Canada`s Message for 2012 World Theatre Day / La Journée

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Canada`s Message for 2012 World Theatre Day / La Journée
 Canada’s Message for 2012 World Theatre Day / La Journée Mondiale du Théâtre March 27 mars By Daniel David Moses, translation by David Baudemont Consider how useful a wristwatch that lights up and glows is, if your work takes you, as mine does occasionally, into the darkened auditorium of a theatre. Settled under the blanket of the theatre’s artificial night and focused on the dream world rising on the stage, I can check unobtrusively on time’s passage. If I’m watching the rehearsal of one of my own plays, I want to be certain it’s playing out with as much alacrity as my conceit allows. If I’m attending some other play’s performance, checking the time is a measure of how the play is working for me, fairer to those works, as I age, than the question of when the next bathroom break will come. In 1987, I was the guest of Spirit Quest, a festival of poets, tricksters and shamans, in Victoria, B. C. I attended, a registered Delaware Indian who’d actually published a book of poetry —the production of my first play occurred the following year— but had nevertheless felt, at moments, still a farm boy, not quite up to membership in even that first exalted category. I explored the town and found myself in a museum packed with treasures from the history of the Kwakiutl people (the epithet ‘First Nation’ had yet to be invented). There were totem poles, yes, coppers, masks and woven cedar hats, rain capes and button blankets, even an entire Big House taking up an entire floor. I’m from Six Nations, southern Ontario, Iroquois territory, where our traditions centre on the Longhouse or mission churches, more modest affairs, so I was awed by the spectacle, the beauty, and a touch envious of their tradition’s public affirmation. So the final evening, at the big concert, I was primed. A program of music, poetry, magic and stories so long I would have been checking my watch if I’d had it then, all culminating with all those arts, with dance added, in an excerpt from a Potlatch ceremony presented by the local Hunt family and their Fort Rupert Dancers. Figures in red and black button blankets filled the stage, a rhythm from drums and rattles filled the air and, though the lights stayed up, in that pattern of swirling bodies, of footsteps and hand gestures, of significant looks, I forgot myself and bodily needs for nearly another hour. That audience of strangers, retirees, artists, bureaucrats, students, businessmen, families, old and young, immigrants and assorted Indians, were around me, equally mindful. To top the event off, during the closing, those of us who were guests were called up on stage. I found myself, felt myself then and there larger than everyday life, with a button blanket draped over my shoulders, tied snuggly, the twine itching my chin, amazed to be stepping forward, as if guided by that blanket, a moon rising at dusk, to the rhythm of the drum as it resumed. A scientist installed backstage at a theatre a movie camera capable of recording infrared light. He opened the lens out at the audience and, as a play was performed, caught glimmers of that invisible energy reflecting back from the audience’s glistening eyes. Those lights twinkled with the audience’s blinking, at first as individuals here and there laughed at jokes, at turns of phrase or plot, but then the sparkling came more throughout the auditorium, in waves or unison, as the people, the scientist later surmised, took in each new thought, each new feeling the play provided, took them in all at once, a sure sign they were of one mind. Among the traditions of the Iroquois is the idea of the Good Mind, a spiritual achievement of people who put their thoughts and emotions in harmony with the flow of the universe and the intentions of the Creator. In our present-­‐day world where it now seems the Creator, if he’s anywhere at all, is lurking in dark matter, I feel blessed to be able to enter the nights of theatres, to belong occasionally to the make-­‐believe worlds rising in the artificial light on the stage, to uncover, my watch lit up and glowing, signs that point in the direction of that complex and promising consensus. La Journée Mondiale du Théâtre March 27 mars Par Daniel David Moses, Traduction: David Baudemont Imaginez comme une montre fluorescente peut être utile à un professionnel du théâtre comme moi, appelé à passer une partie de son temps dans l’obscurité des salles de spectacles. Alors que je me blotti sous la voûte de la nuit artificielle du théâtre et que je me projette dans le monde de rêves qui émerge sur scène, je peux sans déranger personne garder un œil sur le temps qui passe. Si j’assiste à la répétition d’une de mes pièces, je tiens à m’assurer que l’interprétation est fidèle au rythme que je lui ai donné. Si c’est la pièce d’un autre, les coups d’œil à ma montre me fournissent avant tout la mesure de l’impact qu’elle a sur moi tout en me donnant une idée – nécessité de l’âge – du temps qui me sépare de l’entracte… En 1987, je pris part à Spirit Quest, un festival réunissant poètes, clowns et chamanes à Victoria en Colombie Britannique. Ma première pièce n’ayant pas encore été produite, j’y participais en tant qu’Indien Delaware et poète, deux qualificatifs prestigieux que j’avais encore du mal à assumer, me sentant à certains égards, tout juste sorti de ma cour de ferme. J’explorais la ville et tombais sur une exposition de chef d’œuvres archéologiques du peuple Kwakiutl (le mot « première nation » n’avait pas encore été inventé). J’y admirais des totems, eh oui !, des blasons de cuivre, des masques, des chapeaux en cèdre tressé, des capes imperméables, des « couvertures à boutons » et même la reproduction de l’intérieur d’une de ces « grandes maisons » occupant tout un étage. Appartenant moi-­‐même aux Six Nations iroquoises du sud de l’Ontario, modestes bâtisseurs de « maisons longues » et d’églises missionnaires, je fus émerveillé par tant de grandeur et de beauté tout en ressentant une vague jalousie face à une manifestation culturelle de cette envergure. Ainsi, lors du gala de clôture du festival, j’étais au mieux de ma forme. Le spectacle qui réunissait danse, musique, poésie et mythes sacrés fut clôturé par une démonstration de danses rituelles extraites de cérémonie du potlatch présentée par la famille Hunt et les danseurs de Fort Rupert. Le tout fut si long que si j’avais eu ma montre à l’époque, je l’aurais sûrement consultée… Des silhouettes vêtues de couvertures à boutons rouge et noir envahirent la scène. Le rythme des tambours et des crécelles fit vibrer toute la salle. Malgré l’éclairage ambiant, je plongeais dans un tourbillon frénétique de pas de danse, corps en mouvements, gestuelles et regards perçants. Pendant plus d’une heure, j’en oubliais même mes propres besoins… Le public, un agglomérat d’étrangers, de retraités, d’artistes, de bureaucrates, d’étudiants, d’hommes d’affaires, de jeunes et de moins jeunes, d’immigrants et d’Indiens de toutes sortes, était aussi attentif que moi. Pour couronner le tout, l’assistance fut invitée à rejoindre les artistes sur scène. Je me retrouvais donc emmitouflé dans une large couverture à boutons, la sangle frottant contre mon menton. Alors, face à la lune qui s’élevait dans le crépuscule, je me sentis plus grand que nature et je regardais avec étonnement mes pieds avancer au rythme des tambours, comme si la couverture elle-­‐même guidait mes pieds. Imaginons maintenant un chercheur installé dans les coulisses d’un théâtre, une caméra infrarouge en main. Pendant la pièce, il capte le chatoiement de cette énergie invisible reflétée par l’audience. Au début du spectacle, quelques yeux s’allument ça et là, en réponse à une réplique ou à un retournement de situation qui les surprend ou les fait rire. Mais à mesure que la pièce se déroule, que les idées s’enchainent et que de nouvelles émotions naissent, le scintillement se propage à l’ensemble du public, à la manière d’une onde ou à l’unisson. Alors, en conclura le chercheur, le public n’est plus qu’une entité, une seule et même conscience. La tradition iroquoise parle des grandes âmes, celles de gens qui sont parvenus à mettre leurs idées et leurs émotions en phase avec les pulsations de l’univers et les desseins du Créateur. À une époque où le Créateur, s’il existe encore, se tapit dans quelque recoin sombre de l’univers, je considère que j’ai le grand privilège d’avoir accès à la nuit des salles de théâtre, de faire partie pendant quelques instants de ces mondes imaginaires qui naissent sous les projecteurs, de découvrir, ma montre allumée au poignet, les indices qui me révèleront l’existence de cette riche et complexe harmonie.