article en pdf - Revue trimestrielle des droits de l`homme

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LA NÉCESSAIRE COMPLÉMENTARITÉ
DES DROITS MATÉRIELS
ET DES GARANTIES DE PROCÉDURE
(Cour européenne des droits de l’homme,
8 août 2006, H.M. c. Turquie)
par
Michel HOTTELIER (*)
Professeur à la Faculté de droit
de l’Université de Genève
«La Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs» : par cette affirmation
emblématique, exposée dans l’arrêt Airey de 1979 (1), puis reprise
l’année suivante (2) et maintes fois évoquée depuis lors (3), la Cour
européenne des droits de l’homme a proclamé sa vocation à appliquer la Convention de 1950 en lui conférant son plein effet utile.
C’est peu dire que les avancées, souvent spectaculaires, auxquelles
la casuistique de la Cour de Strasbourg a conduit révèlent l’ampleur
et la richesse du chemin parcouru.
Issue d’une conception juridique mixte, associant le droit continental à la tradition de Common Law (4), la Convention de 1950 se
prête certes, par sa nature même, au développement de notions
autonomes par voie prétorienne. De fait, de nombreux compartiments du droit européen ont vu, sur le plan du droit matériel
comme de la procédure, la Cour forger des concepts tendant à conférer aux droits conventionnels une envergure originale : consécra(*) L’auteur tient à exprimer sa reconnaissance à Monsieur Gregor T. Chatton,
assistant à la Faculté de droit de l’Université de Genève, pour sa précieuse collaboration.
(1) Cour eur. dr. h., Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, §24.
(2) Cour eur. dr. h., Artico c. Italie, 13 mai 1980, §33.
(3) Cour eur. dr. h., Scavuzzo-Hager c. Suisse, 7 février 2006, §48; Von Hannover
c. Allemagne, 24 juin 2004, §71; Czekalla c. Portugal, 10 octobre 2002, §60;
Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, §38; Goddi c. Italie, 9 avril 1984, §30.
(4) Voy. les développements de J.-P. Costa, «Concepts juridiques dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : de l’influence de différentes traditions nationales», Rev. trim. dr. h., 57/2004, p. 101.
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tion de l’effet extraterritorial de l’article 3 (5), interprétation extensive de la notion de droits et obligations de caractère civil (6),
intégration d’une certaine forme de droit à un environnement sain
via le droit au respect de la vie privée et familiale (7), reconnaissance du droit au secret rédactionnel en faveur des journalistes (8);
dans le domaine des restrictions aux libertés, citons l’application
modulée de la marge d’appréciation dévolue aux instances nationales en fonction de la nature du droit en cause ou de la gravité de
la restriction (9). Mentionnons encore, s’agissant du mécanisme
international de contrôle institué par la Convention, l’attribution
d’une force obligatoire aux mesures provisoires décidées par la Cour
en application de l’article 39 de son règlement (10), de même que la
reconnaissance au droit de requête individuelle au sens de
l’article 34 et à ses modalités d’usage au sens de l’article 38 de la
qualité de droit à part entière, soumis à l’examen de la Cour (11).
Par les liens qu’il tisse entre le droit au respect de la vie privée
et familiale et du domicile au sens de l’article 8 – garantie de droit
matériel par excellence – et les règles de procédure destinées à assurer sa protection au niveau national, l’arrêt H.M. c. Turquie rendu
le 8 août 2006 par la quatrième section de la Cour s’inscrit dans ce
cadre tout à la fois original et ambitieux.
(5) Cour eur. dr. h., Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, §88; Bensaid c.
Royaume-Uni, 6 février 2001, §32.
(6) Cour eur. dr. h., Voggenreiter c. Allemagne, 8 janvier 2004, §30-33 et les références citées; Perez c. France, 12 février 2004, §57.
(7) Cour eur. dr. h., Lopez-Ostra c. Espagne, 9 décembre 1994; sur la question, voy.
P. Lambert, «Le droit de l’homme à un environnement sain. Propos introductifs»,
Ann. int. dr. h., Vol. I/2006, p. 34 et les nombreuses références citées; F. Sudre, «Le
droit à un environnement sain et le droit au respect de la vie privée», Ann. int. dr.
h., Vol. I/2006, p. 203.
(8) Cour eur. dr. h., Goodwin c. Royaume-Uni, 27 mars 1996, §39.
(9) Cour eur. dr. h., Jäggi c. Suisse, 13 juillet 2006, §37; Dammann c. Suisse,
25 avril 2006, §51.
(10) Cour eur. dr. h., Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, 4 février 2005, §99. Voy.
P. Frumer, «Un arrêt définitif sur les mesures provisoires : la Cour européenne des
droits de l’homme persiste et signe. Commentaire de l’arrêt Mamatkoulov et Askarov
c. Turquie du 4 février 2005», Rev. trim. dr. h., 64/2005, p. 799.
(11) Cour eur. dr. h., Öcalan c. Turquie, 12 mai 2005, §197; Ilascu et autres c. Moldova et Russie, 8 juillet 2004, §480; Tahsin Acar c. Turquie, 8 avril 2004, §252; Ipek
c. Turquie, 17 février 2004, §112.
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I. – L’affaire H.M. c. Turquie
À l’origine de l’affaire H.M. se trouvait un instituteur domicilié
à Izmir, dirigeant de l’antenne locale d’un syndicat de l’enseignement public. En août 1995, l’intéressé participa avec huit autres
syndicalistes à une manifestation non autorisée dans le parc de la
gare d’Izmir. Au mois de septembre suivant, il fut brutalisé par des
policiers alors qu’il assistait au procès impliquant l’un de ses camarades. Muni d’un certificat médical faisant état de traumatismes
dus à des coups, il porta plainte auprès du procureur d’Izmir. H.M.
fut par la suite convoqué aux fins d’identification des policiers qu’il
avait accusés, mais cette mesure s’avéra infructueuse. Au mois de
février 1996, des poursuites pénales furent engagées contre lui en
raison de sa participation à la manifestation non autorisée qui
s’était déroulée en août 1995. Il fut par la suite disculpé. Le 15 mars
1996 cependant, quatre individus en civil se présentant comme des
policiers se rendirent, vers 0 h 30, au domicile de H.M. L’accusant
d’activités illégales et de recel de malfaiteurs, ils fouillèrent sa maison sans présenter d’autorisation judiciaire. Un procès-verbal de
perquisition fut dressé ce jour-là, dont H.M. ne put cependant obtenir une copie. Estimant avoir fait l’objet d’une mesure dépourvue
de base légale, il porta plainte auprès du procureur et demanda
l’ouverture d’une enquête. Auditionné sur le champ, il relata les
événements litigieux de manière détaillée et cita comme témoins son
épouse et ses deux fils, tous présents sur les lieux lors de la perquisition. Le procureur rendit peu après une ordonnance de non-lieu,
faisant siens, sans plus, les renseignements fournis par les directions
de la sûreté départementale et locale, d’après lesquels aucune perquisition ou fouille n’avait été conduite au domicile de H.M. Cette
décision fut confirmée par le président de la Cour d’assises d’Izmir.
Devant la Cour de Strasbourg, H.M. a fait valoir une atteinte au
droit au respect de son domicile au sens de l’article 8 du fait de la
perquisition, arbitraire selon lui, effectuée par la police. La Cour a
admis le grief tiré de la violation de l’article 8 non pas sur le terrain
matériel, c’est-à-dire en raison de la perquisition elle-même – la réalité de cette mesure n’ayant pu, faute de preuve tangible, être
démontrée –, mais au chapitre du volet procédural que comprend
cette garantie quant à l’obligation pour les autorités de conduire
une enquête en lien avec la plainte formée par l’intéressé devant les
instances locales.
La Cour reconnaît en premier lieu que les Etats contractants peuvent habiliter leurs autorités à recourir à des mesures telles que des
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visites domiciliaires pour établir la preuve de certaines infractions,
à condition cependant que leur législation et leur pratique offrent
des garanties adéquates et suffisantes contre les abus. Cela dit, la
Cour relève que, lorsque le droit national permet de conduire une
perquisition domiciliaire sans mandat judiciaire, elle doit redoubler
de vigilance, étant entendu que la protection contre les atteintes
arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par l’article
8 réclame un «encadrement légal et une limitation des plus stricts
de tels pouvoirs» (§25).
Reprenant sa formule usuelle, la Cour souligne ensuite que, pour
avoir essentiellement pour objet de prémunir l’individu contre les
ingérences arbitraires des pouvoirs publics, l’article 8 peut également impliquer l’adoption de mesures positives visant au respect
des droits protégés par cette disposition. Elle précise avoir déjà
énoncé que, nonobstant la marge d’appréciation reconnue à l’Etat
dans le choix des moyens permettant d’assurer le respect des droits
en cause, l’obligation positive qui lui incombe en vertu de l’article 8
peut s’étendre aux questions concernant l’effectivité d’une enquête
menée au niveau national et, par conséquent, au respect d’obligations de caractère procédural. Cela vaut a fortiori lorsqu’une
enquête, quelle que soit sa nature et sa portée, se présente comme
l’unique moyen de droit permettant de faire la lumière sur les faits
allégués, ainsi que pour maintenir la confiance du public et prévenir
toute apparence de tolérance d’actes abusifs des pouvoirs publics,
au regard de l’article 8, ou de collusion dans leur perpétration (§26).
En l’espèce, il est certes exact qu’aucune preuve tangible susceptible de conduire la Cour à retenir qu’une fouille avait été conduite au domicile du requérant n’avait été rapportée. Toutefois,
compte tenu des antécédents du requérant, qui avait déjà été
poursuivi du fait de ses activités syndicales et avait mis en cause
des membres de la police locale, le procureur aurait dû, d’après la
Cour, s’interroger sur la question de savoir si l’intéressé ne risquait pas d’être la cible d’actes d’intimidation (§§ 27 et 28). Pour
la Cour, il eût suffi, à cet égard, de recueillir les témoignages de
la famille du requérant pour vérifier le caractère défendable des
accusations formulées par ce dernier. Or, aucune vérification
n’ayant été entreprise, le doute soulevé n’avait pas été dissipé. Le
caractère insuffisant de l’enquête a ainsi conduit la Cour à retenir,
à l’unanimité, une violation de l’article 8 sous son volet procédural
(§§ 29 et 30).
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À travers l’extension de la portée du droit au respect du domicile
qu’il opère, l’arrêt H.M. illustre la tendance qu’a manifestée ces
dernières années la jurisprudence de la Cour à doubler le champ
d’application de plusieurs droits matériels de la Convention d’un
faisceau de garanties à vocation procédurale. Cet arrêt permet ainsi
opportunément de faire le point sur ce que l’on peut appeler un phénomène prétorien, déjà bien avancé, de «procéduralisation» des
droits conventionnels (12).
II. – La «procéduralisation»
des droits conventionnels
A. – L’origine du volet procédural de l’article 8
Pour arriver, dans l’arrêt H.M., au constat de violation de
l’article 8 sous l’angle procédural propre à cette garantie, la Cour
se réfère à deux ordres de références. Elle mentionne, en premier
lieu, la jurisprudence qu’elle a développée au sujet de la portée de
l’article 8. L’affaire Camenzind c. Suisse, jugée en 1997, lui a en
particulier permis de rappeler l’importance que revêt le droit au
respect du domicile en vue d’assurer la protection des individus
contre des atteintes arbitraires de la puissance publique dans le
cas de perquisitions effectuées en l’absence de mandat judiciaire (13). Dans cette affaire, alors même que le droit au respect
du domicile du requérant n’avait pas fait l’objet d’une violation,
la Cour a néanmoins condamné la Suisse en raison de l’absence de
droit à un recours effectif permettant à l’intéressé de faire valoir,
par devant les instances nationales, ses griefs au sens de l’article
13, soulignant ainsi la portée autonome qui caractérise cette disposition (14).
Le second ordre de référence de la Cour porte sur les obligations
positives qui, outre la dimension traditionnellement défensive attachée aux droits de l’homme de la première génération, pèsent sur les
(12) Voy. l’étude de M.E. Dubout, «La procéduralisation des obligations relatives
aux droits fondamentaux substantiels par la Cour européenne des droits de
l’homme», dans le présent numéro de cette Revue.
(13) Cour eur. dr. h., Camenzind c. Suisse, 16 décembre 1997, §37; dans l’affaire
Funke c. France du 25 février 1993, la Cour a également retenu une violation de
l’article 8 en raison des pouvoirs fort larges alors reconnus aux autorités douanières
françaises pour procéder à des opérations de contrôle.
(14) G. Malinverni, «Variations sur un thème encore méconnu : l’article 13 de la
Convention européenne des droits de l’homme», Rev. trim. dr. h., 35/1998, p. 647.
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Etats au titre de la protection des droits conventionnels (15). La
Cour s’appuie ici sur la casuistique qu’elle a forgée en lien avec
l’obligation de doter certains droits de la Convention d’un tissu
d’obligations procédurales tendant sinon à prévenir, du moins à
examiner et à réparer, au moyen de mesures d’investigation adéquates, les éventuels manquements en ce domaine. Pour les juges de
Strasbourg, l’obligation de protéger ces droits a pour corollaire celle
de mener une enquête officielle lorsqu’un manquement au volet
matériel du droit vient à être allégué. Largement conçue, cette obligation ne saurait pour le surplus se confiner aux seules atteintes
émanant d’agents de l’Etat. Elle peut également impliquer l’adoption de mesures dont les effets sont susceptibles de se déployer jusque dans la sphère des relations que les individus entretiennent
entre eux (16).
C’est cette jurisprudence qui, initialement développée à propos du
droit à la vie protégé par l’article 2 d’une part (17), de l’interdiction
des peines et traitements visés par l’article 3 d’autre part (18), ainsi
que du droit au respect de l’intégrité physique et de la vie privée
au sens de l’article 8, fait à présent l’objet d’une application spécifique au droit au respect du domicile (19).
Ainsi que l’atteste l’arrêt H.M., l’approche suivie par la Cour
européenne est à la fois audacieuse et remarquable. Elle confère en
(15) Voy. par exemple Cour eur. dr. h., Pini et autres c. Roumanie, 22 juin 2004,
§150 : dans le domaine de la vie familiale, l’article 8 implique le droit d’un parent à
des mesures propres à le réunir avec son enfant et l’obligation pour les autorités
nationales de les prendre.
(16) Cour eur. dr. h., M.C. c. Bulgarie, 4 décembre 2003, §§150 et 151; Assenov et
autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, §102. Il arrive toutefois que la Cour aborde la
problématique du volet procédural de garanties telles que l’article 3 en lien avec
l’article 13, voy. Bati et autres c. Turquie, 3 juin 2004, §§126 et 127.
(17) Cour eur. dr. h., Scavuzzo-Hager c. Suisse, 7 février 2006, §§74-79; 48 Slimani
c. France, 27 juillet 2004, §29; Tahsin Acar c. Turquie, 8 avril 2004, §220; Anguelova
c. Bulgarie, 13 juin 2002; Tanli c. Turquie, 10 avril 2001, §148; Kaya c. Turquie,
19 février 1998, §105; Mc Cann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, §161.
Voy. également P. Boillat, «Les développements récents de la jurisprudence de la
Cour eur. dr. h. et leurs incidences pratiques sur les décisions judiciaires civiles, pénales et administratives», Revue jurassienne de jurisprudence, 2005, p. 60 et les autres
références citées.
(18) Cour eur. dr. h., Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, §102.
(19) Antérieurement à l’arrêt H.M., la Cour n’a en effet «pas exclu» que l’obligation positive qui incombe à l’Etat en vertu de l’article 8 de protéger l’intégrité physique de l’individu puisse s’étendre aux questions concernant l’effectivité d’une
enquête pénale; voy. Cour eur. dr. h., M.C. c. Bulgarie, 4 décembre 2003, §152, ainsi
que l’opinion concordante de Madame Françoise Tulkens (p. 89); Osman c.
Royaume-Uni, 28 octobre 1998, §128.
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effet une portée résolument extensive aux droits matériels de la
Convention par le biais d’une interprétation évolutive. Cette pratique s’apparente à la démarche par laquelle la Cour a conclu que le
fait de prononcer la peine de mort à l’issue d’un procès inéquitable
devant un tribunal dont l’indépendance et l’impartialité sont sujettes à caution s’analyse en un traitement inhumain proscrit par
l’article 3 (20).
B. – La nature et l’étendue
des obligations procédurales
Comme l’a justement relevé François Tulkens, l’article 8 affiche
désormais un double aspect, à la fois matériel et procédural : «Le
volet matériel touche au contenu, à la substance, de la décision querellée par rapport à la norme de contrôle. Quant à la dimension procédurale, elle concerne la qualité du processus de la décision prise.
On s’attache alors davantage à la méthode d’adoption de la décision
qu’à la décision proprement dite» (21).
S’agissant de la nature de l’enquête, la Cour a précisé que celleci doit être apte à permettre, premièrement, de déterminer les circonstances ayant entouré les faits et, deuxièmement, d’identifier et
de sanctionner les responsables. Il s’agit d’une obligation non pas de
résultat, mais bien de moyens. Les autorités doivent en d’autres termes avoir pris toutes les mesures raisonnables dont elles disposent
pour assurer l’obtention des preuves relatives aux faits en question
– par exemple, en recueillant les dépositions des témoins. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite à ce contexte, étant précisé que toute carence de l’enquête affaiblissant sa
capacité à établir les circonstances de l’espèce ou à identifier les responsables risque de faire conclure qu’elle ne présente pas le niveau
d’effectivité requis (22).
Il sied d’ajouter que le volet procédural découlant des droits
matériels de la Convention est doté d’une portée autonome. Une
violation de ce volet peut par conséquent parfaitement être retenue
alors même qu’il n’est pas démontré que le droit matériel a fait,
pour sa part, l’objet d’une violation (23).
(20) Cour eur. dr. h., Öcalan c. Turquie, 12 mai 2005, §§166 et s.
(21) François Tulkens, «Nuisances sonores, droits fondamentaux et constitutionnels belges : développement récents», Rev. trim dr. h., 61/2005, p. 284.
(22) Cour eur. dr. h., Makaratzis c. Grèce, 20 décembre 2004, §74; Tahsin Acar c.
Turquie, 8 avril 2004, §§220-225; Kelly et autres c. Royaume-Uni, 4 mai 2001, §96.
(23) Cour eur. dr. h., Scavuzzo-Hager c. Suisse, 7 février 2006, §§69 et 86.
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C. – Les rapports des obligations procédurales
avec les articles 6 et 13
L’affirmation de l’obligation de mener une enquête officielle au
chapitre de droits tels que les articles 2, 3 ou 8 ne va pas sans poser
certains problèmes d’interprétation et d’articulation en rapport
avec les garanties de procédure qu’énonce la Convention au titre du
droit à un procès équitable et du droit de bénéficier d’un recours
effectif devant une instance nationale. La question est d’autant plus
légitime que la Cour elle-même paraît n’avoir pas toujours marqué
clairement le départ entre les deux types d’obligations.
Dans l’affaire Bati par exemple, la Cour, après avoir constaté une
violation de l’article 3 dans son volet matériel dans le cas de sévices
infligés en garde à vue à des jeunes détenus et à une femme enceinte,
aborde la problématique du volet procédural de cette disposition en
lien avec l’article 13, dont elle admet également une violation (24).
Dans l’affaire Natchova par contre, qui portait sur la mort provoquée
par l’emploi d’armes à feu par la police, elle retient que le constat de
violation de l’article 2 auquel elle parvient sous l’angle des obligations
procédurales rattachées à cette disposition la dispense de se prononcer sur le grief tiré de la violation de l’article 13, en tant qu’aucune
question distincte ne se pose sur ce terrain (25).
Les obligations qu’assument les Etats au titre du volet procédural propre à certains droits matériels de la Convention d’une part
et des articles 6 et 13 de l’autre n’entretiennent pas, à notre sens,
un rapport d’exclusion, mais doivent au contraire être appréhendés
dans une perspective de complémentarité. Pour être étroitement lié
aux garanties matérielles qu’énoncent les articles 2, 3 et 8, le volet
procédural incorporé dans ces dispositions tend en effet à compléter
et renforcer leur effet utile, indépendamment d’un procès équitable
ou d’un recours effectif en droit interne. Les articles 6 et 13 renferment pour leur part des garanties de procédure distinctes, qui tendent à permettre aux autorités nationales de redresser, à leur
(24) Cour eur. dr. h., Bati et autres c. Turquie, 3 juin 2004, §§126 et 127. La Cour
expose que la question de savoir s’il est approprié ou nécessaire, dans une affaire
donnée, de constater une violation procédurale de l’article 3 dépend des
«circonstances particulières de l’espèce» et que, maîtresse de la qualification juridique
des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent
les requérants ou les gouvernements.
(25) Cour eur. dr. h., Natchova et autres c. Bulgarie, 6 juillet 2005, §96; voy. également Cour eur. dr. h., Makaratzis c. Grèce, 20 décembre 2004, §86.
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niveau, les griefs tirés de la violation des droits conventionnels, que
ceux-ci se présentent sous leur volet matériel ou procédural.
De fait, le droit de bénéficier d’un recours effectif devant les instances nationales pour faire valoir une violation des droits garantis
par la Convention se trouve ainsi complété par l’obligation, rattachée
au droit invoqué lui-même, de bénéficier d’une enquête afin de s’assurer que celui-ci n’a pas fait l’objet d’une violation. Considéré à l’aune
de l’article 13, l’avantage du volet procédural intégré à certaines
garanties matérielles de la Convention permet ainsi d’invoquer ces
dernières même si leur volet matériel n’entre pas en ligne de compte,
dès lors qu’il suffit que le moyen présente un caractère défendable.
De fait, l’arrêt H.M. permet à la Cour de conclure à la violation
de l’article 8 sous l’angle du volet procédural de la disposition, alors
que la preuve de la perquisition litigieuse n’était pas rapportée et
que, partant, son volet matériel ne pouvait pas entrer en considération ni, par voie de conséquence, un éventuel recours à
l’article 13. Il n’y a ainsi pas de conflit entre le volet procédural
attaché aux article 2, 3 ou 8 et la garantie des articles 6 et 13, qui
offrent, pour ainsi dire, une protection supplémentaire à cette
facette à travers l’obligation faite aux Etats contractants de mettre
en place un système de contrôle.
Il est ainsi parfaitement possible pour un justiciable de se plaindre, devant une instance nationale au sens des articles 6 ou 13,
d’une violation du volet procédural propre aux articles 2, 3 ou 8.
Compte tenu de l’autonomie qui caractérise le droit à un recours
effectif au sens de l’article 13, un manquement au volet procédural
ou même matériel de ces garanties présente un caractère étranger à
une éventuelle violation de cette garantie. Ce n’est, dès lors, que par
économie de procédure qu’il peut être renoncé à l’examen de ce
grief, dont l’examen peut toutefois entrer en considération de
manière additionnelle au constat de violation du volet procédural
d’un droit matériel de la Convention, ainsi que la Cour l’a admis
dans l’affaire Öneryildiz (26).
(26) Cour eur. dr. h., Öneryildiz c. Turquie, 30 novembre 2004, §149 : «La Cour a
déclaré que pour les accidents mortels provoqués par des activités dangereuses relevant de la responsabilité de l’Etat, l’article 2 requiert que les autorités mènent de
leur propre initiative sur la cause du décès une enquête répondant à certaines conditions minimales. Elle observe en outre qu’à défaut d’une telle enquête, la personne
concernée peut se trouver dans l’impossibilité d’exercer un recours qui s’offre à elle
pour obtenir réparation, car les agents ou les autorités de l’Etat sont souvent les
seuls à disposer des informations nécessaires pour élucider les faits. Eu égard à ce
→
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Au reste, le constat d’une violation des droits matériels protégés
par les articles 2, 3 et 8 ne fait nullement obstacle au constat complémentaire d’une violation du volet procédural de ces dispositions,
ainsi que la Cour l’a par exemple admis dans les arrêts Natchova (27)
et Makaratzis (28).
Au-delà de l’importance inhérente au volet procédural des droits
matériels, la Cour ne manque pas de souligner l’intérêt général propre
au droit ainsi mis en place : prévenir toute apparence de tolérance
d’actes abusifs des pouvoirs publics ou de collusion dans leur perpétration. Outre la vocation procédurale propre aux droits matériels qui
est ainsi clairement affichée, c’est, dans une perspective sensiblement
plus large, la prévention générale de la violation des droits de l’homme
qui est proclamée. Nul doute que cette approche fort libérale, mais
pleinement justifiée, des droits de l’homme ne manquera pas d’exercer
une influence bienvenue sur la pratique des instances nationales ellesmêmes, dont il sied de rappeler que, conformément à la subsidiarité
propre au système conventionnel, elles se trouvent en première ligne
pour assurer, à leur niveau, le respect des droits conventionnels.
Le Tribunal fédéral suisse a par exemple déjà pleinement assimilé
cette vision. Fidèles à leur approche d’intégration ouverte de la
Convention consistant à s’inspirer directement de la jurisprudence
de la Cour (29), les juges fédéraux ont précisé que la personne qui
prétend de manière défendable avoir été traitée d’une façon dégradante par un fonctionnaire de police a le droit de bénéficier d’une
enquête officielle, effective et approfondie. Comme ce droit n’avait
pas été respecté dans le cas d’un justiciable brutalisé par la police
du canton de Saint-Gall à la sortie d’un restaurant, le Tribunal
fédéral a admis, dans un intéressant arrêt du 6 octobre 2005 (30), le
←
qui précède, il incombe en l’espèce à la Cour sur le terrain de l’article 13 de rechercher si le requérant s’est vu entraver dans l’exercice d’un recours effectif de par la
façon dont les autorités se sont acquittées de l’obligation procédurale que l’article 2
fait peser sur elles». Voy. également C. Laurent, «Un droit à la vie en matière environnementale reconnu et conforté par une interprétation évolutive du droit des biens
pour les habitants de bidonvilles», Rev. trim. dr. h., 53/2003, p. 279.
(27) Cour eur. dr. h., Natchova et autres c. Bulgarie, 6 juillet 2005, §§109 et 123.
(28) Cour eur. dr. h., Makaratzis c. Grèce, 20 décembre 2004, §§72 et 78.
(29) Arrêt du Tribunal fédéral suisse (A.T.F.) 130 II 113, 125 Office fédéral de
l’immigration, de l’intégration et de l’émigration. Les arrêts du Tribunal fédéral suisse
peuvent être consultés sur le site Internet www.bger.ch.
(30) A.T.F. 131 I 455 X. Voy. également A. Haefliger/F. Schürmann, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, 2ème éd., Stämpfli, Berne 1999,
pp. 58 et 70.
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recours dirigé contre l’absence d’enquête effective au sens de l’article 3 tel qu’interprété par la Cour (31).
III. – La matérialisation des garanties
de procédure
La jurisprudence européenne a développé, parallèlement au processus conduisant à déduire des garanties de procédure des droits
matériels énoncés par la Convention, une autre approche, complémentaire et donc nullement antagoniste, consistant à intégrer des
droits matériels dans certaines garanties de procédure. On pense ici,
naturellement, à la clause, résolument ouverte, du procès équitable
au sens de l’article 6, paragraphe 1er.
De longue date, la notion de contestation sur des droits et obligations de caractère civil, qui forme l’ossature de cette disposition,
a en effet été interprétée de manière extensive, au point d’inclure
dans son champ opératoire des droits matériels qui ne sont pas compris dans la Convention. On peut mentionner, à titre d’exemple,
l’extension du champ de la notion de droits et obligations de caractère civil au domaine des assurances sociales (32), alors même que
cette discipline est, traditionnellement, réputée échapper au
domaine d’application des droits de l’homme de la première génération (33). En Suisse, la réception de cette jurisprudence a déployé
des effets considérables sur la réorganisation du contentieux des
assurances sociales à travers l’application soutenue des exigences
relatives à la présence d’un tribunal indépendant et impartial ou au
principe de la publicité, sur le plan aussi bien cantonal que fédéral,
(31) Le Tribunal fédéral s’exprime comme suit au sujet des rapports entre les volet
matériel et procédural de l’article 3 : «Die Untersuchung muss zur Ermittlung und
Bestrafung der Verantwortlichen führen können. Verhielte es sich anders, wäre das
Verbot der Folter und der unmenschlichen oder erniedrigenden Bestrafung oder
Behandlung – trotz seiner grundlegenden Bedeutung – in der Praxis wirkungslos»
(A.T.F. 131 I 455, 462 consid. 1.2.5).
(32) Cour eur. dr. h., Schouten et Meldrum c. Pays-Bas, 9 décembre 1994, §49;
Feldbrugge c. Pays-Bas et Deumeland c. Allemagne, 29 mai 1986, §25, respectivement
§59. Voy. A. Simon, «Les prestations sociales non contributives dans la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme. À propos de l’arrêt Stec et autres c. le
Royaume-Uni (6 juillet 2005)», Rev. trim. dr. h., 67/2006, p. 648.
(33) F. Sudre, «La protection des droits sociaux par la Cour européenne des droits
de l’homme : un exercice de ‘jurisprudence fiction’»?, Rev. trim. dr. h., 55/2003,
p. 755.
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Rev. trim. dr. h. (70/2007)
aux litiges touchant au régime des cotisations comme des prestations (34).
Plus largement, le Tribunal fédéral suisse a aussi jugé que, dans
le domaine des allocations familiales, le droit de changer de caisse
d’assurance était justiciable de l’article 6, paragraphe 1er en raison
des incidences qu’il implique, du point de vue patrimonial, sur les
cotisations ou les prestations ressortissant à la politique sociale (35).
D’autres exemples comparables peuvent être évoqués, en lien avec
des domaines aussi variés que l’aménagement du territoire, le droit
de la construction et de l’expropriation, l’accès à des professions
contrôlées par l’Etat telles que l’activité de médecin ou d’avocat,
pour autant que les actes administratifs adoptés par une autorité
dans l’exercice de la puissance publique produisent un effet déterminant sur des droits ou des obligations de caractère civil au sens
conventionnel (36).
La Cour a également intégré au champ opératoire de l’article 6,
paragraphe 1er de la Convention certaines garanties qui, pour être
certes proches des libertés individuelles de la première génération
des droits de l’homme, échappent néanmoins à sa sanction, faute
d’être protégées comme telles par la Convention. Dans l’affaire
Kraska c. Suisse, elle a par exemple rangé sous la bannière des
droits de caractère civil la liberté économique protégée par la Constitution fédérale à propos d’une demande d’autorisation de pratiquer la médecine, avant d’examiner si le rejet du recours qui avait
été exercé par le requérant devant le Tribunal fédéral satisfaisait
aux exigences du procès équitable (37).
(34) Voy. par exemple A.T.F. 131 V 66, 70 M.; 129 V 196, 198 Y.; 127 V 491, 493
H.; 125 V 499, 501 B.; 122 V 47 F.; 121 I 311 L.; 121 V 109 F.; 119 V 375 K.;
voy. M. Hottelier, «La portée du principe de la publicité des débats dans le contentieux des assurances sociales», La Semaine judiciaire 1996, p. 645 et les références
citées.
(35) Arrêt 2P.103/2001, X. c. Service cantonal des allocations familiales du canton
du Valais, 6 novembre 2001.
(36) A.T.F 130 I 312, 324 A. S.A.; sur l’ensemble, voy. A. Auer/G. Malinverni/
M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 2ème éd.,
Stämpfli, Berne, 2006, p. 648 et les autres références citées.
(37) Cour eur. dr. h., Kraska c. Suisse, 19 avril 1993, p. 48, §24; en l’espèce, la
Cour a considéré que le défaut de lecture approfondie, par un membre du Tribunal
fédéral, de l’ensemble du dossier n’avait pas contrevenu à la garantie du procès équitable. Voy., à ce sujet, l’opinion concordante du juge Matscher, qui considère
qu’une procédure concernant l’exercice de la médecine n’a pas pour objet un droit
de caractère civil sur le terrain conventionnel (p. 53). Le juge De Meyer a défendu,
pour sa part, un avis opposé (p. 54), en ajoutant qu’il y a lieu de considérer comme
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Dans une perspective plus large, il n’est pas exclu que la garantie
du procès équitable puisse étendre son empire à un domaine tel que
la protection de l’environnement, pour autant que soit démontré le
lien entre des mesures ou des omissions d’autorités nationales et
d’éventuels préjudices affectant des particuliers. Pour avoir, dans
un premier temps, imprimé un brusque – et, au reste, difficilement
compréhensible – coup d’arrêt à sa pratique extensive de la garantie
du procès équitable dans le cas d’autorisations d’exploitation des
centrales nucléaires situées dans deux cantons suisses (38), la Cour
paraît avoir plus récemment annoncé quelques signes susceptibles
de marquer un infléchissement dans le domaine du droit de l’environnement.
Une affaire espagnole lui a ainsi permis d’admettre l’application
de l’article 6, paragraphe 1er dans le cas d’un contentieux relatif à
la construction d’un barrage affectant des personnes habitant des
villages voisins, dans la province de Navarre. La Cour a considéré
que les répercussions liées à la construction du barrage sur le mode
de vie et la propriété des requérants revêtaient incontestablement
une dimension d’ordre patrimonial et civil au sens de la garantie du
droit à un procès équitable (39). Dans cette affaire, la matérialisation d’une garantie procédurale est corroborée par le fait que la
Cour, après avoir admis l’absence de violation de l’article 6, paragraphe 1er, a renoncé à examiner le litige sous l’angle des articles 8
et 1 du Protocole n° 1 (40).
Une autre affaire l’a conduite au constat de violation des
articles 8 et 6, paragrapahe 1er à propos de l’exploitation d’une mine
d’or par lessivage au cyanure de sodium, qui était située à proximité du lieu de vie des requérants (41). Ici, la Cour a jugé que l’artirevêtant ce caractère tous les droits et obligations qui ne se rapportent pas plus particulièrement à la détermination du bien-fondé d’une accusation en matière pénale
au sens de l’article 6, paragraphe 1.
(38) Cour eur. dr. h., Athanassoglou et autres c. Suisse, 6 avril 2000; Balmer-Schfroth et autres c. Suisse, 26 août 1997. Voy. M. Hottelier/H. Mock/M. Puéchavy,
La Suisse devant la Cour européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 2005,
p. 105.
(39) Cour eur. dr. h., Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, 27 avril 2004, §§44 à
48.
(40) Ibidem, §75.
(41) Cour eur. dr. h., Taskin et autres c. Turquie, 10 novembre 2004, §137. Sur
l’ensemble, voy. M. De Salvia, «Principes généraux du droit de l’homme à un environnement sain, selon la Convention européenne des droits de l’homme», Ann. int.
dr. h., Vol. I/2006, p. 67; M. Merino, «Protection de l’individu contre les nuisances
environnementales… de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
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Rev. trim. dr. h. (70/2007)
cle 8 s’applique aux atteintes graves à l’environnement pouvant
affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de
son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans
pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressé. L’application de l’article 6, paragraphe 1er résultait en l’espèce de la reconnaissance du droit à vivre dans un environnement sain d’une part
et du droit à la protection de l’intégrité des requérants d’autre part.
Enfin – mais c’est là d’un processus normatif, et non prétorien,
qu’il s’agit –, l’entrée en vigueur, le 1er avril 2005, du Protocole
n° 12 va sans conteste contribuer à élargir encore le champ d’examen de la Cour, à travers l’extension du principe de non discrimination face au droit interne dans son ensemble, et non plus face au
seul droit conventionnel au sens de l’article 14 (42). Via l’article 1er
de cet instrument, des pans entiers du droit national, qu’il s’agisse
de droits matériels ou de garanties de procédure, sont ainsi destinés
à entrer dans le giron du droit conventionnel et, corrélativement, du
contrôle qu’exerce la Cour (43).
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l’homme au système juridictionnel national de protection», Rev. trim. dr. h., 65/
2006, p. 55.
(42) F. Sudre (note 33), p. 768.
(43) Voy. M. Hottelier, «De l’absence d’autonomie à l’indépendance : histoire et
évolution de l’article 14 CEDH», in Mélanges en l’honneur du Professeur
C.-A. Morand, Helbing & Lichtenhahn, Bâle, 2001, p. 260.