Liberté Sur mes cahiers d`écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur

Transcription

Liberté Sur mes cahiers d`écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur
Liberté
Portrait de l’autre
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
L’Autre :
Celui d’en face, ou d’à côté,
Qui parle une autre langue
Qui a une autre couleur,
Et même une autre odeur
Si on cherche bien …
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
L’Autre :
Celui qui ne porte pas l’uniforme
Des bien-élevés,
Ni les idées
Des bien-pensants,
Qui n’a pas peur d’avouer
Qu’il a peur …
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
L’Autre :
Celui à qui tu ne donnerais pas trois sous
Des-fois-qu’il-irait-les-boire,
Celui qui ne lit pas les mêmes bibles,
Qui n’apprend pas les mêmes refrains …
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
L’Autre :
N’est pas nécessairement menteur, hypocrite,
vaniteux, égoïste, ambitieux, jaloux, lâche,
cynique, grossier, sale, cruel …
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Puisque, pour Lui, l’AUTRE …
C’est Toi
Liberté.
Paul Eluard
-------------------------------------------------------------------------Il y a des mots
Il y a des mots, c’est pour les dire,
c’est pour les faire frire,
c’est pour rire.
Il y a des mots, c’est pour les chanter,
c’est pour rêver,
c’est pour les manger.
Il y a des mots, que l’on ramasse ;
des mots qui passent,
des mots qui se cassent.
Robert Gélis
-------------------------------------------------------------------------En dépit de mes cheveux blonds
Mes frères
En dépit de mes cheveux blonds
Je suis asiatique
En dépit de mes yeux bleus
Je suis Africain
Chez moi, là-bas, le pain quotidien est dans la
gueule du lion.
Et les dragons sont couchés devant les fontaines
Et l’on meurt chez moi avant la cinquantaine
Tout comme chez vous là-bas.
En dépit de mes cheveux blonds
Je suis asiatique
En dépit de mes yeux bleus
Je suis Africain
Quatre-vingts pour cent des miens ne savent ni lire
ni écrire
Et cheminant de bouche en bouche les poèmes
deviennent chansons.
Là-bas, chez moi, les poèmes deviennent drapeaux
Tout comme chez vous, là-bas.
Il y a des mots pour le matin,
des mots métropolitains,
ou lointains.
Il y a des mots épais et noir,
des mots légers pour les histoires,
des mots à boire.
Il y a des mots pour toutes les choses,
pour les lèvres, pour les roses,
des mots pour les métamorphoses,
Si l’on ose …
Nazim Hikmet
Georges Jean