Nos enfants et nos adolescents sont une proie facile pour les sectes

Transcription

Nos enfants et nos adolescents sont une proie facile pour les sectes
Les sectes
recrutent des
mineurs à la
sortie des écoles,
proposant des
pseudo-cours de
soutien scolaire,
de musique,
de dessin, de
yoga, d'éveil...
Elles espèrent
ainsi enrôler leur
mille et leurs
ipains d'école,
urquoi pas ?
t
Nos enfants et
nos adolescents
sont une proie
facile pour les
sectes, qui
emploient des
moyens de
plus en plus
variés pour les
« recruter ».
Protégez-les et
À la sortie des écoles, sur les campus...
réagissez en
cas de danger! Elles enrôlent directement les mineurs !
J
es sectes redoublent d'imagination pour recruterdes
mineurs car ils sont une
cible de choix:faciles à manipuler,« ils sont un investissement rentable : i ls font
connaître la secte autour
d'eux à l'école et, plus tard, dans leur
milieu professionnel », explique la
commission parlementaire, qui vient
d'enquêter sur les mineurs victimes
des sectes. Sans compter qu'ils servent d'appât pour nous enrôler aussi,
nous parents ! Soyons donc très attentifs : même s'il est possible pour un
mi neur d'échapper à l'emprise d'une
secte, il en ressort rarement indemne.
Son intégrité physique et morale, sa
scolarité, sa santé sont menacées.
'avais 17 ans et j'avais des difficul- cours farfelus et cette secte et j'ai retés en maths, raconte Antoine. Un fusé d'y retourner. Mais les plus jeucollègue a parlé à mon père d'un orga- nes enfants ne pouvaient pas réagir ! »
nisme de soutien scolaire. Ayant pris
rendez-vous, nous avons été reçus • « Le marché du soutien scolaidans un bel appartement, chez un cou- re intéresse fortement les sectes qui y
ple aimable. Mais, dès que les cours voient un moyen efficacedegagnerde
ont commencé, j'ai trouvé quecet hom- l'argent et, surtout, d'entrer en contact
meetcettefemme, qui nous regardaient avec les enfants, puisd'embrigaderdes
fixement et ne nous parlaient presque parents », explique le député Philippe
pas, étaient bizarres. Il y avait d'autres Vuilque, rapporteur de la commission
élèves, certains bien plus jeunes que d'enquête parlementaire. Elles recrumoi. Le couple nous donnait des exer- tent aussi avec des cours de musique
cices, mais ne nous expliquait rien. ou « d'éveil par le dessin », apparemQuand on leur disait qu'on n'y arrivait ment anodins. « Échec scolaire, sport,
pas, ils nous faisaient faire de la pâte à sensibilisation musicale, enfants hypermodeler, soi-disant pour enlever nos actifs, ados difficiles... les sectes se
blocages ! Un jour, j'ai vu dans le bureau positionnent sur absolument tout ce
une série de livres dont l'auteur est le qui touche à la vie des jeunes, et tous
fondateur d'une secte mondialement les problèmes que peuvent rencontrer
connue. J'étais ado et j'en avais déjà les familles », explique Catherine Pientendu parler. J'ai fait le lien entre ces card, présidente de l'Union nationale
des associations de défense des familles et de l'individu.
• L'aide aux toxicomanes est aussi un terrain dechasse pour lesgourous
avidesd'argent.«Un concours de moto
au profit d'une association de lutte
contre la drogue a été récemment organisé à Marseille. Nous avons découvert que derrière cette association se
cachait une grande secte », explique
Didier Pachoud, directeur du Gemppi
(Groupe d'étude des mouvements de
pensées pour la protection de l'individu). Fin 2006, un gourou, fondateur
d'uneassociationd'aideauxtoxicomanes, était condamné à cinq ans de prison pour détoumement de fonds, abus
de faiblesse et de confiance !
• Enfin, les pseudo-séances de
méditation, cours de relaxation, de
yoga « new âge » ou prétendues réunions bouddhistes peuvent aussi piéger les jeunes en quête de spiritualité.
«Je suis sortie
des griffes d'une
secte »
Le saviez-vous ?
• 60 à 80 000 enfants sont élevés
dans un mouvement sectaire : c'est
L'estimation de la commission parlementaire.
• Les élus estiment aussi que,
sur les 400 000 adeptes des sectes, deux sur cinq ont été approchés lorsqu'ils étaient enfants.
«J'ai été élevée
avec mes quatre
frères et sœurs
dans une secte
dont mes parents
étaient membres.
Je n'avais pas de copains : il était
interdit de jouer avec d'autres enfants.
Mais je devais aller à des réunions de
prière trois fois par semaine... À mes
9 ans, mon père a quitté la secte et
s'est séparé de ma mère. Je ne l'ai
plus revu, car ma mère et la secte
disaient qu'il était le diable. Ma mère
s'est remariée avec un membre de la
secte. À15 ans, je me suis rebellée, je
voulais revoir mon père. Grâce à mes
grands-parents paternels, j'ai réussi à
le retrouver de temps en temps. Puis,
au lycée, j'ai rencontré mon copain et
lui m'a permis de m'ouvrir vraiment
vers l'extérieur et de trouver la force
de dire non à la secte. J'ai d'abord
refusé d'aller aux réunions de prières.
Ma mère m'a battue et a refusé que je
partage les repas avec elle. Durant
trois ans, je n'ai mangé que le midi, à
la cantine. Quand j'ai eu 20 ans, elle
m'a mise à la porte et je suis allée
vivre chez les parents de mon copain.
Du coup, j'ai perdu contact avec mes
frères et sœurs. Puis ma mère a eu un
cancer. Elle est décédée très vite, car,
comme tout membre de la secte,
elle a refusé des soins qui l'auraient
certainement sauvée...
* Le prénom a été changé.
• Toutes les t r a n c h e s d'âges
sont visées, des tout-petits aux
étudiants.
• Pour approcher les petits, certains
ont une méthode simple et directe,
comme le raconte Alphonse, papa de
Léa, 11 ans : « Un jour, des adultes qui
se disaient "porteurs de la parole du
Christ", ont interpellé les enfants à la
sortie de l'école primaire de ma fille, leur
donnant des prospectus les invitant à
venir prendre un goûter, le samedi suivant, pour "parler des problèmes du
monde actuel". Un autre prospectus
expliquait aux enfants qu'ils étaient des
démons mais pouvaient trouver le
Christ en eux. Heureusement, des parents étaient là et leur ont demandé de
partir. Mais ces personnes se sont juste déplacées un peu plus loin... »
• La stratégie est la même sur les lieux
de vie des jeunes : Karim, 22 ans, se
sentait perdu dans sa nouvelle ville
universitaire, loin de sa famille. Il ne
connaissait dans cette ville que sa
sœur, avec qui il partageait un appartement. Elle lui parle un jour d'un groupe de nouveaux amis, rencontrés sur
le campus, qui l'ont invitée à des réunions de réflexion, et le convainc d'y
participer. « Au début, ils étaient très
gentils, raconte Karim. Un leader nous
a demandé de participer quatre fois par
semaine à des réunions, où on parlait
de Jésus. Ils nous disaient tout ce qu'on
avait besoin d'entendre : que le monde
extérieur est dur, qu'on est rejeté dès
qu'on est différent. Mais, assez vite, ils
nous ont demandé de ne plus aller dans
les cafés, ni aux soirées d'étudiants, de
prêcher autour de nous et de payer une
"dîme" au groupe. Lors d'un séjour
chez mes parents, je leur ai parlé de nos
réunions et là, j'ai vu qu'ils étaient soucieux. D'anciens copains m'ont dit
qu'ils ne me reconnaissaient plus. J'ai
réagi : je ne vais plus aux réunions. Mais
ma sœur, elle, a complètement adhéré,
elle s'est coupée de tout et ne parle
plus ni à mes parents ni à moi... »
Comment protéger vos enfants?
• Sans voir des sectes partout, parlez en famille de ces
organisations et de leurs gourous dangereux, de leurs méthodes et de leurs buts qui sont
d'avoir de l'emprise sur les gens
pour leur faire faire ce qu'elles
veulent, notamment leur donner de l'argent.
• Encouragez l'adolescent
à développer son autonomie
et son esprit critique. Par
exemple, s'il y a un débat à la
télé, demandez-lui son avis,
donnez le vôtre, comparez vos
arguments...
• Ne choisissez pas un cours
de soutien scolaire, de musique ou de sport en relevant
simplement un numéro accroché dans la rue ou en prenant un tract laissé dans un
commerce. Vérifiez toujours
auprès de l'école ou des associations de parents d'élèves le
sérieux de l'organisme. Enfin,
accompagnez toujours votre
enfant les premières fois.
Les parents sont aussi des appâts !
A
utre moyen pour les sectes de
toucher des enfants : enrôler les
adultes et voir leurs enfants naître et/
ou grandir dans leur cercle. Avec l'espoir qu'ils deviendront des fidèles...
se disputait sans cesse a ce propos,
jusqu'à ce qu'on n'arrive plus à communiquer. Ma femme était totalement
sous l'emprise de ce que racontait le
gourou. Un jour, elle est partie vivre
dans la secte avec les enfants. Ensui• « Mes trois enfants, précoces, te, elle a demandé le divorce. »
étaient un peu isolés à l'école,
L'histoire d'André est« classique » :
explique André, chef d'une petite en- la secte enrôle un membre du couple,
treprise. Ma femme, gynécologue, le plus souvent la femme. Puis elle la
avait entendu parler par un collègue « monte «contre son époux, pour prod'un psychothérapeute et emmenait voquer la séparation et la rendre plus
régulièrement nos enfants le consul- vulnérable, donc à la merci de l'orgater avec elle. Un jour, elle m'a dit que nisation. Hélas, les juges, peu au fait
ce faux psy l'avait convaincue que nos des méthodes des sectes, accordent
enfants avaient une mission sur terre, souvent la garde des enfants à la mère.
c'est pour ça qu'ils étaient si intelli- C'est ainsi que les mineurs se retrougents. Je trouvais tout cela absurde. vent dans la secte, coupés de leur père
Il n'empêche, ma femme les a inscrits et du reste de leur famille. « Depuis dix
dans une école privée hors contrat ans, je n'ai vu mes enfants que deux
conseillée par ce faux psy. Moi, je ne ou trois fois, poursuit André. Le pire
voulais pas les sortir de leur école. On est que ma femme a vite porté plainte
Des associations
aident à s'en sortir
contre moi pour violence sur elle et les
enfants. Mon fils m'a écrit pour me dire
qu'il ne voulait plus me revoir, avec des
mots que je ne lui connaissais pas, sûrement dictés par la secte. Je me suis
donc retrouvé en position d'accusé,
alors que jeperdais ma famille. J'ai fait
une grosse dépression. J'essaye de
m'en sortir, de me défendre... »
Les enfants enrôlés dans une secte le paient très cher!
Lors de leur
visite dans la
communauté
Tabitha's Place,
qui vit à l'écart
du monde dans
les Pyrénées,
les députés
ont découvert
que 18 enfants
n'étaient pas
scolarisés.
E
n novembre dernier, la commission parlementaire a fait une visite
inopinée dans une communauté sectaire des Pyrénées-Atlantiques.
Ils ont découvert 18 enfants et adolescents qui n'allaient pas àl'école, ne
jouaient pas, ne sortaient jamais. « Ils
vivaient dans un monde clos, sans
aucune connaissance du monde ni
des métiers qu'on peut y exercer. Des
adultes non qualifiés ne leur enseignaient ni l'histoire ni les sciences,
contraires aux théories de la secte »,
explique le député Philippe Vuilque.
les députés, comme dans d'autres,
enfants et adultes ne sont pas vaccinés, ni couverts parune protection sociale. Les députés ont décidé que les
parents refusant de faire vacciner leur
enfant contre la diphtérie, le tétanos,
la polio et la tuberculose, pourront être
punis de 6 mois d'emprisonnement et
3 750 € d'amende.
• Leur personnalité
est fragilisée.
« Les sectes mettent les jeunes en danger, car elles ne les préparent absolument pas à une vie normale, dénonce
• Pour éviter que, dans les
Armelle, ancienne adepte d'une autre
tes, des enfants soient privés secte. Je ne crois plus aux théories
d'éducation scolaire, les députés promettant un paradis terrestre, mais,
viennent d'imposer que si un adulte fait depuis que j'ai quitté la secte, je suis
la classe à des enfants de plus de deux sans réponse, un peu perdue. Heureufamilles, ce cours est considéré com- sement, mon copain et sa famille me
me une école, avec toutes les obliga- soutiennent. »
tions légales qui en découlent.
Les conséquences psychologiques
sur les enfants sont graves, les sectes
• Leur santé est menacée.
les empêchant de construire leur perDans cette communauté visitée par sonnalité et d'avoirconfiance en eux :
« Toutes les envies, les souhaits personnels sont systématiquement réprimés dans les sectes », explique Catherine Picard. Il faut penser comme
le gourou, l'admirer... au point qu'il est
difficile de vivre et de penser par soimême quand on en sort. « Même depuis quej'ai quitté la secte, je me sens
tout le temps coupable et je n'arrive
plus à me débarrasser de ce sentiment », explique Karim.
• Ils risquent parfois des sévices
sexuels.
Même si ce n'était pas le cas dans
cette communauté des PyrénéesAtlantiques, les abus sexuels, qui laissent des traumatismes graves, sont
fréquents dans certaines organisations. «Enfants ou adolescents subissent parfois des attouchements ou
des viols, dénonce Didier Pachoud.
Certains gourous prônent les contacts
physiques entre adultes et enfants
pour, prétendent-ils, "apprendre à se
toucher". »
• « En quittant une secte, on
est seul, confiirme Didier Pachoud, du Gemppi. La victime
rencontre un de nos psychiatres, nos bénévoles lui parlent
beaucoup, la font participer
à nos activités. Elle passe de
l'état de victime à celui de
personne qui fait face à ses
problèmes et reprend sa vie
en main. Se débarrasser
d'une secte est long, diffiicile,
mais possible. » Si l'un de vos
proches veut sortir d'une secte, contactez :
• Le Gemppi, groupe d'étude des mouvements de pensées pour la protection de
l'individu. Tél.: 04 91 08 72 22
et < w w w . i f r a n c e . c o m /
sectes-info-gemppi>.
Et aussi :
• L'Unadf i, Association pour
la défense des familles et de
l'individu. Tél.: 01 44 92 46 05
et <www.unadfi.com>.
• La Miviludes, mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre les dérives
sectaires. Tél. : 01 42 75 76 08
et <www.miviludes.gouv.fr>.
• Deux sites :
<www.info-sectes.org> ;
<www.prevensectes.com>.
Et vous, que faire?
• Gardez le contact avec le
jeune, parlez-lui et essayez
d'en savoir le plus possible
sur ses» nouveaux amis ». Ne
le heurtez pas de front.
• Évoquez les bons moments
vécus ensemble, avant.
• Contactez une association
de lutte contre les sectes.
• Signalez une mise en danger, si sa santé physique ou
psychologique est menacée, en envoyant une lettre
au procureur de la République du tribunal le plus proche de chez vous.