Extrait - Avec toi de Lyndsay Novels

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Extrait - Avec toi de Lyndsay Novels
Avec toi
© Lyndsay Novels, 2015. Tous droits réservés.
http://lyndsaynovels.wordpress.com/
ISBN : 978-2-9552721-0-7
Dépôt légal : mai 2015
Photographie de couverture : Seven Pictures ©
Réalisation graphique de couverture : Lyndsay Novels ©
Cet ouvrage est une fiction. Toute ressemblance avec des personnes ou des
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propriété intellectuelle.
Avec toi
Lyndsay Novels
À Alain A.,
qui me manque chaque jour,
Marie-Thérèse T.,
sans qui je n’aurais jamais pu
connaître Pénestin
et tous ceux qui nous ont quittés
bien trop tôt à mon goût.
** C’est libérateur de se poser un instant,
de graver à tout jamais sur le papier
des sentiments qui remontent à la surface.
Je pensais réellement ne plus pouvoir le faire,
pourtant, les mots se succèdent et me transportent.
Un retour en arrière douloureux, mais nécessaire.
Parfois, la souffrance nous montre à quel point
nous sommes encore vivants.**
Lyndsay Novels
Avec toi
-1Savourant enfin le calme de cette fin de journée, je dépose ma
sacoche à mes pieds et observe le décor tout autour de moi. Ma
chambre est plutôt sobre et fonctionnelle : un lit deux places
accompagné d’une armoire, un bureau ainsi qu’une petite
bibliothèque où j’entrepose mes cours. Les tons jaune pastel du
papier peint égayent un peu la pièce avec tout mon mobilier en
bois blanc.
Depuis mon emménagement, je n’ai pas voulu y ajouter une
touche personnelle. « Pourquoi ? » me diriez-vous, pour la simple
raison que je n’apprécie pas cette demeure. Ici, je n’aurai jamais
de souvenirs avec lui. Nous nous y sommes installés juste avant
que tout bascule.
Ma première année de BTS s’achève, malheureusement en y
repensant, c’est surtout la perte de mon beau-père qui me vient à
l’esprit : Richard, dont j’étais très proche. Devenu un deuxième
père pour moi, il avait réussi à combler un gouffre sentimental. Je
l’avais déjà adopté la toute première fois où nous nous sommes
rencontrés. Il avait un charisme fou et un petit quelque chose qui
m’apaisait : l’image rassurante d’un père aimant et présent.
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Lyndsay Novels
C’était la première fois que quelqu’un s’intéressait à mes
paroles. Comme si j’étais importante, et pas seulement la
deuxième fille de la famille. C’est difficile à expliquer, mais c’est
exactement ainsi que je le ressentais : ne pas être vue comme une
adolescente, mais plutôt comme une jeune femme.
Depuis la séparation de mes parents, j’essayais de retrouver
mon équilibre et ma place au sein de ce foyer. Mon géniteur est
sorti de nos vies précipitamment, se consacrant exclusivement à sa
nouvelle famille. Grâce à Richard, je pense qu’une partie de moi
reprenait doucement vie. À présent, j’ai perdu mon père une
seconde fois, sauf que cette fois-ci, je n’arrive pas à remonter la
pente.
On me l’a arraché brusquement, tandis que l’on commençait
seulement à se connaître, à partager enfin des moments ensemble.
Il est parti il y a plus de six mois. J’ai arrêté de compter. Pourtant,
la douleur est toujours présente, parfois elle sommeille jusqu’à
l’oublier, mais je sais qu’à chaque instant elle peut se réveiller
brutalement. Ne pas avoir réussi à faire mon deuil normalement
pour protéger ma mère n’a sans doute pas arrangé les choses. Je
ne voulais pas qu’elle me voie pleurer, sachant pertinemment
combien c’était déjà dur pour elle. Je ne la croyais pas aussi forte.
En tout cas, moi, je ne suis pas aussi forte qu’elle.
Je me rappelle très bien de notre dernier week-end ensemble.
C’était celui du huit mai, quelques semaines avant mes premiers
examens pour mon baccalauréat. Nous étions partis en Auvergne
tous les trois. Heureux de nous retrouver dans cette bâtisse qu’il
réaménageait lui-même, nous avions passé des jours merveilleux
et pleins de rires. Un bol d’air frais qui m’avait permis
d’appréhender mes épreuves plus sereinement. Je me souviens
parfaitement d’un après-midi où nous étions tous les deux sortis
en ville, profitant de cette occasion pour m’offrir un livre afin de
m’aérer la tête entre deux cours, m’avait-il conseillé. Cette
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Avec toi
dernière pensée me fait sourire. Il avait ce don, celui de me rendre
d’humeur joyeuse.
Mon regard s’arrête sur la photo de mes dix-huit ans, posée sur
l’une des tables de chevet. Sur ce cliché, on nous voyait tous les
deux le sourire aux lèvres, côte à côte dans notre ancienne maison.
Lui, avec son éternel pull rouge et sa chemise bleue qui
rehaussaient son teint hâlé ; et moi, les yeux tout pétillants par
l’évènement. Sa petite mimique qui n’appartenait qu’à lui était
figée à tout jamais sur cette photographie. Celle qu’il avait
lorsqu’il racontait ses anecdotes et que j’appréciais énormément.
Tu me manques tellement.
Le bruit d’une porte qui claque me sort de mes pensées.
— Julie, tu es là ? résonne la voix de ma mère.
J’essuie une larme solitaire qui roule le long de ma joue puis
prends une profonde inspiration. Il ne faut surtout pas qu’elle me
voie dans cet état. Je ne veux pas l’inquiéter davantage.
— Oui, je suis à l’étage ! m’exclamé-je en me dirigeant vers
ma psyché pour inspecter mon reflet.
J’ai les cheveux mi-longs châtain clair. Un visage allongé
parsemé de quelques taches de rousseur sur les pommettes et le
nez. Mes yeux sont un peu cernés, dus à la fatigue de ces derniers
jours, et rougis. Certaines personnes trouvent que je ne fais pas
mes vingt ans, me reprochant d’avoir encore le visage d’une
enfant. C’est sans doute ma sensibilité qui me fait paraître plus
jeune.
Après m’être envoyé quelques claques sur les joues pour me
redonner un peu de couleur, je suis fin prête à l’accueillir.
— Alors, cette dernière journée s’est bien déroulée… Qu’estce que tu as ? s’inquiète-t-elle lorsqu’elle m’aperçoit.
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— Oh, tout va bien. Tu me connais, avec les filles on s’est dit
au revoir. Jessica a commencé à pleurer, du coup, on a toutes
fondu en larmes…
— Vous vous retrouverez l’année prochaine.
— Oui, c’est sûr ! Et pour le moment, j’ai hâte de revoir Claire
pour enfin profiter un peu des vacances avant de me concentrer de
nouveau sur mes cours… Et toi, ça va ?
— Oui, ne t’en fais pas pour moi.
Nos regards se croisent et nous n’avons pas besoin d’en dire
plus pour savoir à qui nous pensons. Toutes les deux, nous
entretenons une relation mère-fille assez complice. Elle est
toujours aussi belle avec sa chevelure légèrement ondulée de la
même teinte que la mienne. J’ai également hérité de ses yeux
noisette pour mon plus grand plaisir. Il n’y a que ses quelques
rides qui trahissent ses quarante-cinq ans.
— Si tu veux, je ne peux partir que demain matin et rester avec
toi ?
— Non. J’ai plein de choses à faire ce week-end en plus ce soir
Évelyne vient dîner. Et puis, je ne suis pas totalement seule. Ta
sœur et ton frère passeront bien ici de temps en temps.
Ma sœur Séverine, de deux ans mon aînée, est partie vivre près
d’Orléans pour ses études. Assez solitaire dans l’âme, nous ne la
voyons que très rarement. En ce qui concerne mon petit frère
Mickaël, âgé de deux ans de moins, il est apprenti serveur dans un
hôtel restaurant 3 étoiles. Autant dire que c’est un véritable coup
de vent chez nous. C’est aussi pour ces raisons que je m’inquiète
pour elle. Je sais très bien que la solitude lui pèse depuis ce jour.
— J’ai encore quelques trucs à rajouter puis je file.
— Surtout, ma puce, sois très prudente et appelle-moi…
— Ne te tracasse pas pour moi, je te téléphone dès que je suis
arrivée. Et s’il est trop tard, je t’enverrai un message.
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Avec toi
— D’accord, je te laisse te préparer, ajoute-t-elle en sortant.
Mes affaires enfin installées dans ma Fiat Punto, je prends la
route, direction le sud de la Bretagne avec en fond sonore ma
chanson adéquate : Bleed It Out de Linkin Park. Retrouvant le
sourire au rythme de la musique, j’avale les kilomètres sous un
soleil radieux, appréciant déjà mon voyage.
*
**
Après plusieurs heures de trajet, me voici enfin de retour à
Pénestin. Pendant mon enfance, nous nous retrouvions en famille
l’été dans cette ville. J’en ai gardé de formidables souvenirs : la
pêche aux crabes, crevettes, berniques et autres coquillages sur les
rochers. Nos repas festifs, tous réunis, les baignades et crises de
fous rires sur la plage : c’était le bon vieux temps !
Tout a bien changé depuis. Mes parents ont divorcé et nous n’y
sommes plus retournés avec la même joie de vivre. D’ailleurs, un
an après, nous n’y avons plus mis les pieds. Les années qui ont
suivi, ma grand-mère n’a plus repris son emplacement dans le
camping où nous avions grandi, toutes nos réunions n’avaient plus
le même goût.
Heureusement grâce à Claire, ma cousine, nous continuons à
créer nos instants à nous. Un besoin de sortir de notre routine, de
s’évader et essentiellement de se retrouver toutes les deux. Mes
parents ayant dû quitter Nantes pour s’installer dans la région
Centre, la distance devenait vraiment compliquée pour nous deux.
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C’est pourquoi, il y a quatre ans, j’avais trouvé l’annonce d’une
maison, dont les propriétaires proposaient de s’occuper du chat et
d’entretenir le logement pendant leurs vacances. La sympathie
pour ce couple de retraités m’était venue naturellement et
réciproquement. Ils n’ont malheureusement pas eu la chance
d’avoir des enfants, nous sommes donc très vite devenues leurs
petites-filles adoptives en quelque sorte. Depuis ce fameux jour,
nous passons ces quelques semaines dans la maison des Brunet.
En ouvrant la porte d’entrée de cette charmante résidence,
Tempérance, le chat du couple se frotte déjà à mes jambes et me
réclame toute mon attention. Déposant ma valise à mes pieds,
j’attrape la boule de poils dans mes bras qui se met tout de suite à
ronronner sous mes caresses. Sur la table de la salle à manger
m’attend une petite lettre :
Chères Julie et Claire,
Nous sommes partis pour la Corse cette année.
Je vous ai préparé une tarte aux pommes et vos
chambres n’attendent plus que vous.
Tout le nécessaire pour Tempérance se trouve dans
le cellier comme toujours.
Profitez bien de votre séjour.
À très bientôt,
Marie & André
Ah, Marie, tu ne changeras jamais !
J’envoie un petit SMS pour annoncer mon arrivée, puis
descends le reste de mes affaires. Le temps est encore agréable,
j’en profite pour aller me dégourdir les jambes en direction de la
mer qui se trouve à quelques mètres de là.
J’admire ce paysage auquel mes souvenirs ne faisaient pas
honneur. C’est un spectacle magnifique qui s’offre à moi et qui
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Avec toi
me manquait terriblement. Je longe cette plage longue de
plusieurs kilomètres, les pieds dans l’eau avec mes chaussures à la
main. Les falaises qui la bordent sont de plus en plus surprenantes,
rongées par l’érosion au fil des années.
Ah un bon bol d’air frais ! Rien de tel pour se détendre !
La lecture, la baignade, le footing matinal et les promenades au
coucher du soleil vont être nos principales occupations, ainsi que
manger des glaces à l’italienne ! Il faut bien se l’avouer, profiter
de la chaleur sans avoir cette petite douceur n’est pas
envisageable !
M’asseyant sur le sable fin en admirant l’horizon, j’appelle
Jessica, ma meilleure amie.
— Alors, il fait beau ?
— Je viens tout juste d’arriver, Jess, dis-je un brin amusé. Mais
oui, le temps est plutôt agréable.
— Veinarde !
Elle a eu la chance de trouver un stage dans une entreprise qui
lui a proposé de prolonger son contrat pendant la période estivale
afin qu’elle se familiarise avec les lieux. Si elle obtient son
diplôme, un poste est déjà prévu pour elle. Par conséquent, cette
année, elle ne partira qu’une semaine en août retrouver sa famille
en Normandie. Un petit imprévu qui lui permettra d’entamer sa
vie professionnelle. Je pense qu’elle n’a pas vraiment compris qui
était la vraie chanceuse dans l’histoire.
Nous continuons de discuter, même si nous nous sommes vues
aujourd’hui. Avant de raccrocher, on se promet de rester en
contact. Nous sommes inséparables, tout comme avec ma cousine
que j’ai hâte de retrouver demain. La solitude ne me réussit guère.
Je ne veux pas ressasser à nouveau des souvenirs douloureux.
Sachant très bien qu’une fois réunies toutes les deux, l’ambiance
sera bien plus joyeuse et c’est exactement ce dont j’ai besoin.
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Avec toi
-2Le lendemain matin, fraîchement réveillée, j’enfile ma tenue de
sport adéquate, attache mes cheveux en queue de cheval et pars
courir le long de la plage avec mon lecteur MP3 en mode
aléatoire. C’est avec la chanson One More Night de Maroon 5 que
je commence cette journée.
Voilà mon moment préféré. Cette sensation que j’affectionne le
plus. Celle qui me permet de faire le vide en moi, de ne penser à
rien d’autre qu’à ma course, apaisée par la musique. Une journée
ensoleillée s’annonce accompagnée d’une brise matinale qui
fouette légèrement mon visage. Quelques personnes commencent
à s’installer pour se détendre tandis que d’autres partent pour la
pêche à pieds.
Au milieu de ma course sur le chemin du retour, j’entends les
premières notes de piano d’Iridescent de Linkin Park. C’est
impressionnant comme une simple chanson peut faire ressurgir de
vieux souvenirs. Certaines plaies que je pensais guéries se
rouvrent lentement. Comme si la mort de Richard avait eu lieu la
veille.
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Je me revois rentrant du lycée ce soir-là en fredonnant encore
cette mélodie que j’apprécie tant. En pénétrant dans ma chambre,
mon regard s’était posé sur Séverine, assise sur mon lit, tenant la
photo de Richard dans ses mains. C’est à ce moment précis que
j’avais su que quelque chose s’était passé.
Ma joie, en cette fin de journée, avait alors volé en éclat. À
chacun de mes pas me rapprochant d’elle, mes jambes
flageolaient un peu plus. Je m’étais raccrochée de justesse à mon
lit et m’y étais assise en attendant qu’elle commence à parler. Elle
avait une expression étrange et une larme coulait le long de sa
joue.
— Non !
Ma voix était à peine audible, presque un murmure. Elle me
regardait dans les yeux et ses lèvres formaient un pli amer.
— C’est fini, il ne se réveillera plus… Maman a juste eu le
temps d’arriver à son chevet. Comme s’il l’avait attendue avant
de partir.
— Non, ce n’est pas possible ! hurlai-je. Je ne comprends pas
qu’on puisse avoir fait tout ce chemin pour en arriver là ! Il est
fort, il va se réveiller ! ajoutai-je. On lui a trouvé un cœur, il s’est
déjà battu. Pourquoi nous l’a-t-on arraché maintenant après tant
d’épreuves ? Ce n’est pas possible.
Ma vue s’était brouillée et je pleurais sans pouvoir m’arrêter.
Séverine m’avait pris la main et répétait que tout était vraiment
fini. À cet instant, ma vie entière avait basculé. Tout comme celle
de ma mère. J’avais alors éclaté en sanglots et m’étais effondrée
sur les genoux de ma sœur. Elle m’avait caressé le dos, sans un
mot en attendant patiemment.
Au bout d’un moment, elle m’avait regardée et m’avait fait
promettre de rester forte pour notre mère. Sachant pertinemment
que j’étais sensible et émotive, elle m’avait fait comprendre que si
je ne me ressaisissais pas, je ne pourrais pas soutenir notre mère
à surmonter cette épreuve.
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Avec toi
Des frissons parcourent mon corps et m’arrachent à mes
sombres souvenirs. Une boule commence à se former dans ma
gorge. Ma vue se brouille à nouveau, comme ce jour-là.
Ralentissant ma course, je me penche pour attraper mon lecteur
afin de changer de chanson.
Il faut qu’elle s’arrête ! Je ne veux pas continuer à y repenser.
J’arrive tout juste à appuyer sur pause lorsque je me cogne
contre quelque chose. Le choc me fait expulser tout l’air qui
restait dans mes poumons. Quand des bras se referment sur moi, je
comprends que cet obstacle n’est autre que le corps d’un homme.
J’ai la joue contre son torse que je peux sentir à travers le tissu de
son polo noir. Son parfum me fait revenir à la réalité, comme une
gifle pour me ressaisir. J’essaie de reprendre mon souffle, et gênée
par cette proximité, je mets un peu de distance en m’appuyant sur
ses avant-bras.
Étant dans un état second, j’attends quelques instants avant de
relever la tête, ne voulant pas qu’on me surprenne dans ce
moment de faiblesse. Je me tourne enfin vers le visage de cet
inconnu au regard bleu intense. Ses cheveux courts châtains
bougent au rythme du vent. Clignant des yeux afin de mieux
cerner la personne qui me fait face, je reste un instant figée sur
place.
— Navré, je ne vous avais pas vue, dit-il d’une voix grave.
— Oh, euh, je suis désolée… J’avais juste la tête ailleurs,
bredouillé-je, en relâchant ses avant-bras.
Je baisse légèrement la tête pour essuyer mes larmes, inspire
profondément puis me redresse. Étant submergée par des
sensations étranges, je me sens légèrement « bizarre ». Je ne sais
comment l’expliquer. C’est sans doute l’arrêt brutal de ma course
qui en est la cause. L’individu me regarde curieusement comme
s’il essayait de décrypter les émotions qu’il pouvait apercevoir à
travers mon visage.
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— Vous êtes sûre que ça va ? s’inquiète-t-il en me fixant droit
dans les yeux.
Je me sens complètement perdue, désorientée et embarrassée.
Déviant mon regard, j’ai la sensation que mes émotions partent
dans tous les sens.
— Je…
Il m’est impossible de terminer ma phrase, je ne souhaite pas
m’effondrer maintenant et certainement pas devant lui. Préférant
fuir comme j’ai toujours eu l’habitude de faire, je reprends ma
course en laissant cet homme à l’expression anormale, accélérant
la cadence comme si ma vie en dépendait, encore sous le choc.
Arrivée enfin devant le logement des Brunet, j’ai les jambes en
coton et je suis tout en sueur. Mon visage est rempli de trainées
salées et ma gorge me brûle. Je continue de marcher devant la
maison afin de reprendre mon souffle tranquillement. En
entendant le cri d’une mouette, je me rends compte que je n’ai
plus mon lecteur sur moi.
Merde ! Il a dû tomber sur la plage.
Je me retourne pour observer la rue, mais je me sens incapable
de faire demi-tour. Après tout, ce n’est qu’un simple support, je
sais très bien que mes musiques sont également sur mon
téléphone. Qu’importe, je pourrai m’en racheter un à mon retour.
J’ai appris à voir la vraie valeur des choses depuis ce fameux jour.
En rentrant, je me dirige vers la cuisine et prends ma bouteille
d’eau que je bois presque entièrement. Je m’empare de mon
téléphone sur l’îlot central : trois appels manqués de Claire et un
message :
« Rappelle-moi ! »
Je prends une grande inspiration et l’appelle. La deuxième
sonnerie a tout juste le temps de retentir qu’elle décroche :
— Salut, alors prête à faire des siestes sur le sable fin ?
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— Ma pauvre… Si tu savais comme j’en meurs d’envie !
lâche-t-elle d’une voix triste.
— Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Ma patronne a un souci, Pauline est malade et du coup, elle
aurait besoin de moi jusqu’à la fin de la semaine prochaine sans
doute.
Elle travaille dans un restaurant en tant que serveuse les
vacances et week-ends. Je sais qu’elle tient beaucoup à cet emploi
qui lui permettra de s’installer dans un petit studio prochainement.
— Oh, je vois ! … Mais tu pourras venir le week-end
prochain ?
— Oui, Margot pourra prendre le relais. Je suis sincèrement
désolée, Julie, j’y tiens beaucoup à nos vacances !
— Ne t’en fais pas, elles sont toujours prévues nos vacances…
Il faut juste qu’on attende une semaine avant de se voir.
— Tu es déçue tout comme moi, je sais que la semaine risque
d’être longue pour toi.
— Arrête, ce n’est pas ta faute. Viens dès que tu peux, c’est
tout ce que je te demande, d’accord ?
— Tu peux compter sur moi. Je te laisse, je dois me préparer
pour le service. Appelle-moi si ça ne va pas, OK ?
— Pas de soucis, à plus tard.
Je me laisse tomber sur le sol de la cuisine. Sans Claire à mes
côtés, pour moi, la suite des évènements devient plus compliquée.
Elle est ma bouée de sauvetage, celle qui m’aide à maîtriser mes
sentiments, et j’ai l’impression qu’elle m’échappe à nouveau.
Il y a trop longtemps que je ne suis pas restée seule. En dehors
de mes joggings, je trouve toujours un moyen pour m’occuper
l’esprit : remonter le moral de ma mère, rester forte pour elle ou
encore me plonger dans mes cours pour ne penser à rien d’autre.
Mais là, je n’ai ni cours ni personne à mes côtés. À force de
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Lyndsay Novels
repousser les émotions, elles reviennent telle une vague qui
s’éclate sur des rochers. Il faut que je m’occupe sinon la digue va
se rompre et m’engloutir complètement.
En tout cas, ces vacances, j’en ai grand besoin, afin de
reprendre le contrôle de moi-même et me sentir plus forte. Sur ces
bonnes promesses, je file dans la salle de bain et regarde mon
reflet dans le miroir. Malheureusement pour moi, le résultat est
pire qu’hier… Mes yeux sont encore bouffis et mon visage est
triste. Pas étonnant que cet inconnu s’inquiétait, j’ai vraiment une
sale tête.
Après une douche bien chaude, j’enfile un short en jeans et un
débardeur puis me rends au supermarché du centre-ville. Être
active m’aide à reprendre les choses en main, je suis en pilotage
automatique dans les rayons en pensant méthodiquement à ce dont
j’ai besoin.
En début d’après-midi, je m’allonge sur le bain de soleil de la
terrasse et commence le roman que m’a offert Jessica. Au bout de
quelques pages, je décide de lui envoyer un message :
« Le début des vacances n’est pas
comme je l’avais prévue. Je pense fort à
toi en dévorant ton cadeau !!! Appellemoi dès que tu es libre pour que je te
raconte. Bisous »
Je me prépare une tasse de thé quand mon téléphone sonne.
— Coucou, alors en mode lecture ? m’interroge Jessica.
— Salut, tu ne bosses pas ?
— Si, mais je prends une pause, qu’est-ce qu’il se passe ?
Je lui raconte tout, comme d’habitude dans ces moments-là.
— Ah oui, je comprends ! Ça va aller ?
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Avec toi
— Je ne sais pas, je crois que oui. Du coup, je n’ai pas trop le
choix.
— Tu sais que tu peux m’appeler dès que ça ne va pas ? Je me
rappelle comment ça a été dur à la mort de papa. Je sais ce que tu
endures. Mais profite de cette semaine pour faire ce que tu veux,
et si tu dois pleurer… bah, pleure ! Parce que sinon tu n’avanceras
pas !
Elle a perdu son père d’un cancer foudroyant. Quand les
médecins s’en sont aperçus, il était déjà trop tard. Elle a su
profiter des derniers jours avec lui. Désormais, elle sait que la vie
ne tient qu’à un fil, que du jour au lendemain, tout peut s’écrouler.
Elle arrive à rester forte et se démène comme une folle pour avoir
son examen.
— Merci, Jess. Comment fais-tu ?
— Oh ! Tu sais, moi, je vis au jour le jour et je verrai bien où
ça me mènera… J’ai arrêté de me prendre la tête ! ajoute-t-elle
avec un petit rire. Bon, allez la Miss, je vais devoir te laisser, le
travail m’appelle… Tu sais que tu es une veinarde, n’est-ce pas ?
— Oui, je sais ! Je t’enverrai des photos du coucher de soleil !
— Tu veux ma peau ! s’exclame-t-elle en éclatant de rire. Bon,
je dois y aller. Il y en a qui bosse pendant que tu te prélasses sur la
plage !
Je raccroche avec le sourire aux lèvres, ça, c’est l’effet Jessica
dans toute sa splendeur. Elle est comme ça : naturelle et
rafraîchissante, c’est un ange. Je suis heureuse de l’avoir
rencontrée lors de mon entrée au lycée. Cette petite Normande n’a
pas fini de me rendre joyeuse.
Le reste de l’après-midi, je me sens déjà mieux. Elle a raison,
je dois essayer d’aller de l’avant. D’autant plus que l’année
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Lyndsay Novels
prochaine, ma vie professionnelle devrait débuter et je partirai
alors à la recherche d’un petit chez moi. Cette semaine est un
avant-goût de ce qui m’attend, un cap à franchir afin de savoir si
je suis prête ou non. Il faut bien un début à tout.
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