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f barca
Union européenne
Le 1er Vice-Président
COMITE DES REGIONS
Intervention de Michel DELEBARRE
1ER VICE-PRÉSIDENT DU COMITÉ DES RÉGIONS, MAIRE & DÉPUTÉ DE DUNKERQUE
37EME ASSEMBLEE GENERALE DE LA
CONFÉRENCE DES RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES MARITIMES D’EUROPE
GÖTEBORG, 2 octobre 2009
- Seul le discours prononcé fait foi Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à remercier très chaleureusement le Président MARTINI de m'avoir accordé la possibilité
d'intervenir devant vous au nom du Comité des Régions et de son Président Luc VAN DEN
BRANDE sous la forme d'une allocution globale. Je lui en suis d'autant plus reconnaissant que j'ai bien
conscience qu'actuellement les prises de position sur la conception d'ensemble de l'intégration
européenne ne sont pas très à la mode. Nous avons quelque peu le nez dans le guidon, nous
naviguons au jour le jour - d'une élection, d'un référendum et d'un sommet international à l'autre.
Or justement, c'est certainement la CRPM, qui, sous l'impulsion de son équipe dirigeante avec
Claudio MARTINI à la Présidence et Xavier GIZARD à la tête de son secrétariat, s'est constamment
distinguée ces dernières années pour sa capacité prospective. Ce n'est pas là de la flatterie mais c'est
tout autant un hommage sincère et amical qu'un défi à relever pour ceux qui prendront leur relève
dans les prochains mois.
Je veux pour illustration de cette capacité prospective le livre que la CRPM avait publié en 2005 aux
Editions de l'Aube et qui portait le titre: "Objectif 2009: un grand pas pour l'Europe, un petit pas pour les
régions". Il est positif de constater à quel point l'analyse faite en 2005 par la CRPM reste d'actualité.
Je cite:
Parlant des Etats membres, la CRPM écrivait : " Soit ils choisissent pour des raisons idéologiques et/ou
conjoncturelles de dissoudre l'Europe dans la mondialisation, ne lui consacrant que le minium de moyens
publics disponibles (…)
Soit, au contraire, ils profitent de l'élargissement de l'Union Européen et de la force de son marché intérieur
(…) pour engager une nouvelle étape, notamment sociale, de la construction européenne. Ils conforteraient
les bases d'une économie du savoir performante, fondée d'une part sur une stratégie européenne ambitieuse
et d'autre part sur la vigueur inégalée de ses initiatives régionales et locales. Ils l'ancreraient dans un monde
multipolaire, solidaire d'un développement durable pour toute la planète."
1
Pour ma part, je mettrai cette analyse de la CRPM de 2005 en perspective avec trois nouveaux
enjeux:
(i)
l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne,
(ii)
(ii) le travail entamé par le Comité des régions sur la gouvernance à multi-niveaux
(iii)
et (iii) le débat sur l'avenir de la politique de cohésion post-2013.
(i)
Nous avons tous aujourd'hui le regard rivé vers l'Irlande et le résultat du référendum sur le
Traité de Lisbonne. Je me refuserai à envisager le pire tout en espérant que mon optimisme sur le
résultat escompté soit de bonne augure.
Nous pouvons d'ores et déjà dire que ce ne sont pas les sujets qui sont au coeur des collectivités
territoriales qui ont dominé la campagne: avortement, défense, postes de Commissaires firent
l’essentiel des débats.
C'est pourquoi la ratification du Traité ne marquera pas seulement pour nous la fermeture d'une
parenthèse de 8 années d'introspection institutionnelle.
Le correspondant du journal « Libération » à Bruxelles, Jean QUATREMER, a récemment dit devant
le groupe socialiste du Comité des régions que le Traité de Lisbonne serait selon lui le dernier Traité
européen que nous verrons de notre vivant. Je trouve d'une part qu'il nous enterre un peu vite.
D'autre part, je pense que l'absence d'une prochaine réforme institutionnelle ne doit pas entraîner
l'absence de réflexion institutionnelle. En effet, le Traité de Lisbonne est aussi un nouveau départ et il
contient énormément de potentialités participatives qu'il nous, Comité des régions et associations
territoriales européennes, faudra animer et impulser.
Je pense bien entendu à la clause sociale horizontale que nous devrions d'autant moins négliger
qu'elle comporte des analogies significatives avec pour beaucoup d'entre nous pensent être le mode
opératoire de l'objectif de cohésion territoriale.
Je pense évidemment aussi à l'instrument de « l'initiative populaire » dont les modalités restent à
définir rapidement et qui pourraient en cas d'entrée en vigueur du traité en début d'année prochaine
très rapidement faire l'objet d'un Livre Blanc de la Commission que nous devrions très rapidement
alimenter en amont. Nous pourrions en effet imaginer que nos régions puissent en partie jouer un
rôle initiateur, vecteur, fédérateur de ces initiatives populaires.
Au-delà des potentialités participatives, le Traité de Lisbonne contient aussi des éléments essentiels
pour les autorités locales et régionales.
Ainsi, le futur traité consacre les principes de l’autonomie locale et régionale ainsi que de la diversité
culturelle et linguistique au niveau européen.
Le traité permettra également de sortir d'une approche jusqu'ici très académique et quasi virtuelle du
principe de subsidiarité. Dorénavant, l’Union européenne ne pourra agir là où l’action des autorités
locales ou régionales est la plus appropriée.
2
Quant au CdR, il pourra désormais saisir la Cour de justice de l’Union européenne en cas de
violation de ses prérogatives ou s’il estime que les dispositions relatives au principe de subsidiarité
n’ont pas été respectées. Ces voies de droit de recours accordées au CdR en font de facto une
institution communautaire puisque l'accès à la Cour de justice est, à l'exception du CdR, réservé aux
institutions au sens juridique du terme ainsi qu'aux États membres.
En tant qu'objectif de l'Union Européenne, la cohésion territoriale devient d'ailleurs une priorité
transversale pour l'Europe. Cela signifie concrètement que l'objectif de cohésion territoriale devra
être un réel critère de référence dans les propositions législatives de la Commission et confirme que
la politique de cohésion remplit une mission d'intérêt européen. Cette novation requiert donc selon
nous un saut qualitatif dans le travail sur les analyses d'impact territorial de la législation
communautaire.
2° observation
(ii)
La gouvernance à multi-niveaux n'est pas quant à elle inscrite dans le marbre du Traité.
Pourtant, elle jouera un rôle essentiel notamment en tant que "trait d'union", passerelle ou liant,
entre cohésion territoriale et subsidiarité qui sont deux innovations majeures du Traité de Lisbonne
pour les collectivités territoriales.
Notre compréhension de la gouvernance à multi-niveaux est d'abord qu'elle permet de penser la
régulation au niveau européen au-delà des seules règles et procédures écrites qui figurent dans les
traités. C'est une question de méthode qui a une dimension particulière dans le contexte actuel où
s’exprime un besoin de nouvelles formes de régulation européenne face à la crise économique,
financière, sociale et climatique.
En ce sens, subsidiarité et gouvernance à multi-niveaux sont indissociables et complémentaires. Selon
le Livre Blanc sur la gouvernance proposé par le CdR, la première la subsidiarité "a trait aux
compétences des différents niveaux de pouvoir, l'autre – la gouvernance multi-niveaux - met l'accent sur
leur interaction" ou encore "la gouvernance à multi niveaux représente (…) une « grille d’action » politique
plutôt qu’un instrument juridique (…)".
Mais la gouvernance à multi-niveaux a aussi, au regard de la subsidiarité, un caractère préventif: elle
est une garantie pour éliminer les suspicions et avoir le moins possible recours à la dimension
"coercitive" de la subsidiarité, c'est-à-dire le déclenchement des mécanismes et des procédures de
mise à l'arrêt de telle ou telle législation. En effet, devoir les déclencher, c'est engager beaucoup
d'énergies politiques et administratives pour un résultat incertain.
A travers la gouvernance à multi-niveaux il s'agit aussi de faire l'effort de la transversalité et du
décloisonnement de l'action politique européenne.
En effet, de plus en plus de défis qu'affrontent l'Union Européenne, les Etats-membres et les acteurs
territoriaux comme le développement durable, la cohésion territoriale, la mise en œuvre de la
Stratégie de Lisbonne font appel à un traitement transversal et pluridisciplinaire. D'autres politiques
n'ont pas (encore) trouvé de place explicite parmi les compétences de l'Union comme par exemple la
politique maritime. J'ajoute en passant que ce n'est certainement pas un hasard que la politique
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maritime de l'Union Européenne soit quasiment le seul champ politique dans lequel la Commission
utilise le terme de "gouvernance".
Force est cependant de constater que la réflexion, l'action et les pratiques politiques restent
cloisonnées dans des approches sectorielles et qui peinent à communiquer l'une avec l'autre. Le
travail de réflexion sur la gouvernance est donc aussi un exercice de décloisonnement, un test pour
notre capacité à penser la transversalité des politiques et à prévoir les outils adéquats. Nous voulons
également ouvrir des perspectives pour un processus de décision européen qui aille au-delà d’une
lecture simplement notariale des compétences des uns et des autres, source possible de
cloisonnements inutiles, et défendre une approche inclusive et coopérative de tous les niveaux de
gouvernement.
Le CdR a proposé dans son Livre blanc sur la "gouvernance à multiniveaux" que j'ai présenté
conjointement avec le Président du CdR, Luc Van den Brande, l'élaboration d'une Charte sur la
gouvernance à multi-niveaux faite dans le Livre Blanc qui ressemble à s'y méprendre au Pacte
territorial européen proposé par la CRPM.
Concrètement, nous réclamons dans ce Livre Blanc que les collectivités soient directement associées,
pour chaque réforme stratégique communautaire majeure, à la rédaction d'un plan d'action territorial
en concertation avec la Commission européenne. Cette mesure devrait permettre aux autorités
régionales et locales de jouer un véritable rôle dans la phase de conception de l'action
communautaire.
Dans la perspective du programme de travail du futur Collège, nous continuerons également à faire
valoir la nécessité de reconsidérer la méthodologie du travail législatif de la Commission en
renforçant le travail des analyses d'impact à la fois ex-ante et ex-post. Et ce travail devrait se faire
dans une démarche partenariale et transparente, garante d'efficacité. Or, aujourd'hui les travaux
d'analyses d'impact restent très opaques et réservés souvent à des arrière-boutiques de
fonctionnaires.
C'est pourquoi une suggestion faite par le think tank Bruegel autour de Jean PISANI-FERRY et André
SAPIR dans ses "Mémos économiques à l'attention de la nouvelle Commission pour les priorités
économiques 2010-2015" va dans le bon sens: il s'agirait de créer un organe d'évaluation européen,
indépendant de la Commission.
On pourrait d'ailleurs aussi imaginer que le portefeuille de la méthodologie législative soit mieux
identifié et reconnu dans toute sa transversalité au sein du Collège et pas seulement comme jusqu'à
présent sous son seul angle économique.
3° observation
iii)
Sortir du seul angle économique est certainement aussi un défi pour le débat sur l'avenir de
la politique de cohésion. Si nous devions en effet nous concentrer sur la seule question du volume
qui sera affecté à la politique de cohésion dans la prochaine période de programmation budgétaire,
nous risquerions de tomber dans un double piège: celui du contexte de crise financière qui dicte une
austérité générale des finances publiques et celui de nous exposer aux critiques face à des faibles taux
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d'exécution des projets communautaires dans l'actuelle période de programmation en particulier
dans les nouveaux Etats-membres en raison des exigences de co-financement et de capacité
administrative.
Bref, dans le débat sur la politique de cohésion, il faut se concentrer d'abord sur les objectifs à
poursuivre et les méthodes avant de nous battre pour des sommes que nous ne serions pas capables
de dépenser. Même si je ne suis pas indifférent aux perspectives financières
C'est le premier mérite du rapport présenté par Fabrizio BARCA d'avoir expliqué que les résultats
au regard des enjeux politiques - comme l’innovation, l’immigration, l’adaptation au changement
climatique - primaient sur les résultats chiffrés et les statistiques.
Son deuxième mérite, non moins significatif, est de se faire avocat d'une nouvelle référence de la
politique "de terrain" où il s'agit adapter les interventions aux contextes spécifiques en termes de
territoire et d'espace et de réserver un rôle prépondérant au savoir local dans la conception et la
mise en œuvre de la politique alors que les "anciennes approches" de la politique régionale sont au
contraire souvent axées sur la compensation des écarts de productivité entre régions et sur le
rééquilibrage des flux de main-d'œuvre et de capital.
Je souscris entièrement à cette inversion de priorités et de méthode proposée par F. BARCA parce
qu'elle est plus décentralisée, plus participative et qu'elle laisse champ à une nouvelle ambition sociale
pour la future politique de cohésion.
Trois remarques encore sur l'avenir de la politique de cohésion:
La première est qu'il faudra veiller à ce que toutes les politiques en lien avec la cohésion soient
traitées en même temps. Nous ne devrons par exemple pas accepter une nouvelle fois que le débat
sur l'avenir de la politique agricole soit découplé de celui sur l'avenir de la politique de cohésion par
une décision des chefs d'Etat et de gouvernement "sanctifiant" les montants alloués à la politique
agricole commune et reléguant la politique de cohésion à une variable d'ajustement. De la même
façon, le développement durable ne pourra pas rester à l'écart et c'est certainement une évidence ici
à Göteborg, ville dont le nom est intrinsèquement lié au troisième volet, durable, de la Stratégie de
Lisbonne.
Deuxième remarque: je ne souhaiterais pas que les services publics soient une nouvelle fois des
laissés-pour-compte du débat sur l'avenir de la politique de cohésion. Je rappelle en effet que les
articles du futur Traité de Lisbonne sur les services publics1 sont les seuls qui fassent référence à
l'objectif de cohésion territoriale. Autre élément intéressant: la communication du 20 août 2009,
intitulée "Le PIB et au delà : mesurer le progrès dans un monde en mutation"2 mentionne les
"services publics" dans les indicateurs environnementaux et sociaux à ajouter au PIB.
1
2
Articles 14 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union
COM(2009) 433
5
Le contexte d'une réflexion constructive sur les services publics semble donc favorable et ce d'autant
que dans ses orientations de candidat, José Manuel BARROSO a promis de proposer un "cadre
européen de qualité" pour les services publics.
Enfin, dernière remarque: n'oublions pas que la décision sur les perspectives financières post 2013
sera l'enjeu fondamental des débats qui concerneront les collectivités territoriales pendant la
prochaine législature.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Présidents, chers élus, Mesdames et Messieurs,
En route vers l'objectif 2014 notre combat commun au CdR et à la CRPM sera certainement de
relever le double défi d'appréhender plus que par le passé les potentiels, les besoins et les
contraintes propres à chaque territoire et de mettre en exergue l'exigence de durabilité des
politiques publiques européennes, nationales, régionales et locales. Dit autrement, en reprenant les
conclusions de la CRPM en 2005: "Le pari de renouer avec l'enthousiasme européen n'est gagnable qu'au
prix de la proximité!", formule qui synthétise bien les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
Je vous remercie pour votre attention.
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