Le couple franco-allemand : mythe ou réalité ?

Colloque
Le couple franco-allemand : mythe ou réalité ?
Le cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée a été, vendredi
dernier, l'occasion de rappeler l'histoire relationnelle entre les
deux pays lors d'une conférence donnée à la faculté de lettres
d'Aix-en-Provence.
Dans l'imposante salle des professeurs de la faculté de lettres d'Aix-en-Provence, seule une
trentaine de personnes sont venues assister à la conférence sur le cinquantenaire du traité de
l'Élysée. Peut être que la température extérieure en a refroidie plus d'un ou peut-être tout
simplement que peu de gens connaissent l'existence de ce texte. Conclu par la France et
l'Allemagne en 1963, cet accord, signé par le général De Gaulle et le chancelier Adenauer,
marque le début de la réconciliation franco-allemande. A l'époque, cette cérémonie clôture une
année de rapprochement entre les deux pays qui s'est traduite par la célébration d'une messe pour
la paix à la cathédrale de Reims et un discours prononcé à la jeunesse allemande par le général
De Gaulle. A l'origine de ce traité, l'idée du « plus jamais ça » en référence aux deux guerres qui
ont ébranlées l'Europe au début du XXe siècle. Dès 1950, Jean Monnet et Robert Schuman
mettent en place la mise en commun du charbon et de l'acier (naissance de la CECA) pour rendre
la guerre entre la France et l'Allemagne impossible matériellement. En 1957 la volonté
d'approfondir la coopération économique mais aussi politique et sociale en Europe ne concerne
plus seulement la France et l'Allemagne, mais six pays réunis dans une communauté économique
européenne (CEE). La CEE deviendra en 1993 la Communauté Européenne qui ne cessera
d'accueillir de nouveaux pays participants. Le traité de l'Élysée a aussi été une des fondations de
l'édifice européen.
Noces d'or ou crise de la cinquantaine ?
L'amitié franco-allemande se tisse au fil des années et est marquée par quelques images fortes :
Helmut Kohl et François Mitterrand main dans la main à Verdun en 1984 est sûrement celle la
plus symbolique. Cette amitié s'est traduite en 50 ans par de multiples accords de coopération.
Coopération au niveau économique, avec la création du groupe industriel EADS. Ce groupe, régi
par une co-présidence franco-allemande, est numéro un dans plusieurs secteurs de l'aéronautique
et du spatial. Coopération au niveau culturel, avec pour exemple la chaîne de télévision arte ou
encore les échanges linguistiques (huit millions depuis 1963). D'après un sondage IFOP rendu
public cette année, la relation franco-allemande est une relation de confiance : 85% des français
ont une bonne image de l'Allemagne et 87% des allemands ont une vision positive de la France.
Malgré ces exemples forts de coopérations, Joachim Rothacker, directeur du centre francoallemand de Marseille, ne veut pas donner une vision idyllique de la relation franco-allemande.
Johannes Großmann, professeur à l'université de Tübingen, ne le contredira pas. « Le traité de
l'Élysée est un mythe politique contemporain » souligne-t-il. Les premiers signes de fatigue se
font ressentir très tôt. Dès 1962, le général de Gaulle est perçu en Allemagne comme obsédé par
la construction européenne et craignait une intégration trop poussée. Les deux pays n'ont déjà pas
la même vision. Alors qu'en Allemagne on veut l'Etat fédéral européen, en France on clame
« vive la France, vive l'Europe ». Avec la mondialisation les étudiants rêvent d'autres continents
et les échangent linguistiques entre les deux pays régressent. Aussi, en France, le taux d'élèves
apprenant l'allemand à l'école est passé de 51% en 1953 à 15% aujourd'hui. La relation politique
entre les deux pays est médiocre car la France a été déclassée alors que l'Allemagne développe un
modèle économique vertueux mais qui n'assurera pas la stabilité du continent à long terme. A
l'occasion de la cérémonie du cinquantenaire du traité de l'Élysée, le chef de l'Etat français et la
chancelière allemande se sont montrés solidaires, unis même si le couple franco-allemand
traverse actuellement une crise en raison de l'intervention militaire française au Mali soutenue a
minima et tardivement par l'Allemagne. Une évolution de la relation franco-allemande (positive
ou négative ?) pourrait être envisagée à l'issue des élections législatives allemandes qui auront
lieu en septembre prochain.
Marine ILARIO