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Conservatoire National des Arts et Métiers Chaire de BANQUE Document de recherche n°3 (EB) Le CVG (certificat de valeur garantie) dans les restructurations bancaires Professeur Didier MAILLARD Décembre 2002 Avertissement La chaire de Banque du Conservatoire National des Arts et Métiers met à la disposition du public, sur son site, des documents présentant le résultat de recherches menées en son sein, à des fins d’information, de diffusion des connaissances et d’échanges dans les domaines visés. Bien que le plus grand soin ait été apporté à la collecte des informations et à leur traitement, les documents et éléments graphiques publiés sur ce site sont fournis en l’état et sont susceptibles de contenir des inexactitudes ou des erreurs. Les auteurs sont susceptibles d’apporter à tout moment des modifications et améliorations au contenu des documents diffusés. Le CNAM, la chaire de Banque et les auteurs ne pourront en aucun cas être tenus responsables de tout dommage direct ou indirect résultant de leur utilisation. Les documents de recherche diffusés sur ce site et portant sur l’analyse de produits financiers ou de produits patrimoniaux ne constituent pas des incitations à acheter, à ne pas acheter ou à vendre lesdits produits. Les produits sujets d’une analyse ont été choisis sur la considération de leur intérêt scientifique ou pédagogique. La copie des documents de recherche, en tout ou en partie, est interdite sans autorisation expresse des auteurs. Les citations sont permises à condition que soient mentionnés clairement et explicitement les auteurs, la chaire de Banque du CNAM et les coordonnées du site sur lequel les documents sont disponibles ; et que les citations ne soient faites qu’à des fins informatives et non commerciales. 1 – Définition Les certificats de valeur garantie sont des titres promettant à leurs détenteurs un paiement, à un certain terme, fonction décroissante de la valeur d’une action à ce terme. Plus précisément, le paiement est nul si la valeur de l’action dépasse un certain seuil (X), qui constitue la valeur garantie. Si la valeur de l’action est inférieure à ce seuil, le paiement est égal à la différence entre le seuil et la valeur de l’action. Souvent, mais pas toujours, le paiement est affecté d’un plafond (P). S’il n’y pas de plafond, le paiement peut être représenté en fonction de la valeur ST de l’action au terme. 1 Paiement du CVG au terme X X Valeur de l'action au terme On reconnaît sans difficulté le pay-off d’une option de vente, d’un put, sur l’action au prix d’exercice X. Si le paiement est plafonné, sa représentation en fonction de la valeur de l’action au terme prend la forme suivante. Paiement du CVG au terme P X Valeur de l'action au terme 2 On reconnaît ici le pay-off de la différence entre deux puts. Tout se passe comme si le détenteur du CVG était en position d’acheteur d’un put au prix d’exercice X et de vendeur d’un put au prix d’exercice Y = X + P. 2 – Circonstances de création des CVG Les CVG sont en général créés par l’acheteur d’une entreprise, notamment dans le cadre d’offres publiques, pour rémunérer en partie les vendeurs potentiels des actions de cette entreprise cible. Il s’agit tout d’abord d’apporter un supplément de prix, par rapport au paiement principal de l’achat des titres. Comme toute option, le CVG a en effet en lui-même une valeur. Souvent les CVG sont créés lorsque le paiement principal des titres de l’entreprise cible se fait en actions de l’entreprise initiatrice de l’offre d’achat. Le certificat de valeur garantie porte alors sur la valeur de l’action de l’entreprise acheteuse. Si le titre de l’entreprise achetée est destiné à rester coté, mais que l’acheteur souhaite obtenir son contrôle, il peut émettre un CVG portant sur la valeur de l’action de l’entreprise cible. Quand le CVG porte sur l’action de l’entreprise acheteuse, le CVG constitue un signal (au sens de la théorie du signal) de foi du management de celle-ci (et des actionnaires de l’entreprise acheteuse au moment de l’opération) dans la qualité de l’entreprise qu’ils dirigent et de l’opération qu’ils mènent. Si la qualité de l’entreprise devait se détériorer ou l’opération se révéler moins bénéfique qu’annoncé, les nouveaux actionnaires (ayant remis leurs titres de la cible contre des titres de l’entreprise acheteuse) se verraient en partie protégés des conséquences grâce au paiement du CVG, qui est en fait financé par les anciens actionnaires. 3 – Le CVG dans les restructurations bancaires : l’exemple de BNP Paribas Le 1er février 1999 au matin, les managements de la Société Générale et de Paribas annonçaient le lancement d’une offre publique d’échange de la Société Générale sur Paribas, dans le rapport de 5 actions Société Générale pour 8 actions Paribas. L’objectif annoncé de la fusion est d’améliorer la rentabilité des fonds propres de l’ensemble en augmentant, au moins dans certaines activités, les revenus de l’ensemble grâce à des synergies commerciales, et en diminuant les coûts, en particulier par la mise en commun de certains moyens comme l’informatique et la technologie. Le nombre d’actions Paribas était de l’ordre de 170 millions, le nombre d’actions Société Générale d’environ 100 millions. Le 9 février 1999, peu avant la clôture de l’offre de la Société Générale sur Paribas, la BNP lance une opération double et propose aux actionnaires de Paribas l’échange de 8 de leurs actions contre 11 actions BNP et aux actionnaires de la Société Générale d’échanger 7 de leurs actions contre 15 actions BNP. Par la suite, la Société Générale a été conduite à surenchérir dans l’offre sur Paribas en ajoutant aux 5 actions Société Générale offertes contre 8 actions Paribas une soulte de 75 €. La BNP a surenchéri à son tour le 1er juillet 1999 pour proposer aux actionnaires de Paribas, 3 contre 20 actions Paribas, 29 actions BNP plus 13 certificats de valeur garantie (CVG). La BNP a également offert aux actionnaires de la Société Générale, contre 7 actions Société Générale, 15 actions BNP plus une soulte de 60 €. Un élément du prix de l’offre présentée par la BNP sur Paribas consistait ainsi en un certificat de valeur garantie, ou CVG. Le détenteur d’un certificat devait bénéficier, si le cours de l’action BNP était inférieur à 100 € le 1er juillet 2002 (en fait, en moyenne sur les 20 bourses précédant cette date), du paiement de la différence entre 100 € et le cours de la BNP à cette date, dans la limite toutefois d’un paiement maximal de 20 €. A la mi-août 1999, il apparaissait que 30 % des actionnaires de Paribas avaient apporté leurs titres à la Société Générale, 65 % à la BNP. Un peu moins de 40 % des actionnaires de la Société Générale avait apporté leurs actions à la BNP. Au bout du compte, la BNP a pris le contrôle de Paribas. 4 – Intérêt du CVG dans une opération de restructuration bancaire Le secteur bancaire est dans une situation particulière au regard des restructurations. Dans ce secteur en effet, une acquisition ne peut la plupart du temps pas être financée par endettement. Les banques sont astreintes par leurs superviseurs à des normes de fonds propres, par rapport aux risques que leur activité leur font encourir. Actuellement, ce sont les ratios dits Cooke qui s’appliquent. Il arrive aussi que pour des raisons d’appréciation plus fine des risques, par des modèles propres, et de la marge de sécurité, les banques souhaitent disposer de davantage de fonds propres que ce qui stipule la réglementation. Dans tous les cas, compte tenu du coût des fonds propres, les établissements ne souhaitent pas s’écarter, ou sont contraints de ne pas s’écarter, d’un niveau jugé adéquat des fonds propres. Une banque en reprenant une autre ne peut pas payer les actionnaires de l’établissement acheté grâce à des fonds provenant d’un emprunt, car les fonds propres initiaux de la banque acheteuse apparaîtraient insuffisants face aux risques de l’ensemble de l’acheteuse et de l’achetée. Par ailleurs, il paraît difficile1 pour un établissement désireux d’en acheter un autre de taille comparable de lancer une augmentation de capital contre numéraire d’un montant équivalent à leur capital existant, pour payer en numéraire les actionnaires de l’établissement acheté. Dans une offre dont l’essentiel est en titre, les CVG apparaissent comme un adjuvant en cash différé et conditionnel, qui d’une part ajoute un peu de valeur à l’offre et d’autre part délivre un signal positif sur la qualité de l’opération. 1 Pourtant, sur le papier, cela revient au même que l’acheteuse offre des titres nouveaux en échange des titres de l’achetée ou procède à une augmentation de capital et achète les titres de la cible avec le numéraire levé. Dans les deux cas, avant l’opération, les investisseurs ont des titres de l’acheteuse et de l’achetée ; après l’opération, ils ont des titres de l’acheteuse, plus nombreux, en face de l’actif de l’ensemble. Ceux des investisseurs qui avaient des titres de la cible qui ne désirent pas des titres du futur ensemble prennent le cash dans le cas d’une offre en numéraire – d’autres investisseurs se substituant à eux- ou revendent sur le marché leurs titres de l’achetée, avant l’opération, ou de l’acheteuse, après l’opération, dans le cas d’une offre en titres. 4 5 – La valorisation des CVG Les CVG sont des options de vente ou des combinaisons d’options de vente. Leur terme est de quelques années. Il est possible de les valoriser au moyen des modèles d’évaluation des options, notamment celui de Black et Scholes ajusté pour tenir compte de la distribution de dividendes. La prévision de ceux-ci introduit une petite incertitude dans l’évaluation, de même que l’hypothèse à faire sur la volatilité. Au début de l’existence du CVG, si celui-ci est plafonné, l’influence de la volatilité sur la valeur est réduite, car le CVG est alors une combinaison d’une position longue et d’une position courte dans deux options positivement sensibles à la volatilité du sous-jacent. Les deux expositions se compensent partiellement. Enfin, il y a théoriquement un problème pour la valorisation qui vient de ce que si le CVG doit être payé, il le sera sur la substance de l’entreprise et viendra donc diminuer la valeur de celle-ci à un moment où elle n’est déjà pas très élevée, puisque c’est précisément dans ces circonstances que le CVG est payé. La prise en compte de cet effet dans l’évaluation est importante si le nombre de CVG (non encore rachetés par l’entreprise) est élevé par rapport au nombre d’actions et si le paiement promis est conséquent par rapport au prix de l’action. Quelle que soit la méthode d’évaluation, il est fréquent que le cours boursier du CVG s’écarte sensiblement du résultat, en général vers le bas (voir le document de recherche n°4, Le CVG comme actif patrimonial : une étude de cas). Pour BNP Paribas, l’évolution du cours du CVG depuis sa création et jusqu’à son extinction a été la suivante. Evolution du cours du CVG de BNP Paribas (€) 20 15 10 5 30/10/2002 30/08/2002 30/06/2002 30/04/2002 28/02/2002 30/12/2001 30/10/2001 30/08/2001 30/06/2001 30/04/2001 28/02/2001 30/12/2000 30/10/2000 30/08/2000 30/06/2000 30/04/2000 29/02/2000 30/12/1999 30/10/1999 30/08/1999 0 30/06/1999 5 6 – Dénouement de l’opération Le cours de l’action BNP Paribas ayant excédé largement les 100 € au mois de juin 2002, l’entreprise n’a pas eu à effectuer de paiement au titre du CVG. Elle a été relativement chanceuse, car peu après l’échéance, dans un contexte d’effondrement général des marchés boursiers, son cours est non seulement passé sous la barre des 100 € mais même fréquemment sous celle des 80 €, ce qui aurait conduit au paiement maximal, si le terme du CVG avait été un peu plus éloigné. Evolution du cours de BNP Paribas (€) 140 120 100 80 60 40 30/10/2002 30/08/2002 30/06/2002 30/04/2002 28/02/2002 30/12/2001 30/10/2001 30/08/2001 30/06/2001 30/04/2001 28/02/2001 30/12/2000 30/10/2000 30/08/2000 30/06/2000 30/04/2000 29/02/2000 30/12/1999 30/10/1999 30/08/1999 0 30/06/1999 20 L’expérience d’autres opérations montre qu’il arrive que les CVG doivent être payés. Leur émission n’est donc pas sans risque pour les entreprises ou plutôt pour leurs actionnaires du moment où les offres sont lancées. 6