Histoire des arts 1

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Histoire des arts 1
HISTOIRE DES ARTS :
A-« L’exaltation du corps humain » de Léonardo de Vinci p.502
L’exaltation du corps humain
1. Les personnages représentés sur le tableau de Léonard de Vinci sont sainte Anne, sa fille Marie
et l’Enfant Jésus. Cimabue, quant à lui, représente seulement la Vierge Marie et l’Enfant Jésus,
entourés d’anges. Les personnages de Vinci sont représentés de façon réaliste et semblent
appartenir au monde humain. À l’inverse, les personnages de Cimabue sont représentés de façon
plus codée, et appartiennent clairement au monde divin, comme le prouve l’auréole dorée qui
surplombe chaque tête.
2. Dans les deux tableaux, Marie est représentée vêtue de bleu, couleur qui lui est
traditionnellement attribuée. Mais Vinci réinterprète de façon réaliste ce bleu mystique. En effet,
les montagnes de l’horizon et le ciel rappellent la tenue de la Vierge. Les autres couleurs
dominantes du tableau sont des couleurs chaudes, dont les nuances s’étendent de la carnation de
la peau à la douceur de la terre que les personnages foulent de leurs pieds nus. Le choix des
couleurs est très différent dans le tableau de Cimabue, qui privilégie le doré, symbole de la
dimension mystique et spirituelle de la scène représentée. Il ne s’agit en aucune façon de
représenter la réalité de corps humains, mais il s’agit de donner une interprétation visuelle du
monde divin. Alors que l’esthétique de Cimabue, très influencée par la tradition des icônes
byzantines, appartient encore au Moyen Âge, le tableau de Vinci appartient clairement à la
Renaissance, par le choix d’une représentation réaliste des personnages et du décor où règne la
profondeur.
3. Dans le tableau de Vinci, la proportion des corps est conservée, à la différence de l’oeuvre de
Cimabue dans laquelle Marie a une taille disproportionnée par rapport aux anges. En effet, selon
l’esthétique médiévale, la taille du personnage reflète son importance symbolique. L’attitude des
corps est également différente. Chez Vinci, tout signifie la tendresse maternelle : sainte Anne
porte Marie sur ses genoux, et cette dernière est tout entière penchée vers son fils, qui lui échappe
déjà en jouant avec un agneau, symbole du sacrifice pascal à venir. Le regard part avec tendresse
de sainte Anne vers Marie, qui regarde son fils, qui la regarde aussi. L’Enfant Jésus chez Vinci est
le véritable portrait d’un enfant, représenté dans une attitude enfantine, à la différence de l’Enfant
Jésus de Cimabue qui n’a d’enfantin que sa taille réduite. Cette esthétique reflète une approche
théologique différente. La démarche de Vinci, dans une perspective proprement humaniste,
souligne l’appartenance à l’humanité de ces figures essentielles de la religion chrétienne : Dieu,
son fils Jésus, et Marie, qui l’a enfanté. C’est cela qui rend l’humanité si digne.
DES IMAGES AUX TEXTES
1. Dans le dessin de Vinci, l’homme s’intègre parfaitement dans deux figures géométriques idéales
: le carré et le cercle. C’est un éloge du corps humain car Vinci souligne ainsi la perfection de ses
proportions.
2. De même, dans le tableau La Vierge, l’Enfant Jésus et Sainte Anne, Vinci souligne la perfection de
ces corps humains en les insérant dans un triangle.
3. Le tableau de Botticelli célèbre le corps de la femme à travers Vénus. La belle sort des eaux
entourée de deux divinités et d’un personnage féminin. Le spectateur est frappé par la beauté de
cette femme présentée quasiment nue. Le jeu des lumières, en particulier le blanc du corps, la
position centrale, son corps et sa nudité mis en valeur dans la coquille, participent de
l’idéalisation.
B-« Les doux rêves » (1896), p. 560, et « D’où venons-nous ? Que
sommes-nous ? Où allons-nous?» (1897), p. 580, de Paul Gauguin
Intérêt de l’image
Le tableau de Gauguin intitulé D’où venons-nous? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? permet d’aborder
une dimension essentielle : l’énigme de l’origine de l’homme. Le titre de l’œuvre, sous la forme
d’une interrogation, ouvre la voie à de multiples possibles, qui seront autant d’entrées sur
l’homme : le rapport à l’autre, la question de l’identité, l’innocence d’un âge premier… Au miroir
de l’autre
LECTURE DE L’IMAGE
1. À travers cette toile, Gauguin a voulu représenter les différents âges de la vie : du nourrisson
encore endormi au premier plan sur la droite, au vieillard agonisant à l’extrême gauche du tableau.
Entre ces deux êtres symboliques sont représentés des êtres mystérieux qui semblent s’interroger
sur le sens de l’existence. Au centre, le jeune homme cueille une pomme, accomplissant ainsi un
geste symbolique, celui d’Ève dans la Genèse. Ce mouvement, relayé par la jeune fille assise sur la
droite, invite le spectateur à réfléchir sur la condition humaine marquée par la finitude, à la
différence des Dieux.
2. Le titre du tableau est constitué d’une triple interrogation de nature philosophique. Cette
question rhétorique invite le spectateur à réfléchir sur l’origine (« D’où venons-nous ? »), l’identité
(« Que sommes-nous ? ») et le devenir (« Où allons-nous ? ») de l’homme. Ce cheminement se
trouve illustré par la représentation des âges de la vie (lecture horizontale du tableau). Plus
largement, Gauguin dispose des personnages résolument énigmatiques, dont le regard est porteur
de ces interrogations. Les personnages sont disposés sur la toile comme autant de pièces
détachées chargées de donner un écho à cette méditation. La divinité trônant au milieu de la
partie gauche de la toile symbolise plus précisément le désir humain d’entrer en relation avec une
transcendance qui dicterait la réponse à cette énigme.
3. La toile est construite autour d’un jeu de contrastes saisissant : au premier plan, le jaune
éclatant, symbole de vie, s’oppose aux couleurs ternes (marron, gris) représentant la mort. Le bleu
clair et vif de la divinité semble être la couleur de la vie spirituelle qui se diffuse dans tout
l’arrière-plan du tableau. On voit ainsi que Gauguin utilise toutes les teintes d’une même couleur,
de la plus vive à la plus sombre.
4. Dans son tableau, Gauguin ne montre pas l’homme en position de surplomb par rapport à la
nature. A contrario, l’être humain vit au contact des autres espèces vivantes et semble ne faire
qu’un avec le territoire qu’il occupe. La technique de l’aplat permet de figurer ce lien indissoluble
entre l’homme et la nature : certains personnages apparaissent ainsi ancrés dans l’espace (le tout
jeune enfant sur une surface bleue). Un Occidental de la toute fin du XIXe siècle peut être
dérouté par le mode de vie exhibé par cette communauté (négation du tabou occidental de la
nudité).
5. Le jardin d’Éden est décrit dans la Genèse (3, 1). Ève rappelle au serpent, qui la tente, la règle
énoncée par Dieu : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l’arbre
qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous
peine de mort.” » Le serpent convainc la jeune femme en lui déclarant qu’elle doit manger une
pomme de cet arbre pour connaître le bien et le mal. Dans le tableau de Gauguin, le jeune
homme cueillant une pomme se trouve au centre, ce qui illustre la parole biblique. En touchant
cette pomme, il ouvre la voie au questionnement philosophique sur la finitude de la condition
humaine. Cette seconde naissance de l’homme trouve certains échos dans la poésie, notamment
dans l’œuvre de Supervielle, qui chante « le matin du monde ».
6. Dans la tradition littéraire, le « bon sauvage » est un parangon de sagesse et de bonté. Miroir
inversé de l’Européen, cet être de papier se trouve réinvesti dans les peintures « exotiques » de
Gauguin. Sur cette toile, les êtres primitifs dégagent une candeur et une simplicité qui renvoient
expressément au mythe d’un âge d’or primitif. Néanmoins, les jeunes femmes du premier plan
ont un regard songeur et mystérieux qui ne peut être réduit à l’expression d’un « bon sauvage ».
Le « nous » utilisé par le peintre dans le titre de l’œuvre invite également le spectateur à ne pas
réduire la portée symbolique du tableau.