Stèle funéraire ou ex-voto ? Une divinité « astrale » ? Une sculpture

Transcription

Stèle funéraire ou ex-voto ? Une divinité « astrale » ? Une sculpture
UNE DIVINITE « ASTRALE »
Une sculpture découverte dans un puits
Cette sculpture serait un ex-voto* découvert au début de l’été 2002, lors de la poursuite de la fouille du puits alimentant les thermes. Elle était située
dans l’angle nord-est du puits, dans un secteur qui avait déjà livré à un niveau supérieur un premier ex-voto de nature différente, mais de dimensions
analogues, représentant une stèle figurant Pan. Trouvé dans les remblais du puits, cet objet provient en réalité de la salle qui
l’abritait.
*ex-voto : objet déposé dans un sanctuaire par un fidèle, à la suite d’un vœu ou pour remercier d’une grâce obtenue
Un édicule à baldaquin
Ce bloc sculpté en fin calcaire beige fait une vingtaine de centimètres de hauteur. Il s’agit d’un édicule* présentant un tympan* triangulaire orné et
creusé d’une niche en cul-de-four. Tout comme un baldaquin, il repose sur quatre colonnes lisses au chapiteau simplement esquissé.
Le tympan est orné d’un décor gravé de trois étoiles disposées en triangle et encadrant un croissant lunaire représenté les pointes en haut.
Un personnage probablement masculin est abrité sous l’édicule. Le traitement du visage est très schématique. Deux incisions verticales parallèles
sur le torse suffisent à évoquer un vêtement qui pourrait s’apparenter à une tunique.
L’objet était certainement ajouré du fait de la cassure des quatre colonnes au niveau des épaules. Ainsi le personnage se découpait sur un fond de
niche jusqu’aux épaules pour apparaître dégagé des colonnes dans sa partie inférieure malheureusement brisée au niveau de la taille.
*édicule : petite construction autonome
*tympan : surface verticale du fronton
Stèle funéraire ou ex-voto ?
L’étude stylistique et iconographique de cette sculpture ferait plutôt référence à la représentation d’un mortel
sur une stèle funéraire, ce que confirme le décor du fronton : un croissant lunaire pointes en haut, à vertu
protectrice, et connu sur des stèles funéraires de la Gaule occidentale. Cependant, ses dimensions ne lui
permettent pas de signaler une tombe. Aussi c’est l’étude du contexte de découverte qui peut permettre de
proposer une autre interprétation, celle d’un ex-voto à représentation divine.
En effet, cette sculpture, tout comme celle du Pan, serait liée à la religion populaire du IIème ou du IIIème
siècle ap. J.-C. Leur traitement est similaire à ce que l’on connaît de la sculpture religieuse populaire sur calcaire en Aquitaine.
Cet objet faisait certainement partie d’un petit oratoire* situé non loin de l’endroit où il a été découvert et
appartenant sans doute à la salle abritant le puits. Il constituerait donc un témoignage sur la
présence d’un lieu de culte dans la salle de service attenante aux thermes. La partie inférieure cassée pourrait témoigner d’un signe de désaffection de l’objet de culte : il aurait été désacralisé avant d’être jeté dans le
puits.
Stèle funéraire de Valeria Veneria, IIème-IIIème siècle
ap. J.-C., Saintes.
*oratoire : petit monument voué au culte d’une divinité représentée par une statuette
Une divinité « astrale » ?
La difficulté de l’identification de la divinité invoquée vient de l’absence d’attributs du personnage lui-même. Il faut donc
s’appuyer sur les signes gravés au fronton pour formuler une hypothèse :
- Le croissant de lune pointes en haut, tout comme l’attribut de Diane-Luna, est entouré de trois étoiles disposées en
triangle. Sur les stèles funéraires, ce croissant symbolise la Lune, divinité protectrice de la tombe. Cette interprétation
est ici exclue, puisque le contexte ne correspond pas.
- La présence des étoiles se rapproche de la symbolique solaire, figurée par des disques ou des roues par certains
peuples gaulois. Cette association du Soleil et de la Lune est déjà bien connue sur les frontons de stèles funéraires,
qu’elles soient de tradition gauloise ou gréco-romaine. Elle se rencontre également jusqu’en Afrique romaine où le
croissant lunaire et le disque solaire sont souvent superposés.
- Il est même possible de trouver des comparaisons plus lointaines : le triangle entre en effet aussi dans ces associations symboliques et en Afrique du Nord il constitue une « abréviation » du signe de la déesse phénicienne Tanit. Cette
déesse lunaire est associée au dieu solaire carthaginois Baal qui fut assimilé sous la domination romaine au dieu
Saturne.
O r,
les
nombreuses
stèles
votives
des
premiers
siècles
de
notre ère portant ces symboles solaires et astraux en Afrique du Nord présentent des dédicaces faisant également
référence au culte céleste de Saturne.
Stèle funéraire phénicienne, IIème siècle
av. J.-C., sanctuaire de Tanit, Carthage.
Ainsi, même s’il est difficile de proposer une identification du personnage figuré
sur cette stèle, on peut supposer qu’il s’agit d’une divinité astrale, peut-être un
dieu d’origine gauloise dont les attributs seraient proche de ceux de Saturne et
dont nous ne connaissons pas d’équivalent, même si d’autre divinités gauloises
cosmiques existent dès la fin du Ier ou le début du IIème s. ap. J.-C.
*laraire : petit autel domestique
BIBLIOGRAPHIE
BOUET A. (2003): Thermae gallicae, Les thermes de Barzan et les thermes des provinces gauloises, Bordeaux, p.118-119.
MAURIN L. (1994) : Inscriptions Latines d’Aquitaine (I.L.A.), Santons, Bordeaux.
MAURIN L. (1999) : CAG, 17/1, La Charente-Maritime, Paris.
SANTROT J. (2002) : « Le Pan et la divinité « astrale » des thermes », dans : Bouet 2003, 207-21.
Laraire découvert à Rezé, IIème s. ap. J.-C., les
deux figurines plates représentent des divinités gauloises à caractère cosmique.
CREDITS ICONOGRAPHIQUES
Stèle funéraire de Valeria Veneria Photo : Bardou P., CRDP Bordeaux
Stèle funéraire phénicienne Photo : British museum, Londres
Laraire de Rezé Photo : Musée départemental Dobrée, Conseil Général de Loire-Atlantique, Nantes

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