Augustin De Romanet - « Pour transformer, il faut éviter la brutalité »

Transcription

Augustin De Romanet - « Pour transformer, il faut éviter la brutalité »
Augustin De Romanet :
« Pour transformer, il faut éviter
la brutalité »
Le dirigeant du groupe ADP fait de la pédagogie la pierre
angulaire de son mode de management.
Objectif : moderniser tout en gagnant le soutien de tout
l’écosystème.
Le niveau de rémunération des grands patrons a récemment suscité l’émoi.
Pensez-vous, Augustin de Romanet, qu’il faille légiférer en la matière ?
Une juste mesure est nécessaire même si le plafonnement des rémunérations des
dirigeants n’est pas une bonne solution. Il faut des règles comme celles édictées par le
code Afep-Medef et, compte tenu des excès de certains, il est logique que les actionnaires aient le dernier mot sur cette question et que le « say on pay » soit contraignant.
Vous avez supprimé le dispositif de retraites chapeaux offert à vos dirigeants. 25 millions
d’euros que vous avez redistribués à tous les salariés via des actions gratuites.
Pourquoi avoir fait ce choix ?
Cette attribution de douze actions gratuites par salarié, en plus de l’abondement et de la
décote que nous leur avons proposés pour leurs propres achats d’actions, traduit notre
conviction que l’actionnariat salarié est un dispositif vertueux qui permet un meilleur
partage des fruits de la croissance.
Diriger une entreprise publique induit-il un management particulier ?
Paradoxalement, je pense qu’il est plus complexe de gérer une entreprise publique
qu’une entreprise privée. Les parties prenantes y sont beaucoup plus nombreuses et les
dirigeants potentiellement plus soumis à des injonctions contradictoires. On peut, par
exemple, vous inciter à réduire vos tarifs, tout en vous demandant de tout faire pour
augmenter les investissements. Il faut alors savoir développer une certaine pédagogie
pour faire comprendre à vos interlocuteurs qu’une des deux injonctions est plus pertinente que l’autre et qu’elle doit ainsi s’imposer.
Surtout, le dirigeant d’une entreprise publique doit, encore davantage qu’ailleurs, mettre
constamment l’accent sur la transformation et l’innovation car le monde dans lequel il
évolue a pu se sentir comme immortel. Ce sentiment d’éternité illusoire est lié à l’impression que l’Etat sera toujours là pour voler à votre secours en cas de problème.
Au cours de votre carrière, des patrons vous ont-ils particulièrement inspiré ?
Spontanément, je pense à cinq noms. Yannick d’Escatha, qui a dirigé pendant dix ans le
Centre national d’études spatiales et l’a remis sur pied en endossant les habits de transformateur ; Christophe de Margerie, pour son enracinement de long terme dans une
seule et même entreprise, en l’occurrence Total, mais aussi pour l’empathie qu’il avait
envers ses salariés ; ainsi que Patricia Barbizet, Xavier Fontanet et Denis Kessler qui ont
oeuvré, à mes côtés, à la création du fonds stratégique d’investissement, dont la BPI est
issue, lorsque je dirigeais la Caisse des Dépôts. Rien ne les y obligeait et pourtant ils ont
su donner de leur temps pour servir l’intérêt général. Je trouve cela remarquable.
Transformation, intérêt général et empathie envers les salariés… Est-ce un
portrait en creux de votre style de management ?
Pour appliquer une stratégie, surtout de transformation, il faut être extrêmement attentif
aux salariés, y compris dans le détail. Par exemple, pour le déménagement du siège du
groupe ADP du 14e arrondissement de Paris vers l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle,
j’ai décidé de laisser une option aux collaborateurs, sans qu’ils aient à se justifier. Si le
déménagement s’avère trop déstabilisant pour l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, le choix peut ainsi être pris d’aller travailler à Paris-Orly. Ce déménagement
est aussi une opportunité de moderniser nos manières de travailler en incluant plus de
souplesse, de télétravail et de rationalisation dans nos process.
Dans tous les cas, pour transformer, il faut éviter la brutalité. En tant que patron, il ne faut
jamais oublier que les décisions que vous prenez dans votre bureau peuvent impacter
directement la vie de vos salariés. Plus la transformation est ambitieuse, plus être attentif
aux collaborateurs et prendre le temps de l’explication est capital.
Source : Les Echos

Documents pareils