Enquête auprès de personnes homo ou bi
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Enquête auprès de personnes homo ou bi
Enquête auprès de personnes homo ou bi-sexuelles sur le vécu de leur orientation sexuelle Focus ile de France Membre de Sommaire METHODOLOGIE ET PROFIL DES PARTICIPANT-E-S UN CONSTAT PREOCCUPANT UNE APPREHENSION TRES PRESENTE… ET DES CONSEQUENCES MULTIPLES DES STRATEGIES POUR FAIRE FACE AUX DISCRIMINATIONS PARLER DE SON ORIENTATION SEXUELLE…OU LA CACHER FAIRE PARTIE DE LA COMMUNAUTE HOMO/BISEXUELLE…OU EN ÊTRE EXCLU-E L’APPARENCE : LA CLE COMMUNE AUX DISCRIMINATIONS ? CONCLUSION 3 3 5 5 5 7 7 8 SIS Association www.sis-association.org SIS-Association agit dans la lutte contre les exclusions et pour la santé sexuelle. Le respect de l’anonymat, de la confidentialité des échanges et le principe de non jugement accompagnent ses activités et son développement. Ils constituent son éthique. SIS-Association est certifiée ISO 9001 (2008) pour ses activités de prévention et d’aide à distance en santé. Pour assurer ses missions d'information, d'orientation, de soutien psychologique et d'aide aux personnes, elle dispose de dispositifs conventionnés par l’INPES : Sida Info Service 0 800 840 800 sida-info-service.org Hépatites Info Service 0 800 845 800 hepatites-info-service.org Ligne Azur 0 810 20 30 40 ligneazur.org (lutte contre l’homophobie et pour la prévention du suicide) VIH Info Soignants 0 810 630 515 sida-info-service.org Sida Info Plus (via) 0 800 840 800 sidainfoplus.fr Et de services hors INPES : Droits des Malades Info 0 810 51 51 51 Sida Info Droit 0 810 636 636 droitsdesmalades.info Note : le terme « discrimination » fait ici référence aux situations vécues comme discriminantes par les participant-e-s. En effet, tout évènement ressenti comme tel a un réel impact sur la vie des personnes, au -delà même de l’objectivité de cette discrimination. L’intégralité de l’étude et un focus spécifique à la région Pays de la Loire sont également disponibles. Avec le soutien financier des régions et de Enquête menée en 2013 – Impression Janvier 2015 Dossier réalisé par Marjory Corbinaud, Mathilde Coudray (chargées d’études SIS Observatoire) et Elisabete de Carvalho (responsable SIS Observatoire) 2 METHODOLOGIE ET PROFIL DES PARTICIPANT-E-S Répartition par sexe et orientation sexuelle, en %, n=669 Enquête Vécu de l'homo/bi-sexualité SIS 2013 Femmes Bisexuelles 8,8 Personnes trans et intersexes Homosexuelles 0,6 Hommes Bisexuels 9,7 Personnes trans et intersexes Bisexuelles 0,6 Hommes Homosexuels 47,4 Femmes Homosexuelles 32,9 huit personnes intersexes ou trans de genre masculin ou féminin vivant en Île-de -France ont participé à l’enquête, cinq homosexuelles et trois bisexuelles. Comme sur l’ensemble du territoire, les femmes sont significativement plus jeunes que les hommes (26 ans d’âge médian pour les femmes bisexuelles et 30 ans pour les femmes homosexuelles). À l’inverse des femmes, les hommes bisexuels sont significativement plus vieux que les hommes homosexuels (respectivement 36 ans et 32 ans d’âge médian). Trois participant-e-s sur dix vivent en Île-de-France Les participant-e-s vivant en Île-de-France (IDF) au moment de l’enquête (32,3 %), soit 669 personnes. Plus de la moitié a eu connaissance de l’enquête par le biais des sites internet partenaires (54 %) et plus d’un tiers par les réseaux sociaux (35,3 %). Le mailing et le bouche à oreille constituent les autres principaux modes de connaissance de l’enquête (respectivement 5,7 % et 2,1 %). ont légèrement plus tendance à être en couple que les autres (56,8 %, + 4,3 points par rapport aux participant-e-s hors IDF). De la même façon que les moins de 20 ans, les hommes homosexuels enregistrent la plus forte proportion de célibat (50,5 %) alors que les femmes apparaissent plus souvent en couple, et ce indifféremment de leur orientation sexuelle (64,5 %). Huit participant-e-s francilien-ne-s sur dix se Si plus d’un tiers des francilien-ne-s estiment définissent homosexuel-le-s (80,3 %, + 7,8 points par rapport aux non franciliens) et deux sur dix sont bisexuel-les (18,5 %, - 4,7 points par rapport aux non francilien-ne-s). Ainsi, près d’un sur deux est un homme homosexuel et près d’un sur trois est une femme homosexuelle. Alors que la proportion de lesbiennes est significativement plus élevée parmi les participant-e-s d’Île-de-France (32,3 % contre 25,4 % hors IDF), les hommes bisexuels y apparaissent proportionnellement moins nombreux (9,4 % contre 15,6 % hors IDF). Ces derniers ont tendance à être plus souvent en couple avec un homme (21,5 % contre 10,6 % hors IDF). Ces résultats reflètent une plus grande concentration de la population homosexuelle sur la région parisienne. Enfin, leurs ressources financières insuffisantes voire très insuffisantes (34,1 %, - 11,2 points par rapport à ceux vivant hors IDF), vivre en région parisienne semble synonyme d’un plus grand confort financier, tout comme le fait d’être en couple : ainsi, les deux tiers d’entre eux déclarent des ressources financières suffisantes voire confortables (65,9 %). À l’inverse des hommes homosexuels, les hommes bisexuels et les personnes trans et intersexes sont ceux qui enregistrent les ressources financières les plus basses (30,3 % contre 40 % et n=6/8 de ressources insuffisantes/très insuffisantes). UN CONSTAT PREOCCUPANT Spontanément, une personne interrogée sur deux Types de situations discriminantes vécues en raison de l'orientation sexuelle, en %, n=669 Enquête Vécu de l'homo/bi-sexualité SIS 2013 Agressions physiques (n=110) Harcèlements (n=138) Outing (n=187) Injures (n=390) Dénigrements (n=434) Moqueries (n=467) 16,4 20,6 28,0 58,3 64,9 pense avoir déjà été discriminée du fait de son orientation sexuelle, et le fait de vivre en Île-de-France accentue significativement ce sentiment global de discrimination (51,3 %, + 5,2 par rapport aux participant-e-s vivant hors IDF). À cette proportion déjà élevée viennent s’ajouter deux tiers de celles qui n’ont pas ce ressenti spontané mais qui reconnaissent avoir vécu au moins une des situations listées par la suite (73,9 % contre 64,7 % sur l’ensemble du territoire) : dénigrement, moquerie, injure, harcèlement, 69,8 3 1 agression physique et/ou outing . Au final, près de neuf participant-e-s sur dix indiquent un sentiment de discrimination globale et/ou au moins une situation vécue (87,3 %, + 5,7 points par rapport à l’ensemble des 2 participants). Les personnes trans ou intersexes sont particulièrement concernées (n=8/8). De plus, à l’inverse des hommes bisexuels, les femmes sont significativement plus nombreuses à préciser des discriminations, et ce, indifféremment de leur orientation sexuelle (92,7 % contre 64,6 %). De la même manière, les moins de 40 ans ont significativement plus tendance à déclarer au moins une discrimination subie (90,5 % contre 76,7 % des plus de 40 ans). Par ailleurs, il faut souligner le caractère multiple et cumulatif des discriminations, principalement basées sur l’apparence : les participant-e-s précisent avoir déjà été discriminé-e-s pour leur apparence de genre [masculin, féminin, androgyne] (31,5 %), leur apparence physique (26 %), leurs origines étrangères (7,6 %) ou encore leur séropositivité (3,1 %). Le sexisme est cité par près d’une femme sur deux (47,3 %). Les moqueries, les dénigrements et les injures sont les types de discrimination les plus fréquemment cités, et subis par une grande majorité des participant-e-s. Viennent ensuite les outing et le harcèlement, et pour finir, les agressions physiques, citées par 16,4 % des personnes vivant en Île-de-France (+ 2,6 points par rapport à l’ensemble des participants). L’espace public est le lieu d’exposition privilégié aux discriminations : 65,3 % des participant-e-s précisent avoir déjà vécu au moins une situation discriminante dans la rue et 46,6 % au sein de l’école. L’entourage est le second domaine concerné par les discriminations : la famille est citée par deux personnes sur cinq (40,5 %) et les amis et connaissances par plus d’un quart des participant-es (25,7 % et 26,9 %). Enfin, le milieu Situations discriminantes vécues en raison de l'orientation sexuelle dans différents domaines , professionnel est mis en avant par en %, Enquête Vécu de l'homo/bi sexualité SIS 2013 plus d’un tiers des personnes et Plusieurs domaines peuvent être cités par le le même participant et plusieurs types de situation pose la question de la dicibilité de discriminante peuvent être renseignés pour le même domaine l’orientation sexuelle au travail. «On m’a craché dessus dans la rue pendant que je me promenais en tenant la main de mon petit ami. » Homme homosexuel de 45 ans « J'ai subi du harcèlement homophobe au travail qui a conduit à une dépression. J'ai eu une croix gammée sur la porte de mon domicile avec l'inscription « sale PD ». » Homme homosexuel de 34 ans Service public (n=87) Commerçants (n=113) Profes. de santé (n=126) Amis (n=172) Connaissances (n=180) Travail (n=232) Famille (n=271) Ecole (n=312) Rue (n=437) 13 16,9 18,8 25,7 26,9 34,7 40,5 46,6 65,3 1 Divulgation de l’orientation sexuelle sans le consentement de la personne concernée. 2 Par manque de représentativité statistique, les personnes trans de genre féminin, les personnes trans de genre masculin et les personnes intersexes sont fréquemment regroupées dans cette analyse. 4 UNE APPREHENSION TRES PRESENTE ET DES CONSEQUENCES MULTIPLES La peur d’être discriminé apparaît aussi forte que Près de neuf francilien-ne-s sur dix estiment que les discriminations elles-mêmes, seul un-e francilien-e sur dix n’ayant jamais ressenti cette crainte. Ainsi, près de neuf sur dix vivent avec cette appréhension (89,7 %) à un degré plus ou moins élevé : un quart de manière fréquente ou systématique (27,8 %), un tiers de manière occasionnelle (34,8 %) et un quart plus rarement (27,1 %). Les hommes bisexuels sont 10,8 % à éprouver tout le temps cette crainte contre 6,9 % des homosexuels masculins. De façon logique, ce sentiment est d’autant plus important que les personnes ont déjà expérimenté des discriminations liées à leur orientation sexuelle. leur orientation sexuelle est ou a été un sujet de préoccupation dans leur vie à différents degrés : parfois (45,6 %), souvent (29 %) voire toujours (14,5 %). Impacts négatifs de la crainte d'être discriminé-e dans différents domaines, en %, Enquête Vécu de l'homo/bi-sexualité SIS 2013 Bien être mental (n=594) 68,0 Vie professionnelle (n=573) 60,0 Relations amicales (n=594) Relations amoureuses (n=587) Santé physique (n=414) Vie sexuelle (n=587) 32,0 40,0 45,8 33,0 29,5 26,1 Influence modérée ou importante 54,2 67,0 70,5 73,9 Pas d'influence Cette crainte a des impacts multiples sur la qualité de vie des personnes interrogées, qu’ils soient psychologiques (68 % des participant-e-s), professionnels (60 %) ou encore relationnels. « Dans certaines situations, avec des gens que je connais peu, je joue un peu l'hétéro ou alors je ne dis rien, je ne me dévoile pas.» Homme homosexuel de 30 ans « J’ai peur en permanence des agressions verbales et physiques dans la rue ou au moment de prendre un taxi, lorsque je suis accompagnée de ma conjointe car nous avons déjà été agressées dans ce contexte. La crainte de ne pas être prise au sérieux par les professionnels de santé ou encore la crainte d'être rejetée par des membres de ma famille. » Femme homosexuelle de 24 ans Le recours à des produits psychoactifs est fréquent parmi les participant-e-s francilien-ne-s : deux sur cinq déclarent en avoir déjà consommé régulièrement, plus d’un tiers d’entre eux l’associant à leur orientation sexuelle. Il s’agit essentiellement d’alcool (84,2 %), d’anxiolytiques (46,5 %), de cannabis (43,6 %), d’autres médicaments (22,8 %) ou encore de cocaïne (15,8 %). La consommation de produits psychoactifs semble corrélée au niveau de préoccupation liée à l’orientation sexuelle : notamment, la prise d’anxiolytiques et d’autres médicaments est quatre fois plus importante chez les francilien-ne-s qui associent la prise régulière de psychotropes à des problématiques en lien avec l’orientation sexuelle que chez les autres consommateurs qui n’établissent pas ce lien. « La perte de mes relations amicales m'a profondément affecté; je traverse des phases de déprime assez néfastes depuis quatre ans : malnutrition, alcool, manque de sommeil. » Homme homosexuel de 24 ans. DES STRATEGIES POUR FAIRE FACE AUX DISCRIMINATIONS PARLER DE SON ORIENTATION SEXUELLE… OU LA CACHER La connaissance de l’homo/bi-sexualité par l’entourage est un bon marqueur des stratégies pour vivre sereinement avec son orientation sexuelle. De manière logique, alors que les milieux de la vie publique tels que le médecin et les collègues enregistrent les proportions les plus élevées d’orientation sexuelle « non connue » (respectivement 45,7 % et 47,9 %), les proches « choisis » présentent les taux les plus hauts de connaissance et d’acceptation : 83,6 % pour les amies filles hétérosexuelles et 78,5 % pour les amis garçons hétérosexuels. Si la majorité précise que les parents connaissent leur orientation sexuelle (67,2 % par la mère et 59,6 % par le père), celle-ci n’est pas acceptée par la mère et/ou par le père chez plus d’un-e participant-e sur dix (respectivement 10,9 % et 11,5 %). L’orientation sexuelle reste méconnue de la mère pour deux participant-e-s sur dix (21,8 %), du père pour trois sur dix (28,8 %) et de la fratrie pour deux sur dix (25,7 %), ces proportions étant moins élevées en IDF qu’ailleurs. Il faut noter le cas particulier des compagnons/compagnes des personnes bisexuelles dont un quart ne connaît pas l’orientation sexuelle de son/sa partenaire (27,4 %). Par ailleurs, le fait de vivre en région parisienne a un impact significatif sur le réseau de sociabilité : si les personnes vivant en Île-de-France ont plus souvent des amis majoritairement homo/bi-sexuels (22,3 % contre 11,9 % hors IDF), ils sont aussi plus nombreux à avoir autant d’amis homo-bisexuels qu’hétérosexuels (38,6 % 5 contre 33,6 %), ce qui irait dans le sens d’une plus grande intégration et acceptation de l’homo/bi-sexualité dans cette zone géographique. Face à l’appréhension des réactions de jugement, de rejet, voire de discrimination, certain-e-s participant-e-s préfèrent cacher leur orientation sexuelle et vivre dans le secret. Cela passe parfois par l’invention d’une vie hétérosexuelle fictive ou le développement d’une double vie de façade, ces derniers choisissant de vivre leur homo/bi-sexualité en dehors de leurs réseaux de sociabilité habituels voire de ne pas avoir de vie affective et sexuelle. Pour mieux s’éloigner d’éventuels stéréotypes associés à l’homosexualité, certain-e-s participant-e-s tendent à accentuer leur masculinité pour les hommes et leur féminité pour les femmes. D’autres choisissent de sélectionner minutieusement les personnes à qui elles révèleront leur orientation sexuelle et cloisonnent généralement les milieux publics, professionnels et la vie privée. Une gestion clivée de la vie et des différents réseaux de sociabilité (amis hétéro/amis homo par exemple) apparaît une solution pour éviter le rejet. Cela passe notamment par l’évitement de toutes marques d’affection en public et l’utilisation de pronoms neutres pour parler de leur partenaire à leur entourage non-proche particulièrement sur le lieu de travail. « Il y a un certain tabou autour de ma vie privée qui n'existe pas autour de la vie privée d'autres collègues (conjoint, enfant...).» Femme homosexuelle de 33 ans Lorsque l’orientation sexuelle est divulguée mais n’est pas acceptée par l’entourage, certain-e-s participante-s expliquent qu’un éloignement voire une rupture avec l’entourage est parfois nécessaire : il peut s’agir d’un déménagement vers une grande ville ou au contraire à la campagne, ou encore d’un rapprochement avec un milieu davantage LGBT-friendly. Certains indiquent carrément une rupture avec les personnes hétérosexuelles en les excluant systématiquement de leur vie. « Vivre dans une grande ville apporte l'anonymat et rend l'existence parfois plus facile. » Femme homosexuelle de 36 ans Enfin, certain-e-s participant-e-s expliquent parler ouvertement de leur orientation sexuelle. Certain-e-s revendiquent plutôt une recherche d’authenticité et d’honnêteté envers eux-mêmes et les autres, d’autres puisent leur légitimité dans leur confiance en la loi. Ces participant-e-s expliquent la plupart du temps être arrivés à ce niveau d’acceptation après un cheminement personnel plus ou moins long. Souvent, une psychothérapie en a été le moyen, tout comme l’empowerment, fréquemment mis en avant pour vivre plus sereinement (s’informer, s’enrichir culturellement, lire des témoignages, etc.) ou encore le fait d’être dans une relation stable. Ces personnes réussissent alors à dialoguer et à faire confiance aux autres. Et quand ça ne suffit pas, c’est l’indifférence qui est de mise. Enfin, de multiples « outils » sont cités, pour déjouer la stigmatisation et s’accepter : l’humour, la méditation, le sport, l’écriture, la musique, etc. « Il s’agit tout d'abord de s’accepter soi-même. Ensuite faire son coming out aide beaucoup à se soulager de ce secret. Beaucoup de sophrologie et d’hypnothérapie pour se relaxer et déstresser des angoisses de l'adolescence.» Femme homosexuelle de 24 ans Certains personnes expliquent apporter une dimension politique à leur orientation sexuelle et mettent en avant cette identité pour faire avancer la question des droits des homo/bi-sexuel-le-s en faisant souvent partie d’une association LGBT. « Je veux casser les préjugés donc j’ai gardé une majorité d’amis hétéro. Convaincre c’est tout le temps, partout, avec n’importe qui. Et avec mon copain on se tient la main partout quand cela nous plait. L’objectif est d’être nousmêmes et d’assumer les éventuelles conséquences. » Homme homosexuel de 25 ans Ces positionnements, liés au vécu subjectif des personnes, ne sont pas figés et suivent souvent l’évolution d’un processus personnel dépendant d’une mise en tension de l’acceptation de soi et de l’acceptation de soi par les autres. Il convient de souligner, que malgré une homo/bisexualité dite assumée, de nombreuses personnes estiment que dans certains milieux et/ou dans certaines circonstances, la discrétion demeure la clé pour ne pas se faire importuner, pour se protéger. Quelques participante-s ont d’ailleurs souligné un changement d’ambiance global depuis les débats pour le mariage civil pour tous, et une augmentation de leur crainte de se faire insulter ou agresser dans la rue. « La crainte d'être discriminé m'amène à être discret sur mon orientation sexuelle (…) c'est un effort intellectuel de tous les instants, et c'est plutôt éprouvant. Par exemple, je fais attention à la façon de me tenir, de m'exprimer, de me comporter. » Homme homosexuel de 21 ans 6 FAIRE PARTIE DE LA COMMUNAUTE HOMO/BISEXUELLE… OU EN ÊTRE EXCLU-E Se rapprocher des « pairs » peut aussi être une manière de mieux vivre son orientation sexuelle. Les trois quarts des francilien-e-s interrogé-e-s fréquentent des lieux de sociabilité identifiés homo/bi-sexuel-le-s : un quart de manière régulière et la moitié de manière plus occasionnelle (26,2 % et 49,2 %). Dans ce sens, la grande majorité des francilien-ne-s reconnait l’existence d’une « communauté » homo/bi-sexuelle : près de la moitié déclare en faire partie (48,1 %), quatre sur dix estiment à l’inverse ne pas y appartenir (38,1 %), et une sur dix pense qu’elle n’existe pas (13,2 %). Le sentiment d’appartenance à une communauté homo/bi-sexuelle est plus élevé en IDF, l’existence même de cette communauté étant plus fréquemment niée hors IDF. Il faut noter que plus les personnes ont une crainte élevée d’être discriminées, plus elles affirment croire à l’existence d’une communauté homo/bi-sexuelle et que ce sont les participant-e-s situé-e-s dans les classes d’âges extrêmes qui y croient le moins. « On a beau dire que les bars ou autres endroits dits gayfriendly sont communautarisants, j'apprécie de fréquenter ces endroits de temps en temps, où je suis pour une fois bien supposée être ce que je suis. Sinon, j'évite les soirées exclusivement hétéro, où je ne me reconnaitrais dans aucune des situations dont il va être question. » Femme homosexuelle de 26 ans Si l’ensemble des participants estime qu’il existe des discriminations spécifiques entre personnes homo/bisexuelles, cette tendance est significativement plus importante parmi ceux qui vivent en région Île-de-France (70,9 % contre 55,6 % hors IDF). Alors que les bisexuel-le-s semblent moins discriminé-e-s dans la société du fait de leur moindre visibilité, la bisexualité est évoquée comme principal motif de rejet entre les personnes homo et bisexuelles. « Il n'est pas rare du tout d'entendre des gays et des lesbiennes, dire que la bisexualité n'existe pas ou que les bisexuel-le-s couchent avec « tout ce qui bouge » ou qu'ils n'attendent qu'une occasion pour « redevenir hétéro » ou encore qu'ils sont juste « dans le placard. »… » Femme bisexuelle de 19 ans Au-delà de ce clivage, l’apparence physique est le motif essentiel de rejet mis en avant par les participant-e-s. Une véritable classification des personnes s’opère. Les femmes deviennent des « butch » des « fem » des « lipsticks » des « quechuas » etc. et les hommes sont des « bears » des « minets » des « crevettes » des « folles » etc. À partir de là, toutes les discriminations existent : les « bears » n’apprécient pas les « folles » les « lipsticks » critiquent les « butch » qui leur reprochent leur ressemblance aux hétérosexuelles, etc. « Les gays discriminent les "folles" parce qu'ils "décrédibilisent le mouvement" et les lesbiennes discriminent les "butch" pour la même raison... » Femme bisexuelle de 23 ans « Je trouve que la communauté homo, bien que discriminée, n'en est pas plus tolérante pour autant, c'est pour cela que je ne fréquente pas le milieu, car il faut être plus beau, plus jeune, mieux fait que les autres. » Homme homosexuel de 33 ans L’APPARENCE, CLE COMMUNE AUX DISCRIMINATIONS ? En comparant les résultats des différentes L'apparence semble cruciale : le fait de renvoyer questions sur les discriminations, il s’avère que les hommes qui se définissent comme « masculins » enregistrent quasisystématiquement les proportions les plus basses du vécu des discriminations : 55,4 % précisent au moins une discrimination dans la rue contre 83,3 % des hommes déclarant renvoyer une image plutôt « féminine ». Dans ce sens, les femmes dites « féminines » ont également tendance à moins évoquer le vécu d’une situation discriminante dans la rue (69,2 % contre 83,3 % des femmes « masculines ») ou pour un autre motif que l’orientation sexuelle. une image « conforme » à celle attendue par la société, à savoir une cohérence entre le sexe biologique et le genre et une correspondance aux stéréotypes féminins/masculins, semble protéger des discriminations et de la crainte de la stigmatisation. Trois quarts des francilien-ne-s déclarent avoir subi des discriminations de la part de personne(s) qui ne connaissait (-ent) pas de façon certaine leur homo/bi-sexualité (75,9%). Sur quoi se basent-elles alors si ce n’est sur l’apparence et les préjugés associés ? 7 CONCLUSION Face aux discriminations existantes et à la crainte qu’elles engendrent, les personnes homo/bi-sexuelles sont tenues d’adopter des stratégies ayant pour objectifs de neutraliser au maximum leurs impacts sur la qualité de vie : ces postures reposent sur le fait de révéler ou non son orientation sexuelle, ce qui peut aussi passer par le fait que cette dernière soit « visible » ou « invisible ». Il s’agit donc de maîtriser constamment son « degré d’exposition » et de calculer les risques/bénéfices du coming out, ce dernier étant à la fois « libérateur » mais aussi « excluant ». Elles se retrouvent prises dans un paradoxe défini par la volonté de se préserver du risque de stigmatisation d'un côté, mais dont peu découler la privation de certains avantages sociaux engendrée par cette position de retrait et de prudence (par exemple l’exclusion des cercles de sociabilité faisant les réseaux professionnels et les carrières). Les résultats font ressortir des discriminations bien présentes, engendrant une crainte importante pouvant mener à l’auto-stigmatisation. Par ailleurs, les femmes sont particulièrement concernées, subissant la « double peine » du genre et de l’orientation sexuelle : ainsi, plus de neuf femmes sur dix ont déjà été victimes d’au moins une discrimination dans un des domaines évoqués (92,8 %) et plus de neuf sur dix vivent avec l’appréhension plus ou moins forte d’être discriminées (94,6 %), soit 10 points de plus que chez les hommes (82,2 %) et (85,9 %). Les personnes intersexes et transgenres, peu représentées dans l’enquête à l’image de leur visibilité au sein de la société, cumulent les difficultés financières et le sentiment de discrimination globale et précisée les plus élevés des participant-e-s. Au-delà de la problématique de l’orientation sexuelle, des études mesurant l’impact de ces éléments sur la santé de chacun de ces groupes nécessiteraient d’être réalisées. De plus, alors que l’on pouvait s’attendre à une moindre manifestation des discriminations dans la région parisienne, il s’avère que les participant-e-s francilien-ne-s précisent significativement plus de situations discriminantes : 87,3 % d’entre eux ont déjà ressenti ou vécu au moins une discrimination en lien avec leur orientation sexuelle contre 78,8 % de ceux vivant hors IDF. Une fois de plus se pose la question de la visibilité, particulièrement dans une région regroupant une plus forte concentration de la population homo/bi-sexuelle en France : si le fait de vivre dans une région où l’homo et la bisexualité semblent être plus socialement acceptées, être plus visible expose aussi davantage. Enfin, l’étude souligne le paradoxe d’une « communauté » homo/bi-sexuelle à la fois intégratrice mais parfois elle-même discriminante, en fonction de l’orientation sexuelle et de l’apparence (stéréotypes de genre, look vestimentaire, caractéristiques physiques…) et soulignant l’existence de « sous-communautés ». REMERCIEMENTS Remerciements à l’ensemble des participant-e-s pour leurs nombreux témoignages. S’ils n’ont pu être tous repris in extenso dans ce rapport, ils ont servi lors des analyses qualitatives. Ils pourront être utilisés ultérieurement lors d’articles ciblant une thématique en particulier. Merci aux associations (Glup, Arcat, Adhéos, Clichy Sport, Flag, Homosphère, CLGBT Nantes, Les Barcos - Pays Basque) et sites partenaires (Yagg, Têtu, Gay Vox, CitéGay, Lettre Ouvert Magazine, Ze Link, GaybAk, MeeGay, WooMenn, MonClubGay) ayant relayé l’enquête. Remerciements à Hervé Baudoin, Olivier Valente et Dora Michaux, collaborateurs à SIS Association. Pour plus d’informations : [email protected] 8