Différentiel de croissance France-EU

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Différentiel de croissance France-EU
DISSERTATION
Il est demandé au candidat :
- de répondre à la question posée par le sujet ;
- de construire une argumentation à partir d'une problématique qu'il devra élaborer ;
- de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ;
- de rédiger en utilisant le vocabulaire économique et social spécifique et approprié à la question, en organisant le développement
sous la forme d'un plan cohérent qui ménage l'équilibre des parties.
Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation.
SUJET
Comment peut-on expliquer le différentiel de croissance récent entre la France et les Etats-Unis
LE DIFFERENTIEL DE CROISSANCE ENTRE LA FRANCE ET LES ETATS-UNIS
Introduction :
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Amorce = A la fin 2012, le taux de chômage des Etats-Unis est passé en dessous de la barre des 8% des actifs alors qu’en
France il dépassait le seuil des 10% des actifs. Ces résultats inégaux s’expliquent par une différence de croissance. En
effet, entre 1990 et 2007, le PIB (produit intérieur brut) des Etats-Unis a augmenté d’environ 65 % tandis que pendant la
même période, celui de la France augmentait d’environ 35 % (Doc. 1).

Problématique = On peut donc s’interroger sur les causes de cet écart d’augmentation à long terme de la production entre la
France et les Etats-Unis. Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer ce différentiel de croissance ? Peut-on l’attribuer à
une croissance plus forte du facteur travail ou à une croissance plus forte du stock de capital fixe ? Quel est le rôle des
gains de productivité dans cette différence et comment l’expliquer ?

Annonce du plan = On mettra tout d’abord en évidence le rôle des deux facteurs de production, le travail et le capital. Mais il
faudra aussi prendre en compte le progrès technique qui constitue un moteur de la croissance moderne.
1 – LA CROISSANCE DE LA QUANTITE DE FACTEURS JOUE UN RÔLE ESSENTIEL DANS CE DIFFERENTIEL
Phrase introductive = Pour produire, il faut mobiliser des travailleurs pendant un certain temps (facteur travail) et des biens
d’équipement, des bâtiments, des logiciels et des consommations intermédiaires (facteur capital). Si on raisonne à partir de la
fonction de production, pour produire plus il faut donc augmenter la quantité de capital et de travail utilisée. A l’échelle
macroéconomique, si la production s’accroît dans la même proportion que les facteurs, il s’agit d’une croissance extensive (l es
rendements d’échelle sont constants).
A – LES ETATS-UNIS ONT ACCRU LA MOBILISATION DE LEURS TRAVAILLEURS...
Phrase introductive = Le facteur travail correspond à la quantité de travail mobilisée pour produire. Elle comprend le nombre
d’actifs occupés (le total des emplois) et la durée effective du travail (hebdomadaire ou annuelle). Peut-on expliquer la différence de
croissance obtenue dans les années récentes entre les Etats-Unis et la France par une hausse de la quantité de travail plus forte ?
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La croissance des emplois a été plus forte aux Etats-Unis qu’en France. Entre 1991 et 2007, le nombre d’emplois a
augmenté de 23 % aux Etats-Unis, contre 12 % pour la France (Doc. 2). Ceci est dû à une croissance démographique plus
dynamique (rôle de l’immigration), à un taux d’emploi des juniors et des séniors plus élevé (retraite plus tardive) et à une
croissance du PIB plus forte qui est essentiellement extensive (« The great job machine »).

La durée hebdomadaire du travail a augmenté alors qu’en France elle a diminué. Aux Etats-Unis, elle est passée d’une
moyenne de 37,8 heures hebdomadaires en 1991 à 38,7 heures en 2007, tandis qu’elle a baissé en France, de 37,6 heures
à 36,4 (Doc. 2) sous l’influence de la loi des 35 heures. Alors que les américains cherchaient à compenser la stagnation de
leur pouvoir d’achat par une augmentation des heures de travail, les français préféraient la réduction du temps de travail
pour lutter contre le chômage.
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En conséquence, le différentiel de croissance entre les deux pays s’explique principalement par une évolution divergente de
la quantité de travail. En étant plus nombreux et en travaillant plus longtemps, les américains ont pu accroître plus fortement
leur production alors que les français ont compté sur l’augmentation de la productivité du travail.
B – ET ONT AUGMENTE PLUS RAPIDEMENT LEUR STOCK DE CAPITAL FIXE.
Phrase introductive = Le facteur capital correspond principalement au stock de biens d’équipement durables, de bâtiments et de
logiciels. L’investissement matériel permet l’accumulation du capital physique. Il est mesuré par la formation brute de capital fixe
(FBCF) à laquelle on devrait retirer l’amortissement nécessaire pour remplacer le capital usé ou obsolète. La croissance du stock de
capital fixe a-t-elle été plus forte aux Etats-Unis qu’en France ?
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L’investissement brut a plus progressé aux Etats-Unis qu’en France. La FBCF a augmenté d’environ 40 % en France tandis
qu’elle a été multiplié par plus de 2 aux Etats-Unis entre 1990 et 2007 (Doc. 4). Les entreprises américains ont été incitées
à investir par une croissance de la demande plus forte et par l’introduction des nouvelles technologies de l’information alors
que les entreprises françaises ont pris du retard dans ce domaine.

Or, l’investissement matériel est facteur de croissance économique parce qu’il augmente les capacités de production des
entreprises (investissement de capacité) ou qu’il engendre des gains de productivité (investissement de productivité). Ces
derniers permettent, entre autres, aux firmes de réduire leur coût unitaire (il faut moins de quantité de travail pour réaliser le
même produit), d’améliorer leur compétitivité-prix et de développer leurs ventes.
Conclusion partielle = Si le différentiel de croissance entre la France et les Etats-Unis dépend essentiellement d’une mobilisation
plus importante du travail et du capital dans ce dernier pays, on peut s’interroger aussi sur le rôle du progrès technique. Le rythme
de croissance des innovations a-t-il influé sur le rythme de croissance de la production ?
2 – ALORS QUE LE PROGRES TECHNIQUE JOUE UN MOINDRE RÔLE.
Phrase introductive = Le progrès technique, qui se traduit par l’innovation, est facteur de croissance économique parce qu’il
engendre des gains de productivité et ouvre de nouveaux marchés.
A – LE PROGRES TECHNIQUE CONDUIT A DES GAINS DE PRODUCTIVITE.
Phrase introductive = Les études de Denison, Maddison, Carré et Dubois, portant sur la contribution des facteurs de production
à la croissance du PIB montrent que cette croissance ne provient pas exclusivement de la mobilisation de travail et de capital.
L’existence d’un « résidu » permet de conclure que la croissance provient aussi de gains de productivité, plus ou moins importants
selon les pays et les périodes, que l’on attribue généralement au progrès technique. La croissance est donc plus ou moins intensive.
Qu’en est-il dans le cas de la France et des Etats-Unis ?
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L’effort américain en matière de recherche et développement (R&D) est plus élevé que l’effort français. En 2007, les
dépenses de R&D représentent environ 2,8 % du PIB aux Etats-Unis contre 2 % en France. Entre 1997 et 2007, ce ratio a
augmenté aux Etats-Unis alors qu’il a baissé en France (Doc. 3). De même, le nombre de chercheurs par million d’habitant
a progressé dans les deux pays entre 1997 et 2007 mais il reste supérieur aux Etats-Unis : environ 4 500 chercheurs pour
un million d’habitants contre environ 3 500 pour la France (Doc. 3).

Or, les investissements immatériels permettent aux entreprises d’améliorer leur potentiel productif. Les dépenses de R&D
conduisent à l’innovation, les dépenses de formation du personnel à une meilleure efficacité du travail et les dépenses de
publicité à une extension des ventes. Le capital technologique (stock de connaissance scientifique et technique) et le capital
humain (stock de savoir, de savoir faire et de savoir être que mobilise un travailleur dans la production) s’accumulent et
s’entretiennent. Ils augmentent l’efficacité globale des facteurs (rendements d’échelle croissants) et dégagent des
externalités positives (l’ensemble des acteurs en profite sans en payer le coût). Quand le progrès technique s’exprime par
des innovations dans les procédés de production et l’organisation du travail, cela se traduit par une augmentation de
l’efficacité des facteurs de production, une hausse de la production par unité de travail et (ou) de capital, c’est-à-dire des
gains de productivité.
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Pourtant, il ne semble pas que c’est de ce côté-là que l’on puisse chercher les causes dans le différentiel de croissance. En
effet, on peut constater une faible croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) aux Etats-Unis et en France
entre 1990 et 2007, environ 10 % pour les deux pays, légèrement supérieure aux Etats-Unis mais l’écart est faible (Doc. 4).
Les gains de productivité semblent avoir relativement peu contribué aux 65 % de croissance du PIB aux Etats-Unis, un peu
plus en France puisque la croissance n’a été que de 35 % environ (Doc. 1).
Phrase de transition = Même si le progrès technique a joué un certain rôle par l’intermédiaire de gains de productivité dans la
croissance des deux pays sur la période, on doit se tourner vers une autre explication.
B – L’INNOVATION OUVRE DE NOUVEAUX MARCHES.
Phrase introductive = De nouveaux produits se traduisent par la conquête de nouveaux marchés pour les entreprises et une
position de leader pour les entreprises innovatrices sur le marché mondial. Les américains sont-ils en avance dans ce domaine ?
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On peut constater une position largement dominante des Etats-Unis par rapport à la France pour les dépôts de brevets
triadiques : environ 16 000 familles de brevets triadiques par million d’habitants aux Etats-Unis en 2007 contre 1 500 à 1
600 pour la France soit environ dix fois moins. En outre, le nombre de ces dépôts a plus progressé aux Etats-Unis entre
1997 et 2007 (Doc. 3). Ceci est à relier à l’effort de recherche mentionné plus haut. Les firmes et les laboratoires de
recherche universitaires américains n’hésitent pas à attirer des chercheurs du monde entier (« Brain drain ») en leur offrant
des revenus et des conditions de travail bien meilleures à ceux que la France peut leur proposer.
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Or, en étant à la pointe de l’innovation en matière de produit, les Etats-Unis tirent la croissance vers le haut. Les firmes
innovantes telles qu’Apple, Google, Facebook, ouvrent sans cesse de nouveaux marchés dont les produits ou les services
se vendent par million sur la planète entière. Elles disposent d’un monopole temporaire dont elles tirent une rente qui leur
permet des investissements colossaux pour accentuer leur avance. Dans cette compétition à l’innovation, les firmes
françaises paraissent bien frileuses.
Conclusion :
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Rappel de la démonstration = La croissance américaine a été plus élevée que la croissance française durant ces vingt
dernières années. L’essentiel tient à une plus forte mobilisation de la quantité des facteurs car la croissance est devenue de
plus en plus extensive à partir des années 1990. Cependant, le progrès technique, à travers l’innovation de produit, a pu
jouer également un rôle en ouvrant de nouveaux marchés qui ont profité aux firmes américaines.
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Ouverture = Ceci nous conduit à nous interroger sur la politique de l’Etat français. Peut-il augmenter l’offre de travail par des
mesures administratives (recul de l’âge de la retraite, assouplissement de la législation sur l’immigration, hausse de la durée
légale du travail…) ou par des mesures incitatives (défiscalisation des heures supplémentaires…) ? Doit-il favoriser les
investissements matériels et immatériels en augmentant les investissements publics dans les infrastructures, dans la
recherche et l’éducation ou doit il inciter les entreprises privées à investir (crédit d’impôt pour la recherche, subventions,
baisse de la fiscalité sur les profits, baisse des cotisations sociales patronales…) ? Certains économistes insistent sur le rôle
de l’Etat stratège dans la compétition mondiale.