Alain Brunet décrit la Place SOHIER et les prisons situées sur cette

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Alain Brunet décrit la Place SOHIER et les prisons situées sur cette
LA PLACE SOHIER – LES PRISONS
Le rechargement du revêtement de la place Sohier vient d'être effectué. La tâche a été rondement menée et n'a pas
gêné plus d'une journée les usagers vervinois et visiteurs qui utilisent cette place comme un parking automobile.
La place Sohier, comme le fait justement remarquer l'architecte Jean-Jacques Hennequart, occupe un vaste espace
par rapport au centre ville historique de Vervins plutôt exigu. Si l'on fait abstraction de la place de la Gare, la
place Sohier est la voie publique la plus récente de Vervins, mais c'est aussi, curieusement, celle qui a subi le plus
de modification depuis sa création, il y a un siècle et demi.
Cette place porte le nom d'un ancien maire, Jacques François Sohier, notaire à Vervins qui exerça la
magistrature municipale de 1832 à 1848. C'est-à-dire pratiquement pendant toute la durée de la Monarchie de
Juillet (le règne du roi des Français, Louis Philippe 1er).
Pendant son long mandat, l'urbanisme de la ville, jusqu'alors encore enserrée dans ses remparts médiévaux,
connut une évolution moderne avec le percement de la route d'Hirson, la construction du Palais de Justice et
l'aménagement de la place du Palais.
Un décret signé par le président de la Deuxième République, Louis Napoléon Bonaparte (le futur empereur
Napoléon III) signé le 14 mai 1850, autorisa le Conseil Municipal de Vervins à donner le nom de Sohier la
nouvelle place située derrière l'église paroissiale Notre-Dame (1).
Jusqu'au début du XIXème siècle, l'emplacement de la place Sohier était occupé en partie par les jardins du Vieux
Château. Ce bâtiment fut saisi au titre des biens nationaux sur le dernier seigneur de Vervins, François Marie
Casimir Franquetot de Coigny, considéré comme Emigré par le Conseil général de la commune de Vervins
(séance du 9 Frimaire An II de la République (29 novembre 1793).
D'abord attribué au District de Vervins, il fut rapidement loué par les membres du Directoire du district à la
commune de Vervins.
Par la suite, à son retour d'émigration, le ci-devant seigneur vendit les biens immeubles situés sur Vervins qui lui
avaient été restitués, à la ville, suivant acte reçu par Dalery, notaire à Vervins, le 21 Thermidor An XII (août
1804).
Dans cet acte est mentionné "derrière le bâtiment un jardin en terrasse, planté d'arbres fruitiers contenant environ
six ares, clos au midi par les écuries et autres bâtiments, ayant issue derrière l'église".
PRISON
A la demande du Corps de Ville (l'équivalent du Conseil Municipal) qui s'appuyait sur la Charte de Transaction
de 1573, une prison avait été aménagée en 1747 dans les dépendances du Vieux Château, propriété seigneuriale
comme il a été dit par Jacques Pierre Moreau de Nassigny, tuteur de la jeune Marie Jeanne Olympe de Bonnevie,
héritière mineur du marquisat de Vervins (2). Cette prison était située exactement au chevet de l'église paroissiale
dont elle n'était séparée que par un étroit passage.
Des prisons annexes, notons le, existaient dans l'Hôtel de Ville et dans la grosse tour d'angle des remparts du sudouest (la prison des Fermes).
En 1827, devant la vétusté des bâtiments, un projet de réparations fut proposé au Conseil des Bâtiments Civils qui
siégeait à Paris ; mais celui-ci refusa et exigea un bâtiment neuf. En attendant il fallut néanmoins effectuer
d'urgence en 1831 une addition de construction.
1
Le Conseil Municipal de Vervins proposa pour implanter la nouvelle prison, une partie des jardins du Vieux
Château située à proximité immédiate de l'ancienne prison. Il fallut niveler le terrain et araser trois tours des
remparts médiévaux au frais du budget municipal. La construction de la nouvelle Maison d'arrêt marque le début
de l'aménagement de la place Sohier. Les travaux ont duré de 1831 à 1836 (3).
Il est à remarquer une constante récurrente dans les décisions des édiles municipaux de Vervins à travers les
siècles : la reconstruction d'un bâtiment public à l'emplacement du précédent et à l'intérieur de la vieille enceinte ;
cette attitude très nette s'est reproduite à l'occasion de l'édification du nouveau collège (CES-CEG) à la place de
l'ancienne Ecole Primaire Supérieure (le Vieux Château) en 1956-1960.
Le percement de la future route d'Hirson venant s'embrancher sur la route royale n° 2 (la RN2) à l'intérieur même
de la ville, a donné lieu de 1839 à 1841, à divers projets dont l'un préfigure la construction de la place Sohier. Il
était en effet prévu de faire partir la route d'Hirson de l'espace situé entre le Vieux Château (servant à la fois de
Collège Municipal et de Palais de Justice pour les tribunaux de l'arrondissement et la Justice de Paix du canton et
l'église paroissiale Notre-Dame. Mais l'implantation d'un carrefour à angle droit suivi d'une forte montée, peu
favorable à la circulation fit abandonner ce projet, autant que les nuisances que les fondations de ces vieux
bâtiments auraient pu subir.
Par ailleurs, en bordure de la voie qui aurait été ainsi créée, il fut question de construire un nouveau Palais de
Justice qui aurait été presque en face de la nouvelle prison. Finalement les édiles municipaux optèrent pour la
création d'une nouvelle place publique rejoignant la rue aux Loups (la rue Baudelot). Primitivement cette place
était plus restreinte en largeur puisque l'ancienne prison était conservée. On envisageait d'y placer la caserne de
gendarmerie puis d'installer une école de vannerie afin de donner du travail à la classe défavorisée. Mais une
énorme butte de terre rendait humide et malsain ce bâtiment. Il sera démoli par la suite.
C'est un décret du président de la Seconde République, Louis Napoléon Bonaparte, en date du 14 mars 1850 qui
approuva la délibération du Conseil Municipal du 9 février précédent, d'attribuer le nom de Sohier à cette place.
Comme il a été dit dans un article précédent, l'emplacement de la place Sohier était occupé par le Vieux Château
jusque vers le milieu du XIXème siècle. Ces terrains et bâtiments étaient limités du côté de l'est par les remparts
(ensemble de murailles et de tours semi-circulaires édifiés en grés taillés) lesquels étaient précédés par un large et
profond fossé (avec escarpe et contre escarpe) au fond duquel coulait un ruisseau intermittent venant de la
Garenne et allant se jeter dans le Chertemps. Il n'est pas impossible, qu'au Moyen-âge, ce fossé fut rempli d'eau
(des douves auraient pu exister à des niveaux différents en raison de l pente grâce à l'aménagement de digues et
de levées de terre transversales). Il est à remarquer que dans l'ancienne terminologie vervinoise, ce fossé de la
face de l'est était appelé "le Grand Fossé", tandis que sur la face de l'ouest (c'est-à-dire vers l'ancien Préau),
l'escarpement était nommé "le Grand Val".
Un étroit chemin, hors les murs, suivant le fossé, mettait en communication la place du Calvaire (de la rue des
Champs) avec la place du Martinet (l'actuelle place Goujard) et le faubourg de la Grosse-Tête (la rue du général
Deville).
Ce chemin devenu par élargissement, la rue Baudelot, était connu sous le nom de "rue aux Loups". En effet, au
cours des deux hivers des années 1670 et 1671, pas moins de trois loups furent tués par Adrien Devin, lieutenant
de Louveteries (et échevin) à Vervins (A1)
Des travaux considérables ont été réalisés pour construire la place Sohier ainsi que la rue Baudelot pour mettre en
communication directe les deux nouvelles places résultant de l'extension de Vervins – la dite place Sohier et la
place du Palais (aujourd'hui place des Anciens Combattants).
Il s'agissait aussi de relier les trois établissements gardiens de l'ordre public et marquant le rang de chef-lieu
d'arrondissement de Vervins :
- le Palais de Justice,
- la caserne de Gendarmerie (qui était installée à l'angle de la place du Palais)
- la Maison d'Arrêt.
Déjà la construction de la Maison d'Arrêt entre 1830 et 1836 avait entamé l'intégralité des jardins du Vieux
Château et nécessité l'arasement de trois tours des vieux remparts.
Les terres et matériaux des remparts ont servi à combler le fossé.
Derrière la prison primitive (devenue une Maison de Correction) et le bâtiment annexe servant d'écurie pour les
chevaux des gendarmes, il existait une butte de terre (dont l'intérieur était peut-être aménagé en glacière pour les
besoins des occupants du Vieux Château avant la Révolution).
2
Cette banquette de terre qui rendait malsains les bâtiments situés à proximité, pouvait provenir du creusement ou
du surcreusement du fossé (A2). Son sommet aplati constituait une petite plate-forme d'artillerie (qui ne doit pas
être confondue avec le cavalier de la Basse-Suisse placé hors les murs).
Les membres du Conseil Municipal ont longtemps hésité sur la destination à donner à la prison primitive :
transformation en un atelier école de vannerie pour donner du travail à la population laborieuse, aménagement ou
reconstruction complète en caserne de gendarmerie, tels étaient les projets élaborés.
Mais l'existence de la masse de terre apportait d'une façon irrémédiable obscurité et humidité à tous édifice.
Finalement, profitant de l'installation du casernement des gendarmes, avec leurs chevaux, dans un bâtiment neuf
loué par un propriétaire privé (le sieur Bourez, exploitant une briqueterie à qui l'on doit les maisons de la Place du
Palais (A3), les édiles municipaux décidèrent la démolition de la prison primitive et des anciennes écuries de la
gendarmerie ainsi que l'enlèvement de la butte de terre pour agrandir la nouvelle place, les matériaux servirent à
l'aplanissement du sol.
Les financements des travaux ont été couverts pour un emprunt municipal. De nombreux ouvriers de Vervins,
jusque là employés à la confection des chaussons et des bonnets (la mulquinerie) au chômage en raison de la crise
provoquée par l'utilisation de métiers mécaniques, ont été embauchés pour les travaux de terrassement (ateliers
dits de charité).
De plus, il a fallu racheter le jardin d'un sieur Berthault situé à l'intérieur du fossé et probablement usurpé sur la
propriété des anciens seigneurs de Vervins (A4)
Peu à peu des bâtiments furent construits en bordure de la nouvelle place.
Sur le côté nord,
Ce fut d'abord l'école communale des filles avec une salle d'asile.
L'adjudication des travaux eut lieu en l'Hôtel de Ville de Vervins, le 14 mai
1854 sur une estimation de 42429 francs et un centime.
Une seule soumission fut déposée par un entrepreneur de Maubert Fontaine,
nommé Cochinart qui, évidemment fut déclaré adjudicataire.
Il est vrai que la construction présentait une importante difficulté puisqu'il était
nécessaire d'établir les fondations sur pilotis en raison de l'instabilité des terres
et matériaux divers rapportés.
Puis du même côté, un magistrat vervinois, Alphonse Baudelot, fit construire
sa maison à la suite de l'école des filles. Cette maison fait désormais partie de
la villa voisine. Cette maison a été édifiée un peu plus tard dans le goût de
l'époque mélangeant plusieurs styles.
Ce côté de la place se termine par un jardin sur lequel le garage des
pompiers a été établi dans les années 1960.
En face, sur
le côté sud,
Les frères Papillon, imprimeurs à Vervins, avaient fait construire un vaste
immeuble à usage d'atelier de typographie et d'habitation qui semble avoir
été achevé dès 1853. Cet immeuble était situé à l'arrière de la maison de leurs
parents, un couple d'instituteurs communaux qui avaient formé des
générations de Vervinois et de Vervinoises.
3
C'est dans cette modeste demeure, encore visible à l'angle de la Place Sohier et de la rue Amand Brimbeuf (ex
rue des Prêtres) que Léandre Papillon avait imprimé à partir de la fin de l'année 1837, les premiers numéros du
"Journal de Vervins" et les œuvres historiques de son ami Amédée Piette.
Durant la guerre de 1914-1918, l'immeuble de l'imprimerie qui était alors celle du "Républicains Vervinois" fut
incendié accidentellement par les soldats de l'armée d'occupation allemande. Il fut sommairement réparé aux
deux extrémités tandis que des garages furent aménagés au centre.
A la suite une caserne de gendarmerie (avec une écurie pour les chevaux)
fut construite vers 1891 dans une propriété des époux Penant Vandelet
acquise par le Conseil Municipal.
Il est à noter qu'en 1847, les édiles avaient adopté le projet d'implantation de la gendarmerie près de la Maison
d'Arrêt, c'est-à-dire à l'emplacement de l'école des filles.
Mais la même année, les officiers de cette arme, lassés d'attendre, depuis plus de 40 ans, le déménagement de la
caserne dans des locaux mieux adaptés que ceux qu'elle occupait dans
l'ancien collège de Coucy et dans le presbytère (l'écurie des chevaux de la
brigade étant une annexe de la prison primitive) négocièrent directement son
relogement dans un bâtiment tout neuf situé tout près du nouveau Palais de
Justice, propriété d'un entrepreneur et briquetier vervinois, le sieur Bourez.
Ce transfert inopiné a dû profondément vexer les autorités municipales
toujours jalouses de la suprématie de leur ville manquant d'une façon
récurrente de moyens financiers.
Alain Brunet
Président de la Société Archéologique de Vervins et de la Thiérache (SAHVT)
Le Démocrate du 5 - 12 – 19 – 26 mai – 2 – 9 juin 2006
4
(1) Document figurant dans les archives communales
(2) Amédée Piette dans les "Essais historiques sur la Ville de Vervins attribue à tort la construction de cette
prison primitive à Monsieur de Coucy. Cet auteur déforme le nom de Monsieur de Nassigny en l'appelant
"Wassigny"
(3) Voir mon article sur la prison de Vervins dans le n° 18, avril 2003 de "Graines d'Histoire"
(A1) Mme Henriette Noailles Duflot : "Au loup !" un bulletin des mémoires de la Fédération des Sociétés
d'Histoire et d'Archéologie de l'Aisne – tome 25 – 1980 – p 133-136
(A2) hypothèse émise par Mme Pascale Touzet dans une étude à paraître sur les remparts de Vervins
(A3) entre 1847 et 1896, les gendarmes et leurs chevaux furent logés dans un immeuble situé à l'angle des rues
Dusolon et Paul Martin à l'extrémité de la Place du Palais.
Cet immeuble qui servit :
- - de pensionnat de jeunes filles sous la direction de Mlle Dubreuille
- - de local à la rédaction du "Démocrate Vervinois" devenu "Le Démocrate
de l'Aisne" a été stupidement démoli en 1978.
(A4) voir la délibération du Conseil Municipal du 13 avril 1847 au cours de laquelle M. Michel, adjoint, fit un
remarquable exposé sur les projets d'urbanisme
A propos des événements de mai 1940, la 6ème Panzer est entrée dans Vervins et l'a traversé le jeudi 16 mai 1940
en tout début de l'après-midi ; elle avait été évacuée par nos troupes en fin de matinée.
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