traduction de l`allemand vers l`arabe
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Traduire en Méditerranée TRADUCTION DE L’ALLEMAND VERS L’ARABE Dans le cadre de l’état des lieux de la traduction en Méditerranée, coproduit par la Fondation Anna Lindh et Transeuropéennes en 2010 Collecte des données, analyse et rédaction Mona Naggar © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 Préambule La présente étude est réalisée par Transeuropéennes en partenariat avec la Fondation Anna Lindh (Traduire en Méditerranée). Elle est une composante du premier état des lieux de la traduction en Méditerranée que conduisent à partir de 2010 Transeuropéennes et la Fondation Anna Lindh (programme euro-méditerranéen pour la traduction), en partenariat avec plus d’une quinzaine d’organisations de toute l’Union pour la Méditerranée. Partageant une même vision ample de la traduction, du rôle central qu’elle doit jouer dans les relations euro-méditerranéennes, dans l’enrichissement des langues, dans le développement des sociétés, dans la production et la circulation des savoirs et des imaginaires, les partenaires réunis dans ce projet prendront appui sur cet état des lieux pour proposer et construire des actions de long terme. Introduction Il est difficile, dans le monde arabe, d’obtenir des données chiffrées et cela est valable pour différents secteurs, y compris celui de l’industrie. Les différents syndicats d’éditeurs dans tous les Etats arabes ainsi que le syndicat des éditeurs arabes n’attachent pas d’importance à cette question, et l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO) ne fournit pas de données complètes. Il Les bibliothèques numériques arabes ne sont pas encore, par ailleurs, suffisamment nombreuses. C’est pour ces raisons que j’ai eu recours, pour la présente étude, aux données fournies par la bibliothèque de l’institut allemand pour les études orientales – Orient Institut – (Beyrouth), la bibliothèque du Goethe Institut (Beyrouth), aux informations fournies par la foire du livre de Francfort (Frankfurter Buchmesse), ainsi que celles récoltées sur la toile et grâce à des entretiens avec des représentants de maisons d’éditions arabes et certains traducteurs. Il n’existe pas de bibliographie complète des ouvrages allemands traduits vers l’arabe. L’ancien directeur du Goethe Institut à Amman, Wolfgang Ule, a publié en 1998 une nouvelle version de la bibliographie des « Auteurs allemands en arabe »1. Ce document très important recense les traductions arabes depuis leurs débuts et jusqu’au milieu des années 1990 mais il n’y en a pas eu d’autre depuis. Aperçu historique L’intérêt arabe pour la production intellectuelle allemand a tardé à se manifester, en comparaison aux productions intellectuelles française et anglaise. Cela s’explique par l’histoire des relations arabo-allemandes et les évolutions politiques du monde arabe au cours des deux derniers siècles. Les interventions colonialistes française et anglaise ont modifié la région et il en a résulté des échanges culturels productifs. Selon l’universitaire syrien Abdo Abboud, spécialiste de la littérature allemande, la traduction de L’amour allemand de Friedrich Max Müller vers l’arabe en 1913 par May Ziada est « le premier cas notable de réception de la littérature allemand dans le monde arabe ».2 Il ajoute que Müller n’est pas un auteur majeur mais qu’il était, à l’époque, l’un des représentants du courant romantique allemand, qui avait trouvé un écho favorable dans le monde arabe. Le parcours du célèbre écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe a également débuté à cette période : Les souffrances du jeuner Werther a été traduit à plusieurs reprises ; la 1 2 Deutsche Autoren in arabischer Sprache, Wolfgang Ule (Hrsg.) 27 الرواية األلماوية الحديثة ص:عبدي عبود © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 première traduction date de 1919.3 Jusqu’en 1998, nous comptons 80 traductions de ce même ouvrage.4 D’autres œuvres majeures de cet auteur ont été traduites, telles la pièce de théâtre Faust ou le Divan oriental occidental (West-östlicher Diwan). Le cas de Goethe nous permet de souligner une situation récurrente : la multiplication des traductions d’une même œuvre, faites par des traducteurs différents. En outre, en ce qui concerne l’allemand, la traduction se fait par le biais d’une langue tierce : l’anglais ou le français. Ce phénomène est encore de mise aujourd’hui. Peu d’ouvrages allemands traduits vers l’arabe ont connu le succès de Goethe. Parmi eux, Bertold Brecht5, dont plus de 40 ouvrages ont été traduits (pièces de théâtre et recueils de poésie), Franz Kafka6 (plus de 20 ouvrages traduits) et Herman Hesse7 (plus de 20 ouvrages également). On ignore pourquoi certains traducteurs mettent l’accent sur un écrivain en particulier8 et en ignorent d’autres, tout aussi importants – parfois même davantage. Nous pouvons considérer que les traductions arabes des œuvres philosophiques allemandes ont longtemps été marginalisées. Les premières traductions d’Emmanuel Kant ont été publiées à partir des années 1960 et cela est également valable pour Ludwig Wittgenstein ou encore Arthur Schopenhauer. La plupart des œuvres philosophiques allemandes traduites au cours du siècle dernier l’ont été par l’intermédiaire de langues tierces, comme Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprach Zarathustra) de Friedrich Nietzche, paru pour la première fois – dans une traduction de mauvaise qualité – en 19349. Cette traduction avait été réalisée à partir du français ; 70 ans plus tard, une nouvelle traduction de cet ouvrage a été réalisée, toujours à partir du français. L’union soviétique Des années 1950 à la fin des années 1980, pendant la guerre froide, le soutien à la traduction était l’un des instruments du combat idéologique entre les deux camps : des traductions « idéologiquement orientées » de travaux philosophiques ou littéraires ont vu le jour mais, là encore, elles étaient effectuées à partir d’une langue intermédiaire (il s’agissait généralement du français ou de l’anglais). Nous pouvons citer, à titre d’exemple, les traductions arabes de Karl Marx ou de Friedrich Engels, publiées à Moscou et à Damas. La bibliothèque arabe s’est retrouvée enrichie des principaux travaux de ces intellectuels. Le secteur public arabe Les différents ministères de la culture et de la communication de nombreux Etats arabes ont joué un rôle important dans la publication de traductions d’œuvres littéraires ou philosophiques importantes à partir de plusieurs langues étrangères, dont l’allemand. Nous pouvons citer, à ce titre, les publications des maisons d’édition égyptiennes, qui bénéficiaient du soutien total du Ministère de la culture égyptien et qui ont publié des centaines d’œuvres étrangères, dont certaines ont été traduites directement de l’allemand, comme Bertold Wolfgang Ule Hrsg.: Deutsche Autoren in arabischer Sprache p.42. Idem, p. 42-44. 5 Idem, p. 11-16. 6 Idem, p. 68-71. 7 Idem, p. 60-62. 8 Leila Naim: Heinrich Manns „Untertan“ im Orient , p. 46. 9 Idem. 3 4 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 Brecht, Franz Kafka, Goethe, Herman Hesse, Heinrich Böll, Peter Weiß, Heinrich von Kleist, Lessing, Immanuel Kant, Erich Maria Remarque et Friedrich Schiller. De même, le Ministère de la culture irakien a publié des anthologies et romans d’Anna Seghers, d’Heinrich Böll et de Günter Grass (tout ce qui a été traduit de cet auteur l’a été à partir de l’anglais). Le Ministère de la culture syrien a quant à lui publié Bertold Brecht, Heinrich Böll et beaucoup d’autres, généralement traduits directement à partir de l’allemand. Enfin, le Ministère de la communication et le Conseil National de la Culture, des Arts et des Lettres koweitiens ont également publié des traductions d’auteurs allemands, notamment à travers la collection « Le théâtre mondial », publiée en Egypte à la Maison d’édition nationale pour l’impression et la publication et qui avait souvent recours à des traducteurs syriens et égyptiens. Cette activité s’est considérablement ralentie à partir des années 1980 et au début des années 1990. Evolutions récentes Comme mentionné en introduction de cette étude, il est très difficile de collecter des données chiffrées sur le secteur de l’édition dans le monde arabe10 et les rapports sur le marché du livre arabe ne fournissent que des chiffres approximatifs. Le rapport de l’organisation des Nations-Unies pour le développement (UNDP) portant sur l’état des savoirs arabes au début du XXIe siècle et publié en 2003 souligne la faiblesse des mouvements de traductions vers l’arabe.11 Cette situation n’a pas beaucoup évolué depuis la publication du rapport mais nous pouvons constater une augmentation constante, au cours de la dernière décennie12, des traductions d’ouvrages de sciences humaines et sociales. La langue allemande n’en demeure pas moins marginale et occupe la 4e place dans le classement des langues les plus traduites vers l’arabe après l’anglais, le français et le persan.13 L’étude sur l’état de la traduction arabe des ouvrages de sciences humaines et sociales14 recense 112 titres de sciences humaines traduits de l’allemand entre 2000 et 2009. Le Goethe Institut a soutenu, de 1995 à 2011, la traduction de l’allemand vers l’arabe de 89 titres.15 42 d’entre eux sont des ouvrages de littérature, 10 sont de la littérature de jeunesse et 44 de sciences humaines et sociales. L’institution Pro Helvetia a quant à elle soutenu la traduction de l’allemand vers l’arabe de 21 ouvrages entre 1997 et 201016, majoritairement de la littérature. Buchmarkt Ägypten, Frankfurter Buchmesse 2010, p. 2. Arab Human Development Report, 2003 http://hdr.undp.org/en/reports/ 12 A Study of the Current State of the Arabic Translation in the Field of Human and Social Sciences, Transeuropéennes 2010, Hasnaa Dessa and Mohamed-Sghir Janjar, Transeuropéennes 2010: http://www.transeuropeennes.eu/ressources/pdfs/TEM2010_SHS_monde_arabe_Hasnaa_DESSA_Mohamed_Sghir_JANJAR _38.pdf 13 Idem, p. 12-13. 14 Hasnaa Dessa et Mohamed-Sghir Janjar, « Etat de la traduction arabe des ouvrages de sciences humaines et sociales (2000-2009) », http://www.transeuropeennes.eu/fr/articles/273/Etude_de_Hasnaa_DESSA_et_de_Mohamed_Sghir_JANJAR_sur_la_traduc tion_arabe_des_sciences_humaines_et_sociales 15 GI_Copy of Sprache arabisch. Cette liste a été remise à l’auteur de l’étude par Andreas Schmohl du Goethte Institut. 16 Pro Helvetia, Service des livres. Cette liste a été remise à l’auteur par Susanne Graf. 10 11 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 70 60 50 40 Evolution du nombre de traductions de l'allemand 30 20 10 0 2000 2002 2004 2006 2008 2010 Evolution du nombre de traductions de l’allemand (2000-2010). Ces chiffres sont basés sur une bibliographie non exhaustive 25 20 Littérature de jeunesse Sciences humaines et sociales Littérature (romans, poésie, théâtre) 15 10 5 0 2007 2008 2009 2010 Répartition des traductions parues de l’allemand, entre 2007 et 2008 (Total des publications en 2007 : 21 ; 2008 : 28 ; 2009 : 61 ; 2010 : 45) Ces chiffres sont basés sur une bibliographie non exhaustive Répartition en pourcentages des traductions de l’allemand (2007-2010) © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 Ces chiffres sont basés sur une bibliographie non exhaustive Diffusion régionale Le Liban joue un rôle essentiel tant dans le marché du livre arabe que dans les mouvements de traduction. Les éditeurs libanais sont à l’avant-garde des maisons d’édition actives dans le domaine de la publication d’œuvres traduites : nous pouvons citer, à ce titre, l’Organisation arabe de la traduction, les éditions al-Kamel, l’Institut culturel arabe ou encore Dâr alNahar.17 Cependant, celles qui sont actives dans la traduction de l’allemand vers l’arabe sont peu nombreuses : seulement 3,6% sont concernées et les ouvrages traduits de l’allemand ne représente que 20% du total des traductions.18 La référence mentionnée ci-dessous n’indique pas la période sur laquelle ce calcul est fait. Une autre étude19 ne donne pas de chiffres mais indique que la traduction à partir de l’allemand ne constitue qu’une faible proportion des publications des maisons d’édition libanaises. Le cas de l’Egypte Après le recul du soutien gouvernemental apporté à la publication et à la traduction en Egypte, un certain nombre de maisons d’édition privées ont émergé, comme Dâr Merit ou Dâr Sharkiyyât qui a publié des traductions littéraires d’ouvrages d’Elfriede Jelinek et de Christa Wolf. Le cas des Emirats Arabes Unis Au début des années 1990, la Fondation culturelle d’Abu-Dhabi a pris l’initiative de soutenir la traduction d’ouvrages vers l’arabe mais cette activité est restée limitée. A des intervalles proches, deux organisations différentes ont poursuivi la voie tracée par la Fondation culturelle avant eux : la Fondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum à Dubaï et le projet « Kalima », né sur les ruines du projet de la Fondation culturelle. Ces organisations ont modifié de façon radicale le secteur de l’édition dans ces petits Etats arabes, et ont influé sur l’ensemble du secteur de l’édition dans le monde arabe. La plupart des publications arabes de traductions effectuées à partir de l’allemand aux Emirats Arabes Unis sont le fait de « Kalima » et de la Fondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, en partenariat avec des maisons d’éditions arabes situées en Syrie, en Egypte, au Liban et au Maroc.20 Les sciences humaines et sociales Si nous jetons un coup d’œil sur les publications soutenues par le Goethe Institut, nous notons que les ouvrages de sciences humaines et sociales sont en augmentation depuis les six dernières années, en comparaison à la période 1995-2004 (les chiffres passent de 17 à 28). Bien que les données en notre possession ne soient pas suffisantes, nous pouvons dire que les ouvrages de sciences humaines et sociales traduits de l’allemand ont désormais un poids plus important sur le marché du livre arabe et sont plus disponibles qu’avant.21 C’est ce que soulignent également les représentants de certaines maisons d’édition ayant publié des traductions arabes d’œuvres orientalistes anciennes et récentes et d’ouvrages A Study of the current State of Arabic Translation page 10 / 11 Hasnaa Dessa and Mohamed-Sghir Janjar, Transeuropéennes 2010, http://www.transeuropeennes.eu/ressources/pdfs/TEM2010_SHS_monde_arabe_Hasnaa_DESSA_Mohamed_Sghir_JANJAR _38.pdf 18 143 الوالع و السياسة ص، الكتاب و الىشر في لبىان:مجموعة مؤلفيه 19 The Book Industry in Lebanon, Adnan Hammoud, 2006, Page 55. 20 Voir paragraphe « Organisations ». 21 Voir bibliographie. 17 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 philosophiques. A titre d’exemple, nous pouvons citer, pour la philosophie, les ouvrages de Friedrich Nietzche, Edmond Husserl, Jürgen Habermas, Ulrich Beck, Niklas Luhmann et, pour l’orientalisme récent, Josef van Ess, Heinz Halm, Annemarie Schimmel. L’orientalisme ancien a été redécouvert par certaines maisons d’édition privées, comme les ouvrages de Max von Oppenheim (dont l’œuvre est à présent largement diffusée dans le monde arabe), Ignaz Goldziher, Theodor Nöldeke, le Suisse Johann Ludwig Burckhardt, Heinrich Freiherr von Malzahn et Alois Musil. La littérature Certains ouvrages littéraires traduits de l’allemand, classiques ou plus récents, ont un succès régulier : Le parfum, de Patrick Süskind, ou l’œuvre de Herman Hesse. Mais, de façon générale, la littérature allemande traduite vers l’arabe est souvent invendue, en particulier lorsqu’il s’agit de littérature contemporaine – romans ou poésie : c’est ce qui explique pourquoi les maisons d’édition arabes sont peu enclines à publier ce type d’ouvrages. Il serait intéressant de tenter de trouver une explication à ce phénomène. Selon certain, il est dû au niveau linguistique des traducteurs, qui n’encourage pas le lecteur arabe à s’intéresser à ces traductions. D’autres invoquent les sujets abordés par la littérature allemande, qui accorde une place importante à l’histoire contemporaine allemande, qui n’intéresse pas véritablement le lecteur arabe. Le théâtre Bertold Brecht est l’un des dramaturges allemands les plus connus dans le monde arabe. Ses ouvrages ont commencé à être traduits vers l’arabe au début des années 1960. Le Ministère de la communication koweitien a poursuivi la publication de la collection égyptienne « Le théâtre mondial », dans laquelle des travaux de Goethe, de Peter Weiß, ou encore de Günter Grass ont été publiés. L’émirat de Sharjah, aux Emirats Arabes Unis, a créé une collection de théâtre mondial dans laquelle beaucoup des traductions de la collection égyptienne « Le théâtre mondial » ont été reprises. Il n’en reste pas moins que l’intérêt pour la traduction de pièces de théâtre est en recul depuis plusieurs années, et cela se ressent aussi pour la traduction de pièces de théâtre allemandes. La littérature de jeunesse La littérature de jeunesse en langue arabe a connu au cours des dernières années un développement significatif. Des maisons d’édition spécialisées ont vu le jour, comme la maison d’édition Assala ou Dâr Onboz au Liban. La traduction de l’allemand dans ce domaine a aussi particulièrement augmenté. Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, de nombreux écrits allemands pour enfants sont accessibles aux enfants arabes, comme ceux du célèbre Michael Ende, devenus désormais des classiques de la littérature de jeunesse allemande, ceux d’Otfried Preussler ou encore la célèbre collection Pixi, que la maison d’édition syrienne Dâr Rabih traduit et publie et qui est également vendue en Allemagne à des prix très peu élevés. Quant aux livres à destination des enfants âgés de plus de 10 ans, les traductions de l’allemand sont très rares (comme celles des ouvrages de Michael Ende et de Rafiq Chami) et soulignent un manque flagrant de littérature en langue arabe à destination des préadolescents et adolescents. Les droits d’auteur © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 Le non respect des droits d’auteur par les maisons d’édition arabes est l’un des problèmes les plus graves du secteur de l’édition arabe. Bien que de nombreux Etats arabes (y compris des Etats importants dans le domaine de l’édition, comme l’Egypte ou le Liban) ont signé la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, ces droits ne sont pas toujours respectés et il est difficile de les imposer légalement.22 Cependant, dans de nombreuses foires du livre organisées annuellement dans le monde arabe, il est possible pour les éditeurs détenteurs des droits d’un ouvrage de faire pression, à travers la direction de la foire, sur un autre éditeur qui n’en détient pas les droits et de faire retirer de la vente de la foire l’ouvrage incriminé. Bien entendu, cet ouvrage reste cependant disponible sur le marché. Ce problème concerne également les traductions de l’allemand : nous pouvons relever sur le marché arabe, par exemple, plusieurs traductions de l’un des ouvrages allemands les plus vendus, Le parfum de Patrick Süskind. Seule l’une d’entre elles est le fruit d’un accord avec l’éditeur suisse. Un autre exemple est la traduction arabe du roman de Günter Grass, Le tambour (Die Blechtrommel). En 1999, lorsque Grass a obtenu le prix Nobel de littérature, un éditeur arabe a acheté les droits de ses œuvres complètes mais cela n’a pas empêché d’autres éditeurs de publier deux traductions différentes de ce livre, la première à partir de l’anglais et la deuxième à partir du français. Cela provoque évidemment, des pertes financières importantes pour l’éditeur. Les statistiques de la foire du livre de Francfort montrent néanmoins qu’au cours des dernières années, la vente des droits d’ouvrages allemands aux maisons d’édition arabes est en augmentation23 : Année Egypte Irak Koweït Liban Maroc Arabie Saoudite Syrie Emirats Arabes Unis Monde arabe 2004 2005 2006 2007 2008 2009 1 1 10 28 4 24 0 0 0 1 5 0 23 8 12 4 8 12 0 4 1 0 0 1 3 2 9 2 8 10 2 2 2 1 2 81 0 0 0 0 0 35 30 17 34 38 27 163 1 0 0 2 0 0 Les chiffres de 2009 permettent aux Etats arabes de se hisser de la 36e à la 15e place dans le classement de la vente à l’étranger des droits des œuvres allemandes.24 L’augmentation de l’achat de droits aux Emirats Arabes Unis provient principalement de l’activité du projet « Kalima » et de la Fondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum. Quant aux chiffres de la Syrie, également en augmentation, nous pouvons les expliquer par les changements importants qui ont transformé, au cours des dernières années, le secteur de l’édition syrien ainsi que par le développement des maisons d’édition privées. Nous devons également prendre en considération la signature, par la Syrie, de la convention de Berne en 2004 : beaucoup de maisons d’édition essaient désormais d’obtenir les permis de publication, de nombreuses années après avoir publié les ouvrages. Ägyptischer Buchmarkt 2010, Frankfurter Buchmesse S.3, Buchmarkt Syrien 2010, Frankfurter Buchmesse, p.3. Buch und Buchhandel in Zahlen 24 Buch und Buchhandel in Zahlen 22 23 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 Enfin, il serait utile de rappeler que de nombreuses organisations – comme la foire du livre de Francfort – proposent des cycles de sensibilisation sur les droits d’auteur destinés aux éditeurs arabes. La foire du livre d’Abu-Dhabi (organisée depuis quelques années en collaboration avec la foire du livre de Francfort) supervise un programme de soutien pour encourager les maisons d'édition arabes à acheter les droits d'auteur d’ouvrages étrangers. Disponibilité des dictionnaires L’une des principales difficultés du traducteur allemand-arabe est le manque de dictionnaires, en particulier les dictionnaires de langue. A l’heure actuelle, ils n’en disposent que d’un seul, celui de Götz Schregle25 qui n’est pas mis à jour et qu’il est nécessaire, aujourd’hui, de réviser. Nous pouvons également noter l’absence quasi-totale de dictionnaires spécialisés en philosophie, en sciences sociales ou encore en littérature. L’absence de ces outils de travail en arabe également représente pour le traducteur une difficulté supplémentaire.26 Dans une étude effectuée par un spécialiste de la traduction27 sur la question de la traduction des emprunts et des métaphores de l’allemand vers l’arabe, l’auteur souligne le manque de dictionnaires appropriés et propose l’élaboration d’un dictionnaire spécialisé dans les emprunts et les métaphores. Les traducteurs sont contraints de résoudre les problèmes qu’ils rencontrent à la lueur de leurs expériences passées dans ce domaine.28 Le problème de la traduction et des terminologies Il est fréquent, dans le monde de l’édition arabe, de trouver plusieurs traductions d’un même ouvrage, qu’il soit littéraire ou philosophique. Ce gaspillage d’énergie et de coûts induit également des différences dans la traduction des mots latins et des terminologies. Il n’existe pas, en langue arabe, un dictionnaire unifié des terminologies philosophiques traduites des langues occidentales.29 Nous pouvons également relever le besoin d’ajout de matériel critique aux traductions réalisées, qui permettrait de décrire au lecteur la façon de travailler du traducteur, les choix terminologiques qu’il a dû faire ainsi que les raisons de son désaccord avec d’autres traductions.30 Le niveau de la traduction Les spécialistes de la langue arabe et les traducteurs signalent également un autre problème : la faiblesse du niveau de la langue maternelle (arabe) chez les jeunes traducteurs, ainsi que leur méconnaissance du patrimoine arabe et islamique, ce qui induit de nombreuses erreurs et une faiblesse du style qui, en fin de compte, nuit à la vente des ouvrages.31Les raisons de la Götz Schregle, Deutsch-Arabisches Wörterbuch Mohammed Nasser al-Shawkani, La traduction culturelle : quel état, quelle situation ? [ أية وضعية وأية استراتيجية؟:]الترجمة الثمافية, p. 71. 27 Haris, S.M.: Probleme der Metaphernübersetzung aus dem Deutschen ins Arabische am Beispiel des Romans die Blechtrommel von Günter Grass, page 103 28 Idem. 29 25 ص 2008 ,توثيك الترجمة و التعرية 30 A Study of the case of Arabic Translation page 11 / 12 page? Author? Etc. Hasnaa Dessa and Mohamed-Sghir Janjar, Transeuropéenes 2010, http://www.transeuropeennes.eu/ressources/pdfs/TEM2010_SHS_monde_arabe_Hasnaa_DESSA_Mohamed_Sghir_JANJAR _38.pdf 31 Entretiens réalisés avec des représentants de maisons d’édition traduisant de l’allemand. Voir également l’entretien avec ‘Abd al-Ghaffar al-Makkawi dans la revue Pensée et art (Fikrun wa Fann), 2004, page 42. 25 26 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 faiblesse linguistique et de la méconnaissance de l’histoire et de la production intellectuelle arabes trouvent leurs sources dans le système d’enseignement suivi dans les Etats arabes. Ces critiquent accentuent la crise que vit actuelle la langue arabe contemporaine et qu’il n’est pas nécessaire de développer ici ; la traduction et les difficultés rencontrées par le traducteur et le lecteur n’en sont qu’un aspect.32 De façon générale, nous notons une baisse du niveau de langue arabe, non seulement chez les traducteurs mais également chez les auteurs. Cela est dû, de façon générale, à la baisse du niveau de l’enseignement dans les différentes disciplines et dans l’ensemble du monde arabe au cours des dernières décennies. Mécanismes de révision des traductions La plupart des maisons d’édition ne disposent pas d’une section chargée de réviser les ouvrages : la profession de réviseur n’existe pas dans le secteur de l’édition arabe. Cela nuit à la qualité des ouvrages publiés. La plupart des maisons d’édition travaillent avec des correcteurs linguistiques, qui se focalisent sur les fautes de grammaires mais le style et le contenu ne les concernent pas. Dans de rares cas, l’éditeur d’un ouvrage orientaliste ou philosophique peut faire appel à un réviseur pour vérifier la terminologie. Signalons que l’étroite marge de gain et le nombre limité d’exemplaires vendus ne permet pas à l’éditeur de développer les mécanismes de révision. De façon générale, le secteur de l’édition arabe – qu’il soit gouvernemental ou privé – souffre du manque de professionnalisme que l’on peut trouver chez les éditeurs occidentaux. La censure Bien qu’elle varie d’un pays à l’autre, la censure existe dans l’ensemble du monde arabe et constitue le premier obstacle à la circulation des livres arabes entre les pays. Il n’existe pas, en outre, de canaux de distribution organisés. Ainsi, de nombreux ouvrages orientalistes ou philosophiques traduits de l’allemand sont par exemple interdits d’entrée en Arabie Saoudite, au Koweït, au Qatar ou encore en Jordanie, comme ceux d’Annemarie Schimmel, de Friedrich Nietzche, ou encore de Max von Oppenheim. Cette censure frappe également certains ouvrages de littérature allemande, comme Ingeborg Bachmann ou Patrick Süskind – probablement en raison de la couverture de l’ouvrage de ce dernier, tirée du film. De façon générale, les raisons de l’interdiction ne sont pas mentionnées et les instances arabes chargées de la censure n’ont pas de critères fixes, qui établiraient les limites de manière claire. Il est de notoriété publique que les interdits concernent généralement la religion, la politique et le sexe mais les décisions sont arbitraires et dépendent du fonctionnaire responsable : ainsi, selon les années, il est possible qu’un ouvrage soit autorisé ou interdit, comme cela est déjà arrivé avec les ouvrages d’Annemarie Schimmel et d’Ingeborg Bachmann. Les traducteurs de l’allemand vers l’arabe pratiquent également l’autocensure et nous assistons à ce phénomène en particulier lorsqu’il s’agit de traduire des œuvres orientalistes. Ainsi, « Que la bénédiction et le salut de Dieu soient sur lui » est rajouté après le nom de Muhammad, comme cela est l’usage dans les livres islamiques, ou encore, comme de mise dans les écrits chiites, « Que Dieu se montre généreux avec Lui » après l’Imam Ali. Des passages de la Bible sont parfois supprimés et il arrive que le traducteur commente les idées 32 ‘Abd al-Rahîm Hazal, La traduction au Maghreb à travers les textes. © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 de l’auteur, d’un point de vue religieux ou politique. La plupart des éditeurs ne s’opposent pas à ces pratiques. Organismes de soutien à la traduction à partir de l’allemand Le projet « Kalima » pour la traduction/Emirats Arabes Unis a été créé en 2005. Il dépend de l’Autorité d’Abu-Dhabi pour la culture et le patrimoine. Selon la présentation du projet, 100 titres sont choisis chaque année pour être traduits vers l’arabe ; il s’agit d’ouvrages du monde entier, classiques ou contemporains, appartenant à des domaines divers. Selon les responsables du projet, celui-ci attache une grande importance à la qualité et à la précision en vue d’éditer les livres. Ils affirment également leur volonté de soutenir d’autres canaux de distribution et de mettre à jour les canaux existants.33 Nous n’avons pas réussi à obtenir de chiffres sur le nombre d’ouvrages traduits de l’allemand et édités par Kalima. La liste de publications disponible sur le site Internet ne mentionne pas la langue d’origine des ouvrages traduits34 ni les noms des traducteurs. Les modalités de sélection des traducteurs de l’allemand ne sont pas non plus indiquées. Le Centre National de Traduction/Egypte : cet établissement public égyptien soutient la publication de traductions vers l’arabe et il y en a eu plus de 1500 jusqu’en 2010. Les ouvrages traduits de l’allemand sont au nombre de 57 sur 2009 et 2010.35 Il est cependant important de mentionner, ici, que ces traductions sont effectuées à partir de langues intermédiaires et que les chiffres obtenus tiennent également compte des rééditions. Le CNT se situe dans la continuité des efforts fournis dans le domaine de la traduction dans l’histoire contemporaine de l’Egypte et qui a débuté avec la création de l’école des langues (Alsun) au début du XIXe siècle au Caire.36 Les critères de sélection des traductions sont, selon le CNT, les suivantes : la traduction à partir de la langue originale, l’équilibre entre les domaines de savoir afin de combler le manque de la bibliothèque arabe37. La priorité est donnée aux bases de la connaissance ainsi qu’à des ouvrages contemporains, qui relient le lecteur arabe à la culture mondiale dans ses transformations rapides.38 Là non plus, nulle mention n’est faite sur les modalités de sélections des traducteurs de l’allemand. Le Goethe Institut soutient la traduction d’œuvres allemandes vers d’autres langues, y compris l’arabe, comme partie intégrante de la politique culturelle étrangère allemande. Les demandes de soutien à la traduction sont présentées par les maisons d’édition arabes. Selon les déclarations du responsable du soutien à la traduction au sein du Goethe Institut, l’institution allemande adopte les critères suivants : « la priorité est donnée aux ouvrages dont le sujet est la démocratie, l’Etat de droit, la société civile, la dimension culturelle de l’union européenne, l’histoire contemporaine allemande, ainsi qu’aux œuvres majeures de la littérature allemande, contemporaine ou classique, du théâtre classique et de la littérature de jeunesse de 33 http://www.kalima.ae/ar/pages/WhatWeDo.aspx# http://www.kalima.ae/ar/BooksGroups.aspx?gid=2 35 Nous n’avons pas pu obtenir la liste des titres publiés au cours des années précédentes. 36 http://www.nct.gov.eg/ar/StaticPage.aspx?PageUrl=AboutCenter.aspx 37 NdT : Comprendre par l’expression « bibliothèque arabe » l’ensemble des ouvrages disponibles en arabe (ou qui devraient l’être). 38 Idem. 34 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 haut niveau ».39 Le Goethe Institut demande un échantillon de la traduction ainsi que le curriculum vitae du traducteur et la décision de soutenir la traduction se fait sur la base de ces critères. La fondation culturelle suisse Pro Helvetia, dont la mission est de soutenir la culture suisse à l’étranger. Les critères adoptés pour le choix des traductions vers l’arabe à soutenir40 sont : l’intérêt que peut avoir l’ouvrage pour le plus grand nombre de lecteurs, que le sujet ciblé soit en rapport avec l’identité culturelle suisse ou avec une personnalité suisse importante. La fondation allemande Bosch, qui soutient depuis plusieurs années la traduction à partir de l’allemand de livres de jeunesse vers l’arabe, parus chez des maisons d’édition en Egypte, en Syrie et au Liban. Le Ministère de la culture autrichien, qui soutient la traduction des œuvres des principaux auteurs autrichiens ou de ceux originaires des régions de l’ancien empire autrichien et qui écrivaient en allemand, comme Rainer Maria Rilke. La Fondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, créée par le gouverneur de Dubaï, Mohammed Bin Rashid, en 2007. Son but est d’ « enrichir la bibliothèque arabe avec le meilleur de la pensée mondiale, dans tous les domaines, par le biais de la traduction d’ouvrages de langues étrangères vers l’arabe »41. La Fondation a ainsi publié un certain nombre d’ouvrages, comme Mahomet et le Coran de l’orientaliste allemand Rudi Paret mais en raison de la crise financière dont a souffert Dubaï, ce projet de traduction a été arrêté. L’Organisation Arabe de la Traduction (OAT) : créée en 1999 à Beyrouth, elle œuvre en vue d’augmenter qualitativement et quantitativement le volume de traductions de et vers l’arabe, dans le domaine du savoir et de la pensée humaine 42. L’organisation est financée grâce à « ses propres revenus, ainsi qu’aux dons et aux recettes des activités et investissements qu’elle réalise »43. L’OAT accorde une place de choix aux œuvres philosophiques ainsi qu’aux Sciences Humaines et Sociales, et choisit ses traducteurs avec soin44 : ils doivent parfaitement connaître les deux langues ainsi que le champ qu’ils traduisent. L’organisation a lancé en 2009 un chantier de traduction des œuvres complètes de Max Weber, l’un des pionniers de la sociologie et a publié jusqu’en 2011 9 ouvrages traduits de l’allemand.45 Signalons que les programmes de soutien à la traduction ne couvrent généralement pas tous les frais de traduction ; certains même n’en couvrent que le quart – à l’exemple du programme d’aide de l’Etat autrichien. La difficulté d’une œuvre n’est pas prise en compte et 39 Propos d’Andreas Schmohl, responsable du soutien à la traduction vers l’arabe au Goethe Institut. Pro Helvetia Kriterien 2010, document envoyé par Susanne Graf. 41 http://www.mbrfoundation.ae/Arabic/Culture/Pages/Tarjem.aspx 42 http://www.aot.org.lb/Home/about_us.php 43 Idem. 44 Selon les déclarations de son directeur, Tahar Labib. 45 Voir bibliographie. 40 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 il arrive que des facteurs externes augmentent ou baissent le montant du soutien (le nombre de demandes ou des circonstances politiques). Modalité de sélection des œuvres Les ouvrages traduits de l’allemand vers l’arabe ne sont pas représentatifs de la production littérature et philosophique allemande, tant ancienne que contemporaine. Certaines œuvres allemandes, éminemment importantes, ne sont pas disponibles en arabe et il n’existe pas de réel intérêt pour la publication des œuvres complètes de philosophes, d’écrivains et d’orientalistes. L’intellectuel marocain Saïd Yaktine diagnostique les faiblesses arabes en matière de traduction et en dit : « L’absence d’initiative, de découverte précoce et suivie des expériences intellectuelles et créatives ainsi que le traitement médiatique de la connaissance de l’autre influence notre relation avec les œuvres que nous traduisons ».46 Comme précédemment mentionné, un certain nombre d’institutions arabes soutiennent la traduction d’ouvrages vers l’arabe. Si nous jetons un coup d’œil sur les ouvrages publiés, nous pouvons noter une différence entre ces publications et les critères mis en avant par ces organisations sur la toile : en effet, les choix sont généralement faits de façon arbitraire et il n’existe pas de plan stratégique réfléchi et de coordination entre les différentes institutions gouvernementales et privées. Chaque institution part de zéro et commet les mêmes erreurs, sans cesses répétées : retraduire un ouvrage existant, ne pas travailler sur les dictionnaires, pourtant essentiels, privilégier la quantité plutôt que la qualité … Parallèlement, les institutions gouvernementales arabes, qui œuvrent en vue de soutenir la traduction ne se préoccupent pas suffisamment de la distribution des livres publiés : cela est peut-être dû au fait que le budget de l’Etat couvre leurs dépenses et qu’elles n’ont pas besoin de « vendre ». Ainsi, le talon d’Achille de « Kalima », des publications du Centre national de traduction, de la Fondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum ou du Ministère de la culture syrien est la diffusion. Les publications ne sont pas disponibles dans les librairies au Maghreb ou au Machreq. Quant aux maisons d’édition privées, certaines d’entre elles ciblent un domaine particulier. Ainsi, Dâr al-Warrâq en Irak publie les ouvrages orientalistes allemands et est devenue pionnière en la matière. Mais cela n’est pas le cas de la plupart des maisons d’édition : les œuvres d’Herman Hesse, de Thomas Mann ou de Patrick Süskind ont été publiées à plusieurs reprises et de langues différentes. La publication d’un ouvrage traduit de l’allemand est souvent le fruit du hasard et d’une proposition faite par un traducteur à un éditeur. L’Antéchrist de Friedrich Nietzche, traduit de l’italien chez une maison d’édition syrienne en est un exemple. Prix et bourses Le Goethe Institut du Caire a lancé pour la première en 2009 un prix de traduction de l’allemand vers l’arabe dans le domaine de la littérature. Cette initiative vise à « soutenir les efforts en matière de traduction de la littérature contemporaine allemande vers l’arabe et accorde une place de choix à la traduction, en en faisant un instrument de dialogue culturel. 46 Saïd Yaktine, Les médias interactifs et la traduction, page 89. © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 C’est pour cela qu’il faut renforcer l’intérêt porté à la traduction littéraire de qualité et élargir l’offre de littérature allemande proposée au lecteur arabe ».47 Des prix sont décernés dans les catégories « Traducteur confirmé » et « Jeune traducteur », pour la traduction d’un extrait de littérature contemporaine n’ayant pas été précédemment publié en arabe. Les décisions d’attribution sont prises par un jury indépendant allemandarabe composé de traducteurs littéraires, de chercheurs en littérature et de critiques littéraires, sur la base de « la reproduction fidèle du contenu, de la pertinence de la formulation et du style. Le texte original est choisi en fonction de critères tels que sa valeur littéraire, de son importance et de sa pertinence pour le lecteur arabe ».48 Le prix du livre du cheikh Zayed a été lancé en 2006. Décerné à un ouvrage traduit de et vers l’arabe, il est financé par l’Autorité d’Abu-Dhabi pour la culture et le patrimoine. Le prix du roi Abdul-Aziz pour la traduction est décerné à des ouvrages scientifiques ou de sciences humaines et sociales traduits de et vers l’arabe. Vente et marché « Le marché du livre n’est pas bien organisé : il n’y a pas de règles régissant les relations entre auteurs, traducteurs, maisons d’édition et imprimeries. Les relations avec ces instances sont soumises au droit du plus fort, c’est-à-dire les maisons d’édition et les imprimeries, qui dictent au plus faible des conditions que ce dernier n’a d’autre choix que d’accepter, aussi inégales et injustes soient-elles, au risque que sont travail ne voit jamais la lumière ».49 Comme l’indique cette citation, le marché du livre arabe est très compliqué ; la marge de gains des éditeurs est très restreinte, pour plusieurs raisons : le nombre limité de copies (entre 500 et 3000 exemplaires maximum), la faiblesse du pouvoir d’achat, la censure et le non-respect des droits d’auteur. Ces facteurs influent évidemment aussi sur le marché du livre arabe traduit de l’allemand. Ainsi, un ouvrage central de sociologie tel que Le savant et le politique de Max Weber n’est imprimé qu’à 3000 exemplaires (pour la 1ère édition) pour l’ensemble du monde arabe. Cassandre de Christa Wolf, l’un des romans les plus importants après la 2nde guerre mondiale n’a été imprimé, dans sa 1ère édition en 1999, qu’à 2000 exemplaires qui ne sont toujours pas épuisés. Les ouvrages traduits de l’allemand les plus vendus dans le monde arabe sont des ouvrages de sciences humaines et sociales, d’histoire, de littérature classique ainsi que quelques travaux récents. Les cycles de formation des traducteurs allemand-arabe Les institutions arabes n’organisent pas de cycles de formation à destination des traducteurs allemand-arabe. L’organisation allemande Litrix, qui dépend du Goethe Institut, a organisé un cycle de formation à Munich mais cette initiative n’a pas été poursuivie. L’OAT a prévu, dans son budget, l’organisation de cycles de formation mais cela n’a pas encore été mis en place.50 Statut des traducteurs et coûts de traduction 47 http://www.goethe.de/ins/eg/kai/wis/dau/deindex.htm Idem. 49 Mohammad Adiwan, La traduction du livre culturel : le marché et les contraintes [ السوق و:ترجمة الكتاب الثمافي ]اإلكراهات, page 122. 50 Selon les déclarations de son directeur, Tahar Labib. 48 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 La plupart de ceux qui exercent la traduction ont en parallèle une autre activité. Les revenus perçus par les traducteurs diffèrent d’un pays, d’un éditeur ou encore d’une association à l’autre. En Syrie, il est possible de trouver un traducteur pour 3$ de la page alors que les prix peuvent atteindre au Liban 10 ou 15$ et 30$ ou plus aux Emirats Arabes Unis, sans que cela garantisse la qualité d’une traduction. Il n’existe pas, dans le monde arabe, de syndicats ou d’associations défendant les droits des traducteurs. Par ailleurs, il y a peu de traducteurs et de spécialistes de l’allemand. Les traducteurs établis dans les pays germanophones bénéficient d’un statut particulier et il est difficile, pour les maisons d’édition arabe, de leur faire accepter les rémunérations en vigueur dans le monde arabe. Apprentissage de la langue allemande et de la traduction L’enseignement de la littérature allemande le plus reconnu dans le monde arabe est celui qui est dispensé dans les universités égyptiennes. Le premier institut pour l’étude de la littérature allemande a été créé en 1952. L’enseignement de la langue et de la littérature allemandes est également disponible dans d’autres universités arabes : Damas, Bagdad, Rabat et Tunis. Même si l’un des débouchés de cet enseignement est la traduction, le nombre important de diplômés n’influe pas de manière positive sur les mouvements de traduction entre l’allemand et l’arabe. Critique des traductions Les pages culturelles des journaux et revues arabes, locales ou régionales, publient des recensions de publications récentes, y compris les traductions de l’allemand. Des recensions sont également publiées dans les périodiques arabes spécialisés en littérature comme l’hebdomadaire égyptien Akhbâr al-adab, le mensuel omani Nazwa, la publication gouvernementale trimestrielle éditée au Koweït al-thaqâfa al-‘alamiyya [La culture mondiale], la publication gouvernementale trimestrielle éditée à Bagdad al-thaqâfa al-ajnabiyya [La culture étrangère] ou encore la publication gouvernementale trimestrielle éditée à Damas, al-âdâb alajnabiyya [La littérature étrangère]. Certaines radios et chaînes télévisées y accordent également une attention particulière. De nombreuses maisons d’édition s’accordent à dire que ces recensions n’influent pas sur la vente des publications récentes de traductions de l’allemand. © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011 Sources - Haris, S.M.: Probleme der Metaphernübersetzung aus dem Deutschen ins Arabische am Beispiel des Romans die Blechtrommel von Günter Grass, Frankfurt 2007 - Leila Naim: Heinrich Manns „Untertan“ im Orient, Berlin 1994 - Aly, Mohy el-Din.: Deutsche Literatur im Arabischen, Hamburg 2005 - A Study of the Current State of Arabic Translation in the Field of Human and social Sciences, Hasnaa Dessa and Mohamed-Sghir Janjar, Transeuropéennes 2010, http://www.transeuropeennes.eu/ressources/pdfs/TEM2010_SHS_monde_arabe_Hasnaa_DE SSA_Mohamed_Sghir_JANJAR_38.pdf - The Book Industry in Lebanon, Adnan Hammoud, Frankfurter Buchmesse 2006, pdf - Deutsche Autoren in arabischer Sprache, Wolfgang Ule (Hrsg.) Amman 1998 - Frankfurter Buchmesse: http://www.buchmesse.de/de/networking/messen_maerkte/buchmaerkte/ © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011