Les impôts au décès (2)

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Les impôts au décès (2)
LA BOÎTE À OUTILS
Les impôts au décès (2)
ou «Quand le fisc saisit le vif!»
Me Marc-André Lamontagne
L
de l’héritier. Le liquidateur est chargé de
liquider la succession, notamment de procéder à la constitution de l’inventaire de
la succession, et de payer les dettes du défunt à même l’actif successoral. L’héritier
est la personne appelée à la succession
pour y recevoir la part que lui remettra le
liquidateur à la fin de la liquidation.
Les impôts dus par le défunt constituent une dette de la succession. Le liquidateur est responsable de la préparation
et de la production auprès des autorités
concernées des rapports d’impôts du
défunt et du paiement des sommes dues.
Le paiement des dettes passe toujours
avant le paiement des legs. On dit que les
dettes «priment» les legs. On ne peut
donner ce qu’on n’a pas.
En principe, le liquidateur peut payer
les créanciers, dont le fisc, au fur et à
mesure qu’ils se présentent. Toutefois, si
la succession n’est pas manifestement solvable ou, encore, est insolvable, certaines
formalités s’appliquent : l’inventaire,
comme toujours; la publication d’un avis
d’inventaire; le respect d’un délai d’attente
de 60 jours avant tout paiement et, en cas
d’insolvabilité, la présentation d’une
requête à la cour pour faire approuver
l’ordre des paiements.
À défaut de suivre ces prescriptions, la
responsabilité personnelle du liquidateur
pourra être retenue à l’égard de tout
créancier de la succession, dont le fisc, qui
aura subi un préjudice du fait de l’inaccomplissement des devoirs de sa charge.
Est-il alors nécessaire d’insister sur le
devoir de prudence qui doit guider le
liquidateur avant toute remise de biens en
faveur des héritiers si la succession n’est
pas manifestement solvable? Ce dernier
devra savoir résister aux pressions qu’exerOBJECTIF CONSEILLER
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ceront les héritiers pour anticiper la
remise de leur part de succession, tout au
moins avant d’avoir sérieusement estimé
les impôts payables en raison du décès ou
déjà dus par le défunt de son vivant et
d’avoir mesuré, en conséquence, la solvabilité de la succession.
Quant à la responsabilité de l’héritier,
contrairement à la croyance populaire, elle
est à peu près nulle. En effet, l’héritier
n’est jamais responsable des dettes du
défunt sur ses biens personnels, même en
cas d’insolvabilité de la succession, et ce,
sauf exceptions. Lesquelles?
L’héritier n’encourt une telle responsabilité personnelle que dans le cas où
aucun inventaire de succession n’a été fait
par le liquidateur et qu’il laisse faire.
Si aucun liquidateur n’a été désigné par
le testateur ou que les héritiers n’en nomment pas un, ces derniers seront tenus
personnellement responsables des impôts
impayés au même titre que le défunt
puisque, en définitive, «le mort saisit le
vif», sans intermédiaire, cette fois-ci.
De là l’importance de suivre le processus de liquidation prévu au Code civil,
dont l’inventaire, en particulier si la succession devait s’avérer insolvable!
Il existe cependant un moyen de
réduire cette responsabilité auprès des
autorités fiscales, tout en satisfaisant les
héritiers en attente! Nous verrons, lors de
notre prochaine chronique, que les lois
fiscales ont tout de même prévu certains
moyens, en marge du Code civil, pour
limiter l’imputabilité des «représentants»
de la succession et permettre des «avances». Ne désespérez pas.
Marc-André Lamontagne, notaire, Pl. Fin, est
directeur, testaments et successions, au Trust Général.
Photo : Sonia Jam
es juristes sont familiers avec
cet adage bien connu en
matière successorale : «Le
mort saisit le vif». Cette règle signifie que
les héritiers sont saisis, dès le décès, de
tous les droits, mais également de toutes
les obligations du défunt. Serait-il faux
de prétendre que le fisc, au décès d’un
contribuable, peut étendre ses tentacules
non seulement sur le patrimoine du
défunt, mais aussi sur celui de l’héritier
personnellement et qu’il puisse le saisir
«à belles dents»?
Nous avons vu, lors de notre chronique précédente, que le décès a pour effet
de générer des revenus fiscaux extraordinaires puisque le défunt est présumé
avoir disposé, à leur juste valeur marchande, de tous ses biens immédiatement avant son décès.
Imaginez quels impôts devrait payer
votre succession si vous deviez encaisser
tout d’un coup tous vos fonds de pension
et régimes enregistrés de retraite! On peut
comprendre que, dans de nombreux cas,
les impôts payables au décès constituent
la principale dette de la succession.
Quelle responsabilité le liquidateur
de la succession et l’héritier encourentils donc à cet égard, tant sur le plan du
patrimoine successoral que sur celui de
leurs biens personnels?
Vous ne payez pas assez d’impôt!
Vous êtes bien le seul. Comment éviter que vous n’ayez à payer l’impôt que
votre bienfaiteur avait «omis» de payer?
De fait, deux régimes de lois sont
applicables concurremment au décès d’un
contribuable : d’une part, les lois fiscales,
et, d’autre part, le Code civil du Québec.
Le Code civil établit deux niveaux de
responsabilité : celle du liquidateur et celle