Infections urinaires, grossesse et nitrofurantoïne
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Infections urinaires, grossesse et nitrofurantoïne
obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page73 Infections urinaires, grossesse et nitrofurantoïne F. CARON * 1, 2, M. ETIENNE 1, 2 (Rouen) Résumé La réévaluation de la balance bénéfice/risque de la nitrofurantoïne est un sujet récurrent depuis un quart de siècle. Seul représentant de la classe des nitrofuranes, cet antibiotique a été exclusivement développé comme anti-infectieux urinaire du fait de concentrations sériques et tissulaires faibles interdisant son usage systémique. Le spectre est très attractif, englobant la plupart des germes responsables d’infections urinaires communautaires mais aussi nosocomiales, y compris maintes bactéries multi-résistantes aux autres classes antibiotiques. L’intérêt thérapeutique est démontré, mais limité à certaines formes d’infections urinaires : bactériuries asymptomatiques (pour celles relevant d’un traitement comme cela est le cas durant la grossesse) et cystites simples ou compliquées. Cependant, et contrairement à d’autres anti-infectieux urinaires profondément atoxiques, la nitrofurantoïne est entachée d’effets adverses graves et même mortels, qui restent toutefois rares. Le risque global d’hépatite ou de pneumopathie ou d’autres 1 - CHU - Hôpital Charles Nicolle - Service des maladies infectieuses et tropicales 1 rue de Germont - 76031 Rouen cedex 2 - Université de Rouen - UFR de médecine et pharmacie - Groupe de recherche sur les anti-microbiens et les micro-organismes [GRAM - EA 2656] - 22 boulevard Gambetta - 76183 Rouen cedex * Correspondance : [email protected] 73 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page74 CARON & ETIENNE manifestations d’hypersensibilité est estimé à environ 1 cas pour 20 000 prescriptions, étant très majoré pour les traitements prolongés comme cela a été fait dans des schémas prophylactiques (environ 1 cas pour 700 traitements de plus de 4 mois, contre environ 1 cas pour 25 000 prescriptions de moins d’un mois). Aussi, ces administrations prolongées (intermittentes ou permanentes) sont désormais contre-indiquées. Malheureusement, le risque attaché aux schémas brefs (5 à 7 jours pour une bactériurie asymptomatique ou une cystite) voire très brefs (48 heures de traitement probabiliste dans l’attente des résultats de l’ECBU et d’un éventuel changement de molécule) n’est pas précisément quantifié. Par contre la toxicité fœtale et infantile a été très étudiée, avec maintes séries rassurantes, excluant un risque malformatif ; la nitrofurantoïne semble simplement associée à un sur-risque d’ictère néonatal par hémolyse lorsqu’administrée en fin de terme ou via l’allaitement durant le premier mois de vie, surtout en cas de déficit en G6PD. Un spectre très attractif, a fortiori dans le contexte du développement de l’antibiorésistance des bactéries uropathogènes, une efficacité clinique établie, mais des incertitudes quant à la toxicité maternelle : telles sont les principales caractéristiques de la nitrofurantoïne dans le traitement des infections urinaires gravidiques. Mots clés : infection urinaire, bactériurie asymptomatique, nitrofurantoïne, grossesse Déclaration publique d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté. 74 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page75 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE INTRODUCTION Évoquer en cette année 2013 la place de la nitrofurantoïne dans le traitement des infections urinaires (IU) n’est pas si aisé : – certes la molécule est connue de longue date, et utilisée par de nombreux cliniciens ; – à l’heure du développement des bactéries multirésistantes (BMR), particulièrement chez les entérobactéries, son intérêt microbiologique est plus que jamais d’actualité ; – son intérêt thérapeutique est démontré, mais limité à certaines formes d’IU : bactériuries asymptomatiques (BA, encore dénommées colonisations urinaires) pour celles relevant d’un traitement comme cela est le cas durant la grossesse, et cystites simples ou compliquées ; – sa toxicité par contre fait débat ; l’incidence des effets adverses graves reste très faible, a fortiori après traitement bref ; mais leur acceptabilité sociétale a changé, tout particulièrement en France depuis la récente affaire dite du Médiator® [1], ayant amené l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé) devenue ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) à réévaluer la balance bénéfice/risque de tous les médicaments entachés de toxicité grave, avec deux recommandations successives de prudence concernant la nitrofurantoïne [2, 3], ayant conduit à une baisse des prescriptions [4] ; – aussi, il y a tout lieu de penser que la molécule ne va pas conserver à l’avenir le positionnement qui était le sien dans les dernières recommandations françaises de prise en charge des infections urinaires édictées par l’Afssaps en 2008 [5], et qui sont en cours de révision sous l’égide de la Société de pathologies infectieuses de langue française (SPILF) avec une publication annoncée pour 2014. Dans cette réévaluation du positionnement de la nitrofurantoïne, le caractère gravidique de l’IU modifie un peu la donne : – le risque d’évolution d’une BA vers la cystite puis la pyélonéphrite et son retentissement maternel et fœtal font que l’IU gravidique est considérée à haut risque de complication, de sorte que toute IU gravidique doit être traitée très efficacement, dès le stade de BA ; 75 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page76 CARON & ETIENNE – or, l’arsenal antibiotique à disposition est plus restreint chez les femmes enceintes, certains antibiotiques pivots du traitement des IU de l’homme ou de la femme non enceinte connaissant ici des restrictions d’usage, du fait d’un risque de toxicité pour l’enfant ; à cet égard, la nitrofurantoïne est évaluée très favorablement tout au long de la grossesse et pendant l’allaitement (si ce n’est une restriction d’usage en extrême fin de terme et pour le premier mois d’allaitement). L’objectif de cette mise au point est de détailler chacun des aspects ici soulevés, tout en soulignant qu’il faudra au thérapeute se reporter aux nouvelles recommandations de prise en charge dès qu’elles auront été publiées en 2014. I. UNE MOLÉCULE À PART Dans la classe des nitrofuranes, seule la nitrofurantoïne a connu un réel développement, à côté de deux autres molécules, la furazolidone (encore utilisée dans certains pays comme traitement oral des diarrhées infectieuses [6]) et la nitrofurazone (développée comme anti-infectieux d’usage local : traitement des plaies, irrigation vésicale, et surtout incorporation dans des sondes urinaires [6-8]). La nitrofurantoïne est disponible uniquement par voie orale. En France, l’arsenal thérapeutique n’a cessé de s’appauvrir. Jadis il existait trois formulations : comprimé, gélule et solution buvable, disponibles sous plusieurs noms commerciaux. En coïncidence avec les restrictions d’usage édictées par l’Afssaps en 2011 [2] puis 2012 [3], les spécialités Microdoïne® (comprimé à 50 mg) puis Furadoïne ® (comprimé à 50 mg) ont été retirées ; seule subsiste dans le circuit commercial la spécialité Furadantine®, sous forme de gélules à 50 mg adaptées à l’adulte et à l’enfant à partir de 6 ans [www.vidal.fr]. Le produit se caractérise par une bonne absorption digestive et une élimination rénale rapide, en partie sous forme active ; si les concen trations sériques sont très faibles, des taux thérapeutiques sont atteints dans les urines (souches réputées sensibles en cas de CMI ≤ 64 mg/l ; pic sérique à seulement 1 mg/l, mais concentrations urinaires moyennes autour de 130 mg/l) [9]. Du fait d’une demi-vie brève (t½ ß = 1 heure), la molécule doit être administrée en principe au rythme de 3 fois par jour même pour traiter une banale cystite. À noter qu’il existe une 76 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page77 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE forme retard, disponible aux États-Unis d’Amérique, autorisant une administration bi-quotidienne [6]. L’insuffisance rénale modifie la pharmacocinétique, avec une accumulation sérique à l’origine d’un sur-risque de toxicité et d’une diminution des concentrations urinaires efficaces avec risque d’échec quasi certain en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 20 ml/min) [6]. Le seuil de clairance de la créatinine en dessous duquel la nitrofurantoïne est contre-indiquée fait cependant débat ; en France le produit est contre-indiqué en cas de clairance < 60 ml/min [www.vidal.fr] ; dans d’autres pays, le seuil est positionné entre 40 et 60 ml/min, pouvant varier selon les formulations galéniques du produit ; une récente revue de la littérature conclut que les données contre-indiquant le produit au seuil de 60 ml/min sont inexistantes, et que le produit doit pouvoir être utilisé pour une clairance d’au moins 40 ml/min [10] ; l’analyse d’une cohorte de femmes hollandaises traitées par nitrofurantoïne montre l’absence de risque d’inefficacité en cas d’insuffisance rénale modérée (clairance de 30 à 50 ml/min) mais un risque majoré d’effets secondaires pulmonaires [11]. Épidémiologiquement, ces situations d’insuffisances rénales se posent peu fréquemment lors des IU gravidiques. Proche moléculairement des nitroimidazolés (métronidazole [Flagyl®] et dérivés), les nitrofurantoïnes en partagent quelques carac téristiques : spectre in vitro non seulement antibiotique mais aussi antiparasitaire (giardase, amibiase... mais ceci n’a évidemment pas de portée clinique pour la sphère urinaire), effet antabuse en cas d’ingestion concomitante de boissons alcoolisées [6]. II. UN INTÉRÊT MICROBIOLOGIQUE PLUS QUE JAMAIS D’ACTUALITÉ La nitrofurantoïne est active sur la plupart des germes responsables d’infection urinaire. La concentration critique, définissant la frontière entre souches sensibles et souches résistantes, est fixée à 64 mg/ml (souche sensible si CMI ≤ 64 mg/l, souche résistante si CMI > 64 mg/l, sachant qu’il n’y a pas ici de catégorisation intermédiaire) [12]. Parmi les bacilles à Gram négatif, Escherichia coli est particulièrement sensible : dans différentes études la CMI90 (concentration efficace sur 90 % des isolats d’une espèce donnée) s’établit à 8-16 mg/l ; Klebsiella et Enterobacter sont moins sensibles (CMI90 autour de 32 mg/l), tandis que Pseudomonas 77 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page78 CARON & ETIENNE aeruginosa, Acinetobacter et Proteus sont résistants. Le produit est également actif sur les cocci à Gram positif parfois responsables d’infections urinaires, tels que Enterococcus faecalis (CMI90 autour de 25 mg/l) et les staphylocoques (CMI90 autour de 4 mg/l), en particulier l’espèce Staphylococcus saprophyticus responsable de cystites chez la femme [9]. La nitrofurantoïne exerce vis-à-vis des espèces sensibles une activité bactéricide (avec un rapport CMB/CMI de l’ordre de 2 à 4). Pour toutes les bactéries, l’activité de la molécule est diminuée en milieu alcalin : par exemple, la CMI d’une souche d’E. coli est majorée d’un facteur 20 lorsque le pH croît de 5,0 à 8,0 ; le pouvoir alcalinisant de Proteus allié à des CMI élevées (CMI90 = 200 mg/l) rend compte ainsi des échecs habituels de la nitrofurantoïne sur cette espèce [9]. Une des caractéristiques majeures de la molécule tient à un faible risque d’émergence de souches résistantes, à l’échelon individuel et collectif. Depuis des décennies que le produit est utilisé de par le monde, les taux de résistance acquise restent bas. Par exemple, dans une étude américaine ayant collecté lors de la dernière décennie (2000-2011) près de 2 millions de souches urinaires d’E. coli chez des patients ambulatoires, la résistance à la nitrofurantoïne est restée faible (0,8 % en 2000 puis 1,6 % en 2010), alors qu’elle augmentait fortement pour les fluoroquinolones (3,0 puis 17,1 %), émergeait pour les céphalosporines de troisième génération (C3G : 0,2 puis 2,3 %), étant préoccupante depuis déjà des années pour les aminopénicillines (38,2 puis 43,4 %) et le cotrimoxazole (17,9 puis 24,2 %) [13]. Le même constat a été réalisé en Belgique sur la période 1996-2006 avec, dans une série de cystites simples, une résistance à la nitrofurantoïne de 0 % pour E. coli et de 5 % pour l’ensemble des souches uropathogènes lors de l’année 2006 [14]. L’épidémiologie française est de même très rassurante : sur 1 636 E. coli collectés en 2007-2008 à la fois d’IU simples et compliquées, la résistance globale à la nitrofurantoïne s’établissait à 4,9 %, et à seulement 2,3 % chez la femme de 15 à 65 ans (la résistance étant supérieure chez l’homme et chez la femme de plus de 65 ans) [15]. Fait essentiel, il n’existe pas de résistance croisée entre nitrofurantoïne et les autres classes antibiotiques. Ceci explique que les entérobactéries multirésistantes - telles typiquement les E. coli producteurs de ß-lactamase à spectre étendu (BLSE) - restent majoritairement sensibles aux furanes : parmi 10 134 E. coli collectés à Londres en 20052006 exclusivement d’IU nosocomiales, seuls 5,4 % étaient résistants à la nitrofurantoïne [16]. Parmi 1 858 souches nord-américaines d’E. coli, toutes résistantes aux fluoroquinolones, avec une résistance croisée aux céphalosporines de troisième génération (C3G) pour 89 % d’entres elles, le taux de sensibilité à la nitrofurantoïne restait de 90 % [17]. Il faut 78 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page79 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE rappeler que l’antibiorésistance est cosmopolite, n’étant pas l’apanage des pays à hauts niveaux de revenus très consommateurs d’antibiotiques ; ainsi une étude cambodgienne relate un taux très préoccupant (37 %) de production de BLSE chez les souches urinaires communautaires d’E. coli, mais pour lesquelles aucune résistance à la nitrofurantoïne n’a été détectée [18] ; une récente série indienne d’IU gravidiques rapporte des taux de résistances contre-indiquant l’usage probabiliste non seulement du cotrimoxazole mais aussi des C3G, mais épargnant bien davantage la nitrofurantoïne (résistance chez E. coli respectivement de 75 %, 35 % et 10 %) [19] ; de même une récente série éthiopienne de BA et d’IU gravidiques montre une résistance très élevée des entérobactéries aux aminopénicillines (81 %) et au cotrimoxazole (57 %) mais bien plus faible pour la nitrofurantoïne (14 %) [20]. Autre bonne nouvelle : ces taux bas de résistance ne sont pas liés à la seule faible exposition des populations à cette classe antibiotique. Certes en France comme dans beaucoup d’autres pays, les consommations de furanes restent marginales comparativement aux autres anti-infectieux à visée urinaire ; par exemple, dans une étude menée en Normandie en 2007-2008 sur plus de 3 000 patientes de 15 à 65 ans à ECBU positif en laboratoire de ville, il a été rapporté un taux d’usage de 5 % pour les furanes (contre 6 % pour le cotrimoxazole, 23 % pour la fosfomycine et 53 % pour les fluoroquinolones) [15]. Cependant, diverses données laissent à penser que même si les furanes devaient être davantage utilisées (comme certains auteurs le prédisent du fait de la multirésistance aux autres classes antibiotiques [21]), le taux de résistance n’exploserait pas nécessairement. Ainsi il est établi que les sujets recevant une prophylaxie prolongée par nitrofurantoïne (ce qui n’est plus recommandé : cf. infra) sont à faible risque de voir émerger une souche résistante dans leur microbiote intestinal [6]. De surcroît, quand une souche résistante émerge (comme cela peut être reproduit artificiellement in vitro), sa capacité réplicative (ou « fitness ») est atténuée comparativement à celle d’une souche sensible [22]. Enfin, une étude par typage moléculaire a récemment montré que les rares souches d’E. coli résistantes aux furanes circulant en Europe et en Amérique sont génétiquement très diverses d’un patient à l’autre, ce qui suggère une très faible probabilité de dissémination clonale [23]. Aussi, la nitrofurantoïne fait partie (tout comme la fosfomycine et le pivmécillinam) des antibiotiques réputés ayant peu d’effets collatéraux sur les flores, en particulier digestives, et ceci contrairement au cotrimoxazole, aux fluoroquinolones et aux C3G [24]. 79 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page80 CARON & ETIENNE III. UNE EFFICACITÉ BIEN ÉTABLIE DANS LES BACTÉRIURIES ASYMPTOMATIQUES ET LES CYSTITES PYÉLONÉPHRITES Historiquement, la nitrofurantoïne avait été évaluée dans le traitement des pyélonéphrites, notamment parce que le produit connaissait de bonnes concentrations dans la médullaire rénale ; cependant faute de taux sériques satisfaisants, cette indication n’a pas été retenue du fait d’un risque d’échec, tout particulièrement pour les formes bacté riémiques ou sévères [6]. III.1. Infections urinaires masculines Si elle n’a pas d’AMM (autorisation de mise sur le marché) spécifique, la nitrofurantoïne est aussi utilisée dans l’IU masculine, ainsi qu’en témoigne une étude épidémiologique récente à partir des bases de données de tous les hôpitaux militaires américains, montrant que 6,1 % des hommes souffrant d’IU étaient traités par ce produit ; cependant, en l’absence de détails cliniques (BA versus infection vraie) et de précision évolutive, il est difficile de cerner l’efficacité de la molécule [25]. Tabakan et coll. ont rapporté une série de patients (45 femmes et 30 hommes) souffrant d’IU à E. coli producteur de BLSE, traités en ouvert par nitrofurantoïne durant 14 jours, avec un taux d’éradication bactériologique globalement satisfaisant au regard du contexte (51/75 soit 68 %), annoncé similaire selon qu’il existait (n = 61) ou non (n = 14) un facteur de risque de complication de l’IU, mais sans qu’il soit possible de déduire les taux de succès respectifs chez les hommes et les femmes [26]. III.2. Cystites simples La majorité des données d’efficacité de la nitrofurantoïne concerne la cystite non compliquée de la femme jeune (ce qui exclut la grossesse). Iravani et coll. ont par exemple rapporté des taux d’éradication clinique satisfaisants et comparables pour un schéma de 7 jours de nitrofurantoïne comparativement à 7 jours de cotrimoxazole ou 3 jours de ciprofloxacine [27]. Gupta et coll. ont ensuite montré l’équivalence de 5 jours de nitrofurantoïne versus 3 jours de cotrimoxazole [28]. Ces données favorables font que la dernière recommandation de prise en charge des cystites non compliquées établie conjointement par les infectiologues 80 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page81 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE américains et européens [24] a positionné la nitrofurantoïne parmi les quatre molécules à privilégier en première intention ; la molécule y est même listée en premier devant triméthoprime-sulfalméthoxazole (c’est-àdire le cotrimoxazole), fosfomycine-trométamol et pivmécillam, un ordre non alphabétique suggérant une forme de préférence pour la nitrofurantoïne, même si cela n’est pas dit explicitement dans l’argumentaire. Depuis, une modélisation pharmaco-économique adaptée au système de santé nord-américain a montré que la nitrofurantoïne est le traitement empirique des cystites non compliquées à privilégier « lorsque la prévalence de la résistance des uropathogènes excède 12 % pour les fluoro-quinolones et 17 % pour le cotrimoxazole » [29]. Dans cette indication, la durée recommandée de traitement est souvent de 5 jours tant en France [5] que dans d’autres pays [24]. Les Scandinaves traitent parfois seulement 3 jours [30] et le dernier référentiel des urologues européens évoque un schéma de 3 à 5 jours [www.uroweb.org]. III.3. Cystites compliquées Conceptuellement, c’est vis-à-vis des cystites compliquées que la nitrofurantoïne peut avoir la plus grande place, compte tenu de la prévalence élevée des BMR pour lesquelles ce produit reste souvent un des seuls antibiotiques actifs in vitro et administrable par voie orale (à côté de la fosfomycine-trométamol validée seulement en traitement à mono-dose de la cystite simple, même s’il émerge une littérature rapportant des traitements à multidoses dans la cystite compliquée [31]). Aussi, de nombreux experts recommandent la nitrofurantoïne en traitement des cystites compliquées, tout en soulignant que peu de données cliniques ont été publiées et que des travaux de recherche seraient opportuns [32]. En France, la recommandation pour les cystites compliquées [5] est d’essayer de différer le traitement pour un schéma d’emblée adapté aux résultats de l’ECBU et de l’antibiogramme, afin de proposer le spectre le plus étroit (alors que les schémas probabilistes ont par essence un spectre large) ; cependant, un tel différé n’est pas toujours possible, notamment en situation de grossesse, avec là un risque non acceptable d’évolution vers une pyélonéphrite ; dans ces situations, la recommandation française de 2008 retenait une seule molécule pour l’antibiothérapie probabiliste des cystites compliquées hors situation de grossesse : la nitrofurantoïne, notamment sur un argument d’efficacité microbiologique (avec une forte prévalence dans ce contexte de la résistance non seulement aux fluoroquinolones mais aussi aux C3G) [5]. 81 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page82 CARON & ETIENNE III.4. Bactériuries asymptomatiques et cystites gravidiques La nitrofurantoïne est parfaitement validée dans le traitement des BA gravidiques, avec notamment un essai international récent de grande ampleur (778 patientes traitées) ayant comparé 1 jour versus 7 jours ; si le taux d’éradication microbienne 14 jours après la fin du traitement était insuffisant pour le bras 1 jour (76 %), il était par contre significativement meilleur et très acceptable au regard des données de la littérature pour le bras 7 jours (86 %) ; de surcroît, le poids de naissance et l’âge gestationnel étaient significativement inférieurs pour le bras 1 jour ; les effets secondaires étaient plus fréquents pour le bras 7 jours mais non significativement (23 % versus 20 %), sans que soient signalés des effets graves [33]. À noter que ce travail réalisé en Asie du Sud-Est apporte aussi des données épidémiologiques importantes : parmi 24 430 femmes enceintes dépistées ponctuellement, 1 827 (soit 7,5 %) avaient une bandelette urinaire positive et 1 248 (soit 5,1 %) une BA confirmée [33] ; d’autres données rapportent que tout au long d’une grossesse 2 à 10 % des femmes vont développer une BA et 1 à 4 % une cystite [34] ; c’est dire si cette situation de BA et cystite gravidique se pose fréquemment, de sorte que le positionnement ou non de la nitrofurantoïne dans cette indication a un retentissement pratique évident. Par ailleurs, dans la série sus-décrite [33], E. coli n’était responsable que de 45,4 % des cas de BA, S. saprophyticus occupant la seconde place des germes en cause, avec un taux notable de 12,5 % ; or, la nitrofurantoïne est très efficace vis-à-vis de cette espèce microbienne. Ces résultats expliquent que la nitrofurantoïne soit listée parmi les antibiotiques de choix dans le traitement des BA gravidiques. Par exemple, le guide américain Sanford (diffusé mondialement dans différentes langues) propose de traiter par amoxicilline, nitrofurantoïne, céphalosporine orale, triméthoprime-sulfaméthoxazole (cotrimoxazole) ou triméthoprime, les produits étant cités par ordre alphabétique [35]. La recommandation Afssaps 2008 [5] avait listé, également par ordre alphabétique : amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, céfixime, nitrofurantoïne, pivmécillinam, ou triméthoprime-sulfaméthoxazole ; depuis, les notes de restriction de l’Afssaps [2, 3] ont singulièrement restreint la place de la nitrofurantoïne en énonçant que la molécule doit être réservée aux cas où « aucun autre antibiotique présentant un meilleur bénéfice/risque ne peut être utilisé par voie orale ». Cette mention de prudence a été ajoutée dans le résumé des caractéristiques du produit tel qu’il figure au Vidal® [www.vidal.fr]. À noter une atypie réglementaire, l’indication « bactériurie asymptomatique gravidique » 82 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page83 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE ne figure toujours pas dans l’autorisation de mise sur le marché du produit en France (où seules sont mentionnées les cystites de la fillette au-delà de 6 ans, de l’adolescente, et de la femme adulte), alors même que les recommandations officielles lui donnent là une place. Dans d’autres pays la nitrofurantoïne a une place davantage affirmée dans le traitement de la BA gravidique ; par exemple en Nouvelle-Zélande où sont recommandées « amoxicilline (si sensible), nitrofurantoïne, triméthoprime, ou céphaléxine », un ordre non alphabétique donnant potentiellement une bien plus grande place au produit (d’autant que la résistance à l’amoxicilline est fréquente : environ 50 % des souches en cause) [34]. Le traitement de la cystite gravidique est globalement calquée sur celui de la BA, avec aucune série comparative récente retrouvée dans la littérature internationale, mais à l’évidence une grande pratique comme en témoignent différents registres analysant la toxicité potentielle chez l’enfant, avec des données très favorables ainsi que discuté ci-après. Aussi, la nitrofurantoïne est citée en premier dans plusieurs référentiels internationaux, avec des durées de traitements de 3 à 7 jours tant pour les urologues européens [www.uroweb.org] qu’en Nouvelle-Zélande par exemple [34]. En France, la recommandation Afssaps de 2008 [5] avait positionné céfixime et nitrofurantoïne (dans cet ordre) comme seuls traitements probabilistes de la cystite gravidique, le traitement de relais, adapté selon les données de l’antibiogramme, faisant appel aux mêmes molécules que la BA, à savoir amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, céfixime, nitrofurantoïne, pivmécillinam, ou triméthoprime-sulfaméthoxazole ; comparativement aux autres formes de cystites compliquées (discutées plus haut), le céfixime avait gardé là une place dans le choix probabiliste compte tenu d’une prévalence à l’époque très faible de souches résistantes (et notamment d’entérobactéries productrices de BLSE) ; lorsque la nitrofurantoïne était poursuivie, il était préconisé une durée totale de traitement de 7 jours. Dans la recommandation à venir, les experts seront certainement tiraillés entre d’une part le souhait de limiter davantage qu’en 2008 l’usage des C3G (l’émergence de la résistance devenant visible dans la communauté, y compris chez des femmes jeunes, avec des cas décrits d’infection à entérobactéries BLSE chez des nouveau-nés de mères exposées à cette classe durant la grossesse), et d’autre part les notes de l’Afssaps incitant à une restriction de l’usage de la nitrofurantoïne ; toutefois, la recommandation de n’utiliser la nitrofurantoïne que « lorsqu’aucun autre antibiotique présentant un meilleur bénéfice/risque ne peut être utilisé par voie orale » laisse une marge d’appréciation. 83 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page84 CARON & ETIENNE IV. UNE TOXICITÉ EN DÉBAT Une femme enceinte ou allaitante recevant un traitement de nitrofurantoïne est exposée aux incidents toxiques décrits en population générale, et à des incidents potentiellement spécifiques pour l’enfant ; cependant, l’essentiel des cas adverses graves ou mortels ont été décrits après des traitements très prolongés (pour antibioprophylaxie au long cours), que ceux-ci soient continus ou séquentiels (et donc avec réintroductions itératives) ; par ailleurs, nombre des effets graves ont été décrits chez des sujets âgés de plus de 50 ans [36] ; ici, il s’agit d’envisager des traitements brefs, chez des femmes jeunes, n’ayant pour beaucoup d’entre elles jamais été exposées au produit ; c’est dire si la balance bénéfice/risque s’envisage de manière différente chez la femme enceinte que pour d’autres franges de la population. IV.1. Données générales De très longue date, il est connu que la nitrofurantoïne est responsable d’effets secondaires mineurs, essentiellement à type de dyspepsie et de diarrhée. Une série de plus de 2 000 patientes publiée en 1971 avait rapporté une fréquence d’effets secondaires plus importante pour la nitrofurantoïne (9,2 %) que pour des dérivés sulfamidés (3,2 %) [37]. Ceci n’a pas été confirmé dans des études postérieures avec des incidences d’effets adverses similaires à celles rapportées pour le cotrimoxazole, les fluoro-quinolones, la fosfomycine, et même contre placebo [24]. De même, il est établi depuis longtemps que la nitrofurantoïne expose à des effets secondaires très graves, mais semblant exception nels, essentiellement pulmonaires [38] et hépatiques [39], mais aussi neurologiques [40]. Les hépatites sont soit purement biologiques, soit cliniques ; il est décrit des hépatites aiguës, cytolytiques ou cholestatiques, et des hépatites chroniques, cirrhogènes, les unes et les autres pouvant conduire au décès ou imposer la greffe hépatique [6, 41, 42]. Deux formes de pneumopathies toxiques sont décrites avec (i) des atteintes aiguës ou subaiguës, simulant une atteinte infectieuse, survenant dès les premiers jours du traitement et régressant rapidement à son arrêt, et pour lesquelles un mécanisme allergique est supputé, d’autant qu’une hyperéosinophilie est souvent constatée, et (ii) des formes chroniques, à type de fibrose interstitielle diffuse, survenant essentiellement lors de 84 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page85 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE traitements prolongés, plus ou moins réversibles à l’arrêt du traitement [38, 43]. Des neuropathies ont aussi été décrites, y compris après traitement bref, pouvant être responsables de douleurs chroniques invalidantes [40, 44]. D’autres effets secondaires ont été rapportés : manifestations cutanées d’hypersensibilité (simple rash le plus souvent, mais aussi éruptions bulleuses et syndromes de Lyell), manifestations générales d’hypersensibilité (fièvre, polyarthralgie, hyperéosinophilie, bronchospasme, œdème de Quincke et choc anaphylactique), rares cas de parotidite et de pancréatite [9]. Toute la question est celle de la fréquence des effets secondaires graves et de leurs facteurs favorisants. Dans la littérature anglo-saxonne, l’incidence des hépatopathies a été estimée à 0,02 à 0,035 % et celle des pneumopathies à 0,001 % [6). Une enquête nationale française de pharmacovigilance [36] conclut à un risque global d’atteinte hépatique ou pulmonaire ou d’autres manifestations d’hypersensibilité à 1 cas pour 20 551 prescriptions, dont 1 atteinte pulmonaire pour 49 245 prescriptions et 1 atteinte hépatique pour 68 684 prescriptions ; fait important, le risque semblant corrélé à la durée du traitement avec 1 cas pour 24 800 prescriptions de moins d’un mois, 1 cas pour 7 666 prescriptions de plus d’un mois et 1 cas pour 517 à 862 prescriptions de plus de 4 mois ; les sujets de plus de 65 ans sont à risque aggravé (la moitié des cas graves notifiés les concernant alors qu’ils ne représentaient que 55 % des sujets traités) [36]. Le rapport souligne les limites de la base de données, faisant qu’il n’est pas possible d’affiner le risque pour les traitements brefs (5 à 7 jours pour une BA ou une cystite) voire très brefs (48 heures de traitement probabiliste dans l’attente des résultats de l’ECBU), pas plus que de répondre à la question d’un éventuel surrisque en cas de réintroduction d’un traitement même bref (alors que maints incidents graves sont imputés à un mécanisme allergique). De cette enquête a découlé la modification de l’autorisation de mise sur le marché en France, tout traitement prolongé (continu ou par intermittence) étant contre-indiqué [www.vidal.fr]. IV.2. Particularités materno-fœtales Les données de toxicité sont à cet égard très rassurantes. Ainsi une étude au Danemark (pays disposant depuis longtemps d’un dossier médical informatisé pour l’ensemble des soins de la population) a rapporté le suivi sur 10 ans de 447 629 grossesses ; 36 072 (soit 8,1 %) donnaient lieu à la prescription d’un anti-infectieux urinaire, soit un 85 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page86 CARON & ETIENNE pourcentage cumulé de BA et de cystites gravidiques cohérent avec les taux énoncés plus haut ; la nitrofurantoïne n’était utilisée que pour 5,8 % des traitements, loin derrière les sulfamidés (49,9 %) et le pivmécillinam (44,3 %) ; si aucune toxicité particulière à la nitrofurantoïne n’était signalée dans cette série, le principal message était la découverte d’une association significative entre l’utilisation par la mère d’antiinfectieux urinaire durant la grossesse et la survenue ultérieure d’une épilepsie de l’enfant, sans que la physiopathologie en soit établie clairement [45]. Une équipe de Norvège (autre pays nordique disposant d’une base de données nationale des prescriptions) a récemment rapporté une série de 5 794 patientes exposées à la nitrofurantoïne durant la grossesse pour le traitement d’une BA ou d’une cystite ; comparativement à un groupe exposé au pivmécillinam, il n’y avait aucun risque aggravé d’effet secondaire, excepté une surincidence d’ictère néonatal lorsque le traitement était administré dans les 30 derniers jours avant la délivrance [46]. Cette série confirme des données anciennes : d’une part, la nitrofurantoïne est excrétée dans le lait, sous forme active, pouvant y atteindre des taux supérieurs aux concentrations sériques ; d’autre part, la molécule peut induire des hémolyses, durant toute la vie chez les sujets porteurs d’un déficit en G6PD et chez le nouveau-né de moins d’un mois même non déficitaire du simple fait de l’immaturité du système [6]. Aussi, pour certains auteurs, la nitrofurantoïne devrait être évitée en fin de terme (souvent fixé à 36 semaines) et pour l’allaitement d’un nouveau-né de moins d’un mois [6, 47] ; en France, si le résumé des caractéristiques du produit déconseille l’allaitement avant un mois, rien n’est dit quant au risque majoré d’ictère pour l’enfant en cas d’exposition maternelle en fin de terme [www.vidal.fr] ; le centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) a un positionnement davantage rassurant, énonçant « la nitrofurantoïne peut être utilisée quel que soit le terme de la grossesse ; aucun incident n’est signalé à ce jour chez des enfants allaités de mères traitées par nitrofurantoïne ; l’utilisation de nitrofurantoïne est possible chez la femme qui allaite sauf si l’enfant est à risque de déficit en G6PD » [www.lecrat.org]. Une série canadienne se focalisant sur le premier trimestre de la grossesse a aussi tout récemment confirmé l’absence d’effet malformatif de la nitrofuran toïne, sur la base d’une analyse de 1 112 mères exposées [48]. Finalement, excepté le risque potentiel d’ictère néonatal par hémolyse, la nitrofurantoïne est dénuée de toxicité pour l’enfant, ce qui la positionne favorablement dans les échelles de risques : pour les autorités des États-Unis d’Amérique (Food and Drug Administration, FDA), la nitrofurantoïne est en catégorie B, dans une échelle de A à X 86 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page87 INFECTIONS URINAIRES, GROSSESSE ET NITROFURANTOÏNE (A étant le plus favorable), une place identique à celle de la fosfomycine-trométamol, mais plus favorable que celle du cotrimoxazole, des fluoro-quinolones et du triméthoprime (tous en C) [www.fda.gov]. En France, le CRAT ne définit pas de catégories, mais propose un texte amenant à une forme de hiérarchie : « En attendant les résultats de l’antibiogramme, un traitement par céfixime peut être instauré. S’il ne convient pas (allergie aux ß-lactamines, cystites récidivantes à germes multirésistants), la nitrofurantoïne peut être utilisée. Si ces options ne sont pas adaptées aux résultats de l’antibiogramme, peuvent être utilisés amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, norfloxacine ou ciprofloxacine, ou encore cotrimoxazole (ce dernier seulement au-delà de 10 semaines d’aménorrhée) » [www.lecrat.org]. CONCLUSION La réévaluation de la balance bénéfice/risque de la nitrofurantoïne est un sujet récurrent qui faisait déjà couler beaucoup d’encre voilà un quart de siècle [49]. Comparativement à d’autres anti-infectieux urinaires profondément atoxiques comme la fosfomycine-trométamol, la nitrofurantoïne est de fait entachée d’effets adverses rares - ou rarissimes - mais gravissimes. Les bases de données informatisées comme il en existe déjà à l’échelon de toute une population dans différents pays devraient aider à affiner la perception de ce risque, en particulier pour les traitements brefs tels ceux appliqués à la BA et à la cystite gravidique. Cette analyse est d’autant plus importante à mener que l’intérêt microbiologique de la nitrofurantoïne va croissant au fil des années, du fait de la montée globale de l’antibiorésistance épargnant la classe des furanes, tandis que les données d’efficacité clinique sont très satisfaisantes. Le dossier informatisé des parturientes françaises, tel qu’il est adopté par de nombreuses équipes, ne permettrait-il pas de suivre en prospectif l’usage des différents antiinfectieux urinaires chez la femme enceinte afin de mieux cerner les tableaux cliniques (part respective de la BA, de la cystite et la pyélonéphrite) et microbiologiques, et la tolérance tant maternelle qu’infantile des traitements choisis ? L’analyse de la littérature présentée ici suggère en effet qu’un tel observatoire pourrait être riche d’enseignements. 87 obs_04_Caron_2_bat3_jm_cngof09 12/11/13 11:18 Page88 CARON & ETIENNE Bibliographie [1] Mullard A. Mediator scandal rocks French medical community. Lancet 2011;377: 890-2. [2] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Nitrofurantoïne et risque de survenue d’effets indésirables hépatiques et pulmonaires lors de traitements prolongés. Lettre aux professionnels de santé. Février 2011. [3] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Restriction d’utilisation de la nitrofurantoïne en raison de survenue d’effets indésirables graves hépatiques et pulmonaires. Lettre aux professionnels de santé. Mars 2012. [4] Slekovec C, Leroy J, Huttner A, Ruyer O, Talon D, Hocquet D, Bertrand X. When the precautionary principle disrupts 3 years of antibiotic stewardship: nitrofurantoin in the treatment of urinary tract infections. 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