Rémunération et performance : l`exemple des dirigeants d`entreprise

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Rémunération et performance : l`exemple des dirigeants d`entreprise
Sujet : Rémunération et performance : l'exemple des
dirigeants d'entreprise
Document 1 : Sylvie ST-ONGE et Michel MAGNAN, « La rémunération des dirigeants : mythes
et recommandations », Gestion 2008/3, Vol. 33. Extrait.
Document 2 : « Régulation : La rémunération de la patronne de Yahoo! grimpe de 69%: et si c'était la
dernière fois? » 1 mai 2015, La Tribune.
Document 3 : Marc CHEVALLIER, « Faut-il limiter le salaire des patrons ? », Alternatives
Economiques
n°
315,
juillet
2012.
Document 1 :
Au cours des dernières années, force est de
constater que la rémunération totale des dirigeants
d’entreprise s’est accrue d’une manière à la fois
inégalée, radicale et sournoise. Toutefois, il est
même
devenu
difficile
d’apprécier
la
rémunération totale des dirigeants compte tenu de
la multiplicité et de la complexité de ses
composantes. Depuis le début des années 1970,
l’importance relative du salaire dans la
rémunération totale des dirigeants a diminué
considérablement, passant de près de 60 % à
moins de 30 %. Alors que dans les années 1970, la
rémunération totale médiane des dirigeants
américains représentait un multiple équivalant à
40 fois le salaire moyen des travailleurs, ce
multiple est aujourd’hui supérieur à 400 fois, ce
qui en fait le multiple le plus élevé du monde
occidental.
En sus de leur salaire, tous les dirigeants sont
admissibles à des programmes de rémunération
variable tant à court terme (par exemple, des
primes, la participation aux bénéfices) qu’à long
terme (par exemple, l’achat et l’octroi d’actions,
les options, les actions simulées et restreintes, les
unités et les primes de rendement, la plus-value
des actions). Entre 1992 et 2005, alors que
l’indice des prix à la consommation s’est accru de
39 %, la rémunération moyenne et médiane des
dirigeants américains augmentait de 139 % et de
93 % respectivement, et ce, en raison de
l’augmentation de leur rémunération variable :
leurs primes se sont accrues de 144 % (passant de
492 553 $ à 1 200 417 $), leurs octrois d’actions
de 390 % (passant de 215 168 $ à 1 054 171 $) et
leurs octrois d’options de 166 % (passant de 703
729 $ à 1 870 255 $) (Balsam, 2007).
La rémunération des dirigeants comporte aussi
des parachutes dorés, soit une myriade
d’indemnités advenant l’acquisition ou la fusion
de leur entreprise ou leur départ comme, le
maintien du salaire et des primes pour une période
d’un an cinq ans, des honoraires de consultation,
la possibilité de lever immédiatement ou de
manière accélérée leurs options, le maintien des
assurances collectives, une aide pour se trouver un
autre emploi, la bonification des conditions de
retraite.
Document 2 :
Le régulateur boursier américain annonce de
nouvelles règles pour relier les bonus des
entreprises à la performance de leurs patrons.
Mauvaise nouvelle pour la dirigeante de
Yahoo!, dont la rémunération a atteint 42
millions de dollars en 2014, alors que les
résultats financiers du moteur de recherche
plongent. Le bénéfice net du groupe a plongée
93% au premier trimestre.
Serait-ce bientôt la fin des rémunérations
mirobolantes des grands patrons américains ? La
Securities and Exchange Commission (SEC), le
régulateur boursier des États-Unis, a annoncée
29 avril une proposition de loi visant à relier la
performance des entreprises cotées en Bourse
aux bonus de leurs dirigeants. Une réforme qui
pourrait sonner comme une mauvaise nouvelle
aux oreilles de Marissa Mayer. La patronne de
Yahoo! a en effet perçu une rémunération en
hausse de 69% en 2014, alors que les résultats
financiers de l'entreprise déçoivent en ce début
d'année. (…)
Actions, stock-options et autres compensations :
Dans ces conditions, comment expliquer un
bond de près de 70% de la rémunération e
Marissa Mayer ? Il est vrai que Yahoo! a
affichées résultats financiers en hausse sur
l'année 2014, avec une multiplication par cinq
de son bénéfice net. Et la paie de Marissa
Mayer, révélé dans le détail par une note de la
SEC, correspond justement à cette année là.
Dans le détail, ses 42 millions de dollars (37,7
millions d'euros) proviennent essentiellement
des actions, des stocks-options et de
compensations diverses, son salaire de base
restant inchangé à million de dollars (890.000
euros).
Encore plus de transparence sur les
rémunérations : Quoi qu'il en soit, cette
augmentation risque de faire polémique aux
États-Unis où le sujet des bonus des grands
patrons fait débat. Avec la proposition de loi de
la SEC, une telle paie ne sera peut-être pas
justifiable très longtemps. Le régulateur boursier
américain demande en effet de rentre public la
rémunération des dirigeants de société cotés
dans le détail : salaire de base, prime annuelle,
retraite chapeau, actions et stock-options, le tout
sur les cinq derniers exercices fiscaux. Surtout,
la rémunération totale devrait dépendre des
résultats financiers. (…)
Document 3 :
Le
gouvernement
a
annoncé
mi-juin
l'encadrement, dans une échelle de 1 à 20, des
rémunérations des dirigeants d'entreprise dont il
détient la majorité du capital. Leurs revenus fixe
et variable ne pourront donc pas dépasser les 450
000 euros brut annuels (soit 37 500 euros par
mois). Une mesure qui ne s'appliquera qu'aux
mandataires sociaux des entreprises détenues par
l'Etat et à leurs filiales les plus importantes. Seule
une vingtaine de dirigeants dépassent ce plafond
et verront donc leurs rémunérations baisser, dont
les patrons d'EDF, d'Areva, de La Banque postale
et de la Caisse des Dépôts. Le gouvernement
entend aussi donner des instructions similaires
dans les entreprises où l'Etat est minoritaire,
comme France Télécom, et espère inspirer de
meilleures pratiques dans les entreprises privées.
Il a annoncé par ailleurs vouloir légiférer à
L’automne sur les rémunérations annexes, comme
les retraites chapeaux ou les stock-options.
Excès non maitrisés
Est-il nécessaire que l'Etat intervienne pour
limiter le salaire des patrons ? Oui, dans la mesure
où, laissé à lui-même, le marché produit des écarts
de rémunérations injustifiables sur le plan
économique comme sur le plan social. Alors qu'au
début du XXe siècle, le banquier J.P. Morgan
préconisait un écart salarial au sein des entreprises
de 1 à 20, celui-ci atteint en moyenne 1 à 211 pour
37 patrons du CAC 40 en 2011. La crise a à peine
rogné ces émoluments, même pour les patrons
dont les performances ont été mauvaises, tel Lars
Olofsson, ancien PDG de Carrefour, dont la
retraite chapeau et la clause de non-concurrence
de 1,5 million d'euros font actuellement scandale.
Et malgré les promesses du patronat français
depuis une dizaine d'années, ces excès n'ont
jamais cessé.
Mais en limitant les salaires, ne prend-on pas le
risque de faire fuir les talents ? C'est l'argument du
patronat et des économistes libéraux : le salaire
maximum va priver les entreprises publiques de
leurs meilleurs capitaines, et s'il s'appliquait aussi
aux entreprises privées, leurs dirigeants se feraient
embaucher à l'étranger ou leurs sièges sociaux
seraient délocalisés.
Printemps des actionnaires
Cette idée d'un marché international des grands
patrons fluide et ouvert est largement théorique.
En pratique, les différences culturelles restent
importantes, même au plus haut niveau. Par
ailleurs, les rémunérations extravagantes des
patrons exaspèrent aussi les actionnaires : un
véritable « printemps des actionnaires » agite en
effet les assemblées générales de nombreuses
sociétés américaines et européennes depuis le
début de l'année, forçant certains dirigeants à
réduire leurs prétentions. Au Royaume-Uni et aux
Etats-Unis, les assemblées générales possèdent en
effet un droit de vote consultatif à ce sujet, mais
pas en France. L'adoption de ce principe du say on
pay est un axe auquel réfléchit actuellement le
gouvernement. Un moyen plus sûr de faire baisser
ces rémunérations reste cependant la nouvelle
tranche d'imposition à 75 % applicable sur la
tranche de revenus supérieure à un million d'euros
qui devrait être mise en place en 2013.