Focus Pays de la Loire - 2013
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Focus Pays de la Loire - 2013
Membre de Avec le soutien financier des régions Synthèse de l’enquête auprès des personnes homo ou bi-sexuelles bi sexuelles sur le vécu de leur orientation sexuelle Focus Pays de la Loire Méthodologie et profil des participant-e-s participant Les participant-e-ss originaires de la région Pays de la Loire forment un échantillon de 128 personnes, personnes soit 6,2% de l’ensemble des personnes interrogées. La moitié d’entre eux a eu connaissance de l’enquête par le biais des sites internet partenaires (49,2 %) et plus de deux participant-e-ss sur cinq par les réseaux sociaux (44,5%, + 12,2 points/national). ). Plus de huit participant-e-s participant sur dix se définissent homosexuel-le-ss (82,8%) et 17,2% sont bisexuel-le-s bisexuel (- 6 points/national). Ainsi, près d’un d’ participant sur deux est un homme homosexuel (46,9%) et plus d’un Femmes sur trois est une femme homosexuelle bisexuelles (35,2%, + 7,4 points/national). Si les 8,6 bisexuel-le-ss sont particulièrement moins nombreux que sur l’ensemble du territoire Hommes Femmes national, les femmes homosexuelles homosexue sont homosexuels homosexuelles 46,9 particulièrement représentées dans la 35,2 région.. On compte aussi dans l’échantillon une personne transexuelle de genre Répartition par sexe et orientation sexuelle, en %, n=128 masculin bisexuelle et une personne Enquête Vécu homo/bi-sexualité, sexualité, Pays de la Loire, SIS Observatoire 2013 transexuelle exuelle de genre féminin homosexuelle. Si 45,3% des participant-e-ss sont en couple, ce sont so les hommes homosexuels qui ont le plus tendance à être célibataire,, à l’inverse des femmes homosexuelles (58,3% contre 36,4%). Comme sur l’ensemble du territoire, les femmes sont plus jeunes que les hommes (24 ans d’âge médian contre 34 ans), mais il n’existe n’existe pas de différences d’âge selon l’orientation sexuelle. Hommes bisexuels 7,8 Personnes transgenres et intersexes 1,6 Alors que trois participant-e-ss sur cinq estiment leurs ressources financières suffisantes voire confortables (60,9%), les homosexuel-le-ss déclarent plus souvent que les bisexuel-le-s bisexuel des ressources urces financières insuffisantes voire très insuffisantes (40,6% contre 31,8%). Les ligérien-ne-s déclarent moins souvent des ressources financières confortables que l’ensemble des participants (6,3% contre 12,9%). Note : le terme employé de « discrimination » fait référence aux situations vécues comme discriminantes par les participant-e-s. participant En effet, tout évènement ressenti comme tel a un réel impact sur la vie des personnes, au-delà au delà même de l’objectivité de cette discrimination. SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 013 1 Un constat préoccupant Spontanément, une personne interrogée sur deux pense avoir déjà été discriminée du fait de Harcèlements (n=24) 18,8 son orientation sexuelle Outing (n=37) 28,9 (52,3%, + 4,5 points/national). Cependant, plus de quatre Injures (n=66) 51,6 participant-e-s sur dix précisent Dénigrements (n=72) 56,3 au moins une discrimination (80,5%) c’est-à-dire que plus Moqueries (n=75) 58,6 d’un tiers de ceux qui n’ont pas ce ressenti spontané Types de situations discriminantes vécues reconnaissent avoir vécu au en raison de l'orientation sexuelle, n=128, en %, Enquête Vécu homo/bi-sexualité, Pays de la Loire, SIS Observatoire 2013 moins une des situations listées 1 par la suite dénigrement, moquerie, injure, harcèlement, agression physique et/ou outing (35,9%, n=37/61). Au final, 81,3% des participant-e-s indiquent un sentiment de discrimination globale et/ou au moins une situation vécue. À l’inverse des hommes bisexuels, ce sont les femmes bisexuelles qui s’avèrent particulièrement concernées par ce sentiment de discrimination global et/ou ressenti (n=3/10 contre n=10/11). Agressions physiques (n=22) 17,2 Les moqueries, les dénigrements et les injures sont les types de discrimination les plus fréquemment cités, et subis par une grande majorité des participant-e-s. Viennent ensuite les outing et le harcèlement. Si les proportions des types de situations discriminantes vécues en région Pays de la Loire sont très similaires à celles de l’ensemble du territoire, la proportion d’agressions physiques s’y distingue : 17,2% des habitants de Pays de la Loire précisent avoir déjà subi au moins une agression physique en raison de son orientation sexuelle soit 3,4 points de plus que chez l’ensemble des participant-e-s. L’espace public est le lieu privilégié d’exposition aux discriminations : 53,1 % des participant-e-s précisent avoir déjà vécu au moins une situation discriminante dans la rue et 47,7 % au sein de l’école. « On m’a craché dessus dans la rue alors que je tenais la main de mon petit ami. » Homme homosexuel de 40 ans L’entourage est le second domaine concerné par les discriminations : la famille est citée par près d’un tiers des participant-e-s (32 %), les connaissances par plus d’un quart des participant-e-s (28,1 %) et les amis par près d’un-e participant-e- sur cinq (18%). Service public (n=15) 11,7 Commerçants (n=16) 12,5 Profes. de santé (n=20) 15,6 Amis (n=18) 18 Connaissances (n=36) Famille (n=41) Travail (n=46) Ecole (n=61) Rue (n=68) 28,1 32 35,9 47,7 53,1 Proportions de personnes ayant déjà été discriminées « Ma soeur m'a outé quand j'étais au lycée, en raison de l'orientation sexuelle par domaine, en % à ma famille, à mes amis. Je venais juste de Enquête Vécu homo/bi-sexualité, Pays de la Loire, SIS Observatoire 2013 comprendre que j'aimais une fille, que j'étais lesbienne, que j'étais heureuse de sortir avec elle. Notre relation s'est arrêtée là, ni elle ni moi n'étions capables de supporter les regards et les questionnements des gens, même si nos amis se sont montrés plutôt cools. J'ai fait une dépression à la suite de ça, pendant un an et demi. » Femme homosexuelle de 21 ans Enfin, le milieu professionnel est mis en avant par plus d’un tiers des personnes et pose la question de la dicibilité de l’orientation sexuelle au travail (35,9%). À la différence de l’école (+ 3,9 points/national), les milieux familiaux et amicaux semblent légèrement moins concernés par les discriminations dans la région Pays de la Loire que sur l’ensemble du territoire (respectivement - 11,5 points et - 5,9 points). 1 Divulgation de l’orientation sexuelle sans le consentement de la personne concernée. SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 2 « Je travaille dans la restauration et la discrimination est permanente. Ma présence occasionne une méfiance, par le simple fait par exemple de ne pas rire aux blagues sexistes et misogynes. On me fait ressentir que je ne suis pas comme « eux ». Il y a aussi des présomptions de fragilité, de personne peu endurante, ce qui pousse souvent les équipes en place à me parler plus durement au début. Ce fonctionnement s'estompe au fur et à mesure, parce que je produis un travail de qualité, mais qui me demande d'en faire toujours un peu plus que la normale pour prouver ma "valeur". Et il y a toujours cette gêne : ils ne me posent pas la question de mon orientation sexuelle, mais ils la supposent toujours, ce qui laisse une distance que je souhaite souvent garder d'ailleurs. Puis, au bout d'un certain temps, je fais mon outing, moment que je trouve un peu ridicule à faire au travail. » Homme homosexuel de 29 ans « Je suis fonctionnaire. Quand mes collègues ont appris mon homosexualité, plus personne ne voulait travailler avec moi, j'étais mise au placard, j'avais des remarques de mes collègues masculins me conseillant d'aller voir un psy car comme je n’aimais pas les hommes, pour eux j’étais malade. Je suis toujours dans cette mairie, je bosse à l’écart de ces collègues mais maintenant, je cache ma vie au boulot car je n’ai plus envie de souffrir. » Femme homosexuelle de 36 ans Enfin, les professionnels de santé, les commerçants et les services publics sont cités chacun par plus d’un-e participant-e-s sur dix. « Mon médecin, dès qu'il a su que j'étais gay, a commencé à me faire faire des tests pour le VIH régulièrement alors que je vis en couple avec enfant depuis sept ans et que nous ne sommes pas libertins. » Homme homosexuel de 36 ans Par ailleurs, il faut souligner le caractère multiple et cumulatif des discriminations : trois participants sur cinq précisent une discrimination pour une autre raison que l’orientation sexuelle. Parmi les raisons citées, on trouve l’apparence physique comme le poids ou la taille (49,4%), l’apparence lié au genre (48,1%), le sexisme (32,5%), les origines étrangères (11,7%) ou encore la séropositivité au VIH/sida (3,9%). Une appréhension très présente et des conséquences multiples La peur d’être discriminé-e apparaît aussi forte que les discriminations elles-mêmes : seul 14,8% des répondant-e-s Pays de la Loire n’ont jamais ressenti cette appréhension. Ainsi, près de huit personnes sur dix vivent avec cette crainte à un degré plus ou moins élevé : près de trois sur dix de manière fréquente ou systématique (28,1 %), un tiers de manière occasionnelle (32,8 %) et un quart plus rarement (24,2 %). Les personnes homosexuelles ressentent plus souvent cette crainte que les bisexuelles, en particulier les lesbiennes : 37,8% d’entre elles déclarent appréhender souvent voire tout le temps d’être discriminées contre 25% des gays. De façon logique, ce sentiment est d’autant plus important que les personnes ont déjà expérimenté des discriminations liées à leur orientation sexuelle : 88,3% des participant-e-s ayant déjà ressenti une discrimination craignent de nouveau d’être discriminé-e-s contre 72% de ceux n’ayant jamais vécu de discrimination. importante modérée sur la vie sexuelle (n=61) sur la santé physique (n=104) pas d’influence négative 8,2 9,8 8,5 18,6 sur les relations amoureuses (n=104) 13,3 sur les relations amicales (n=106) 15 sur le bien-être mental (n=108) sur la vie professionnelle (n=105) 82 72,9 16,7 24,2 28,8 70 21,7 63,3 40,3 45,8 35,5 25,4 Cette crainte a des impacts multiples sur la qualité de vie des personnes interrogées. Ainsi, sept participant-e-s sur dix estiment que la peur d’être discriminé-e en raison de leur orientation sexuelle impacte leur vie professionnelle (69,5%), six sur dix que cette crainte a des répercussions sur leur bien-être moral (61,5%) et plus de trois sur dix évoquent des conséquences relationnelles (34% sur les relations amicales et 30,8% sur les relations amoureuses). Impacts négatifs de la crainte d'être discriminé-e dans différents domaines, en % Enquête Vécu homo/bi-sexualité, Pays de la Loire, SIS Observatoire 2013 « La crainte d’être discriminé m'a conduit à un état dépressif durant l'adolescence, qui m'a suivi jusqu’à l’âge adulte et qu'il m'a été difficile de soigner. Mon développement de carrière s'en est vu ralenti. J’ai une grande pudeur quant aux manifestations d'affection envers mon mari lorsque nous sommes dans des lieux où l'on peut être vus (cinéma, rue, théâtre, bars, etc.). » Homme homosexuel de 32 ans, en couple SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 3 « De manière globale, la peur d’être agressée a une influence sur ma vie sociale (peur de sortir, peur de montrer son amour en public, peur de fréquenter certains quartiers) et une influence sur ma santé, notamment le problème des gynécos et du dépistage de MST au CHU : le personnel ou les médecins sont mal informés ou pas du tout informés sur les pratiques sexuelles, les risques et les moyens de préventions chez les lesbiennes. Et les interlocuteurs partent toujours du principe qu'une femme à des pratiques sexuelles avec des hommes donc je suis obligée de faire un coming-out à chaque visite chez un nouveau médecin, avec le stress que ce moment engendre à chaque fois. Cela amène souvent à des situations inconfortables qui me dissuadent d'y retourner. » Femme homosexuel de 27 ans en couple « Lorsque je me promène dans la rue avec ma copine, nous nous tenons la main que brièvement, nous faisons que des baisers discrets, quand il y a le moins de monde possible. Parce que sais que je vivrais mal le fait qu'on se moque de nous ou nous insulte, mais j'ai surtout peur que quelqu'un lui fasse du mal physiquement parce qu'elle est avec moi. » Femme homosexuelle de 22 ans en couple « J’ai peur d'avoir des difficultés à fonder une famille. Je suis inquiète lorsque je dois expliquer le choix d’une ville pour un travail car ce n’est pas facile de dire que je veux rester près de ma compagne. » Femme homosexuelle de 24 ans 2 7 12 12 10 34 7 6 20 27 1 8 Estime que des problématiques en lien avec l'orientation sexuelle contribuent à sa consommation régulière... Oui 15 8 20 12 Non Pas de conso régulière Jamais (n=27) Parfois (n=54) Souvent Toujours (n=32) (n=15) L'homo/bi-sexualité est/a été un sujet préoccupant... Consommation de produits psychoactifs et vécu de l'orientation sexuelle, en effectifs, n=128 Enquête Vécu homo/bi-sexualité, Pays de la Loire SIS Observatoire 2013 Dans ce sens, huit participants sur dix estiment que leur orientation sexuelle est ou a été un sujet de préoccupation dans leur vie à différents degrés : parfois (42,2 %), souvent (25 %) voire toujours (11,7 %). Le recours à des produits psychoactifs apparaît fréquent parmi les participant-e-s: six sur dix déclarent en avoir déjà consommé régulièrement et plus d’un tiers d’entre eux associent cette consommation à des problématiques liées à leur orientation sexuelle. Il s’agit essentiellement d’alcool (84,9 %), de cannabis (49,3 %), d’anxiolytiques (27,4 %) et d’autres médicaments (15,1 %). Chez les participant-e-s qui associent leur consommation à des difficultés liées à l’orientation sexuelle, la consommation d’anxiolytiques et d’autres médicaments s’avère nettement plus élevée (respectivement n=11/27 et n=8/27) et ceux pour qui l’orientation sexuelle est/a déjà été un sujet de préoccupation ont tendance à consommer plus de produits psychoactifs que les autres (n=34/54 et n=20/32 contre n=12/27). « Après ma première relation avec une femme, j'ai eu du mal à me sentir bien dans ma peau parmi mes amis qui m'acceptaient mais qui m'avaient connu avant mon coming-out. Pour essayer de me sentir mieux et pour créer des opportunités sociales, j’allais dans les bars cinq fois par semaine. » Femme homosexuelle de 28 ans « J’ai consommé des anxiolytiques pendant 7 mois, que j’ai parfois mélangé à du cannabis pour faire face aux différentes angoisses et au fait de devoir cacher mon orientation sexuelle. Une fois le coming out effectué, cette consommation permettait aussi d'affronter le regard de la famille et l'apprentissage d'être entièrement ce que l'on a envie d'être ! Pour ma part, le fait que ma situation soit acceptée par la plupart a facilité le fait d'arrêter toute consommation. » Femme homosexuelle de 36 ans Des stratégies pour faire face aux discriminations Parler de son orientation sexuelle… ou la cacher La connaissance de l’homo/bi-sexualité par l’entourage est un bon marqueur des stratégies pour vivre sereinement son orientation sexuelle. « Dans mon entourage, je ne cache à personne ma relation avec ma compagne, j'en parle beaucoup avec ma famille. Si je la cache, c'est que j'en aurais honte et cela ferait naître un malaise, tout ce dont je ne veux pas. C'est grâce à l'instauration SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 4 d'un dialogue ouvert avec mes proches que je peux vivre pleinement ma vie de jeune femme homosexuelle. » Femme homosexuelle de 24 ans en couple De manière logique, alors que les milieux de la vie publique tels que le médecin et les collègues enregistrent les proportions les plus élevées d’orientation sexuelle « non connue » (respectivement 47,2 % et 39,6 %), les proches « choisis » présentent les taux les plus hauts de connaissance et d’acceptation : 83,3 % pour les amies filles hétérosexuelles et 79,3 % pour les amis garçons hétérosexuels. « Je ne parle pas beaucoup au travail, je suis silencieux, je travaille et j'aide mes collègues mais je garde une distance de sécurité évidente. » Homme homosexuel de 29 ans Si la majorité des participant-e-s précise que les parents connaissent leur orientation sexuelle (69 % par la mère et 61,1 % par le père), celle-ci n’est pas acceptée par la mère et/ou par le père chez plus d’un-e participant-e sur dix (respectivement 11,1 % et 8,8 %). L’orientation sexuelle reste méconnue de la mère pour deux participant-e-s sur dix (19,8 %), du père pour trois sur dix (30,1%) et de la fratrie pour près deux sur dix (17,4 %). « Je n’ai jamais fait mon coming-out vis-à-vis de ma famille et j’ai attendu mes 50 ans avant de faire mon coming-out auprès de mes enfants, de mes amis et de mes collègues. » Homme homosexuel de 57 ans en couple « Je vivais ma sexualité cachée jusqu'à mes 30 ans. » Homme homosexuel de 34 ans Face à l’appréhension des réactions de jugement, de rejet, voire de discrimination, certain-e-s participant-e-s préfèrent cacher leur orientation sexuelle et vivre dans le secret. Cela passe parfois par l’invention d’une vie hétérosexuelle fictive ou le développement d’une double vie de façade, ces derniers choisissant de vivre leur homo/bi-sexualité en dehors de leurs réseaux de sociabilité habituels voire de ne pas avoir de vie affective et sexuelle. Pour mieux s’éloigner d’éventuels stéréotypes associés à l’homosexualité, certain-e-s participant-e-s tendent à accentuer leur masculinité pour les hommes et leur féminité pour les femmes. « J'ai peur que le regard des gens que je connais change à mon égard. Le parti-pris que j'ai adopté est de ne pas en parler. Je sais maintenant quelles sont les personnes pour lesquelles mon orientation sexuelle ferait une différence. Je me suis accepté après de longues années de travail personnel, mais n'ose pas afficher cette orientation au grand jour, et n'en vois pas l'utilité, ayant une relation régulière avec un homme bisexuel qui pour des raisons familiales n'assume pas sa bisexualité. » Homme homosexuel de 27 ans D’autres choisissent de sélectionner minutieusement les personnes à qui elles révèleront leur orientation sexuelle et cloisonnent généralement les milieux publics, professionnels et la vie privé. Une gestion clivée de la vie et des différents réseaux de sociabilité (amis hétéro/amis homo par exemple) apparaît une solution pour éviter le rejet. Cela passe notamment par l’évitement de toute marque d’affection en public et l’utilisation de pronoms neutres pour parler de leur partenaire à leur entourage non-proche particulièrement sur le lieu de travail. « J’utilise des pronoms neutres dans mes phrases et je ne dis jamais "elle" ou "ma copine". » Femme homosexuelle de 24 ans « Je ne peux et ne veux pas divulguer mon orientation sexuelle ou bien faire comprendre aux personnes avec qui je travaille que je vis avec une femme afin de pas altérer la communication entre mes collègues et moi. Dans ma vie professionnelle, je ne veux être jugée que pour mon travail et non pour mon orientation sexuelle. » Femme homosexuelle de 24 ans en couple Lorsque l’orientation sexuelle est divulguée mais n’est pas acceptée par l’entourage, certain-e-s participant-e-s expliquent qu’un éloignement voire une rupture avec l’entourage est parfois nécessaire : il peut s’agir d’un déménagement vers une grande ville ou au contraire à la campagne, ou encore d’un rapprochement avec un milieu davantage LGBT-friendly. Certains indiquent carrément une rupture avec les personnes hétérosexuelles en les excluant systématiquement de leur vie. « Vivre dans une grande ville apporte l'anonymat et rend l'existence parfois plus facile. » Femme homosexuelle de 36 ans Enfin, certain-e-s participant-e-s expliquent parler ouvertement de leur orientation sexuelle. Certains revendiquent plutôt une recherche d’authenticité et d’honnêteté envers eux-mêmes et les autres, d’autres puisent leur légitimité dans leur confiance en la loi. Ces participant-e-s expliquent la plupart du temps être arrivé-e-s à ce niveau d’acceptation après un cheminement personnel plus ou moins long. Souvent, une psychothérapie en a été le moyen, tout comme l’empowerment, fréquemment mis SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 5 en avant pour vivre plus sereinement (s’informer, s’enrichir culturellement, lire des témoignages, etc.) ou encore le fait d’être dans une relation stable. Ces personnes réussissent alors à dialoguer et à faire confiance aux autres. Et quand ça ne suffit pas, c’est l’indifférence qui est de mise. Enfin, de multiples « outils » sont cités, pour déjouer la stigmatisation, s’accepter et se faire accepter: l’humour, la méditation, le sport, l’écriture, la musique, etc. « Avec l'âge, je ne mets plus en place de stratégies, je vis mon orientation sans me cacher. Se cacher provoque les craintes, les incompréhensions des autres. » Femme homosexuelle de 42 ans « La seule stratégie qui m'a paru efficace pour vivre sereinement mon homosexualité est de l'accepter (…) d'accepter la discrimination et de ne pas être offusqué par des opinions contraires à mes conditions de vie et de pouvoir ne pas me sentir émotionnellement affecté par des propos homophobes en acceptant la divergence des croyances et des opinions de chacun. » Homme homosexuel de 45 ans « Je cherche des milieux avec des gens plus ouverts, mais j’essaye aussi d'être ouverte dès le début dans n'importe quelle situation. J'essaie par contre de ne pas être trop directe non plus, mais de mentionner mon couple en passant comme si rien n'était. Ça me permet de montrer qu'il n'y a rien d’exceptionnel à remarquer ni rien de grave à cacher. » Femme homosexuelle de 28 ans « Être la plus drôle, faire le plus de conneries, en découdre physiquement avec les gens surtout les gars qui me cherchaient des problèmes. En faire toujours plus pour faire oublier la "gouine". Je n’ai pas eu le temps de me poser avec des bouquins, d’étudier : il fallait que j’existe autrement. » Femme homosexuelle de 33 ans Certaines personnes expliquent apporter une dimension politique à leur orientation sexuelle et mettent en avant cette identité pour faire avancer la question des droits des homo/bi-sexuel-le-s en faisant souvent partie d’une association LGBT. « Je suis militant. Je suis fier d'être homo, et c'est la meilleure stratégie que j'ai trouvée. » Homme homosexuel de 29 ans Ces positionnements, liés au vécu subjectif des personnes, ne sont pas figés et suivent souvent l’évolution d’un processus personnel dépendant d’une mise en tension de l’acceptation de soi et de l’acceptation de soi par les autres. Il convient de souligner que, malgré une homo/bi-sexualité dite assumée, de nombreuses personnes estiment que dans certains milieux et/ou dans certaines circonstances, la discrétion demeure la clé pour ne pas se faire importuner, pour se protéger ou encore pour protéger son conjoint ou ses enfants. Quelques participant-e-s ont d’ailleurs souligné un changement d’ambiance global depuis les débats pour le mariage civil pour tous, et une augmentation de leur crainte de se faire insulter ou agresser dans la rue. « Je ne divulgue pas mon orientation sexuelle pour mes enfants. La discrimination n'est pas facile à vivre pour eux car les enfants écoutent leur parents à la maison et reproduisent à l'école : " fils de gouine"… » Femme homosexuelle de 42 ans, en couple Faire partie de la communauté homo-bisexuelle… ou en être exclu-e Se rapprocher des « pairs » peut aussi être une manière de mieux vivre son orientation sexuelle. Près des deux tiers des participant-e-s interrogé-e-s fréquentent des lieux de sociabilité identifiés homo/bi-sexuel-le-s : plus d’un-e sur dix de manière régulière et la moitié de manière plus occasionnelle (14,1 % et 50,8 %). Les bisexuel-le-s déclarent de manière générale une moindre fréquentation des lieux de sociabilité dits « identitaires » que les homosexuel-le-s : à l'inverse des hommes bisexuels, les femmes homosexuelles sont celles qui ont le plus tendance à fréquenter ces lieux (20% contre 75,6%). Dans ce sens, la grande majorité des participant-e-s- reconnait l’existence d’une communauté homo/bi-sexuelle, même si un-e sur dix pense qu’elle n’existe pas (11,7 %) : plus d’un tiers des personnes interrogées déclare faire partie de la communauté (35,2 %). Ce sont les femmes homosexuelles qui ont le plus tendance à déclarer en faire partie, à l’inverse des femmes bisexuelles (48,9% contre 36,4%). La fréquentation des lieux dits identitaires et le sentiment d’appartenance à la communauté homo/bi-sexuelle semblent aller de pair. Le sentiment d’appartenance à la communauté homo/bi-sexuelle apparaît proportionnellement lié au sentiment d’avoir déjà été discriminé en raison de son orientation sexuelle et aux situations vécues : 44,8% des participant-e-s qui se sentent appartenir à la communauté ont un sentiment global de discrimination contre 24,6% chez ceux qui ne s’y rattachent pas et, parmi ceux qui ont déjà subi une discrimination, 39,8% ont un sentiment d’appartenance à la communauté contre 16% chez ceux qui ne déclarent aucune discrimination vécue. Par ailleurs, le sentiment d'appartenance à la communauté homo/bisexuelle semble protéger de la crainte d'être discriminé : ainsi, la proportion de ceux qui ne craignent que rarement ou qui ne SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 6 craignent jamais d'être discriminé est plus importante chez les participant-e-s qui se sentent appartenir à la communauté que chez celles et ceux qui s'en excluent (42,2% contre 36,8%). « On a beau dire que les bars ou autres endroit dits gayfriendly sont communautarisants, j'apprécie de fréquenter ces endroits de temps en temps, où je suis pour une fois bien supposée être ce que je suis.» Femme homosexuelle de 26 ans « Les communautés gay sur internet m'ont beaucoup aidée. Elles m'ont permis de partager mon expérience avec d’autres et d’apprendre à travers leurs expériences. » Femme homosexuelle de 28 ans Si s’entourer de personnes qui nous ressemblent et se rassembler face aux discriminations potentielles et/ou vécues apparaît régulièrement dans les témoignages, plus de la moitié des participant-e-s estime ne pas appartenir à la communauté homo/bisexuelle (53,1 %) et plus de la moitié des personnes signalent l’existence de discriminations spécifiques entre personnes homo/bi-sexuelles (56,3%). Alors que les bisexuel-le-s semblent moins discriminé-e-s dans la société du fait de leur moindre visibilité, la bisexualité est évoquée comme principal motif de rejet entre les personnes homo et bisexuelles. « De nombreux homosexuels refusent l'existence de la bisexualité en la qualifiant d'homosexualité refoulée. On dit qu’ils ne savent pas choisir ou qu’ils sont incapables de s’engager. » Homme homosexuel de 32 ans en couple « Je me suis faite rejetée par des lesbiennes parce que je suis bisexuelle. Je ressens une négation de mon identité de bisexuelle par des professionnels de santé, des gays et LGBT en général ainsi que des hétéros : "les bi, ça n’existe pas", "ce n’est qu’un état transitoire" etc. Je me sens facilement mise de côté ou pas prise au sérieux, j’ai l’impression qu’il faut faire ses preuves au sein de la communauté même. » Femme bisexuelle de 35 ans Au-delà de ce clivage, l’apparence physique est le motif essentiel de rejet mis en avant par les participant-e-s, que ce soit pour des critères physiques, vestimentaires ou liés au genre. Une véritable classification des personnes s’opère. Les femmes deviennent des « butches », des « fem », des « lipsticks », des « quechuas », etc. et les hommes sont des « bears », des « minets », des « crevettes », des « folles », etc. À partir de là, toutes les discriminations existent : les « bears » n’apprécient pas les « folles », les « lipsticks » critiquent les « butches » qui, elles, leur reprochent leur ressemblance aux hétérosexuelles, etc. « Les pires discriminations, je les ai senties dans les bars gay, du fait de mon léger surpoids. De plus, il y a des clivages entre les gays et les lesbiennes, les homos et les trans... J'ai souvent trouvé que certains gays sont souvent plus intolérants que beaucoup d'hétéro. » Homme homosexuel de 33 ans « Sur le physique la plupart du temps, le style vestimentaire en général. Cas concret: lorsqu’on est lesbienne par exemple. Si une femme s'habille de façon très féminine et qu'on la voit enlacer une autre femme de style vestimentaire basic (jean, chemise et baskets) alors on peut souvent entendre : "ah cette fille veut tenter une nouvelle expérience !", "c'est une hétéro refoulée !", "qu'est-ce qu'elle vient faire là ?" etc. Quand nous ne ressemblons pas au stéréotype de "la lesbienne", on nous juge trop facilement, alors que nous aimons les femmes tout comme elles mais nous ne sommes pas pliées aux règles de ce style vestimentaire. » Femme homosexuelle de 24 ans en couple « Chez les gays, on voit malheureusement souvent des dénigrements envers les "folles". » Homme homosexuel de 32 ans « Les codes "physiques" ont une place très grande dans le milieu homo et ils ont tendance à rejeter tout ce qui n'est pas "beau et jeune"... ». Homme homosexuel de 27 ans L’apparence, clé commune aux discriminations ? Une des questions de l’enquête demandait aux personnes de se définir selon la perception qu’ils pensaient renvoyer dans la rue en fonction des stéréotypes circulant dans la société. En comparant les résultats des différentes questions sur les discriminations, il s’avère que les hommes qui se définissent comme « masculins » enregistrent quasi-systématiquement les proportions les plus basses du vécu des discriminations : 42,2 % d’entre eux précisent au moins une discrimination dans la rue contre 81,4 % des hommes déclarant renvoyer une image plutôt « féminine ». Dans ce sens, les femmes dites « féminines » ont également tendance à moins évoquer le vécu d’une situation discriminante dans la rue (61,4 % contre 77 % des femmes « androgynes ») ou pour un autre motif que l’orientation sexuelle. L'apparence semble cruciale : le fait de renvoyer une image « conforme » à celle attendue par la société, à savoir une cohérence entre le sexe biologique et le genre et une correspondance aux stéréotypes féminins/masculins semble protéger des discriminations et de la crainte de la stigmatisation. En effet, les hommes se définissant comme « féminins » sont deux fois plus SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 7 nombreux que les hommes « masculins » à craindre souvent voire tout le temps d’être discriminé en raison de leur orientation sexuelle (56% contre 23,3%). D’ailleurs, les trois quarts des ligérien-ne-s déclarent avoir subi des discriminations de la part de personne(s) qui ne connaissait (-ent) pas de façon certaine leur homo/bi-sexualité (77,8%). Sur quoi se basent-elles alors si ce n’est sur l’apparence et les préjugés associés ? Conclusion Face aux discriminations existantes et à la crainte qu’elles engendrent, les personnes homo/bi-sexuelles sont tenues d’adopter des stratégies ayant pour objectif de neutraliser au maximum leurs impacts sur la qualité de vie : ces postures reposent sur le fait de révéler ou non son orientation sexuelle, ce qui peut aussi passer par le fait que cette dernière soit « visible » ou « invisible ». Il s’agit donc de maîtriser constamment son « degré d’exposition » et vivre avec le poids mental du calcul permanent des risques/bénéfices du coming out, ce dernier étant à la fois « libérateur » mais aussi « excluant ». Elles se retrouvent prises dans un paradoxe défini par la volonté de se préserver du risque de stigmatisation d'un côté, mais dont peut découler la privation de certains avantages sociaux engendrée par cette position de retrait et de prudence (par exemple l’exclusion des cercles de sociabilité faisant les réseaux professionnels et les carrières). Les résultats font ressortir des discriminations bien présentes, engendrant une crainte importante pouvant mener à l’auto-stigmatisation. Par ailleurs, les femmes sont particulièrement concernées : près de neuf femmes sur dix ont déjà été victimes d’au moins une discrimination dans un des domaines évoqués (88,8 %) et plus de neuf sur dix vivent avec l’appréhension plus ou moins forte d’être discriminé (91,6 %), soit 10 points de plus que chez les hommes (76 % et 83,2 %). De plus, elles sont près de sept sur dix à avoir ressenti de la discrimination pour un autre motif que l’orientation sexuelle, contre cinq hommes sur dix (67,9% contre 52,9%), soulignant particulièrement le sexisme (37,5% d’entre elles) : elles subissent donc la « double peine » du genre et de l’orientation sexuelle. Enfin, l’étude souligne le paradoxe d’une communauté homo/bi-sexuelle à la fois intégratrice mais parfois elle-même discriminante, en fonction de l’orientation sexuelle et de l’apparence (stéréotypes de genre, look vestimentaire, caractéristiques physiques…), soulignant l’existence de « sous-communautés » mais aussi faisant écho à des problématiques de visibilité et de crédibilité de ces orientations sexuelles dites minoritaires au sein d’une société globale encore très hétéronormée. Merci à l’ensemble des participant-e-s. Merci aux associations (Glup, Arcat, Adhéos, Clichy Sport, Flag, Homosphère, CLGBT Nantes, Les Barcos - Pays Basque) et sites partenaires (Yagg, Têtu, Gay Vox, CitéGay, Lettre Ouvert Magazine, Ze Link, GaybAk, MeeGay, WooMenn, MonClubGay) ayant relayé l’enquête. Merci à Hervé Baudoin, coordinateur thématique populations LGBT, SIS Association, ainsi qu’à Olivier Valente et Dora Michaux, écoutants SIS Association Montpellier. Pour plus d’informations, contactez [email protected] ou [email protected] SIS Observatoire, Enquête Vécu homo/bi-sexualité 2013 8