position de l`iru sur la convention des nations unies sur le contrat de

Transcription

position de l`iru sur la convention des nations unies sur le contrat de
CTM/G9635/CRA
Genève, le 17 août 2009
POSITION DE L'IRU SUR LA CONVENTION DES
NATIONS UNIES SUR LE CONTRAT DE TRANSPORT
INTERNATIONAL DE MARCHANDISES EFFECTUÉ
ENTIEREMENT OU PARTIELLEMENT PAR MER
(RÈGLES DE ROTTERDAM)
Position de l'IRU sur la nécessité de s'opposer de façon urgente à l'entrée en vigueur
de la Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de
marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer avant la cérémonie de
signature prévue le 23 septembre 2009 à Rotterdam, Pays-Bas.
I.
ANALYSE
La Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises
effectué entièrement ou partiellement par mer (les « Règles de Rotterdam »), adoptée par la
Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) en juillet
2008 puis par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre 2008, et qui régit les transports
de marchandises effectués entièrement ou partiellement par mer, sera ouverte pour
signature par les Etats à l’occasion d’une cérémonie de signature le 23 septembre 2009 à
Rotterdam. Le texte des Règles de Rotterdam peut être consulté sur le lien suivant :
http://www.uncitral.org/pdf/french/workinggroups/wg_iii/CTCRotterdamRulesF.pdf
Une fois entrées en vigueur (après ratification par 20 Etats), les Règles de Rotterdam
s’appliqueront non seulement aux transports de marchandises par mer, mais aussi aux
transports terrestres précédant le chargement des marchandises sur le navire et/ou suivant
leur déchargement.
II.
POSITION DE L’IRU
L’IRU a diffusé à ses membres sa position officielle et un avis de droit détaillé sur les Règles
de Rotterdam sous les références CAJ/G7471/CPI (13.10.2006) et CAJ/G7753/CPI
(29.03.2007), ce dernier figurant à nouveau en Annexe. Cette position officielle a été
transmise non seulement à la CNUDCI, mais aussi au Secrétaire général adjoint pour les
affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies ainsi qu’à la Division des
transports de la CEE-ONU.
2
En résumé, les Règles de Rotterdam sont une menace pour l’application uniforme du
droit régissant les transports terrestres, et notamment pour la réglementation relative
aux contrats de transport national et international. Plus particulièrement :
-
les Règles de Rotterdam contournent certaines législations en vigueur. Elles écartent
notamment l’application du droit national au tronçon national d’un transport mer-route
(Article 5). En outre, l’article 26 des Règles écarte l’application de la Convention CMR
(seule législation uniforme régissant le transport international routier) aux transports
routiers internationaux lorsque les conditions de cet article 26 ne sont pas remplies
(c’est-à-dire lorsque le chargeur n’a pas conclu un contrat distinct et direct avec le
transporteur pour couvrir l’étape particulière du transport pendant laquelle la perte, le
dommage ou le retard s’est produit ; lorsque la Convention CMR ne prévoit pas
expressément la responsabilité du transporteur ; enfin lorsque la CMR admet une
dérogation contractuelle à ses dispositions). Or, selon les termes mêmes de la
Convention CMR, les parties contractantes s'interdisent d'y apporter toute modification
par voie d'accords particuliers.
-
les Règles de Rotterdam n’apportent aucun avantage supplémentaire aux transporteurs.
Conformément à l’article 59.2 des Règles de Rotterdam, l’indemnisation due en cas de
perte ou de dommage est limitée à 875 DTS par colis. Toutefois, lorsque les
marchandises sont transportées par conteneur, la limite par colis ne peut être invoquée
que si ces colis sont énumérés dans le document de transport. Ainsi, dans de tels cas,
en cas de perte totale des marchandises, le véhicule est considéré comme une seule
unité de chargement donnant lieu à une indemnité totale de 875 DTS, y compris pour
toutes les marchandises à bord. (Pour de plus amples informations veuillez vous référer
à l’annexe ainsi qu’à l’opinion du Conseil européen des chargeurs sous
www.europeanshippers.com/docs/esc-position-paper-rotterdam-rules-march09.doc).
Cette situation découle du fait que les Règles de Rotterdam ont été élaborées par la
CNUDCI sans consulter les organisations représentant les transporteurs, contrairement à la
Convention CMR, rédigée en partenariat avec l’IRU qui représente la profession routière, la
Chambre de commerce internationale représentant le monde du commerce et UNIDROIT.
La CNUDCI a appelé les Etats membres à signer les Règles de Rotterdam le 23 septembre
2009. Or, les 47 parties contractantes à la Convention CMR se trouvent face à un dilemme,
car en signant et en ratifiant les Règles de Rotterdam, elles excluraient l’application de leur
droit national et briseraient l’unité du droit routier actuellement en vigueur.
ANNEXE 1
CTM/G9635/CRA
17.08.09
Droit des transports :
Élaboration d’un projet de convention sur le transport de
marchandises [effectué entièrement ou partiellement] [par mer]
Transgression
de la Convention relative au contrat de transport international de
marchandises par route (Convention CMR),
faite à Genève le 19 mai 1956
et
de la Convention sur le droit des traités (Convention de Vienne),
faite à Vienne le 23 mai 1969
Avis transmis par l’Union Internationale des Transports Routiers (IRU)
2
I. Introduction
Lors de sa trente-quatrième session (A/56/17, par. 345), du 25 juin au 13 juillet 2001, la
Commission des Nations Unies pour le droit commercial international « …a décidé de créer un
groupe de travail pour examiner les questions indiquées dans le rapport sur les travaux futurs
possibles (A/CN.9/497) ». En mentionnant ses tâches, la Commission a décidé que ce groupe
(Groupe de travail III) « … examinerait les opérations de transport port à port; cependant, le
groupe de travail avait toute latitude pour étudier s’il serait souhaitable et réaliste d’examiner
également les opérations de transport porte à porte ou certains aspects des ces opérations
… ».
Lors de sa trente-cinquième session (A/57/17, par. 223), du 17 au 28 juin 2001, la
Commission a noté « … qu’il serait souhaitable de débattre également de la question des
opérations de transport de porte à porte et d’élaborer, pour les besoins de ces opérations, un
régime permettant de résoudre les éventuels conflits entre le projet d’instrument et les
dispositions régissant le transport terrestre dans les cas où le transport par mer était complété
par une ou plusieurs étapes terrestres ».
Il ne ressort d’aucun document que la Commission a autorisé le Groupe de travail III à
préparer un instrument qui, au lieu de « résoudre les éventuels conflits » avec « les
dispositions régissant le transport terrestre », sera, bien au contraire, une source de conflits
avec ces dernières et exposera les éventuels Etats contractants à violer tant la Convention
relative au contrat de transport international de marchandises par route (Convention CMR),
du 19 mai 1956 que la Convention sur le droit des traités (Convention de Vienne) du 23 mai
1969 1/.
En effet, le projet de Convention sur le transport de marchandises [effectué entièrement ou
partiellement] [par mer], tel qu’il ressort des travaux du Groupe de travail III (A/CN.9/WG.
III/WP. 56), contient notamment les articles 27, 89 et 90 dont l’analyse permet de constater
qu’il sera en conflit manifeste avec la Convention CMR et la Convention de Vienne.
II.
Transgression de la Convention CMR et de la Convention de Vienne
En résumé et sans entrer dans les distinctions faites par les rédacteurs de l’article 27, ce
nouvel instrument ne soumet aux dispositions du droit terrestre, dont la Convention CMR,
que les demandes ou différends naissant de la perte, du dommage ou du retard subi par les
marchandises avant leur chargement sur le navire et/ou après leur déchargement du navire.
D’autres demandes, différends ou questions seront alors soumis aux dispositions du nouvel
instrument.
Or, en sélectionnant les dispositions du droit terrestre, dont la CMR, qui s’appliqueront et
celles qui ne s’appliqueront pas (lorsqu’on sait que toutes les dispositions de la CMR
s’appliquent impérativement), l’article 27 du nouvel instrument entre délibérément en conflit
avec la Convention CMR.
1
/
Parmi les 47 États, Parties contractantes à la Convention CMR, 39 États ont également ratifié la
Convention de Vienne. Vu qu’avant leur rédaction, plusieurs dispositions de la Convention de Vienne
possédaient déjà la valeur de normes coutumières, leur caractère obligatoire pour tous les Etats, dont
ceux qui ne l’ont pas ratifié, résulte de nombreux jugements et avis de la Cour internationale de Justice
(cf. Arrêt dans l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains, Mexique c. Etats-Unis d’Amérique,
Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 2004, p.38; Arrêt dans l’affaire du plateau
continental de la Mer Egée, Recueil 1978, p. 39, Arrêt dans l’affaire des pêcheries islandaises, Recueil
1973, p. 14, Jugement concernant la compétence du Conseil de l’OACI, Recueil, 1972, p. 67; p. 14; Avis
consultatif sur la Namibie, Recueil, 1971, p. 47). Ce rappel est très important pour les cas où la question
de la non adhésion d’un Etat à la Convention de Vienne ou la non rétroactivité de cette dernière serait
éventuellement soulevée.
3
Certes, le Groupe de travail III adopte l’article 89 qui prévoit que « … aucune disposition de la
présente Convention n’interdit à un État contractant d’appliquer un autre instrument
international qui est déjà en vigueur … » dont la Convention CMR.
Toutefois, cette disposition qui, à première vue, semble écarter l’application de l’article 27 du
projet au transport international par route, est largement atténuée par l’article 90, qui prévoit
que « Dans les relations entre ses parties, la présente Convention l’emporte sur les
dispositions d’une convention antérieure à laquelle celles-ci peuvent être parties».
Cette disposition de l’article 90 du projet du Groupe de travail III expose les Etats, Parties
contractantes à la Convention CMR à la violation à la fois, des dispositions de l’article 41,
paragraphe 1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités et des dispositions de
l’article premier, paragraphe 5 de la Convention CMR.
L’article 41, paragraphe 1 de la Convention de Vienne prévoit que :
« Deux ou plusieurs parties à un traité multilatéral (en l’occurrence à la Convention CMR)
peuvent conclure un accord ayant pour objet de modifier le traité dans leurs relations
mutuelles seulement :
a.
si la possibilité d’un telle modification est prévue par le traité; ou
b.
si la modification en question n’est pas interdite par le traité, à condition qu’elle
(i) ne porte atteinte ni à la jouissance par les autres parties des droits qu’elles
tiennent du traité ni à l’exécution de leurs obligations; et
(ii) ne porte pas sur une disposition à laquelle il ne peut être dérogé sans qu’il y ait
incompatibilité avec la réalisation effective de l’objet et du but du traité pris dans
son ensemble. »
S’agissant de la lettre a. de l’article 41, paragraphe 1 de la Convention de Vienne, la
Convention CMR permet de déroger à ses dispositions dans le cas du trafic frontalier et, en
outre, dans le cas où les pays autorisent, sur leur territoire exclusivement, l’emploi de la lettre
de voiture représentative de la marchandise (lettre de voiture négociable).
Il va sans dire que le projet élaboré par le Groupe de travail III ne se limite pas aux deux
exceptions mentionnées par les Conventions CMR et que, de ce fait, il ne remplit pas la
condition mentionnée dans la lettre a. de l’article 41, paragraphe 1 de la Convention de
Vienne.
S’agissant de la lettre b. de l’article 41, paragraphe 1 de la Convention de Vienne, il convient
de souligner que l’article premier, paragraphe 5 de la Convention CMR interdit les
modifications autres que celles mentionnées dans l’alinéa précédent. Pour éviter que cette
interdiction des modifications soit contournée, notamment par les accords inter se, l’article en
question contient l’engagement suivant des États, Parties contractantes à la Convention
CMR:
« Les parties contractantes s'interdisent d'apporter par voie d'accords particuliers conclus
entre deux ou plusieurs d'entre-elles, toute modification à la présente Convention … »
L’interdiction :
- de « toute » modification ne se prête à aucune interprétation restrictive;
- des modifications par « voie d’accords particuliers conclus entre deux ou plusieurs »
Parties contractantes, exclut tout accord dérogeant aux dispositions de la Convention
CMR, même un accord inter se, tel que proposé, dans l’article 90 du projet élaboré par le
Groupe de travail III.
4
En outre, même dans l’hypothèse où la Convention CMR n’interdirait pas les accords inter se
- ce qui n’est pas le cas - les deux conditions spécifiques (« i » et « ii » de l’article 41.1, lettre
b.) ne pourraient pas être respectées cumulativement, ce qui est également prescrit par la
lettre b. de l’article 41.1 de la Convention de Vienne. A cet égard, on se bornera à rappeler
que l’éventuelle entrée en vigueur du projet du Groupe de travail III priverait les États n’ayant
pas adhéré à ce projet de la jouissance des droits qu’ils détiennent en vertu de la Convention
CMR. À titre d’exemple, les pays A, B et C sont Parties contractantes à la Convention CMR,
les pays A et B sont aussi Parties contractantes au nouvel instrument élaboré par le Groupe
de travail III. Conformément au principe pacta tertiis nec nocent nec prosunt, confirmé par
l’article 34 de la Convention de Vienne, le nouvel instrument élaboré par le Groupe de travail
III ne devra créer ni obligations ni droits pour le pays C. Or, l’adhésion des pays A et B au
projet du Groupe de travail III annulera, en raison de l’article 90 du projet, le droit du pays C
d’exiger que les pays A et B appliquent aux transporteurs du pays C, effectuant des
transports entre les pays A et B, la Convention CMR, conformément à leur engagement pris
à l’égard de chaque Partie contractante, dont le pays C, inscrit dans l’article premier,
paragraphes 1 et 5 de la Convention CMR.
L’extension des dispositions du projet de Groupe de travail III aux transports internationaux
de marchandises par route briserait l’unité du droit routier, celle-ci s’étendant aujourd’hui de
l’Atlantique au Pacifique. Suite à l’entrée en vigueur du projet mentionné, il n’y aurait plus un
seul régime juridique mais deux régimes juridiques profondément différents, tous les deux
s’appliquant à la route. Ainsi, l’objectif fondamental « de régler d’une manière uniforme les
conditions du contrat de transport international » par route, inscrit dans le préambule de la
Convention CMR (qui explique la raison d’être de l’interdiction de déroger même inter se),
serait détruit et, avec lui, la volonté des 47 États souhaitant avoir des règles uniformes sur le
contrat de transport international par route.
III.
Conclusions
Le maintien des dispositions de l’article 90 du projet de Convention sur le transport de
marchandises [effectué entièrement ou partiellement] [par mer], leur éventuelle entrée en
vigueur exposerait les États Parties contractantes à la CMR à la transgression de cette
Convention et de la Convention de Vienne et, par voie de conséquence, à la double violation
du droit international public.
Donc, quels que soient les motifs d’élaboration de ce projet, ils ne justifient certainement pas
la violation des deux Conventions internationales élaborées sous les auspices de l’ONU.
L’IRU invite la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international à limiter
la portée de la future Convention sur le transport de marchandises [effectué entièrement ou
partiellement] [par mer] aux transports port à port ou, du moins, à retirer l’article 90 du texte
du projet de Convention et, le cas échéant, à adapter d’autres dispositions en vue d’éviter
toute transgression de l’interdiction de modifier la Convention CMR.
------------