considering-roadroutes-for-movement-of
• Principes IDRL:
http://www.ifrc.org/en/what-we-do/idrl/idrl-guidelines
• Cluster Logistique Népal : http://www.logcluster.org/ops/nepal
• Notes sur le dédouanement et contacts utiles :
http://un.org.np/headlines/note-customs-clearance-and-useful-contacts
LEÇON 7
Reconnaître la nature régionale de l’intervention
L’intervention après le tremblement de terre a une forte dimension régionale, l’Inde
et la Chine jouant notamment un rôle central. Les acteurs internationaux devraient
donc tenter d’harmoniser et de coordonner leurs efforts avec ceux de ces acteurs
et les uns et les autres devraient s’aider mutuellement. Six membres de l’Asian
Disaster Reduction and Response Network ont déjà réagi : NSET Nepal, SEEDS
India, Mercy Malaysia, PGVS India, Doctors for You India et Dhaka Community
Hospital Bangladesh, la coordination étant assurée via le Nepal Quake Hub (voir
lien ci-dessous).
Les efforts des acteurs régionaux clés devraient être soutenus et intégrés à tous
les niveaux. Après le cyclone Nargis au Myanmar, la création du Groupe central
tripartite comme organe coordinateur ponctuel par le gouvernement, l’ONU et
l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est a permis d’accroitre la collaboration
entre les acteurs internationaux et régionaux en matière d’intervention et de
relèvement. Des efforts similaires devraient être consentis pour intégrer les acteurs
régionaux dans le système du COUN au sein du ministère de l’Intérieur. Cela
devrait fournir en outre un cadre solide pour l’implication régionale aux échelons
locaux de la gestion opérationnelle, par exemple en intégrant des représentants des
acteurs régionaux au sein des divers clusters, ce qui se traduirait par une meilleure
utilisation des ressources et un allègement du fardeau de la coordination au niveau
des districts et local.
Liens
• Quakehub: http://www.quakehub.net
• Réseau asiatique d’intervention et de réduction des catastrophes :
http://www.adrrn.net
• Groupe tripartite central cyclone Nargis :
http://www.burmapartnership.org/tag/tripartitie-core-group/
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 13
LEÇON 8
Comprendre et anticiper les mouvements de population sont
essentiels.
L’un des principaux enseignements tirés de l’intervention après le tremblement
de terre en Haïti est que les populations urbaines sont très mobiles et que l’action
humanitaire doit s’efforcer de suivre les mouvements. Cette réalité est d’ores et déjà
apparente au Népal, où l’on estime que, dans la semaine qui a suivi le séisme, 100
000 personnes ont fui Katmandou pour se réfugier en zones rurales, de nombreuses
personnes étant retournées dans leur village ancestral. Selon certains rapports
empiriques, d’importants mouvements migratoires transfrontaliers vers l’Inde ont été
observés. Il s’agit d’une frontière internationale poreuse et d’une route bien connue
pour la traite des êtres humains (voir lien ci-dessous). Les agences doivent donc être
conscientes que les évacués après un tremblement de terre, et en particulier les jeunes
filles, peuvent devenir la cible de trafiquants.
Surveiller les flux d’entrée et de sortie des populations pose un grand défi. En
Haïti, on a tenté de le faire à de nombreuses repriss à l’aide du suivi des téléphones
portables ; or, ces informations n’étaient pas disponibles en temps réels pour pouvoir
être utilisées dans la prise de décision opérationnelle. Toutefois, les portables et les
tablettes peuvent servir, en parallèle avec une bonne gestion de l’information, à
évaluer les mouvements démographiques plus directement par le biais d’enquêtes
et d’évaluations (voir Leçons 10 et 11). Pour ce faire, il faudra collaborer avec les
autorités aux niveaux des districts et des villages, lesquelles seront chargées de suivre
l’évolution des populations à titre prioritaire.
Liens
• Plan d’action mondial des Nations unies contre la traite des êtres humains :
http://www.ungift.org/knowledgehub/en/stories/September2014/unicef-reports7-000-nepali-women-and-girls-trafficked-to-india-every-year.html
• Prévisibilité des déplacements de population
après le tremblement de terre en Haïti de 2010 :
http://www.pnas.org/content/109/29/11576.full
• Outil d’analyse de la mobilité démographique de Flowminder :
http://www.flowminder.org/about/
14 ENSEIGNEMENTSALNAP
LEÇON 9
Accorder une attention particulière aux populations
marginalisées, cachées et vulnérables, notamment dans les
zones urbaines.
Les villes abritent des populations marginalisées et cachées. Parmi celles-ci figurent
les personnes qui fuient les persécutions ou la loi, les migrants en situation
irrégulière, ou les personnes jugées différentes des autres dans la société, telles les
personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles (Sanderson et Knox Clarke,
2012). Il se peut que beaucoup de ces groupes et individus ne souhaitent justement
pas être découverts et que leur comportement aille à l’encontre des présuppositions
sur lesquelles repose une grande partie de l’aide : des recherches en Colombie
urbaine ont révélé que la priorité des groupes marginalisés y était de demeurer «
passifs » et « invisibles » (Jakobsen, 2011). À cela s’ajoute la dimension du genre,
selon laquelle les femmes appartenant à ces groupes risquent d’être particulièrement
marginalisées. Les directives de l’IFRC de 2010 en matière de genre (voir Leçon
10) observent que les femmes sont souvent plus défavorisées que les hommes en
raison de leur sexe. Ces désavantages sont parfois exacerbés au sein de certaines
communautés et cultures, surtout pour les célibataires, les divorcées, les veuves ou
celles qui n’ont pas d’enfants.
ACAPS (2015) signale qu’au Népal, les communautés Dalits sont particulièrement
vulnérables et sont victimes de discriminations en termes de choix de logement
et d’accès aux services. Résultat : « les Dalits vivent dans des lieux très vulnérables
» et ont été « systématiquement exclus des mesures de secours et des efforts de
réhabilitation à la suite d’inondations et autres catastrophes naturelles ». Selon le
rapport du Haut Commissaire aux réfugiés de l’ONU, le Népal compterait quelque
40 000 réfugiés et demandeurs d’asile, et en 2013 il y avait environ 50 000 déplacés
internes (PDI). Les liens ci-dessous dirigeront le lecteur vers un document de
recherche de 2012 sur les cadres juridiques, les pratiques de référence et les plans
nationaux relatifs aux PDI.
Les évaluations devraient également mettre l’accent sur les populations/personnes
particulièrement vulnérables pour lesquelles la protection sera problématique. Outre
les foyers ayant à leur tête des femmes ou des enfants, les personnes âgées et les
personnes atteintes d’incapacités, d’autres groupes risquent d’être la cible de gangs
et d’activité criminelle organisée. Les données empiriques apparues quelques jours
après le tremblement de terre révèlent que des cambriolages systématiques organisés
par des gangs armés ont eu lieu. La protection sera un aspect important dans les
camps officiels et informels.
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 15
Liens
• Enseignements d’ACAPS tirés de l’intervention après le séisme au
Népal : http://www.alnap.org/resource/20123.aspx
• Personnes déplacées à l’intérieur du Népal :
http://www.alnap.org/resource/20124.aspx
• Cluster Protection de l’IASC : Liste récapitulative sur la
protection pour la coordination des camps et les abris :
http://un.org.np/attachments/iasc-protection-cluster-protectionchecklist-camp-coordination-and-shelter
Exécution technique
LEÇON 10
L’évaluation est le fondement de toute réponse appropriée.
Pour que les interventions soient efficaces, il y a lieu de procéder à des évaluations
valables (Proudlock, 2009). Les évaluations allient des données secondaires
(recensements, informations liées aux cartes géographiques, etc.) et des données
primaires rassemblées par des équipes d’évaluation. Afin d’éviter toute duplication et
perte d’efficacité, les évaluations devraient toujours être menées conjointement par
les agences, en faisant appel à des méthodes d’évaluation standardisées et agréées,
telle l’Évaluation multi-cluster initiale rapide (MIRA), pour laquelle une formation
a été entreprise au Népal.
Dans les zones urbaines, l’accès et la densité présentent des défis particuliers. Du fait
de l’isolement de maintes communautés rurales, les évaluations prennent parfois du
temps. Le recueil d’informations par les véhicules aériens sans pilote – les drones
– doit être systématique et s’inscrire dans le cadre d’une évaluation structurée. Des
déploiements par des organisations telles qu’UAViators et Global Medic sont en
cours au Népal. Leurs données peuvent fournir la base d’évaluations initiales, les
informations étant présentées sous forme d’images en couleur de haute qualité.
Les évaluations des besoins doivent aussi être des évaluations de capacités, c’està-dire visant à identifier au sein des communautés et des structures les forces,
les compétences, les réseaux, les ressources, etc. qui peuvent être exploités. La
cartographie des capacités – souvent négligée – est particulièrement importante dans
les zones urbaines riches en ressources et en compétences (Clermont et coll., 2011).
Pour les zones urbaines, le Mémoire technique sur les évaluations humanitaires
rapides en milieu urbain récemment publié par ACAPS (Currion, 2015) aborde des
enjeux urbains tels que la verticalité, la diversité, la légalité et la densité. Parmi les
outils d’évaluation sectoriels, il faut citer les directives de l’Évaluation des besoins
16 ENSEIGNEMENTSALNAP
en logement post-catastrophe (PDNA) (Banque mondiale/GFDRR, 2012) et
l’Évaluation rapide pour les marchés (RAM) de l’IFRC (voir Leçon 12), tandis que
parmi les évaluations multisectorielles figure l’Évaluation des besoins d’urgence en
cas de catastrophe de l’IFRC (IFRC, 2000). On notera également les points
suivants :
• Une parité hommes-femmes est nécessaire dans les équipes d’évaluation. En
effet, des évaluations passées en provenance du Pakistan indiquent que les
besoins des femmes n’avaient pas été satisfaits par des équipes d’évaluation à
forte majorité masculine (IFRC, 2010).
• Il y a lieu d’utiliser des ingénieurs qualifiés en matière d’évaluation des
dommages, ou des personnes suffisamment qualifiées pour évaluer la sécurité
des bâtiments. L’identification des bâtiments structurellement sûrs facilitera
la réinstallation des populations affectées. Certains modèles, tels les outils de
sélection visuelle rapide pour différents types de construction, produits par le
gouvernement indien et le PNUD (Arya, s.d.), peuvent s’avérer utiles.
• Il est utile de déterminer où un parc de logement de qualité peut être ajouté à la
liste en vue des futurs programmes de reconstruction.
Liens
• MIRA :
http://un.org.np/resources/mira
• ACAPS, Évaluation humanitaire rapide en milieu urbain :
http://www.alnap.org/resource/20125.aspx
• Sélection visuelle rapide des bâtiments RCC :
http://www.alnap.org/resource/20127.aspx
• IFRC, Guide pratique des approches sensibles aux
questions de genre pour la gestion des catastrophes :
http://www.alnap.org/resource/20126.aspx
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 17
LEÇON 11
Utiliser les technologies numériques et engager un dialogue
avec les communautés affectées.
L’utilisation des informations numériques connaît un essor rapide dans le secteur
de l’intervention humanitaire. Dans son rapport 2012, Humanitarianism in the
network age (l’humanitarisme à l’ère des réseaux), OCHA a souligné que “pour
tirer parti du nouvel environnement de l’information, les agences humanitaires
doivent … trouver de nouveaux moyens de travailler avec les nouvelles sources de
données, collaborer avec un éventail plus large de partenaires, et comprendre que
l’information constitue en elle-même un besoin vital pour les populations en crise”.
Les réponses récentes au tremblement de terre en Haïti, au typhon Haiyan et au
cyclone Pam attestent l’utilité de la cartographie, de la production participative
d’informations et de la surveillance des réseaux sociaux (Vinck, 2013, Meier, 2015).
Les agences établies devraient avoir le devoir de partager leurs jeux de données et
informations. Ce partage pourrait certes se faire sous forme d’évaluations conjointes,
mais la création d’un groupe de travail sur la gestion des données contribuerait
beaucoup à l’amélioration du partage et de l’échange des données. Au Népal,
une grande partie des informations émanant des pouvoirs publics et des acteurs
nationaux et locaux, allant des registres de contacts dans les districts aux évaluations
des dommages, sont en népalais en premier lieu. Les compétences en traduction
ainsi que les agents multilingues seront très précieux, et un effort centralisé par le
COUN sera bien plus rentable.
Des « opérations numériques » sont en cours au Népal. MapAction produit des
cartes géographiques indiquant les bâtiments complètement et partiellement
effondrés par district. Des cartes géographiques sont également produites par
OpenStreetMap, tandis que des informations sont rassemblées par d’autres,
dont Standby Task Force et Crisis Mappers. Harmony Road surveille les réseaux
sociaux pour regrouper des informations sur diverses questions, dont la santé, les
communications et la coordination, dans des mises à jour quotidiennes. Les agences
peuvent utiliser ces informations, à condition qu’elles soient intégrées dans leurs
activités et qu’elles soient recueillies systématiquement. La production participative
d’informations permet elle aussi d’orienter l’intervention, Kathmandu Living
Labs contribuant à la réponse au tremblement de terre en ajoutant des éléments à
OpenStreetMap et en recueillant des informations supplémentaires vitales, tandis
que Collective Campaign for Peace poursuit sa collecte de rapports sur les droits de
l’homme et la sécurité.
L’usage d’imagerie satellitaire fournie par des organisations telles que DigitalGlobe
peut apporter des informations à jour utiles à l’évaluation des dégâts, tandis
que les images précédant un événement peuvent également servir à établir des
comparaisons. Le programme de l’Union européenne COPERNICUS offre une
imagerie satellitaire et de cartographie de haute qualité. L’externalisation ouverte
18 ENSEIGNEMENTSALNAP
(Tomnod, par exemple) est également en cours pour marquer les bâtiments
endommagés, bien que les informations fournies doivent être vérifiées, le marquage
étant effectué par des bénévoles. Convoqué par le Programme alimentaire mondial,
le Cluster des télécommunications d’urgence (ETC) vise à assurer la couverture
internet et l’amélioration des communications.
Un meilleur dialogue avec les communautés affectées doit être obtenu afin d’établir
des boucles de réaction, empêcher les messages contradictoires et contrer les
rumeurs. Si la variété de sources que présentent les nouveaux médias peut permettre
de vérifier l’exactitude des informations (OCHA, 2013), les agences doivent
renforcer leur collaboration afin de garantir que les informations présentées ne se
contredisent pas. Le réseau Communicating with Disaster Affected Communities
(CDAC) – qui est actif au Népal et fournit des mises à jour régulières – apporte
une expertise précieuse dans ce domaine. Dans le prolongement des interventions
rapides d’agences telles que BBC Media Action et AMARC, un groupe de travail
sur la communication avec les communautés dirigé par le Fonds des Nations unies
pour l’enfance a été mis sur pied. L’évaluation par le CDAC des meilleures pratiques
issues d’Haïti (Wall, 2011) est riche en enseignements sur l’usage des SMS, les
systèmes de communications communautaires, et la coopération avec les médias et
les sociétés de téléphonie locaux.
Les stations de radio sont une précieuse source d’information. À la suite du séisme
et du tsunami de Sendai, la radio locale émettant depuis la zone urbaine de Sendai
est devenue une source importante de renseignements utiles pour les communautés
affectées (Sanderson et Knox Clarke, 2012). La radio communautaire est très
répandue au Népal. L’organisation radio communautaire AMARC Asie-Pacifique
actualise les événements sur sa page Facebook. À Mumbay (Inde), des ingénieurs
radio travaillent avec des opérateurs radio népalais afin de renforcer les réseaux de
communication et d’accroitre la coordination national-local, laquelle pourrait être
améliorée par une coopération et une collaboration avec les initiatives et les efforts
internationaux en matière de technologie humanitaire.
Liens
• Radio communautaire ARMARC :
http://ap.amarc.org
• Service de gestion des situations d’urgence COPERNICUS :
http://emergency.copernicus.eu/mapping/ems-product-component/
EMSR125_03POKHARA_GRADING_OVERVIEW/1
• CDAC, Communicating with Disaster Affected Communities :
http://www.cdacnetwork.org/i/20150427181249-24olc/
• ETC, Cluster des télécommunications d’urgence :
http://ictemergency.wfp.org/web/ictepr/emergency-telecommunicationscluster
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 19
LEÇON 12
Faire appel à des programmes monétaires liés à une
analyse des marchés.
Récemment, l’approche monétaire s’est avérée une puissante forme de
programmation. L’appel éclair d’OCHA du 29 avril en faveur de l’intervention
après le tremblement de terre au Népal cite le besoin de programmes monétaires
pour fournir « une contribution essentielle à la sécurité alimentaire, aux moyens
d’existence et aux autres secteurs ». Les programmes monétaires permettent à ceux
qui en bénéficient de donner la priorité à leurs besoins et de soutenir les marchés,
tout en maintenant les coûts de transaction faibles pour les agences. Menée en 2014
par le Comité international de secours, l’évaluation d’un programme monétaire
d’hiver destiné à 87 700 réfugiés urbains au Liban n’a, entre autres observations,
pas constaté de répercussions sérieuses sur les prix, et a révélé une baisse du travail
des enfants et des avantages considérables pour l’économie locale (Lehmann et
Masterson, 2014). Le recours aux transferts d’espèces en Haïti a eu des effets
positifs. Le bilan des programmes monétaires effectué par le Groupe URD note
que les transferts peuvent être utilisés dans des secteurs différents, dont les denrées
alimentaires, les produits non alimentaires et les questions liées aux moyens
d’existence, par exemple le remboursement des dettes (Kauffmann, 2012). Selon
une étude menée par l’Overseas Development Institute, « le but principal des
transferts monétaires était de répondre à des besoins de base ».
Certains aspects des programmes monétaires doivent être pris en considération.
Tout d’abord, il s’agit de déterminer s’il faut accorder des subventions assorties
de conditions ou sans condition. Les aides sans condition sont plus faciles à
administrer et sont préférées des récipiendaires. Toutefois, les agences peuvent
avoir une raison valable, par exemple leur redevabilité envers les bailleurs, de
préférer les subventions conditionnelles. Parmi les autres points, citons l’ampleur, le
recensement des populations affectées (effectué durant les évaluations) et le mode de
transfert monétaires.
La distribution d’aide monétaire doit être envisagée soigneusement. À la suite
du typhon Haiyan, plusieurs agences ont acheminé des fonds vers des régions
reculées, et malgré l’efficacité de ces transferts, des inquiétudes concernant la
sécurité du personnel des agences furent soulevées. Bien que les transferts d’argent
par téléphone mobiles aient connu un essor au cours des dernières années, l’état
actuel du secteur bancaire népalais est médiocre : dans une série de rapports publiés
vers la fin de 2014, Argent mobile pour les pauvres au Népal insiste sur le besoin
d’un secteur bancaire officiel et de perspectives d’expansion. Les opérations de
relèvement pourraient s’impliquer dans ce domaine. Travailler avec des initiatives
locales, telles les associations de coopératives d’épargne et de crédit ou le programme
Banking with the Poor lancé par la Rastriya Banijya Bank, offre des possibilités
de surmonter les défis d’une intervention ciblée et d’une distribution appropriée,
conformément à la Leçon 5.
20 ENSEIGNEMENTSALNAP
Des marchés qui fonctionnent sont une condition préalable à la programmation
monétaire. Dans les zones urbaines, les marchés se redressent presque toujours
rapidement. Le Guide sur l’analyse des marchés en situation d’urgence du Cash
Learning Partnership (CaLP’s) (Sivakumaran, 2011) décrit la façon dont l’analyse des
marchés peut améliorer l’impact et indiquer les ressources requises. L’outil Analyse et
cartographie des marchés en état d’urgence (EMMA) adopte une méthode éprouvée
et est utile lorsqu’il est déployé peu de temps après la catastrophe, faisant appel aux
évaluations initiales et lorsque les mouvements de populations ont ralenti (une analyse
EMMA a été effectuée en Haïti environ quatre semaines après le séisme). Le guide
Évaluation rapide des marchés de l’IFRC est destiné à être utilisé dans les premiers
jours qui suivent une catastrophe et aborde des questions clés, et notamment :
1.
2.
3.
4.
Comment le système marchand a-t-il été affecté ?
Les biens et services dont les populations ont besoin sont-ils disponibles localement ?
Les marchés sont-ils en mesure de faire face à une demande accrue de produits de base ?
Peut-on distribuer et dépenser l’argent en toute sécurité ?
Liens
• Boîte à outils EMMA :
http://emma-toolkit.org/
• Directives pour une évaluation initiale d’urgence des marchés :
http://www.alnap.org/resource/20128.aspx
• CaLP Analyse des marchés dans les situations d’urgence :
http://www.alnap.org/resource/7468.asp
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 21
LEÇON 13
Se préparer à la mousson en installant des abris
temporaires durables tels que les tentes imperméables de
grande qualité.
Les enseignements tirés du tremblement de terre au Pakistan privilégient
l’utilisation de tentes de haute qualité comme option d’abri temporaire viable, bien
que des matériaux supplémentaires soient peut-être nécessaires pour en assurer
l’imperméabilité avant la saison de la mousson, qui normalement commence à la
mi-juin ou fin juin (Stops et Ashmore, 2007).
Si l’usage d’abris transitoires en Haïti a été beaucoup critiqué, celui de kits d’abris
à la suite du typhon Haiyan a été mieux accueilli. Dès lors s’impose une stratégie
faisant preuve de souplesse en matière d’abris provisoires ; à noter en outre que lors
de catastrophes passées, tel le typhon Haiyan, « la vaste majorité des besoins d’abri
immédiats ont été satisfaits par la famille et les amis » (Hanley et coll., 2014). Cela
n’a rien d’inhabituel : l’IFRC affirme que l’aide parvient à moins de 10 % de ceux
qui en ont besoin (IFRC, 2013). Compte tenu de cette réalité, les agences doivent
examiner la façon dont elles s’impliquent dans l’hébergement d’urgence afin de
trouver un équilibre entre le rayon d’action et les besoins (voir Leçon 14).
Dans les zones rurales, les tentes ou autres formes d’abri temporaire sont
d’utilisation aisée.Toutefois, si la reconstruction peut avoir lieu immédiatement
en bénéficiant du soutien adéquat pour garantir qu’elle se fait en toute sécurité,
alors cela est la meilleure option. Dans les zones urbaines, où densité et espace sont
des points importants à prendre en considération, l’hébergement provisoire est
plus complexe, et les solutions rurales ne conviennent pas aux besoins des citadins
(Sanderson et coll., 2014). Les catastrophes urbaines passées montrent que les
espaces urbains ouverts tels que les parcs, les places et les terrains de sport sont vite
colonisés par les sans-abris ou ceux qui ont peur de rentrer dans leurs bâtiments.
Beaucoup trouvent des abris improvisés. D’autres quittent la ville pour séjourner
ailleurs, pour revenir des semaines, voire des mois plus tard ; d’autres encore
emménagent chez des parents ou des amis. Selon les orientations du cluster Abri
concernant l’hébergement temporaire au Népal, “les sites d’implantations humaines
provisoires prévus sont nécessaires, mais sont considérés comme un dernier recours.
Tous les efforts devraient être consentis pour minimiser le besoin de réinstaller les
populations dans des sites provisoires prévus éloignés de leur domicile d’origine et
de leurs communautés” (Cluster Abri, 2015).
Si des camps doivent être créés, on prendra alors soin de faire en sorte qu’ils
soient aussi temporaires que possible. Si le besoin d’ériger des camps se fait
sentir – et à cette fin les plans de préparation du gouvernement népalais ont permis
de repérer des sites potentiels –, ces camps devraient être d’aussi courte durée que
possible. « Les implantations humaines planifiées dans le contexte des secours sont
d’habitude très coûteuses à entretenir et à desservir, et très difficiles à fermer »
22 ENSEIGNEMENTSALNAP
(2015). Après le séisme au Pakistan, les autorités ont fermé les camps au bout de
six mois : si cette décision fut critiquée par certains, elle a permis d’éviter le risque
d’une intervention prolongée. Inversement, les camps riches en ressources d’Haïti
ont duré trop longtemps - des années dans certains cas.
Les obstacles règlementaires à l’hébergement temporaire – concernant les droits
du logement, fonciers et de propriété – sont des aspects importants dont il
faut tenir compte. Une étude récente de l’IFRC menée à cet égard au Népal tire la
conclusion suivante : « les lois, politiques et règlements sont rarement appliqués en
matière de fourniture d’abris d’urgence au Népal... [ce qui a] le potentiel d’entraver
la fourniture d’abris d’urgence de diverses façons » (IFRC, 2014). À ce titre, une
planification soigneuse en consultation avec les autorités compétentes concernant
les statuts légaux est une condition préalable. Le profil de l’agence United
States Agency for International Development (USAID) contient des éléments
d’appréciation utiles en la matière.
Liens
• Renseignements et conseils sur les tentes :
http://quakehub.net
• Barrières réglementaires à la fourniture d’abris d’urgence et
transitoires après une catastrophe, étude de cas de pays : Népal :
http://www.alnap.org/resource/20129.aspx
• Cluster Abri Népal – messages clés :
http://www.alnap.org/resource/20130.aspx
• Droits de propriété et gouvernance
des ressources au Népal – USAID :
http://www.alnap.org/resource/20088.aspx
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 23
LEÇON 14
Reconstruire les implantations humaines de manière sûre
afin qu’elles soient préparées au prochain tremblement de
terre.
Les bilans et évaluations successifs soulignent la nécessité d’investir les fonds
humanitaires dans la reconstruction aussi rapide que possible de logements
permanents (Davis, 2013). L’objet d’une reconstruction sans danger à ce stade est
d’être préparé au prochain séisme.
En zones rurales, il est impératif de fournir une assistance et un encadrement
en matière de techniques de construction sans danger. Du fait de la nature isolée
des lieux, les « architectes aux pieds nus », les ingénieurs et les constructeurs qualifiés
peuvent apporter leur concours. À la suite du tremblement de terre de 2001 dans le
Gujarat, SEEDS Inde a formé des groupes d’associations de maçons aux techniques
sûres de construction. Cette même organisation a également fourni un soutien
mobile aux communautés les plus reculées après le séisme au Pakistan, démontrant
la nécessité de reconstruire de manière sûre à l’aide de simples techniques. La
reconstruction doit en outre être contrôlée afin d’assurer que les principes de
reconstruction sûre sont respectés. Surtout, pour réussir dans leur travail, les agences
doivent adopter le rôle de médiateur et non de prestataire, c’est-à-dire qu’elles
doivent œuvrer avec les communautés dans une optique de développement, fournir
de l’aide et du soutien, engager des ouvriers en bâtiments locaux, etc.
En zones urbaines, il est utile d’envisager une stratégie locale des questions
d’hébergement et d’implantations humaines. Il est impératif de ne pas reconstruire
la vulnérabilité – les normes de construction doivent être gravées dans l’ADN de
toutes les parties intéressées. D’où la nécessité d’une réponse réfléchie et coordonnée
impliquant les autorités et les ONG présentes sur le terrain. Une stratégie locale (ou
stratégie de voisinage selon USAID/le Bureau de l’assistance en cas de catastrophe
des États-Unis) ancrée dans le principe de développement judicieux de la prise de
décision émanant de la communauté pourrait constituer une démarche efficace pour
coordonner des besoins multisectoriels fondés sur les priorités de la communauté.
Une telle stratégie peut s’avérer utile pour reconnaître les différences sociales et
physiques dans les voisinages des centres urbains népalais. Une étude récente des
stratégies locales (Parker et Maynard, 2015) présente cinq études de cas où cette
approche a été fructueuse. L’une des études menées dans la ville de Tacloban
explique comment Catholic Relief Services a mis en œuvre un programme intégré
d’hébergement et de camps d’urgence pour 3 000 foyers qui comprenait une
assistance sur place pour réparer les logements, argent et matériaux compris, ainsi
qu’un soutien professionnel.
Une approche par implantation humaine implique que les agences intervenantes
emploient des professionnels qualifiés en questions urbaines, tels les responsables
de la planification, les architectes et les ingénieurs, et travaillent avec eux. Les
24 ENSEIGNEMENTSALNAP
agences humanitaires doivent collaborer avec les autorités compétentes en matière
de planification. De plus, le paysage urbain doit être pris en compte et respecté :
Le rapport 2010 d’UN-HABITAT Nepal urban sector housing profile fournit des
informations utiles, notamment sur la typologie des bâtiments et l’utilisation de
l’espace. D’autres formes d’assistance, par exemple l’allocation-logement et l’accueil,
répandus en Haïti, devraient être étudiées. Des efforts doivent être consentis pour
empêcher les ouvriers en bâtiment non qualifiés d’entreprendre des travaux de
reconstruction officieux et de mauvaise qualité qui ne résisteront pas à de prochaines
catastrophes. Une telle mesure pourrait être intégrée au champ d’activités du Cluster
Abri, par exemple, en instituant un système de présentation de l’information, en
fournissant de l’aide technique et en menant une action de plaidoyer.
Pour les locataires – souvent négligés lors des interventions d’hébergement urbaines
–, les allocations-logement en espèces (RSCG selon le sigle anglais) représentent
une option. Le manuel technique de la Banque mondiale (2014) sur les RSCG ,
qui inclut une étude de cas située en Haïti, fournit des orientations pour mettre
sur pied de tels programmes. Le tremblement de terre offre par ailleurs l’occasion
d’examiner le soutien apporté aux implantations sauvages urbaines. La Plateforme
d’information sur le Népal de l’ONU fournit des renseignements sur les habitants
de bidonvilles et les squatteurs en anglais et en népalais. Les agences actives dans les
îlots insalubres sont confrontées à un problème plus compliqué, dans la mesure où
les plus vulnérables risquent de ne pas recevoir les mêmes niveaux de soutien que
les habitants des quartiers en situation plus régulière. Il est primordial en pareille
situation de travailler la main dans la main avec la communauté déjà présente et les
structures des ONG.
Liens
• UN HABITAT Népal : Profile du secteur des logements urbains :
http://www.alnap.org/resource/20089.aspx
• Plateforme d’information sur le Népal de
l’ONU – habitants de taudis et squatteurs :
http://un.org.np/oneun/undaf/slum
• Allocations-logement en espèces de la Banque mondiale : manuel technique :
http://www.alnap.org/resource/20131.aspx
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 25
LEÇON 15
Gestion des débris : les décombres urbains posent un défi,
mais constituent aussi une ressource.
Les grandes quantités de décombres représentent un phénomène de catastrophe
urbaine qui pose un défi, mais qui peut aussi constituer une ressource. La gestion
de ces décombres doit être traitée avec précaution afin d’empêcher la survenue
d’autres risques. À Port-au-Prince après le tremblement de terre en Haïti, par
exemple, des débris avaient obstrué un collecteur d’eaux pluviales, provoquant une
inondation. La note d’orientation du PNUD sur la gestion des débris (2013) donne
des conseils sur l’analyse de situation, la gestion, l’implication des communautés
et les cadres de politique publique. Les enseignements tirés mettent en avant la
prise d’initiative, la réalisation d’évaluations, le recensement des voies de transport
et la formation de partenariats. Le document de 2013 du PNUD, Gestion des
débris – la porte ouverte au développement met l’accent sur les enseignements tirés
d’Haïti concernant le relèvement à long terme, et notamment la participation et la
relance de l’économie locale. Le déblaiement des décombres peut en effet offrir aux
populations des possibilités en termes de revenus via le programme « argent pour
travail », à condition que des vêtements de protection adéquats soient fournis et que
le principe de vigilance soit respecté.
La sélection de sites et le tri des déchets étaient des facteurs qui devaient être pris
en compte au stade le plus précoce. Les déchets de construction et de démolition
(CDW en anglais) sont une priorité croissante en Inde en particulier, où ce type de
matériaux est recyclé avec succès dans la reconstruction, où il sert à fabriquer des
dalles et des matériaux de fondation (voir lien ci-dessous).
ACAPS indique que « le tremblement de terre de 2005 au Pakistan a montré que
les débris nécessitaient un entreposage temporaire d’urgence ». Les matériaux de
construction peuvent être récupérés : les briques peuvent être nettoyées et recyclées,
tandis que les barres d’armature peuvent être redressées pour être réutilisées. Les
décombres peuvent être enlevés progressivement : dans les premières phases, pour
permettre l’accès et la fourniture d’abris provisoires, et plus tard pour engager la
reconstruction. Une certaine sensibilité à l’égard du déblaiement des décombres
est parfois aussi nécessaire. Il arrive en effet que les propriétaires dont la maison
s’est écroulée ne souhaitent pas que l’on enlève les décombres parce qu’un membre
de leur famille y a été enseveli, parce qu’ils y ont perdu des biens ou parce que ces
décombres représentent le lieu de leur domicile.
26 ENSEIGNEMENTSALNAP
Liens
• Déchets de construction et de démolition (CDW) : Première
usine indienne de recyclage des déchets de construction :
http://www.thehindu.com/news/cities/Delhi/indias-first-plant-that-recyclesconstruction-waste/article6362727.ece
• Gestion des débris – la porte ouverte au développement (PNUD) :
http://www.revistahumanum.org/revista/wp-content/uploads/2013/10/TOIInteractive-English.pdf
• Note d’orientation - gestion des débris (PNUD) :
http://www.alnap.org/resource/11707.aspx
LEÇON 16
La santé et les aspects WASH doivent évoluer rapidement
et nécessitent une évaluation permanente et des réponses
adaptables.
L’expérience acquise à partir des catastrophes passées nous montre que les besoins
de la population népalaise en matière de santé évoluent d’une phase à l’autre, la
phase aiguë nécessitant des soins médicaux d’urgence pour traiter les traumatismes
et la gestion de lourdes pertes humaines (souvent dans l’espace de deux semaines
environ), tandis que la phase post-aiguë est davantage centrée sur la rééducation, la
prise en charge des risques de maladies infectieuses et le soutien psychologique aux
survivants. Si les risques de maladies liées aux cadavres sont souvent exagérés, les
mouvements de masse des populations alliés aux densités démographiques élevées,
les niveaux accrus d’exposition et l’insalubrité de l’eau et de l’assainissement risquent
de faire s’accroitre les cas de maladies transmissibles, lesquelles peuvent atteindre des
seuils critiques. C’est tout particulièrement le cas pour la rougeole, la méningite et
les maladies hydriques telles que le choléra.
Une surveillance sanitaire adéquate est donc primordiale, et peut être facilitée par
les nouvelles technologies de suivi et grâce à des déclencheurs appropriés pour un
éventail de réponses, telles les immunisations. Aux Philippines, un système de veille
sanitaire post-catastrophe utilisant les mobiles a été mis en place et existe désormais
à l’échelle nationale. Après le typhon Haiyan, il a entraîné plusieurs milliers de
déclencheurs de surveillance des maladies, dont chacun a été traité par des acteurs
nationaux ou locaux, et s’est avéré particulièrement utile dans cet environnement
post-urgence.
En milieu urbain, les besoins en matière de santé sexuelle et reproductive sont
eux aussi capitaux et sont souvent négligés par la communauté internationale.
L’Initiative Sprint lancée par la Fédération internationale du planning familial
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 27
(IPPF) déploie du personnel au Népal et dispose d’une palette de méthodes et
d’outils pour assurer que les besoins concernant la santé sexuelle et reproductive
sont correctement évalués et traités de manière appropriée.
La prise en charge des maladies chroniques concomitantes est essentielle, car
l’accès et les soins aux personnes souffrant de troubles tels que l’hypertension
artérielle et le diabète sont gravement affectés par des systèmes de soins de santé
perturbés.
L’incidence de traumatismes psychologiques, de stress, d’anxiété et de
dépression augmente après une catastrophe. Ce risque est élevé au lendemain
du tremblement de terre au Népal, à cause de la perte d’êtres chers et de maisons,
des déplacements, de la perturbation des réseaux sociaux, et de la destruction de
nombreux monuments culturels et religieux anciens qui étaient autant d’ancres
socioculturelles et psychologiques importantes pour le peuple népalais. En dehors
du soutien psychologique et du recours à divers traitements thérapeutiques tels
que l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires, l’expérience
du typhon Haiyan indique qu’une implication active des survivants dans la
reconstruction de logements post-catastrophe peut jouer un rôle vital dans le
processus de réadaptation psychologique personnelle et collective.
L’évaluation rapide de la situation sanitaire à laquelle a procédé l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) a non seulement permis de faire face à la hausse
de besoins médicaux complexes, mais elle a aussi mis en lumière la nécessité de
renforcer le système de santé népalais. Dans les quatre districts les plus durement
touchés, les hôpitaux et les cliniques ont subi des dégâts trop importants pour
pouvoir fonctionner et ont besoin d’urgence de fournitures vitales, notamment
de médicaments essentiels, boîtes de chirurgie, solutions intraveineuses,
antibiotiques et matériel de suture. Les agences doivent travailler avec un large
éventail de prestataires de soins existants. Les populations urbaines en particulier
sollicitent souvent les services de santé et de nutrition auprès d’un large éventail de
prestataires, notamment les guérisseurs traditionnels, les acteurs du secteur privé et
les pharmaciens. Dans la mesure où ces services sont traditionnellement payants, les
agences doivent veiller à ne pas leur faire une concurrence déloyale en proposant des
traitements gratuits ou à bas prix, ce qui porterait préjudice aux prestataires existants
(voir Leçon 5).
L’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH) présentent des difficultés majeures.
Une intervention efficace et dans les délais appropriés est donc primordiale.
Lorsqu’elles fournissent de l’aide dans ce domaine, les agences doivent prêter
attention aux problématiques hommes-femmes. Lors de la conception
d’équipements au titre du programme WASH, on prendra en compte notamment la
différence d’impact des maladies sur les femmes et les hommes, le rôle des femmes
dans les corvées d’eau, et les aspects liés à la sécurité et à la violence fondée sur le
genre. Les besoins en eau et assainissement doivent être satisfaits par un éventail de
stratégies spécifiques au contexte. Pour l’ONG Save The Children, les premières
priorités en matière de WASH sont de l’eau propre, des latrines privées et sûres,
28 ENSEIGNEMENTSALNAP
ainsi que des espaces de bain privés et des articles d’hygiène personnelle pour les
femmes et les filles. Les expériences d’Oxfam engendrées par le séisme en Haïti en
matière d’équipements WASH sensibles aux questions de genre en milieu urbain
mettent en relief la nécessité d’établir des partenariats, de répondre aux besoins de
protection dans les camps et de former des alliances avec les organismes publics
(Cohen et Joseph, 2014). Si possible, toutes les interventions sur les infrastructures
WASH devraient contribuer aux infrastructures existantes ou à la planification
urbaine et au développement à long terme des villes.
Liens
• OMS :
http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/healthassessment-nepal/en/
• Guide de l’OMS sur les premiers soins psychologiques :
http://www.who.int/mental_health/publications/guide_field_workers/
en/
• Initiative SPRINT de l’IPPF :
http://www.ippf-sprint.org. À noter également un « antisèche » utile
pour aborder la santé reproductive dans les situations d’urgence :
http://www.ippf-sprint.org/downloads/misp/MISP-Cheat-Sheet.pdf
• Cluster WASH Népal :
http://www.humanitarianresponse.info/en/operations/nepal/watersanitation-hygiene
RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 29
LEÇON 17
Les efforts d’éducation d’urgence devraient répondre aux
besoins immédiats et à long terme.
Si l’éducation est une préoccupation croissante pour les acteurs internationaux dans
les situations d’urgence, ce secteur est souvent sous-financé. Le tremblement de terre
a endommagé plus de la moitié des établissements scolaires au Népal, soit au total
quelque 16 000 bâtiments selon OCHA, dont plus de 5 000 totalement détruits.
Toutes les écoles sont actuellement fermées jusqu’à la mi-mai au moins. De plus,
le séisme est survenu peu de temps avant la période des examens, ce qui pourrait se
solder par une année de scolarité perdue.
Il est nécessaire de donner la priorité aux interventions éducatives, réhabiliter
les établissements et les rouvrir dès que tout danger est écarté. Selon les données
disponibles, les enfants non scolarisés pendant de longues périodes à la suite
de situations d’urgence sont exposés à de nombreux risques, notamment celui
du travail infantile, de la violence et d’autres formes d’exploitation, un nombre
considérable d’entre eux ne retournant pas à l’école. Outre l’action déjà en cours
dans les camps temporaires visant à fournir des espaces d’accueil d’enfants, les
membres du cluster Éducation devraient collaborer avec le ministère de l’Éducation
et le comité de gestion des écoles en ce qui concerne l’évaluation des structures
scolaires afin de vérifier lesquelles peuvent être rouvertes, et élaborer des scénarios
pour les répercussions du séisme sur le calendrier des examens.
Liens
• Réseau international pour l’éducation en situation d’urgence :
http://www.ineesite.org/en/
• Save the Children – Petit guide des évaluations rapides
conjointes des besoins en matière d’éducation :
http://www.savethechildren.org.uk/sites/default/files/docs/Short_
Guide_to_Rapid_Joint_Education_Needs_Assessments_1.pdf
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RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 31
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RÉPONSE APRÈS LE SÉISME AU NÉPAL 33
ALNAP
Overseas Development Institute
203 Blackfriars Road
Londres
SE1 8NJ
Royaume-Uni
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F +44 (0)20 7922 0399
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