Le retour de « Tutu », de Marcus Miller

Transcription

Le retour de « Tutu », de Marcus Miller
Culture
Mardi 31 mai 2011 - La Tribune
Page 26
ddJazz
dd
À l’affiche
Le retour
de « Tutu »,
de Marcus Miller
Fin de partie
Vingt-cinq ans après,
Marcus Miller rit encore de
la controverse provoquée par
« Tutu », l’album de Miles Davis dont il est l’auteur. « Ce n’est
pas du jazz », s’indignaient les
aficionados du Miles acoustique. Qu’importe, les fans de
pop ont adoré ce premier disque du trompettiste pour Warner — après trente ans chez Columbia — qui restera le dernier
succès planétaire de Miles, disparu voici près de vingt ans, le
28 septembre 1991.
Il faut dire que Marcus Miller
n’avait pas lésiné sur le funk dans
ce projet musical — dédié à l’archevêque sud-africain Desmond
Tutu, champion de la lutte antiapartheid — qu’il soumit à son
ancien patron : synthétiseurs
et percussions programmés venaient donner du punch à l’ensemble comprenant également
Miles Davis avait
apprécié cet album
et laissé les coudées
franches à son ancien
bassiste.
Marcus Miller, fidèle
à la mémoire de
Miles Davis, a adapté
les titres de « Tutu »
en remplaçant les
sons électroniques de
la version de 1986.
cier de ce succès, ne serait-ce que
pour mener ses propres projets
en leader et mettre en valeur son
double talent de bassiste électrique et clarinettiste basse. Il peut
aujourd’hui se fixer un nouveau
défi en revisitant « Tutu ». Il a
adapté les titres en remplaçant
par exemple les sons électroniques de la version de 1986. Mais,
souligne-t-il, « l’essence cool de
Miles est toujours là », la partie
du trompettiste étant confiée
à l’un des plus sûrs espoirs de
l’instrument, Christian Scott.
Fidèle à la mémoire de Miles
Davis, Marcus Miller a d’ailleurs
monté un hommage qui tourne
dans les grands festivals de l’été,
avec deux géants comparses du
trompettiste, Herbie Hancock
(piano) et Wayne Shorter (saxophone). Ces trois-là ont tous apporté leur contribution, comme
interprète et compositeur, à
l’œuvre de la dernière star mondiale du jazz.
Miles Davis. « Tutu », coffret 2 CD
avec la version originale remastérisée et un concert à Nice 1986.
Rhino 2011 ; Marcus Miller, « Tutu
Revisited ». Coffret 2 CD + 1 DVD
de 2 heures de concert à Lyon en
2009. Dreyfus Jazz 2011.
Marcus Miller en concert pour
« Tribute to Miles » avec Herbie Hancock et Wayne Shorter,
en juillet, le 12 à Vienne, le 13 à
Montreux, le 15 à Antibes-Juan-lesPins, le 18 à Paris (Olympia) et le
20 à Marseille.
dr
Par Jean-Louis Lemarchand
saxophone, basse, clarinette basse, batterie. Miles avait apprécié, laissé les coudées franches
à son ancien bassiste électrique
rompu également au métier de
producteur-arrangeur. Mais la
vedette de l’album, c’est incontestablement lui, le « Prince des
ténèbres », qui, généralement
peu généreux en compliments,
en sut gré à Marcus : « Merci.
Tu m’as remis dans le circuit. »
Grâce à « Tutu », Miles élargit
et rajeunit son public avec huit
titres qui deviennent bientôt
autant de tubes passés en boucle
dans les stations de radio.
Compositeur dès lors adulé,
Marcus Miller va aussi bénéfi-
Jean-Louis Pinte
Théâtre de la Madeleine,
19, rue de Surène, 75008 Paris,
tél. : 01.42.65.07.09, à 21 heures,
jusqu’au 17 juillet.
Dunnara Meas
D
ernier succès de la carrière de
Miles Davis, « Tutu » revient.
Une nouvelle version signée de
son compositeur, Marcus Miller.
« Fini, c’est fini... » Ainsi
commence « Fin de partie »
de Beckett. Oui, c’est bien
fini. On a l’impression
qu’il ne reste rien sur
cette terre, juste quelques
humains qui tentent de
survivre. Justement ils
sont là : Hamm, un tyran
domestique, aveugle
et impotent, Clov, son
serviteur, une loque qui
n’a plus de forme humaine
et les parents de Hamm
qui vivent dans deux
poubelles et dorment la
plupart du temps. Pour
exister, ils n’ont plus que
les mots, dans leur cruelle
dérision. Mais ils savent
qu’ils vont disparaître. Et
ils n’attendent plus rien.
Rarement on a été aussi
loin dans ce sentiment
de néant, de vide absolu
de toute vie. Féroce
vérité que nous montre là
Beckett, mais il le fait avec
un humour noir, parfois
une drôlerie qui frise le
désespoir. Le metteur en
scène Alain Françon joue
admirablement de cette
partition-là. Il est vrai
qu’il a pour cet oratorio
funèbre quatre comédiens
exceptionnels, Serge
Merlin, Jean-Quentin
Châtelain, Isabelle Sadoyan
et Michel Robin.
publicité
ddROMANS POLICIERS
Dans les griffes du passé
L’Américain Lawrence Block et l’Anglais Neil Cross bâtissent des intrigues haletantes
autour de personnages fragilisés, cherchant à réparer leurs torts.
les Alcooliques anonymes (AA). Il aura
pourtant fallu attendre cet opus pour que
le singulier parcours
des membres de l’association soit au cœur
de l’intrigue policière. Jack Ellery est un
truand qui tente de
s’arracher à l’empire
de la boisson. Sobre
depuis plusieurs années, il suit avec conviction les
étapes du programme des AA,
notamment cette phase cruciale
consistant à tenter de réparer ses
torts. Une entreprise dangereuse
pour un homme au passé peu recommandable.
d’une tumeur au cerveau et n’a plus que
quelques semaines à
vivre. Kenny se replie
sur lui et tente de retrouver Callie Barton,
une ancienne camarade de classe qui lui
a toujours exprimé
de la sympathie alors
qu’il était le souffredouleur des autres
enfants. Plus de vingt
ans après, Kenny part à la recherche de cette femme qu’il n’a
jamais osé remercier. Sans s’en
douter, il va s’enferrer dans un
redoutable piège. Un thriller psychologique glaçant à souhait.
Pas d’alcool, ou très peu, chez
« Entre deux verres », de Lawrence
Block. Calmann-Lévy, 306 pages,
20,50 euros. « Captif », de Neil
Cross. Belfond, 350 pages, 18 euros.
Calmann-Lévy
Peut-on revenir impunément sur son passé pour réparer
des torts causés à des proches
ou tenter de modifier le cours
d’une existence ? Deux polars
habilement bâtis explorent cette
idée de rédemption et ses conséquences. « Entre deux verres »
de Lawrence Block et « Captif »
de Neil Cross sont certes des
romans très différents tant par
leur rythme, leur construction
que leur ambiance. Pourtant,
ils s’articulent tous deux autour
d’une plongée dans le passé qui
va générer l’intrigue.
Vétéran du roman noir américain,
Lawrence Block fait reprendre
du service à Matt Scudder dont
la série d’enquêtes entamée dans
les années 1980 est une véritable
chronique du New York des paumés et des alcoolos. Les énigmes
de l’ex-flic devenu détective privé
sont ponctuées de séances chez
Neil Cross. Son héros est, lui
aussi, très fragilisé, mais pour
une autre raison : il est atteint
Laurent Pericone