Dossier Pédagogique A NOS MORTS 2014

Transcription

Dossier Pédagogique A NOS MORTS 2014
DOSSIER PEDAGOGIQUE
A NOS MORTS…
Rap-Slam, Danse Hip-Hop,
Théâtre Urbain, Vidéo
Compagnie Mémoires Vives
Création 2006/2007
Tout public
Durée : 1h15
Distribution
Yan GILG, Directeur artistique, Metteur en Scène, auteur, compositeur, interprète (Rap-Slam)
Maeva HEITZ, auteur, interprète (chant)
Hugo ROTH, auteur, interprète (théâtre, rap)
Séverine MAYIMA, auteur, interprète (théâtre, chant)
Christophe ROSER, chorégraphe, interprète (Danse)
Yassine ALLOUACHE, chorégraphe, interprète (Danse)
Mickaël STOLL, chorégraphe, interprète (Danse)
EQUIPE TECHNIQUE
Barthélémy SMALL, Régie générale, régie lumière
Laura FORT, régie son et vidéo
Eléonore DIAS, régie lumière
ADMINISTRATION
Ilham GILG : Administratrice de production / administration
Fabien BARNEBOUGLE : Assistant administratif / communication
CONTRIBUTIONS (Contenus et Images) :
Mourad BOUCIF (La Couleur du Sacrifice),/ Rachid BOUCHAREB (L’Ami Y’a bon),/ Jean-Marie
FAWER (C’est nous les Africains, eux aussi ont libéré l’Alsace)/ Gilles NIVET/Aber Images (Hady
Bah, la dignité retrouvée)/ Daniel KUPFERSTEIN (Les oubliés de l’Histoire)/ Dzu LE-LIEU (Les
Hommes des 3 Ky)/ Florida SADKI (Dans les tranchées, l’Afrique)/ Grégoire GEORGES-PICOT
(Baroud d’Honneur),/ Pascal BLANCHARD et Eric DEROO (Paris Couleur, soldats Noirs)/
Belkacem RECHAM,/Liêm Khê LUGUERN/ Nicolas BANCEL/ Pascal SHAEFFER, INA, ECPAD,
PATHE, GAUMONT, France TELEVISION
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La Cie Mémoires Vives
« Créer c’est résister … résister c’est créer »
Créée à l’initiative d’artistes, réalisateurs, historiens, travailleurs sociaux, acteurs culturels d’ici et
d’ailleurs, d’horizons et d’origines diverses, la compagnie Mémoires Vives s’est donnée pour objectif de
produire et diffuser des spectacles vivants traitant de l’histoire des territoires et des habitants, de
l’histoire des immigrations, de la mémoire collective.
Pluridisciplinaires, inscrits dans le champ des Cultures Urbaines, les différents projets de la Compagnie
sont autant d’espaces, d’instants, de croisements artistiques et culturels … autant « d’hymnes à la
diversité » …
Artistiquement la démarche consacre le métissage, la rencontre positive et constructive des cultures, des
esthétiques.
Les différents projets mettent en synergie la diversité des formes, croisent les horizons, revisitent et
questionnent les traditions, les patrimoines, valorisent les émergences et suscitent le renouvellement.
Nos créations font la promotion d’une histoire commune, douloureuse et fraternelle, mais collective. Une
histoire qui, malgré ses périodes sombres, doit finalement cimenter une société multiculturelle.
Nous souhaitons par la connaissance de l’histoire des immigrations, par la reconnaissance des apports de
l’immigration, consacrer et promouvoir la République Une et Multiculturelle.
Il s’agit pour nos publics de se réapproprier l’histoire de France, leur histoire aussi ; de réinscrire leur
existence, celle de leurs ancêtres, dans un processus historique, de reconnaître leur historicité.
En tant qu’artistes hip-hop, d’origines diverses, nous considérons le « mal-être » d’une partie de la
jeunesse, d’une partie de la population française, nous considérons qu’il constitue un frein évident à
l’égalité des chances, à la fraternité, un frein à la construction du « vivre ensemble ».
La France s’est faite, construite, défendue, relevée dans la diversité … c’est sa richesse, son passé, son
présent et son futur …
Les quartiers populaires sont des bouillons de cultures où ces dernières entrent en contact, se
questionnent. Ils sont à la fois le réceptacle de toutes les luttes, de tous les cris d’espoir et de désespoir
mais aussi la preuve que la diversité n’est encore que périphérique dans la société française.
L’Héritage colonial est lourd. Il est à la fois celui qui divise encore, celui qu’il nous appartient de
questionner dans ce qu’il a de plus discriminant. Il s’agit aussi d’en extirper le plus positif, c’est à dire ce
qui a fondé une société multiculturelle, une société dans laquelle la diversité des cultures, des croyances,
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des origines, inscrit notre pays dans une connaissance, une reconnaissance des différentes civilisations,
dans cette possibilité d’une mise en contact positive et constructive avec l’autre, les autres, le monde.
Il nous importe de réactiver la République et les principes qui la fondent et qui doivent, aujourd’hui plus
que jamais, l’animer.
Yan Gilg
Directeur artistique, metteur en scène, interprète
Yan Gilg est de ces artistes engagés qui ne mettent pas de frontières entre Culture
et Société. Il est de ces artistes qui considèrent l’art comme un vecteur
d’émancipation, de changement, l’art comme transmetteur de connaissances,
d’histoire et de mémoires, catalyseur d’espoirs et de luttes.
Il a traversé depuis la fin des années 80 toutes les esthétiques, les mouvements
musicaux et artistiques inscrits dans les réalités sociales, qui ont été porteurs de
contestations.
Début 90, il s’investi dans le développement culturel des quartiers populaires
strasbourgeois et fonde en 1996, LES SONS D’LA RUE, plateforme artistique
strasbourgeoise qui permet entre autre la création des différentes structures hiphop sur l’Alsace.
Depuis 2006, il est directeur artistique de la Compagnie Mémoires Vives.
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À propos du spectacle
Ils étaient de tous les combats… Ils étaient des
centaines de milliers… en 14-18… en 39-45...
Que sait-on de ces hommes et femmes, de leur
courage, de leurs sacrifices ?
Combien de pages dans les livres d’histoire, d’images
dans nos mémoires ?
« A NOS MORTS … » retrace une partie de cette
histoire que l’histoire a oubliée…
Quand le Hip-hop sort de sa caricature, quand il se
sublime pour devenir, poésie urbaine, conte moderne
et outil de transmission. Quand il est appel au souvenir, à la justice et à la fraternité… Quand il est un
hommage en mots, en danse, en musique, en images à la mémoire enfouie des tirailleurs, il devient
accessible et nécessaire à tous.
« A NOS MORTS … » un fragment d’histoire... Celle de ces soldats, sénégalais, maliens, ivoiriens, burkinabé,
malgaches, marocains, algériens, tunisiens, indochinois, martiniquais, antillais, camerounais, tchadien,…
"indigènes", raflés ou engagés volontaires.
C’est au travers d’évènements emblématiques comme la bataille du Chemin des Dames en 17 et ses
sacrifiés de Craonne, de parcours héroïques comme celui d’Hady Bah, tirailleur guinéen devenu chef d’un
réseau de résistants en 41, que le spectacle met en perspective le sacrifice de ces soldats des colonies.
« A NOS MORTS … » nous raconte également le groupe Manouchian et les dizaines de nationalités, de
toutes les confessions qui se sont engagées dans les nombreux réseaux de la résistance.
« A NOS MORTS …» nous parle enfin de ces femmes, ouvrières, résistantes, soldates,
« A NOS MORTS … » nous raconte celles et ceux que l’on ne connaît que trop peu et qui pourtant ont été, au
côté de toutes les forces combattantes, souvent devant elles, les défenseurs, les garants de notre liberté.
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Les Textes
Prologue
INTRO-SPECTION
Auteur/compositeur : Yan GILG
Danse : Yassine ALLOUACHE
Ça fait longtemps, trop longtemps, que je me sens infirme, comme amputé d’une partie de moi, de mon
histoire, de notre histoire.
Depuis longtemps, je sens qu’il manque des pièces à mon puzzle, des pierres à mon édifice, des lumières
sur ma route, des repères sur mon chemin.
Je veux retrouver la mémoire, celle de mes pères, celle de nos anciens.
J’ai besoin de savoir qui je suis, d’où je suis et où je suis.
Pour ça, je dois savoir qui ils étaient …
DEVOIR DE MEMOIRE
Texte : Yan GILG, Maeva HEITZ
Musique : Yan GILG
Que sais-je de ses soldats, de leur sacrifice ?
Quelle mémoire la France a-t-elle transmise à ses fils ?
Que sais-je de plus sur le tirailleur en chéchia, souriant sur cette pub banania ?
Que sais-je de leurs faits d’armes, de leur courage au combat, de leurs peines et de leurs larmes ?
Que sais-je des massacres de Thiaroye ou de Sétif … de l’ingratitude de la mère patrie ?
Vois ces fantômes de soldats et leurs regards, ils arpentent les cimetières, les églises et les hangars.
Leur deuil est « cristallisé », comme leurs soldes … bloqués … exclus de l’histoire, dépossédés.
J’oppose l’idéologie du souvenir, de la dette de sang, du rappel à la mémoire,
À celle de l’oubli et de l’injustice … de la falsification de l’histoire.
J’ai longtemps cru que les morts ne me ressemblaient pas
Ensuite j’ai su que dans mes livres d’école il manquait des pages
Qui sont ces gens qu’on insulte en silence ?
Quel ADN a le sang de ma France ?
Il y avait des africains, indochinois, il y avait des femmes, des maghrébins,
Il y avait leurs mains, il y avait leurs âmes, dans nos tranchées dans nos combats
Certains même y survivent encore dans les foyers SONACOTRA,
Une médaille, un boulevard, une stèle, une dignité de circonstance,
Rien ne remplace la grandeur d’une légitime reconnaissance !
Si aujourd’hui leur descendance, celle qui les chante et qui les danse, a mal au cœur à qui la faute ?
C’est sur les Terres de l’ignorance que fleurissent peur et haine de l’autre.
REFRAIN :
Devoir de mémoire … passage du témoignage à l’histoire …
Devoir de transmettre ce sentiment d’obligation à leur égard …
Devoir de mémoire … passage du témoignage à l’histoire …
Plus qu’une pierre tombale, un monument, une plaque, un nom de rue, de place ou de square
FORCE NOIRE
Texte : Séverine MAYIMA, Guy BOLEY
Ne tirez pas, ne tirez pas … pitié, ne tirez pas j’ai Le drapeau blanc, j’ai le drapeau blanc … J’ai la
convention de Genève, ne tirez pas …
Pardon! Il faut arrêter de tirer sur les gens comme ça ! Les gens ne sont pas des poules !
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Lever les bras ? Pourquoi ? Qui va tirer sur une femme fragile et frêle comme moi ? Vous monsieur
l’agent de la force publique armé, garde à vous char d’assaut, avion rafale, bombe atomique, …
Mon fils ? Non non non, mon fils n’a rien à voir avec cette histoire. Il n’a rien à voir avec vos histoires. Il
n’a rien à voir avec vôtre Histoire … Mon fils il est juste noir, tranquillement, paisiblement,
Chez nous, on est noirs de père en fils. C’est appellation d’origine contrôlée, … mais tout ça c’est une
longue histoire.
Vous savez, quand je vais marcher dans la rue et que je ... Quand je marche dans la rue et que je croise,
vous savez, l'espèce de tirailleur sénégalais là ! Qui rigole sur les grandes affiches BANANIA ! Avec la
grosse tête, là. Je vois bien que lui et moi on se ressemble comme deux gouttes de pétrole !
Et ces petits « playmobiles verts» qui balayent dans les rues de Paris, ce sont eux et moi, comme on dit,
des frères de couleurs ! Alors que vous et moi monsieur l'agent on est juste des frères en noir et blanc !
Ah non, monsieur l'agent, je ne me moque pas, je respecte l'autorité et surtout, par dessus tout, je
respecte le blanc !
J’ai même élevé mon fils dans le respect du blanc et tous les soirs pour m'endormir : wa wa wa wa héé
mouana ou dilé
Non ! Je ne lui chantais pas chanson de notre pays : je n’en avais pas le droit !
Je lui lisais: les chefs d’œuvres de la littérature coloniale écrits par des gentils blancs pour nous les petits
noirs : " RACE HUMAINES " écrit par le Docteur Figuier. C'est un livre qui circulait dans les écoles, écrit
pour la jeunesse et fait pour instruire...
Quoi moi mentir, moi Mme … fille de, petite fille d’une grande lignée …
Non Monsieur l'agent ! Je ne vous raconte pas de mensonges !
Je suis incapable de vous mentir ! Attendez vous allez comprendre pourquoi :
" L'infériorité intellectuelle du nègre se lit sur sa physionomie, sans expression ni mobilité. Le nègre est un
enfant, les peuples de la race nègre qui vivent à l'état de liberté ne peuvent guère dépasser le niveau de vie de
tribu. D'un autre côté, on a tant de peine à tirer un bon parti des nègres, que l'infériorité de leur intelligence,
comparer a celle du reste des hommes est un fait incontestable. »
Vous voyez, Monsieur l’agent, moi-même je suis trop bête pour vous mentir ! Pardon ?
Les colonies, tout ça, c’est du passé ? Vous me demandez à quoi je sers aujourd’hui et qu’est-ce que je suis
venu faire dans votre beau pays bleu, blanc, rouge ?
Et bien c'est simple Monsieur l'agent, la réponse
est écrite la dedans.
Non n'ayez pas peur, je ne suis pas comme vous.
" FORCE NOIRE " du Général Mangin...
Ah oui oui, il est venu chez nous en Afrique, il nous a étudié, il nous a observé et il a compris à quoi nous
étions bon : A de la chair à canon !
" Le soldat noir fournie de précieux contingent a tout les corps et a toutes les armes, on peut en faire : un
fantassin, un cavalier, un méhariste, ... »
Bon, si on traduit en langage actuelle cela donne : employé chez Mac Do, vigile ou technicien de surface.
" Le soldat noir dépense moins de force nerveuse que tout autres, et dispose par conséquent, d'une somme de
résistance plus considérable. L'insouciance du noir et son fatalisme deviennent alors des qualités, sa
confiance dans les dispositions prises par les chefs est imperturbable. »
Vous voyez, Monsieur l’agent, il faut vraiment garder mes enfants sur votre territoire. En plus nous on en
fait beaucoup, donc vraiment, c’est cadeau, quoi. C’est comme « un gardé, un offert ».
Ce ne sont que de pauvres noirs mais au fond des tranchées leur corps est aussi efficace que les barbelés.
Et ils peuvent vous être utiles pour les guerres à venir, car le Général Mangin a aussi écrit :
« Dans les batailles futures, ces primitifs pour lesquels la vie compte si peu et dont le jeune sang bouillonne
avec tant d’ardeur et comme avide de se répandre atteindront certainement
à l’ancienne « furie française » et la réveilleraient s’il en était besoin. »
Ne les jetez pas, Monsieur l’agent, gardez-les avec vous au doux pays de France puisque :
« Dans les batailles futures, ces primitifs pour lesquels la vie compte si peu, ces primitifs pour lesquels la
vie compte si peu, ces primitifs pour lesquels la vie compte si peu… »
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Période 14 -18
LA TOURMANTE
Auteur/compositeur : Yan GILG
Danse : Christophe ROSER, Yassine ALLOUACHE, Mickaël STOLL
On est parti un matin d’automne le sourire aux lèvres, la fleur au fusil.
On pensait rentrer pour les récoltes,
Mais trop peu rentrèrent en quatre ans de conflit.
Toute une classe d’âge mobilisée,
Des millions de familles vidées de leur âme
Dans les champs, dans les écoles
Dans les usines, cuisines,
Dans les lits, il ne restait plus que des dames.
C’est la grande guerre, l’ère de la mort industrielle et chimique
L’ère de l’enfer, des fronts immobiles et des saisons statiques,
Le froid, la boue, la famine, la peur, la grippe espagnole …
Les gaz, les bombes, les hommes s’affolent …
Ces chiens nous ont menti, qu’ils crèvent avec leur pouvoir !
Nous on ne voulait pas d’cette guerre,
On ne veut pas de ces combats qui transforment nos paysages en déserts lunaires,
Qui feront de nos enfants des soldats sans pères …
La France perd ses hommes, au front, elle envoi ses colonies … indigènes
En Afrique, en Asie, l’Empire recrute par la force ou les promesses …
On leur disait : « En versant le même sang, vous aurez les mêmes droits ! »
Ils embarquent à Dakar, Saïgon, Haïfong, Saint Louis du Sénégal,
Débarquent en masse à Marseille, s’entraînent à Fréjus et sont envoyés au front
Ils seront des centaines de milliers, de la Marne à la Somme, de Verdun au Chemin des Dames
Algériens, Marocains, Tunisiens, Sénégalais, Malgaches, Indochinois, …
Indigènes de toutes les colonies …
LA CHANSON DE CRAONNE (extrait)
Danse : Mickaël STOLL
Compositeur : Yan GILG
Auteur : un poilu
« Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes, c’est bien fini, c’est pour toujours, de cette guerre
infâme, C’est à Craonne sur le plateau qu’on doit laisser sa peau, car nous sommes tous condamnés, c’est
nous les sacrifiés … »
ON VEUT LA PAIX, EUX VEULENT LA VICTOIRE …
Auteur/Compositeur : Yan GILG
On veut la fin de la guerre, eux veulent la victoire !
On veut rentrer chez nous, eux veulent la gloire !
C’est le Général Nivelle qui est chargé d’organiser l’offensive décisive. Comme il veut rentrer dans
l’Histoire au côté des grands de ce monde, le salaud, il choisit le « chemin des dames », théâtre des
grandes batailles, de Jules César à Napoléon …
Il engage, sur un front jugé imprenable, les troupes d’élites rescapées de Verdun. En premières
En premières lignes, les troupes coloniales de Mangin, Général Mangin, le boucher de l’Afrique.
C’est sûr, avec deux incapables pareils, on va tous y rester, moi j’en peux plus, j’me tire !
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Soldats, à vos postes !
Je n’ai jamais vu autant d’hommes et de matériel, il en vient de partout, tous les jours …
Acheminés par wagon, voitures, taxis, charrettes … des canons, des obus et leur chair à canon !
Le 15 avril 1917, un million deux cent milles hommes sont massés sur 40km de front … j’ai compté ça fait
un homme tous les 3 centimètres…
Le gouvernement dans ses discours, les journalistes dans leur bourrage de crâne, le populo dans la rue
disent à qui veut l’entendre que le front sera percé en 48 heures et que la victoire sera complète !
Ils nous ont déjà dit ça en 1914, en 1915, en 1916 … aujourd’hui ils veulent nous resservir la même soupe
indigeste (nous dire le même mensonge) !
On n’y croit plus alors certains désertent, s’automutilent, on les jugent à peine, et on les fusille sur le
champ, c’est sous nos propres balles que des camarades meurent !
C’est un massacre !
Compagnies, chargez, compagnies, chargez, compagnies, chargez… c’est un massacre…
Je nettoie les tranchées.
Des corps d’Africains, d’Arabes, de berbères, de Vietnamiens, de Français, d’Alsaciens, d’Allemands …
Corps déchiquetés, explosés, massacrés, entassés les uns sur les autres comme des bêtes à l’abattoir.
Et ces pauvres tirailleurs sénégalais gelés, paralysés par le froid et l’effroi, décimés par bataillons entiers.
Ce n’est même plus de la chair à canon, ce ne sont même plus des êtres humains, c’est juste de la viande.
Je ne peux pas déblayer les tranchées, je ne peux ni avancer, ni reculer, je piétine des corps dégoulinant de
sang, de morve, de boue, de boyaux et de cervelle humaine.
Demain, le communiqué de presse indiquera que nous avons avancé de quelques mètres et repoussé de
nombreuses attaques … j’entends les gens dans la rue se plaindre de cette faible avancée ! les généraux,
eux, se rejetteront la responsabilité de l’échec et les milliers de morts seront mis sur le compte du
nécessaire sacrifice … le nécessaire sacrifice !
GAZ MOUTARDE
Auteur : Farba MBAYE
Interprètes : Hugo ROTH
Compositeur : Yan GILG
Je n’aime pas parler de cette guerre, de peur qu’elle revienne.
Je n’aime pas les souvenirs.
J’aurais aimé tout oublier, ne pas avoir survécu que d’avoir été témoin de tant de peines et souffrances …
d’hommes pourtant engagés pour le droit et la foi.
J’aurais aimé ne pas avoir été là ce matin du 17 Avril 17, 2ème jour de l’offensive, le corps immobilisé sur le
champ de bataille.
Combien de fois ai-je pensé mettre un terme à ces jours douloureux ? Où tous les soirs avec les camarades
on se disait adieu !
Me désolant sur cette crise de la civilisation, sur des sacrifices humains inutiles.
La vanité des dirigeants associés du diable, ayant donné naissance à des causes vagues et contraires à la
destinée humaine.
L’enfer des tranchées, le calvaire des veuves à retrouver trace de leurs maris, d’orphelins aux pieds des
monuments aux morts.
La difficulté à les oublier et à envisager une renaissance.
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Période 39-45
RAFLE EN INDOCHINE
Auteur/compositeur : Yan GILG
Les « requis indochinois », la Main d’œuvre Indochinoise dans les poudreries en France …
Que les choses soient bien claires, bien comprises, je n’ai rien à me reprocher, rien à regretter !
Je ne suis pas là pour m’excuser ou me repentir, je ne laisserai personne me juger ou me punir !
Exécutant, Je ne suis responsable de rien, je n’ai pas à porter le sort de ces « moins que rien » !
Je ne suis que le maillon d’une longue chaîne, le rouage insignifiant dans un système !
Replaçons les choses dans leur contexte, c’étais le 8 Novembre 1939, à la radio, je m’en souviens très
bien, Georges MANDEL donnait ses ordres à la radio. Il disait qu’il fallait recruter, de gré ou de force,
100 000 travailleurs tonkinois et annamites, 300 000 par la suite.
J’entend ses mots « Il faut lever en Indochine les forces matérielles et humaines nécessaire à l’effort de
guerre de la métropole »
Moi je suis fonctionnaire, je représente l’encadrement européen, blanc,
Sous mes ordres, des chefs indigènes, mes complices, c’est eux les coupables des violences et des sévices !
Seuls 10 % des travailleurs sont volontaires, les autres sont raflés dans leurs rizières,
Requis, arrachés à leurs familles arbitrairement, tondus, vaccinés, immatriculés, mis dans des camps !
De 39 à 40, des départs sont planifiés : Saigon/Marseille, 1 mois de traversée.
C’est vrai que les indigènes voyagent en fond de cale : Ordre de nos chefs ! les mettre avec le bétail !
Il paraît que certains sont maltraités, fouettés, tapés à coups de poing, de coups de pieds !
Témoin indochinois :
« Nous étions 2000, enfermés dans un cargo destiné à transporter du charbon. On était 2000 serrés comme des
sardines. J’ai été battu par le surveillant de bord. Il m’a donné des coups de cravache sur le dos et je suis
descendu. On arrive ici et je m’aperçois que c’est une prison. La prison des Baumettes. Une prison, pourquoi
aller en France pour aller dans une prison ? »
N’exagérons rien, il s’agit de bâtiments neufs, on y est comme un poussin dans son œuf !
Certains partent pour Bordeaux, Toulouse ou Marseille, dans le sud uniquement, sous le soleil !
Les indochinois sont une main d’œuvre docile, ils craignent le froid mais ils sont souples et agiles,
Au service de l’Empire d’abord et de l’occupant ensuite,
Dès 43, face aux conditions, certains prennent la fuite
Mesdames et Messieurs, je le rappelle, il s’agit de simples agriculteurs
Illettrés, misérables, souvent maltraités par les leurs !
Mesdames et Messieurs, je le rappelle, je ne décide rien de leur destin !
« Un pays qui a placé les indigènes sous sa tutelle, qui a couru à leur aide et qui continu à y faire appel, se doit
de les traiter en sujets, en protégés, sinon en citoyens. Il lui appartient pour cela de leur assurer tous les
avantages des lois protectrices du travail et de la condition humaine. Est-ce à dire qu’il faille appliquer ces lois
du jour au lendemain ? Non ! il convient au contraire d’agir avec infiniment de prudence et en tenant compte
du degré d’évolution de chaque colonie car l’objectif essentiel doit être de former, d’éduquer les indigènes
jusqu’au moment où, dans le cadre de l’Empire, ils seront en état de se diriger eux-mêmes. »
DE LA M.O.I. aux F.T.P.
Auteur : Sovannak NAM
Compositeur : Yan GILG
Danse : Yassine ALLOUACHE
Campagnard illettré au service de la France,
La guerre en 3x8 dans l’atelier de la souffrance,
De 39 à 40 on était 20000,
20000 rêveurs de plus confrontés à l’effroi.
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La chaleur de nos corps, l’atmosphère suffocante,
L’hiver dans mon cœur est une blessure éloquente,
Le moral sapé par 9 ou 10 gestes,
Un quotidien douloureux et des repas indigestes !
Le mal du pays, j’ai du mal à me construire,
Tu peux lire ma douleur, seules mes larmes savent écrire.
Famille je vous aime par télépathie, je vous envoi ce courrier car ici j’en pâti !
Impossible que je mendie, je suis trop fier pour çà, je ferais honneur aux 3 Ky !
Tonkin, Aname, Cochinchine,
Compagnons épuisés, usés par l’usine, le roseau pli comme l’échine,
Et mes chaînes, je les trimbale dans ma tête,
Les étoiles scintillent pour exprimer mon mal-être,
Ouvrier, soldat, résistant, mes plaies restent ouvertes,
Décidé, c’est ce soir que je déserte !
Aujourd’hui, je me confesse, dégoûté mais sans haine,
A côté de Jean Moulin, rajoutez N’Guyen !
« Dès la fin 43, des travailleurs indochinois fuient les camps de travail pour rejoindre les maquis »
LES RÉSISTANTS (Rap/Danse)
Auteur/compositeur : Yan GILG
Interprètes : Yan GILG, Maeva HEITZ
Danse : Mickaël STOLL
Regardez le, il est de celles et ceux,
De tous milieux, acceptant la souffrance en fermant les yeux,
Il est mon frère, ma sœur, un aïeul, mon voisin, mon instit, mon curé,
un ami,
Accroché à l’espoir d’un ordre nouveau, complice de crimes ou
silencieux derrière les bourreaux
Il renie avec le « père », l’égalité des hommes, par peur, conviction,
intérêt ou intuition
A genou, devant la patrie moribonde, morbides sont les rêves qu’il
fait pour le monde
Il a dit oui au sombre dessein, à Vichy il a dit oui au sombre destin
Pour dire non en 40 il n’y avait personne
Et personne ne soupçonnait le prix qu’on allait tous payer
En 3 mois j’ai trouvé 5 personnes désintéressées, prêtes à faire don
de leur personne
Versés dans l’utopie, portés au désespoir raisonnable ou à
l’espérance irraisonnée
Résistants à la résignation, à l’ignominie, jeunes et vieux ivres de vie
Des 4 coins du monde, des volontaires se rassemblent, sur ce sol
l’esprit de liberté les rassemble
Homme par homme, morceaux par morceaux,
Les territoires de l’empire s’engagent sous le drapeau
C’est sur ce chemin de peine et d’espérance
Que j’y ai croisé des femmes, des africains, des arabes, des berbères, des asiatiques, étrangers de toute
l’Europe, de toutes les confessions, de tous les âges, de tous les horizons … vers la fin j’y ai même vu des
repentis …
LE CHANT DES PARTISANS (extraits) :
Ami, entends-tu le vol des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne,
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Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
Ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.
C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et le faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens aux creux des lits font des rêves.
Ici, nous vois-tu, nous on marche et nous on tue... nous on crève...
Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe.
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute...
MOI, HADY BAH … (tirailleur résistant)
Auteur : Farba MBAYE
Compositeur : Yan GILG
Prison d’Epinal, 1943
Seigneur, je m’en remets à toi
Comme à chaque fois qu’il m’arrive quoique ce soit,
Depuis mon entrée en France en tant que cuisinier, au début de la guerre, j’ai décidé d’être un défenseur
de la liberté.
Moi Hady bah, depuis Conakry, ma ville, jusqu’aux chantiers d’Indre et Loire, je n’ai jamais failli à mon
devoir
La liberté de cette nation et peuples c’est ce qui m’a fait rejoindre « Ceux de la résistance », être un
bâtisseur du « Camp de la délivrance »
J’ai défendu des lignes, ravitaillé le front et t contourné des patrouilles jusqu’à ce soir…Prisonnier de la
Gestapo
Hady bah, toi l’arbre abandonné,
Hady bah, symbole de sacrifice,
Hady bah, braise brûlante,
Hady bah, dans la main de ton tortionnaire.
Si ma vie, tel est le prix du silence qu’il en soit ainsi
Seigneur, pour ne pas remettre en cause ce qui a été acquit jusqu’ici.
Des plans de contre-offensive et le courage des frères dans le maquis,
Pour une victoire et des jours meilleurs et pour rendre fiers les tirailleurs, que les miens marchent vers
l’indépendance et que vive en paix la descendance.
Même si regrette fort ceux qui m’ont vu naître, celles et ceux qui m’ont accueilli ici
Si ma vie, tel est le prix du silence qu’il en soit ainsi,
Hady bah, ton silence a sauvé des vies,
Hady bah, tes souffrances ont empêché des blessures,
Hady bah, tu as défié ton ennemi,
Hady bah, ton courage a rendu fous tes tortionnaires.
L’AFFICHE ROUGE
Auteur : Louis ARAGON
Compositeur : Yan GILG
« Voilà des hommes qui ont été repérés, filés, arrêtés, torturés par la police française. Des étrangers se battant
pour la libération de la France, arrêtés par des policiers français travaillant main dans la main avec la police
allemande »
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Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes, ni les orgues, ni la prière aux agonisants,
Vous vous étiez servi simplement de vos armes, la mort n’ébloui pas les yeux des partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes, noirs de barbe et de nuits hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang, y cherchait un effet de peur sur les passants,
Nul ne semblait vous voir français de préférence, les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant,
Mais à l’heure du couvre feu des doigts errants avaient écris sous vos photos « morts pour la France »
REFRAIN :
Ils étaient 23 quand les fusils fleurir, 23, qui donnaient leur cœur avant le temps,
23, étrangers et nos frères pourtant, 23, amoureux de vivre à en mourir,
Ils étaient 23 quand les fusils fleurir, 23, qui donnaient leur cœur avant le temps,
23, étrangers et nos frères pourtant, 23, qui criaient la France en s’abattant,
Tout avait la couleur uniforme du givre, à la fin Février pour vos derniers moments,
Et c’est à lors que l’un de vous dit calmement « bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre »
Adieu la vie, adieu la lumière et le vent, marie toi, soit heureuse et pense à moi souvent,
Toi qui va demeurer dans la beauté des choses, quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hivers éclaire la colline, que la nature est belle et que le coeur me fend,
La justice viendra sur nos pas triomphant, ma Mélinée, oh mon amour, mon orpheline.
« La propagande nazie recouvrit les murs de France d’une affiche rouge ; elle attribuait la responsabilité des
attentats terroristes à des communistes étrangers en majorité juifs. »
AU CAMP
Auteur : Farba MBAYE
Compositeur : Yan GILG
Afrique du Nord, 1943
Voici les descendants des sauvages exposés dans les zoos humains,
Les enfants des tirailleurs des premières guerres revenus sans gloire et sans gain,
La chair a canon qui aura servi a user l'envahisseur en 17 au « chemin des dames »
Pour défendre la liberté de cette nation, mais qu'en sera t-il de leur reconnaissance ?
En embarquant à Dakar, des mots nous laissaient rêveurs …
« Vous aurez les mêmes droits, en versant le même sang »
Mais l'injustice entre l'indigène et le soldat blanc, il n’y a pas un jour sans qu'on en voit un exemple !
Pourtant nous marchons, nous tuons et sous souffrons pour la même patrie !
Et n'est ce pas sur ces terres qu'on a perdu nos pères, sur ces mêmes terres on perd encore nos frères !
D'utopistes, aliénés à qui l'on avait promis la gloire, quand le sang et la boue laisseront place à la victoire,
se retrouvent traités de façon indigne !
J’ai rêvé de l’indépendance de nos pays,
J’ai rêvé de l’émancipation de nos peuples
J’ai rêvé de voir enfin la fin de la soumission,
J’ai rêve, j’y crois si fort.
J’ai rêvé d’un ciel bleu sans drapeau de l’occupant,
J’ai rêvé d’une vie meilleure pour nos femmes et enfants
J’ai rêvé d’une Afrique sans main mise de l’occident,
J’ai rêve, derrière la mort.
ELLES …
Auteur : Maeva HEITZ
Compositeur : Yan GILG
Quand les mères ont pris la place des pères
Elles aussi sont parties en guerre, elles
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Voulaient voter, avorter, étudier, mais
Ont délaissé leurs tabliers et leurs cuisines, endossés le bleu terne de l’usine
Munitionnettes mais pacifistes elles manifestent,
Retiennent leurs larmes, encaissent les drames, fières et debout
Toutes ces femmes étaient bien là quand à l’automne, on les découvre
Les cheveux et les ongles courts.
Refrain
Femmes d’âme et de corps
Dames de cœur et d’effort
Même si depuis la couleur a recouvert la sueur
On n’oublie pas les femmes d’honneur
Partisanes, maquisardes, résistantes, insurgées,
Veuves, clandestines, exilées, déportées,
Ménagères, femmes aux champs, ouvrières, infirmières,
Combattantes, militaires, femmes de mer ou de l’air
Dans ce silence se perd la reconnaissance
Merci Mesdames d’avoir fait de moi une conséquence
On n’oublie pas les voix de celles qui ont percé les ondes,
De celles qui ont dansé sous les bombes
C’EST NOUS LES AFRICAINS …
Auteurs : Yan GILG, Félix BOYER
Compositeur : Yan GILG
« Soldats de la France libre, de la France éternelle ! La mère patrie, celle qui vous
aime comme ses enfants, qui vous a prise sous son drapeau, celle qui vous a
élevé au rang des peuples civilisés, à besoin de vous et de votre bravoure !
L’ennemi est à nos portes, avide de conquêtes et de domination, il est sans pitié
et les combats seront sanglants. Guerriers de l’atlas, du constantinois, guerriers
des tribus africaines, soyez fiers de celle que vous servez, battez vous jusqu’à la
mort pour votre mère patrie … elle saura vous le rendre pour l’éternité ! Mes
chers enfants, vive l’Empire, vive la France ! »
C’EST NOUS LES AFRICAINS (extraits) :
C'est nous les Africains qui revenons de loin et nous venons des colonies pour
sauver la Patrie
Nous avons tout quitté, parents, gourbis, foyers, et nous avons au cœur une
invincible ardeur,
Car nous voulons porter haut et fier, le beau drapeau de notre France entière,
Et si, quelqu'un venait à y toucher, nous serions tous là pour mourir à ses pieds.
Interlude : après le débarquement de Normandie et de Provence, les
premières villes françaises sont libérées, on entend les premiers cris de joies
…
Le 1er Décembre 1944 à Dakar, dans les coulisses de la libération ont entend
le cri des massacrés …
Les coulisses de la libération
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THIAROYE
Auteur : Séverine MAYIMA
Compositeur : Yan GILG
Décembre 1944, Camp de Thiaroye, Sénégal
Des tirailleurs de retour des camps de prisonniers réclament leur solde impayée … Ils sont massacrés !
Ils sont partis avec la peur au ventre et le courage sur les épaules.
Ils sont partis du Sénégal, du Niger, du Mali
Partis de Guinée, du Soudan, du Dahomey, de Mauritanie,
De Côte-d’Ivoire du Burkina-Faso, partis des colonies.
Ils sont partis prendre part à un conflit tellement loin de leurs piaules.
De leur condition de prisonniers, concentrés dans des camps en France, de cette main-d’oeuvre forcée par
l’ennemi, je ne savais rien.
Ils sont parties defender un territoire qui ne sera jamais le leur.
De l’injustice, de l’indignation, des conditions humaines bafouées, de leur douleur, je ne savais rien.
De ces hommes, dont la dignité à bien des égards fut volée, je ne savais rien.
Ils sont partis par obligation pour les uns, sous la contrainte pour les autres.
De leur démobilisation et de leur rassemblement dans ce camp, dit “de transit”, à Thiaroye, Sénégal, je ne
savais rien.
Thiaroye, portes de mémoires oubliées, lieu de mémoires cachées.
De leur colère, de leur frustration, quand les généraux refusèrent de leur verser leurs soldes, je ne savais
rien.
Je ne savais rien de cette nuit de décembre 1944.
De leurs morts sous le feu et l’ordre de la France, pour avoir réclamé justice, je ne savais rien.
D’une République que la honte n’effleure que peu, je ne savais rien.
Liberté, Egalité, Fraternité, que dois-je en penser?
De l’histoire relatée dans mes manuels scolaires, que dois-je en penser?
Thiaroye, temple de mémoires oubliées, lieu de mémoires cachées…
Je ne savais rien … aujourd’hui, je sais.
Paris, 8 Mai 1945
De Gaulle, Mai 1945 : « La guerre est gagnée, voici la victoire. La Patrie porte sa pensée et son amour vers ceux
qui sont morts pour elle, vers ceux qui ont, pour sont service, tant combattu et tant souffert. »
J’ETAIS A SETIF
Auteurs : Yan GILG, Yacine KATEB
Compositeur : Yan GILG
« Sétif, cela avait marqué les esprits, vous vous rendez compte, c’étais des gens qui rentraient d’Allemagne en
permission et trouvaient toute leur famille. Ce sont des gens qui rentraient avec des médailles et qui avaient
été portés aux nues. Et pourquoi ? parce qu’il y avait un drapeau algérien dans la manifestation, porté par des
scouts. »
« Quand nous prenons possession d’un pays, nous devons amener avec nous la gloire de la France.
Et soyez sûr qu’on lui fera bon accueil, car elle est pure autant que grande.
Nous pouvons dire à ces peuples sans les tromper, que jamais nous n’avons fait de mal à leurs frères
volontairement.
Que les premiers nous avons étendus aux hommes de couleurs, la liberté des blancs.
Que la enfin où la France est établie on l’aime, que là où elle ne fait que passer on la regrette. Que partout
où sa lumière resplendit, elle est bienfaisante. »
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C’est cette pensée de Jaurès, que j’avais emporté avec moi dans les Aurès.
Ma conscience s’est planquée au fond d’mon paquetage, moi, l’acteur, le témoin du carnage.
J’ai 20 ans et les mains pleines de sang, j’étais à Sétif, je noie ma honte dans l’alcool et le kif.
Mais qu’ai-je cru, qu’avons-nous tous cru ? Mais qu’ai-je fais ? Qu’avons-nous tous fait ?
« Ici, c’est la rue des vandales. C’est une rue d’Alger ou de Constantine, de Sétif ou de Guelma, de Tunis ou
de Casablanca.
Ici je suis né, ici je rampe encore pour apprendre à me tenir debout.
Ici c’est la rue des vandales, des fantômes, des militants, de la marmaille circoncise.
Ici sont étendus dans l’ombre les cadavres que la police ne veut plus voir. »
Epilogue
2013, quelque part en France …
HOSTIES NOIRES
Auteurs : Léopold Sedar SENGHOR
Compositeur : Yan GILG
Vous tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort ;
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’arme, votre frère de sang ?
Je ne laisserai pas les louanges de mépris vous enterrer furtivement
Je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France,
Qui m'invite à sa table et me dit d'apporter mon pain ?
Qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié ?
Oui, Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m'impose l'occupation si gravement,
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On vous promet 500 000 de vos enfants à la gloire des futurs morts, on les remercie d’avance, futurs
morts obscurs.
Combien sont-ils encore, loin de chez eux, attendant la mort dans l’oubli et l’indignité ?
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Orientations pour préparer la venue au spectacle
Thématiques à développer :
1. La Bataille de Verdun en 1916 opposant les armées françaises et allemandes
2. La Bataille de la Somme en 1916
3. L’offensive du Général Robert Georges Nivelle / le Chemin des Dames (Avril-Juin 1917)
4. Les « soldats indigènes » dans les tranchées
5. La « force noire » du Général Charles Mangin
6. Les femmes pendant les deux guerres mondiales (les « munitionnettes » de 14-18, les
femmes de la résistance en 39-45, …)
7. Les étrangers dans les réseaux de la Résistance française (Le Groupe Manouchian)
8. Les Massacres de THIAROYE (Décembre 1944) et SETIF (Mai 1945)
Questions générales
1. Quelles ont été les grandes batailles et grands événements qui ont marqué l’engagement
des soldats « indigènes » lors des guerres 14-18 et 39-45 ?
2. Quelles colonies françaises ont été impliquées dans les 2 grands conflits mondiaux ?
3. Qu’est ce que l’Armée d’Afrique ?
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Documents utiles
Films
• Camp de Thiaroye, réalisé par Sembène OUSMANE, 1988
• Indigènes, réalisé par Rachid BOUCHAREB, 2006
Documentaires
• Les oubliés de l’Histoire, réalisé par Daniel KUPFERSTEIN, France, 1992
• C'est nous les Africains : eux aussi ont libéré l'Alsace, réalisé par Petra ROSAY et Jean
Marie FAWER, France, 1994
• Dans les tranchées, l’Afrique, réalisé par Florida SADKI, France, 2004
• La Couleur du Sacrifice, réalisé par Mourad BOUCIF, Belgique, 2006
• Forces Noires, réalisé par Éric DEROO et Antoine CHAMPEAUX, France, 2007
Livres
•
Le Livre noir du colonialisme, XVIème – XXIème siècle : de l’extermination à la
repentance, sous la direction de Marc FERRO, Edition Robert Laffont, Paris, 2003
•
Indigènes, de Rachid BOUCHAREB, Olivier LORELLE, Edition Perrin, 2006
•
Paroles d’indigènes Les Soldats oubliés de la Seconde Guerre mondiale, de Isabelle
BOURNIER, Marc Pottier, Edition Librio., 2006
•
Prisonniers « Indigènes » - Visages oubliés de la France occupée, d’Armelle Mabon,
Editions La Découverte, Paris, 2010
Bandes dessinées
• C’était la guerre des tranchées, de Tardi. Edition Casterman, 1993
• Petite histoire des colonies françaises, de Grégory JARRY et Otto T., Edition Flblb., 2006
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