Génétique et stress : y a-t-il un lien

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Génétique et stress : y a-t-il un lien
MAMMOUTHMAGAZINE, no 9, janvier 2011
LE MAGAZINE
OFFICIEL DU
CENTRE D’ÉTUDES
SUR LE STRESS
HUMAIN
Le Centre
d’études sur
le stress humain
a pour mission
d’améliorer la
santé physique
et mentale des
individus en leur
fournissant une
information
scientifique
de pointe sur les
effets du stress
sur le cerveau
et le corps.
Génétique et stress :
y a-t-il un lien ?
Marie-France Marin et Robert Paul Juster
«M
a mère était stressée, c’est la même chose pour moi.
Je n’y peux rien, c’est génétique ! » Vous avez sûrement
déjà entendu ce genre d’affirmation lors de conversations avec
des collègues, votre famille ou vos amis. Mythe ou réalité ?
Plusieurs chercheurs se posent actuellement la question et abordent le tout de différents angles.
Institut de la santé des femmes
et des hommes (ISFH)
Institute of Gender and Health (IGH)
Il faut d’abord comprendre que le corps humain est composé d’un nombre immense de cellules. Ces cellules comptent
46 chromosomes dont la moitié proviennent de la mère alors que
l’autre moitié proviennent du père. C’est donc dire que les cellules sont composées de 23 paires de chromosomes. À l’intérieur
de ces chromosomes se trouvent les gènes, ceux qui auront une
influence sur plusieurs caractéristiques physiques et psychologiques et qui influenceront également plusieurs comportements
que nous adoptons (pour plus de détails, voir Livre de recettes
de la génétique en page 2).
Lorsqu’on parle de génétique, il est important de garder en
tête que les gènes ne sont pas les seuls décideurs des comportements que nous adoptons. En d’autres mots, pour la grande
majorité des comportements ou caractéristiques, nos gènes ainsi
que notre environnement jouent des rôles importants. Si vous
avez la chance d’évoluer dans un environnement favorable, il est
fort probable que votre disposition génétique à une maladie ou à
une autre ne soit pas exprimée. Par contre, si vous êtes confronté
à plusieurs situations particulièrement stressantes ou à un choc
important, votre environnement est moins favorable et vos vulnérabilités génétiques ont ainsi plus de chances de s’exprimer.
Par exemple, si vous avez vécu la mort d’un être cher et que
vous avez une prédisposition génétique à la dépression, la probabilité que vous développiez cette maladie est plus grande comparativement à une personne qui a vécu le même événement, mais
qui n’a pas la vulnérabilité génétique ou encore, comparativement à une personne ayant la vulnérabilité génétique, mais qui
ne fait pas face à cette situation. C’est donc dire que la plupart
du temps, rien n’est déterminé à l’avance et que c’est l’interaction
C’est donc dire que la plupart du temps, rien n’est déterminé à l’avance et que c’est l’interaction
entre génétique et environnement qui aura une influence sur le résultat final.
Génétique et stress :
y’a-t-il un lien ?
entre génétique et environnement qui aura une influence sur le résultat final.
Mais revenons à notre sujet préféré : le
stress ! Échappe-t-il à cette influence génétique ?
Probablement pas. Rappelez-vous qu’afin qu’une
situation déclenche une réponse de stress, elle
doit d’abord être interprétée comme étant stressante : c’est-à-dire, qu’elle doit comporter au moins
une des quatre caractéristiques du stress soit l’impression d’avoir peu ou pas de Contrôle, l’Imprévisibilité, la Nouveauté et la menace à notre personnalité ou notre Égo (acronyme de la recette du
stress : CINÉ). Par la suite, une fois que le cerveau
a interprété la situation comme étant stressante,
la réponse de stress est enclenchée. Donc, la génétique peut avoir une influence sur les niveaux
de cortisol basal, sur la réactivité aux stresseurs et
même sur la façon dont nous percevons le monde.
Le livre de
recettes de la
génétique
Une façon de se souvenir de ce qu’est
la génétique est d’imaginer les gènes
comme étant une collection de recettes cellulaires. Disons que vos parents
étaient des chefs qui travaillaient ensemble, comme c’était d’ailleurs le cas
pour leurs parents respectifs. Ils vous
ont donné une encyclopédie contenant
23 volumes. Ces 23 volumes sont en
fait la combinaison de leur version des
mêmes recettes qui ont été combinées
à travers les générations (chromosomes). Il y a des chapitres spécifiques de
certaines recettes (gènes) à l’intérieur
de chaque volume. Les ingrédients (allèles) pour les 25 000 recettes (nombre
approximatif de gènes chez l’humain)
vous fournissent tout ce dont vous avez
besoin pour cuisiner. Chaque cellule
humaine – environ 100 trillions pour les
humains – contient cette encyclopédie
complète de cuisine qui permet à la
cellule de choisir, parmi les différentes
recettes, celle qui est nécessaire pour
maximiser les chances de survie.
2
Intuitivement, nous présumons que s’il existe
un lien entre stress et génétique, ce sont nécessairement les gènes qui influencent notre perception
et / ou notre réactivité au stress. Pouvons-nous croire que l’inverse soit possible? Est-ce que le stress
a la capacité d’influencer notre génétique, cette
signature biologique que nous avons crue pendant
des années être immuable ? Eh bien, croyez-le ou
non, les gènes ne sont peut-être pas si intouchables
qu’on le croyait et il semble que le stress puisse
avoir un impact sur ces derniers. C’est donc une inEh bien, croyez-le ou non, les gènes ne sont peut-être pas si intouchables
qu’on le croyait et il semble que le stress puisse avoir un impact sur ces derniers.
C’est donc une interaction très complexe qui se dessine entre stress et génétique.
teraction très complexe qui se dessine entre stress
et génétique. Ce 9e numéro du Mammouth Magazine a donc été préparé afin de vous initier à ce
domaine de recherche très intéressant.
Tout d’abord, Shireen Sindi, étudiante au
doctorat à l’Université McGill, nous dresse le
portrait de Dr Michael Meaney, chercheur à
l’Institut universitaire en santé mentale Douglas.
Dr Meaney est un chercheur reconnu pour ses travaux sur l’interaction entre génétique et stress. Il
a notamment amorcé ses travaux de recherche en
étudiant différentes questions chez l’animal. Par
exemple, est-ce que le soin maternel peut influencer la réponse de stress d’un petit rat ? Ou encore
l’exposition à un environnement adverse lors de
l’enfance peut-elle avoir une influence sur notre
reactivité au stress à l’âge adulte ? Est-il possible de
renverser les effets d’un environnement adverse
sur notre réponse de stress? Voici quelques questions de recherche que Dr Meaney et ses collègues
s’affairent à documenter. Tout en continuant le volet animal de la recherche, il travaille également
à comprendre comment ces résultats fascinants
peuvent se traduire chez les humains.
Par la suite, Dre Isabelle Ouellet-Morin, actuellement en formation postdoctorale au MRC
Social Genetic Developmental Psychiatry à Londres, nous parle des études de jumeaux et de ce
qu’elles peuvent nous apprendre, notamment sur
la base génétique de la réactivité au stress. Il est
important de mentionner que les jumeaux offrent
un excellent modèle pour étudier la génétique. En
effet, les jumeaux monozygotes (aussi appelés jumeaux identiques) partagent 100 % de leurs gènes
alors que les jumeaux dizygotes (aussi appelés jumeaux fraternels) partagent environ 50 % de leurs
gènes. En comparant des jumeaux identiques à des
jumeaux fraternels, et en tenant compte des environnements communs et différents, les chercheurs
arrivent à tirer des conclusions sur l’importance du
rôle de la génétique pour certains comportements
ou réponses physiologiques. La réponse de stress
offre un bon exemple. Dre Ouellet-Morin expose
très bien la situation dans son article et rapporte
plusieurs données, dont certaines sont issues des
recherches menées dans le cadre de son doctorat.
Le troisième article de ce Mammouth Magazine est écrit par Nadine Provençal, étudiante au
doctorat à l’Université McGill. Madame Provençal
nous explique le monde fascinant de l’épigénétique. Tel que mentionné plus haut, il semble
que les gènes, malgré ce qu’on a longtemps pensé,
soient sujets à une certaine modulation. L’épigénétique aborde l’interaction entre environnement et
gènes et tente donc de comprendre comment ces
deux concepts s’influencent. Dre Provençal abordera le sujet de l’influence du stress sur nos gènes. La
bonne nouvelle avec l’épigénétique, c’est que rien
n’est coulé dans le béton !
Finalement, Dre Alexandra Fiocco, qui effectue actuellement une formation postdoctorale
au BayCrest Centre à Toronto, explore un sujet
relativement nouveau dans le domaine de la
génétique, les télomères. Il s’agit, en quelque
sorte, de protecteurs à notre code génétique. La
longueur des télomères semble varier d’une personne à une autre et cela a un lien notamment
avec le stress, le vieillissement, ainsi que le développement de certaines maladies. Dre Fiocco nous
explique ces nuances fascinantes et nous donne
également quelques conseils pour augmenter nos
chances de vieillir en santé!
Nous espérons que vous aurez du plaisir à
lire ce 9e numéro du Mammouth Magazine et que
vous en apprendrez davantage sur la recherche
concernant le lien entre stress et génétique. Bonne
lecture !
No 9, janvier 2011 • MAMMOUTHMAGAZINE
Profil d’un chercheur
Dr Michael J. Meaney
Soin maternel et génétique :
un impact sur la réactivité au stress
Shireen Sindi, doctorante, Centre d’études sur
le stress humain, Centre de recherche FernandSeguin de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine, Montréal
Traduction : Marie-France Marin
r
Michael J. Meaney est professeur à la
Faculté de médecine de l’Université McGill et
travaille à l’Institut universitaire en santé mentale
Douglas de l’Université McGill. Ses travaux cherchent à comprendre comment le soin maternel
peut affecter l’expression des gènes, ce qui peut,
par la suite, avoir un impact important sur la réponse de stress. Chez les rats, le soin maternel
peut être déterminé en comptant la fréquence à
laquelle les mères rates lèchent et toilettent leurs
petits. Bien que certaines mères rates aient tendance à beaucoup lécher et toiletter leurs petits,
d’autres le font rarement.
D
De façon intéressante, lorsque Dr Meaney et
ses collègues ont comparé ces différents groupes
de mères rates, ils ont remarqué que des niveaux
différents de soin maternel avaient la capacité de
modifier le fonctionnement de gènes impliqués
dans la réponse de stress chez leurs petits. Essentiellement, certains gènes étaient activés, alors
que d’autres ne l’étaient pas. Conséquemment,
les petits ayant reçu beaucoup de soins maternels
(léchage et toilettage fréquents) répondaient au
stress en libérant de plus petites quantités d’hormones de stress comparativement aux petits ayant
reçu peu de soins maternels (léchage et toilettage
peu fréquents). De plus, les petits ayant reçu beau-
coup de soins maternels avaient une meilleure
capacité d’apprentissage et une meilleure performance mnésique sur certains tests. Ces différences étaient encore présentes à l’âge adulte, démontrant ainsi les effets à long terme du soin maternel.
Lorsque les hormones de stress sont produites en grande quantité pendant de longues périodes de temps, elles ont un impact négatif et peuvent être associées à une variété de problèmes de
santé physique et mentale. Les hormones de stress
ont également un impact sur le fonctionnement
du cerveau et plus particulièrement au niveau de
l’hippocampe, une région impliquée dans l’apprentissage et la mémoire. Malgré cela, la libération
d’hormones de stress est une réponse adaptative
étant donné qu’elle permet au corps de faire face
à une situation de stress et d’adopter une stratégie
d’adaptation. De plus, une petite augmentation des
hormones de stress peut avoir un effet bénéfique
sur le fonctionnement de la mémoire.
Les petits élevés par une mère leur donnant peu de soins maternels ont une plus grande
augmentation de corticostérone (la principale
Les petits ayant reçu beaucoup
de soins maternels répondaient au stress
en libérant de plus petites quantités
d’hormones de stress comparativement
aux petits ayant reçu peu
de soins maternels.
ordre d’idées, des petites rates nées de mères qui
léchaient et toilettaient rarement et qui ont ensuite
été confiées à des mères qui donnaient beaucoup
de soins maternels, sont devenues à leur tour des
mères qui léchaient et toilettaient beaucoup leurs
petits. Ces résultats démontrent l’importance de
l’environnement au jeune âge ainsi que des soins
parentaux, qui peuvent tous deux servir d’agents
protecteurs au niveau du développement, malgré
la présence de facteurs de risque. Afin de déterminer si les études chez les humains valideront les
résultats trouvés chez les rats, Dr Meaney et ses
collaborateurs mènent actuellement un projet de
recherche intitulé Adversité maternelle, vulnérabilité et neurodéveloppement. Le projet a pour
but de déterminer si le soin maternel peut avoir
un impact sur la génétique et le développement.
Les chercheurs tentent de comprendre comment
les interactions de la mère envers son enfant peu-
Les petits rats nés de mères qui donnaient peu de soins maternels avaient
de moins bonnes performances sur certaines tâches de mémoire, étant donné que les
gènes associés à la mémoire ne fonctionnaient pas de façon optimale. Par contre,
lorsque ces rats sont élevés par des mères donnant beaucoup de soins maternels
ou lorsqu’ils sont placés dans des environnements enrichis jusqu’au début
de l’âge adulte, ces mêmes gènes s’activent.
hormone de stress chez le rongeur) face à un
stresseur et cette réponse est adaptative. Le petit
rat devient, en quelque sorte, programmé pour
interpréter son environnement comme étant adverse et stressant et donc, a besoin de réponses
de stress plus importantes pour pouvoir y faire
face. D’un autre côté, d’autres études réalisées par
l’équipe de Dr Meaney ont démontré que les petits rats nés de mères qui donnaient peu de soins
maternels avaient de moins bonnes performances
sur certaines tâches de mémoire, étant donné que
les gènes associés à la mémoire ne fonctionnaient
pas de façon optimale. Par contre, lorsque ces rats
sont élevés par des mères donnant beaucoup de
soins maternels ou lorsqu’ils sont placés dans des
environnements enrichis jusqu’au début de l’âge
adulte, ces mêmes gènes s’activent. Dans le même
MAMMOUTHMAGAZINE • No 9, janvier 2011
vent influencer sa réactivité au stress. Les capacités
cognitives et mnésiques sont également mesurées,
étant donné l’impact connu du stress sur le fonctionnement du cerveau et de la mémoire. Le projet
examinera également comment les problèmes de
santé mentale de la mère, comme la dépression,
peuvent influencer la formation du lien d’attachement avec leur enfant.
De telles études sont particulièrement intéressantes puisqu’elles illustrent que les gènes, à
eux seuls, n’influencent pas le développement de
l’enfant, mais qu’ils interagissent plutôt avec l’environnement. Ce faisant, ils peuvent être modifiés
selon la façon qu’ont les parents de s’occuper de
leurs enfants et de leur offrir un environnement
familial de qualité.
3
Pareil, pas pareil !
Comment les études de jumeaux peuvent
nous aider à mieux comprendre le stress humain
Isabelle Ouellet-Morin, Ph. D.,
stagiaire postdoctorale, MRC Social Genetic
Developmental Psychiatry, Londres
Mardi soir, 18 h 30. Annie, 3 ans, et Laura,
7 ans, accompagnent leur maman à l’épicerie.
Annie gémit et Laura ne sait pas quoi faire pour
aider sa jeune sœur. Marie, la mère d’Annie
et de Laura, rumine : « Seule une mère négligente arrive trois jours de suite en retard à la
garderie… Et quoi faire pour souper ? » Marie
songe soudainement à sa mère lorsqu’elle était
enfant et se souvient de l’anxiété qui régnait à la
maison à l’heure du souper. Marie pense aussi à
sa sœur aînée qui ne va pas très bien ces tempsci ; « Elle ressemble de plus en plus à maman »,
se dit-elle. Un cri interrompt ses pensées. Annie
est inconsolable malgré les nombreuses tentatives de Laura pour la calmer. Annie lui ressemble
tellement; elle avait le même tempérament à son
âge ! « Les pommes ne tombent jamais loin du
pommier », se dit-elle en arrivant à la caisse.
4
adage de Marie résume bien la croyance populaire selon laquelle les enfants ont tendance à ressembler à leurs parents, mais pourquoi ?
Serait-ce parce que leurs patrimoines génétiques
sont en partie partagés ou parce qu’ils grandissent
au sein d’une même famille et qu’ils sont donc exposés à des situations semblables au cours de leur
développement, bénéfiques (ex. : amour, sécurité)
ou néfastes (ex. : négligence et abus). De la même
façon, pourquoi les gens sont-ils si différents lorsque confrontés à une situation stressante ? Ces différences sont-elles encryptées dans leurs gènes ou
résultent-elles des environnements dans lesquels
ils évoluent ?
L’
Eh bien, comme pour plusieurs choses dans
la vie, rien n’est tout noir ni tout blanc. Les chercheurs, comme le reste de la population, sont
confrontés à cette question ambiguë : quel est le
rôle des facteurs génétiques et environnementaux
dans la réactivité au stress considérant que ceux-ci
sont intimement liés ? Les réponses à ces questions
comportent évidemment des implications cliniques de taille pour le bien-être de la population.
Sachant que l’exposition prolongée aux hormones
de stress, comme le cortisol, est associée à un risque plus grand de souffrir d’un problème de santé
mentale (ex. : dépression), il est crucial de mieux
comprendre les facteurs qui accroissent la vulnérabilité au stress tôt au cours de la vie afin d’en
prévenir les conséquences à long terme.
Les études de jumeaux : un outil
unique pour décrire les contributions
génétiques et environnementales de la
réactivité au stress
Les contributions relatives des facteurs génétiques
et environnementaux de la réactivité au stress peuvent être estimées par l’observation de jumeaux
identiques. Ces jumeaux sont de parfaits clones
humains. Ils partagent non seulement un même
bagage génétique, mais grandissent aussi au sein
d’une même famille. Les différences observables
entre ces jumeaux reflètent donc l’exposition à des
environnements uniques (différentes expériences,
telles que faire partie de classes distinctes à l’école).
La similarité des jumeaux identiques est ensuite
comparée à celle observée auprès de jumeaux fraternels afin de distinguer les contributions des
facteurs génétiques de celles qui sont issues de
l’environnement commun (expériences similaires
comme le revenu familial). Les jumeaux fraternels
No 9, janvier 2011 • MAMMOUTHMAGAZINE
sont essentiellement des frères et sœurs (environ
50 % des gènes en commun) à la différence près
qu’ils sont nés en même temps et sont donc exposés à des environnements qui s’apparentent davantage, comparativement aux frères et sœurs nés à
quelques années d’intervalle.
Peu d’études de jumeaux ont estimé les
contributions des facteurs génétiques et environnementaux à la réactivité au stress, telle que mesurée par la concentration de l’hormone de stress
appelée cortisol lorsque l’enfant fait face à une
situation stressante. Une étude que nous avons réalisée auprès de jumeaux québécois âgés de 19 mois
a montré que les jumeaux identiques et fraternels
soumis à des conditions familiales adverses avaient
des niveaux d’hormones de stress similaires lorsque confrontés à des situations nouvelles. Ce résultat souligne l’importance de l’environnement commun et suggère également que les facteurs génétiques ont un effet négligeable quant à la réactivité
au stress, pour les enfants vivant de l’adversité familiale. Pour cette étude, le contexte familial adverse
comprenait plusieurs indices, dont le tabagisme de
la mère pendant la grossesse, un faible revenu familial et le jeune âge de la mère à la naissance des enfants (moins de 20 ans). Les contributions relatives
des facteurs génétiques et environnementaux ne se
généralisaient toutefois pas à l’ensemble des participants. En effet, les jumeaux identiques évoluant
dans des contextes exempts d’adversité avaient des
niveaux d’hormones de stress davantage similaires,
en réaction à une situation stressante, comparativement aux jumeaux fraternels, suggérant ainsi la
contribution des facteurs génétiques.
Cette étude prend son importance dans le
fait qu’elle dresse un profil initial des influences
génétiques et environnementales à un âge où plusieurs structures du cerveau impliquées dans la régulation du stress poursuivent leur développement
(ex. : hippocampe, amygdale et cortex frontal).
Puisque ces régions participent à l’apprentissage,
la mémoire et la régulation des émotions, une
sécrétion atypique d’hormones de stress pourrait
compromettre la capacité de l’individu à gérer son
stress et ainsi diminuer sa résilience à d’autres situations stressantes (c.-à-d., sa capacité de fonctionner
adéquatement en dépit des conditions adverses).
Le cas des devis de jumeaux identiques
discordants pour l’exposition à l’adversité
Considérant qu’il est éthiquement impensable de
soumettre des enfants à des conditions adverses,
les scientifiques sont limités quant à la possibilité
de tester la relation causale entre l’exposition à
L’exposition précoce à des environnements adverses affecte la réactivité au stress et
il importe d’intervenir tôt afin de donner à ces enfants les outils nécessaires pour
qu’ils apprennent à gérer efficacement leur stress.
des conditions de vie difficiles et des patrons de
réactivité atypiques de réactivité au stress. Le devis des jumeaux identiques discordants contribue
toutefois à clarifier cette question. En collaboration
avec une équipe britannique, nous avons observé
des patrons de sécrétion d’hormones de stress distincts en réponse à un stress psychologique chez
des jumeaux identiques âgés de 12 ans discordants
au niveau de la victimisation par les pairs. Ainsi,
un jumeau était victimisé par les pairs, tandis que
l’autre ne l’était pas. Alors que les niveaux d’hormones de stress augmentaient face au stress chez
les jumeaux non victimisés (réponse attendue),
aucune augmentation n’était perceptible auprès
des jumeaux victimisés (rappelez-vous qu’en situation de stress, une augmentation des niveaux d’hormones de stress représente une réponse normale
et adaptative de l’organisme). Puisque ces jumeaux
sont génétiquement identiques et grandissent dans
la même famille, ces différences ne pouvaient pas
s’expliquer par les facteurs génétiques ou de l’environnement commun. De plus, ces jumeaux étaient
semblables au niveau du quotient intellectuel et des
problèmes de comportement externalisés et internalisés et donc, les différences observées ne peuvent être expliquées par ces variables. Les résultats
de cette étude constituent donc un argument de
taille pour convaincre la communauté scientifique
et les instances gouvernementales que l’exposition
Les jumeaux identiques évoluant dans des contextes exempts d’adversité
avaient des niveaux d’hormones de stress davantage similaires, en réaction à une
situation stressante, comparativement aux jumeaux fraternels,
suggérant ainsi la contribution des facteurs génétiques.
MAMMOUTHMAGAZINE • No 9, janvier 2011
précoce à des environnements adverses affecte la
réactivité au stress et qu’il importe d’intervenir tôt
afin de donner à ces enfants les outils nécessaires
pour qu’ils apprennent à gérer efficacement leur
stress, tel le programme DéStresse et Progresse
(voir Mammouth-Magazine, numéro 5).
Un devis méthodologique
parmi d’autres
Les études de jumeaux permettent d’obtenir une
vue d’ensemble des contributions des facteurs génétiques et environnementaux et de déterminer si
celles-ci changent en fonction d’un environnement
donné (ex. : adversité familiale). Or, bien d’autres
devis méthodologiques existent. Certains chercheurs étudient ces questions par le biais d’études
animales afin de tirer des parallèles sur le fonctionnement humain. D’autres optent pour l’estimation
des associations liant des gènes (ou environnements) spécifiques à la réactivité au stress, idéalement, guidées par les constats issus des études
de jumeaux. Par exemple, les résultats de la première étude suggèrent que les associations entre
les gènes candidats et la réactivité au stress sont
plus susceptibles d’émerger auprès des enfants qui
n’ont pas été exposés à de l’adversité familiale au
cours de la petite enfance. C’est donc par la variété
des méthodologies employées que les chercheurs
parviendront à mieux cerner le fonctionnement
des systèmes physiologiques et psychologiques impliqués dans la réactivité au stress et ainsi prévenir
plus efficacement l’émergence de troubles de santé
mentale.
5
Au-delà des gènes :
l’épigénétique
Le stress peut-il modifier nos gènes ?
Nadine Provençal,
doctorante, Université McGill, Montréal
epuis l’époque de Darwin et Lamarck, la
part de l’inné et de l’acquis fait toujours débat. Est-ce nos gènes seuls qui déterminent, dès
la naissance, le cours de notre développement
(l’inné) ou est-ce nos expériences au cours de la
vie (l’acquis) ? La réponse se trouve probablement
quelque part entre les deux.
D
On a longtemps cru que nos gènes, notre
code génétique, étaient inaltérables et que notre
environnement n’avait aucun effet sur eux. Par
contre, les avancées scientifiques démontrent que
les gènes avec lesquels nous venons au monde ne
sont pas immuables. En effet, les gènes et l’environnement sont interconnectés grâce à l’épigénétique. Le terme épigénétique signifie au-delà des
gènes ; il s’agit d’un code qui agit par-dessus le
code génétique. Il faut d’abord savoir que toutes
nos cellules ont le même code génétique, mais,
les cellules du foie, par exemple, ont une fonction
très différente de celles du cerveau. Comment
alors expliquer cette différence s’ils possèdent
les mêmes gènes ? C’est grâce au contrôle épigénétique qui dicte aux gènes dans quel organe et
à quel moment ils devront être actifs. Il s’agit du
deuxième code de notre génome. En premier lieu,
nous avons l’ADN qui détermine le code génétique
et en second lieu, l’épigénétique qui régule l’expression des gènes. Grâce à l’épigénétique, il est
donc possible que notre environnement modifie
l’expression de nos gènes, comme si ces derniers
étaient contrôlés par une série d’interrupteurs. La
nourriture que l’on mange, l’air que l’on respire
ou même les câlins que l’on reçoit ont le pouvoir
d’activer ces interrupteurs. On sait tous que certains aliments peuvent nous rendre plus vulnérables à certains cancers, mais aujourd’hui, on sait
que l’épigénétique est le mécanisme par lequel nos
gènes sont activés ou éteints en réponse aux différents aliments ingérés.
L’épigénétique peut-elle altérer notre
réponse au stress ?
Un groupe de chercheurs de l’Université McGill a
trouvé la réponse à cette question chez les rats.
Ils ont découvert que l’attention maternelle d’une
mère rate avait le pouvoir de modifier l’activité
d’un gène dans l’hippocampe (une partie du cerveau impliquée principalement dans l’apprentissage et la mémoire) de ses nouveau-nés. Les mères rates qui lèchent et câlinent leurs ratons plus
souvent protègent ainsi leur progéniture contre le
stress en modifiant le code épigénétique du gène
NR3C1 de leurs petits. Ce gène se traduit en une
protéine qui contribue à diminuer la concentration d’une hormone de stress dans l’organisme.
Les attentions de la mère se traduisent en une activation épigénétique bien précise du gène NR3C1.
Ainsi, les petits qui n’ont pas reçu assez d’attention
de leur mère vivent dans un état de stress constant.
L’attention maternelle est donc capable d’affecter
les gènes et de modifier la réponse au stress à l’âge
adulte. L’épigénétique sert donc d’interface entre
notre environnement et nos gènes et peut influencer notre réponse au stress.
Le stress peut-il apporter des
modifications épigénétiques ?
Selon une étude publiée dans la revue scientifique Nature Neuroscience, le stress survenant tôt
au cours de la vie provoquerait des modifications
épigénétiques qui influenceraient les réactions et
comportements futurs. En effet, des chercheurs
allemands ont stressé des souriceaux nouveau-nés
en les séparant de leur mère trois heures par jour
pendant 10 jours, ce qui représente un stress relativement léger. Les souris ayant reçu le traitement
stressant composaient plus difficilement avec les
situations stressantes et avaient une moins bonne
mémoire que les souris non traitées. Ils ont découvert que le stress imposé aux nourrissons laissait
une marque épigénétique permanente sur le gène
codant une protéine de stress, la vasopressine. Cette hormone active la réponse de stress et joue un
rôle important dans les comportements sociaux. Le
gène est programmé pour produire des niveaux élevés de cette hormone rendant ainsi les souris plus
vulnérables au moindre stress de leur environnement. Cela veut donc dire que le stress, par le biais
de l’épigénétique, peut modifier le comportement.
Qu’en est-il de l’homme ?
Rappelez-vous que ces études ont été réalisées
chez les animaux. Le génome humain peut-il lui
aussi être modifié par l’environnement ? Chez l’humain, l’accès aux organes comme le cerveau n’est
pas aussi simple que chez les animaux de laboratoire. Il est seulement possible d’utiliser les cerveaux de personnes décédées qui ont été conservés à des fins de recherche. Une récente étude a
démontré que les mêmes marques épigénétiques
sont observées dans les cerveaux humains. Comme c’était le cas chez les ratons négligés par leur
mère, le code épigénétique du gène NR3C1 est
modifié dans l’hippocampe de personnes victimes de suicide ayant été abusées au cours de leur
enfance. Ces résultats nous laissent donc croire
que le stress que nous vivons au cours de notre
enfance a le potentiel d’altérer notre épigénome et
ainsi modifier notre comportement à l’âge adulte.
Grâce à l’épigénétique, il est donc
possible que notre environnement modifie
l’expression de nos gènes, comme si ces
derniers étaient contrôlés par une série
d’interrupteurs. La nourriture que l’on
mange, l’air que l’on respire ou même
les câlins que l’on reçoit ont le pouvoir
d’activer ces interrupteurs.
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No 9, janvier 2011 • MAMMOUTHMAGAZINE
Ces résultats nous laissent donc croire
que le stress que nous vivons au cours
de notre enfance a le potentiel d’altérer
notre épigénome et ainsi modifier notre
comportement à l’âge adulte.
Le stress fait-il vieillir nos cellules
plus rapidement ?
Les télomères et la télomérase
Il est également possible d’étudier, chez des
personnes vivantes, les effets de l’environnement
sur les gènes, en utilisant des marqueurs épigénétiques sanguins. En effet, une étude récente
démontre que l’environnement prénatal peut altérer notre épigénome. Ces chercheurs ont analysé
l’ADN sanguin d’adolescents nés d’une mère qui
fumait la cigarette durant la grossesse. De façon intéressante, les adolescents dont les mères fumaient
pendant la grossesse présentaient des marques
épigénétiques dans leurs cellules sanguines, au
niveau d’un gène impliqué dans le développement
du cerveau, le gène BDNF. Ces résultats suggèrent
que l’exposition prénatale à la cigarette pourrait
avoir un impact sur le développement du cerveau
par le biais de mécanismes épigénétiques. À ce
jour, nous ne comprenons pas l’impact réel de ces
modifications épigénétiques, mais plusieurs osent
croire qu’elles contribuent peut-être à augmenter
la vulnérabilité à certaines maladies mentales.
Une fois modifié, l’épigénome peut-il
être reprogrammé ?
Contrairement aux mutations génétiques qui sont
irréversibles, le marquage épigénétique peut être
modifié. Il a été démontré que certains médicaments peuvent réparer les marques épigénétiques
laissées par le stress. En effet, ces substances ont
le pouvoir d’enlever les marques épigénétiques sur
l’ADN et ainsi renverser les effets sur le comportement. Bien que la pharmacologie puisse être utile,
il est important de noter qu’un simple changement
d’environnement peut donner les mêmes résultats. En effet, en confiant le petit d’une rate peu affectueuse aux bons soins d’une mère adoptive qui
le câline beaucoup, le raton finit par se développer
normalement sans avoir une hypersensibilité au
stress... comme quoi le destin n’est jamais scellé
dans l’ADN.
Ces résultats représentent un apport très
précieux pour la compréhension des effets à long
terme du stress. L’émergence récente de ces preuves scientifiques indique que l’adversité, comme
l’abus et la négligence durant l’enfance, peut augmenter le risque de développer certains troubles
psychiatriques comme la dépression. Des mécanismes épigénétiques, tels que ceux décrits dans
cet article, peuvent contribuer à expliquer ce phénomène. Selon les études animales, l’épigénétique
donne un certain espoir puisqu’il semble possible
de renverser les effets du stress à l’aide de médicaments ou en modifiant l’environnement… reste à
voir où cela va nous mener chez les humains !
Alexandra Fiocco, Ph.D.,
stagiaire postdoctorale, Baycrest Centre, Toronto
Traduction : Marie-France Marin
ous êtes-vous déjà demandé comment on
appelle les petits bouts en plastique qui recouvrent le bout de nos lacets de souliers ? Des ferrets ! Les ferrets sont une partie essentielle de nos
lacets puisqu’ils les empêchent de se défaire et de
perdre ainsi leur fonction principale.
V
Bien qu’il puisse sembler étrange de commencer un article sur la génétique de cette façon,
il n’en reste pas moins que le ferret est le meilleur
exemple pour décrire ce qu’est un télomère. Les
télomères sont des séquences de protéines que
l’on retrouve à la fin des chromosomes et qui font
actuellement l’objet d’une grande attention dans
le domaine de la génétique. Bien qu’ils ne soient
pas eux-mêmes des gènes, ils empêchent le chromosome de se défaire ou encore de se lier de façon
hasardeuse à une autre cellule de l’ADN.
Au début des années 1970, les scientifiques
ont découvert que ces protecteurs de chromosomes sont réduits à chaque cycle de mitose, un processus où les cellules se copient. À chaque division
cellulaire, un morceau du télomère original est
perdu. S’il n’est pas remplacé, le télomère devient
plus court et assure ainsi une protection moindre
au chromosome. Cela mène ultimement à la sénescence cellulaire, un terme un peu compliqué
pour parler des cellules vieillissantes. Au fur et à
mesure que les cellules du corps perdent de leur
capacité à se reproduire, la capacité du corps à réparer les dommages qui peuvent survenir par le
biais d’agents externes et internes diminue également.
Heureusement, tous les mammifères sont
dotés d’un mécanisme qui régénère les télomères
et prévient ainsi ultimement la mort des cellules
avec le temps. Cette enzyme protectrice, appelée
télomérase, inhibe le rétrécissement des télomères et permet aux cellules de se diviser infiniment.
En effet, certains vont même jusqu’à dire que la
télomérase est une fontaine de jouvence !
Maintenant, vous vous demandez peut-être
pourquoi les cellules meurent si la télomérase
empêche les télomères de rétrécir ? En effet, si la
télomérase protège les cellules du vieillissement,
pourquoi ne permet-elle pas une réplication cellulaire infinie et donc, une durée de vie plus longue ?
MAMMOUTHMAGAZINE • No 9, janvier 2011
Il semble y avoir des différences
individuelles importantes par rapport à
la longueur des télomères et l’activité
de la télomérase. Le stress serait un
facteur déterminant pour expliquer ces
différences individuelles.
Bien que la réponse ne soit pas simple, les études
évolutionnaires suggèrent que la longueur du télomère et le maintien de la fonction de la télomérase
sont associés à la longévité ! Il semble y avoir des
différences individuelles importantes par rapport
à la longueur des télomères et l’activité de la télomérase. Le stress serait un facteur déterminant
pour expliquer ces différences individuelles.
Rappelez-vous, dans le 8e numéro du Mammouth Magazine, il a été expliqué que le statut social a un impact sur certaines conditions de santé,
comme les maladies cardiaques, respiratoires et
mentales. Dans le même ordre d’idées, des scientifiques ont démontré que le statut socio-économique (SSE) peut affecter la longueur du télomère.
Un groupe de chercheurs du Royaume-Uni a évalué 1 552 femmes jumelles âgées de 18 à 75 ans et
ont rapporté que les femmes ayant un faible SSE
avaient des télomères plus courts que les femmes
ayant un SSE élevé. Cette association ne pouvait
être expliquée par la taille des femmes, ni par le
fait qu’elles fumaient ou non, ni par leur niveau
d’activité physique; bien que ces facteurs soient
eux-mêmes associés au SSE et à la longueur des
télomères. Les auteurs ont également pu évaluer
les effets génétiques en étudiant les jumelles qui
avaient des SSE différents (c’est-à-dire, les jumelles
7
qui vivaient ensemble jusqu’à l’âge de 16 ans et qui
ont ensuite été séparées et ont divergé par rapport
à leur SSE). Ils ont trouvé que les femmes ayant
un faible SSE avaient de plus courts télomères que
leur jumelle qui avait un SSE élevé.
l’apprentissage et la mémoire. D’ailleurs, Dre Sonia
Lupien et ses collègues ont démontré qu’un plus
petit volume hippocampique était associé à une
production d’hormones de stress plus importante
chez les personnes âgées.
Bien qu’il n’y ait pas de preuve directe qui
lie le faible SSE à une augmentation du niveau de
stress perçu, il est possible que les individus ayant
un faible SSE soient plus vulnérables aux impacts
d’un environnement adverse. En effet, comparativement aux individus ayant un SSE élevé, les individus ayant un SSE faible ont beaucoup moins de
ressources pour les aider à s’adapter aux différents
stresseurs du quotidien.
Le rétrécissement du télomère est associé au
stress oxydatif et à l’inflammation, deux processus
biologiques qui sont augmentés par le stress psychologique et par le mauvais fonctionnement des
hormones de stress. Étant donné la relation entre
la longueur des télomères, le stress et les maladies
liées au vieillissement, les chercheurs ont commencé à explorer des stratégies préventives pour
diminuer le stress afin de maintenir la longueur
des télomères. Il a été suggéré que les techniques
qui diminuent le stress peuvent également ralentir
le vieillissement cellulaire.
D’autres chercheurs ont démontré comment
le stress chronique peut affecter la physiologie.
Dans une étude réalisée auprès de femmes préménopausées, le stress chronique perçu était associé à
des télomères plus courts et à une activité réduite
de la télomérase. Les femmes qui rapportaient les
plus hauts niveaux de stress chronique avaient des
télomères de longueur équivalente à ceux de femmes âgées d’une décennie supplémentaire qui rapportaient les plus bas niveaux de stress chronique !
Ultimement, cela signifie que le stress perçu peut
accélérer le processus de vieillissement et donc,
contribuer au développement de certaines maladies.
Prochain
numéro
Plusieurs d’entre nous sont aidants naturels pour des parents ou des proches
ayant des problèmes de santé physique
ou mentale. Cet acte de générosité et
de grand dévouement enrichit la vie de
la personne malade. Malheureusement,
ces soins peuvent être dommageables
pour l’aidant naturel. Le désespoir, la
stigmatisation et la détresse sont très
communs et nuisibles pour la santé et
le bien-être de l’aidant naturel.
De plus, une interaction entre le stress chronique et l’activité physique a été rapportée. De façon plus spécifique, une augmentation du stress
chronique était associée à de plus courts télomères chez les individus sédentaires. Par contre, cette
association n’était pas présente chez les individus
physiquement actifs. Les auteurs ont conclu que
l’exercice peut inhiber le rétrécissement des télomères en servant de protecteur contre les effets
néfastes du stress chronique. De plus, de courts
Dans notre prochain numéro, nous
explorerons ce sujet sensible afin d’informer les lecteurs de cette réalité et
aussi, leur fournir certaines stratégies
pour mieux s’adapter au stress.
Non seulement le rétrécissement des télomères est associé à la mort prématurée, mais
également aux maladies qui surviennent habituellement à un âge plus avancé, comme le cancer,
l’ostéoporose, les maladies cardio-vasculaires, le
diabète et les risques de démence. Toutes ces maladies ont également été associées au stress chronique. Une étude a suivi 2 734 personnes de 70 ans
jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de 79 ans. Elle
a démontré que de courts télomères au début de
l’étude étaient associés à un déclin cognitif global
plus important sur une période de sept ans. Similairement, les risques de développer un déficit
cognitif léger étaient douze fois plus élevés chez
les femmes ayant de courts télomères que chez les
femmes ayant de longs télomères. Les auteurs ont
également rapporté que des télomères plus courts
étaient associés à un plus petit volume hippocampique, une région du cerveau importante pour
8
télomères sont associés au tabagisme et à la suralimentation, deux comportements qui sont affectés par le stress chronique. Finalement, un autre
groupe de chercheurs a commencé à s’interroger
sur les effets bénéfiques potentiels de la méditation sur la longueur des télomères en diminuant
le stress psychologique et en augmentant les niveaux de certaines hormones qui contribuent à
leur maintien.
Plusieurs personnes dans la société
d’aujourd’hui vivent avec les effets négatifs du
stress chronique. Les recherches suggèrent maintenant que les conséquences liées au stress sont peutêtre déterminées par la sénescence cellulaire ou
par le rétrécissement des télomères avec le temps.
Il est important de comprendre le lien entre stress,
vieillissement cellulaire et santé afin de pouvoir
développer des stratégies pour améliorer ou maintenir la qualité de vie pendant le vieillissement. En
général, il semble que le fait d’adopter de bonnes
habitudes de vie en évitant de fumer, en s’alimentant sainement et en étant actif physiquement, peut
aider à maintenir les ferrets au bout des lacets de
nos chromosomes et ainsi, ralentir le vieillissement
cellulaire. Cela peut par la suite contribuer à prévenir certaines maladies liées au vieillissement qui
sont souvent associées au stress chronique et donc,
ultimement, promouvoir la longévité.
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Non seulement le rétrécissement des télomères est associé à la mort prématurée,
mais également aux maladies qui surviennent habituellement à un âge plus avancé,
comme le cancer, l’ostéoporose, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et les risques
de démence. Toutes ces maladies ont également été associées au stress chronique.
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Le Centre
d’études sur
le stress humain
a pour mission
d’améliorer la
santé physique
et mentale des
individus en leur
fournissant une
information
scientifique
de pointe sur les
effets du stress
sur le cerveau
et le corps.
ÉDITEURS EN CHEF
Marie-France Marin, B.A., M. Sc.
Robert-Paul Juster, B.A., M. Sc.
ÉDITION
Jean Lepage, B.A., conseiller en communication
Sonia Lupien, Ph. D., directrice CESH
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Alexandra Fiocco, Ph. D.
Isabelle Ouellet-Morin, Ph. D.
Nadine Provençal, B. Sc.
Shireen Sindi, B.A., M. Sc.
TRADUCTION
Marie-France Marin, B.A., M. Sc.
MISE EN PAGE
Marcel Bélisle, infographiste
No 9, janvier 2011 • MAMMOUTHMAGAZINE