exposé de la préparation d`un cours

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exposé de la préparation d`un cours
EXPOSÉ DE LA PRÉPARATION D’UN COURS
Rapport présenté par M. Lauro CAPDEVILA
Cinq dossiers différents ont été présentés aux candidats à la session 2006. En voici la composition et
les consignes de travail.
Dossier n° 1
Composition :
1. Nicolás GUILLÉN, El abuelo. in West Indies, Ltd, 1934.
2. Miguel Mateo MALDONADO Y CABRERA, De español y mestiza: castiza, 1763. Huile sur toile.
3. Rosa MONTERO, “El negro”, El País, 17/05/2005.
Consignes :
Vous envisagez de construire une séquence d’enseignement à l’aide des documents qui composent
le dossier.
Après avoir déterminé la classe avec laquelle vous souhaitez mener à bien ce travail, vous
présenterez les documents et exposerez votre projet pédagogique en veillant à la mise en cohérence
du développement des compétences des élèves et de l’accès aux contenus culturels.
Comment comptez-vous vérifier les acquis des élèves à l’issue de cette séquence ?
Dossier n° 2
Composition :
1. Wifredo LAM, Dolor de España, 1938. Gouache sur papier, 105 x 75 cm.
2. Jorge SEMPRÚN, Veinte años y un día, 2003. Extrait.
3. Pilar RAHOLA, “El ruido de las víctimas sin voz”, El País, 25/03/2006. Extrait.
Consignes :
Vous envisagez d’étudier ces trois documents en classe de première.
Vous définirez au préalable la problématique autour de laquelle s’articulera le projet pédagogique de
la séquence.
Quelles démarches adopterez-vous pour amener les élèves à comprendre et à interpréter ces
documents, tout en veillant à l’enrichissement linguistique de leur expression.
Vous veillerez à préciser pour chacun des trois documents les exercices oraux et écrits que vous
prévoyez de donner tout au long de la séquence.
Dossier n° 3
Composition :
1. Pablo del CORRAL, Entierro de un danzante. Paucartambo, Cusco. 2001. In Andes.
Photographie.
2. Mario VARGAS LLOSA, La muerte de un danzante. 2001. In Andes. Commentaire de la
photographie précédente.
3. Eleodoro VARGAS VICUÑA, Ñahuín, 1976. Extrait.
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Consignes :
Vous envisagez de construire une séquence d’enseignement dans une classe de lycée à l’aide des
documents composant ce dossier.
Après avoir présenté les documents, en mettant en évidence la problématique du sujet, vous
exposerez votre projet pédagogique en veillant à la mise en cohérence du développement des
compétences des élèves et de l’accès aux contenus culturels.
Comment comptez-vous vérifier les acquis des élèves ?
Dossier n° 4
Composition :
1. Pablo PICASSO, La Guerre et la Paix, 1952. Pigments dilués à l’eau sur deux panneaux
d’isorel de 1 x 0,47 m.
2. Antonio MACHADO, Meditación del día, février 1937.
Consignes :
Après avoir analysé les documents vous montrerez la cohérence du dossier.
Vous préciserez les objectifs que vous vous fixez.
Vous direz dans quel ordre vous comptez faire étudier les documents.
Vous ferez état des stratégies utilisées pour permettre aux élèves d’analyser les documents afin
d’accéder au sens. Quelles compétences ferez-vous travailler plus particulièrement ?
Quels critères d’évaluation proposez-vous pour vérifier les acquis des élèves par rapport aux objectifs
fixés ?
En quoi ce dossier répond-il à la fois aux exigences du Cadre européen commun de référence pour
les langues et au programme des classes terminales ?
Dossier n° 5
Composition :
1. Carlos RUIZ ZAFÓN, La sombra del viento, 2001. Extrait.
Consignes :
Vous proposerez à une classe de lycée l’étude du premier chapitre du roman de Carlos Ruiz Zafón,
La sombra del viento.
Après avoir indiqué, en justifiant votre choix, le niveau de la classe, vous exposerez en détail les
moyens que vous mettez en œuvre pour vous assurer que vos élèves ont compris ce texte.
Vous préciserez comment vous organisez l’entraînement de vos élèves à une production orale et à
une production écrite.
Vous indiquerez enfin quel(s) type(s) d’évaluation vous envisagez au cours de cette séquence.
Un héritage collectif qui doit fonder de nouvelles approches.
Une très large réflexion sur l’enseignement des langues vivantes se développe actuellement dans
tous les collèges et lycées du pays. Il s’agit de chercher à améliorer les compétences des élèves dans
la maîtrise pratique des langues. Cette quête n’est pas nouvelle par elle-même, car elle est au cœur
du métier de professeur de langues vivantes. Mais le cadrage institutionnel, les objectifs nationaux
fixés par les textes officiels, l’apparition d’outils européens pour apprendre, enseigner et évaluer et la
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ferme impulsion coordonnée dans toutes les langues enseignées modifient considérablement le
rythme, l’ampleur et la portée des évolutions.
L’épreuve professionnelle de l’agrégation interne d’espagnol, concours de haut niveau réservé à des
enseignants en exercice, ne pouvait être étrangère au mouvement engagé. La formulation des
consignes de travail invitait, souvent explicitement, à proposer des mises en œuvre conformes aux
préoccupations actuelles. Répondant aux sollicitations et témoignant de leur implication dans la
réflexion, de nombreux candidats, à juste raison, ont proposé des préparations de cours orientée vers
le développement des compétences des élèves.
Ce rapport, qui reprend les observations de tous les membres du jury –universitaires, professeurs du
second degré, inspecteurs–, se veut donc d’abord un accompagnement des enseignants d’espagnol
et futurs candidats. Examinant les idées heureuses formulées, mais aussi les problèmes rencontrés à
l’occasion des épreuves, il entend contribuer à éclairer les enjeux pédagogiques et didactiques de la
discipline tels qu’ils se posent aujourd’hui.
Des documents authentiques
L’enseignement de l’espagnol en France est, depuis longtemps, très attaché à l’authenticité des
documents soumis aux élèves. Considérant que la langue ne se justifie et ne prend sens que parce
qu’elle permet à des femmes et des hommes organisés en sociétés de penser le monde, d’échanger
et d’agir, nous ne retenons que des documents conçus par des hispanophones pour des
hispanophones. L’article de journal est écrit pour transmettre des informations, le poème pour tenter
de dire l’indicible, le roman pour faire partager une fiction, et non pour faire cours d’espagnol langue
étrangère. Les documents retenus pour la session 2006 ne faisaient pas exception à cette règle
fondamentale et fondatrice de notre enseignement.
Nous voudrions en tirer trois conséquences utiles pour le candidat.
La première est que l’on ne saurait envisager la didactisation d’un document sans avoir préalablement
procédé à une analyse exigeante. Toutes les prestations de qualité se sont appuyées ainsi sur une
mise à jour des ressorts essentiels des documents fournis par le jury. En revanche, les candidats qui
se sont dispensés de cet examen rigoureux se sont d’emblée placés dans une situation extrêmement
périlleuse, s’exposant régulièrement à de graves contresens. On ne peut construire sur le vide.
Prenons l’exemple du texte de Vargas Llosa, La muerte de un danzante. Prendre la peine de le lire
attentivement, pour lui-même, amenait à se poser la question de son rapport avec la photographie de
Pablo Corral Vega intitulée Entierro de un danzante et à essayer d’y répondre. Les références
identiques de l’ouvrage et le contenu même de la page de l’écrivain amenaient alors à conclure
rapidement que le texte était un commentaire personnel de la photographie, une réflexion inspirée par
la contemplation de l’instantanée. Il est pourtant arrivé que des candidats tout entiers absorbés par
l’invention d’un cours ne perçoivent pas ce qui relevait du sens commun et se fourvoient gravement,
incapables d’expliquer le rapport entre les deux documents. De bonne foi également, d’autres ont
décrit les œuvres iconographiques ou paraphrasé les textes qui constituaient les dossiers, pensant
qu’ils s’étaient ainsi acquittés d’un devoir canonique. L’indispensable analyse ne saurait être
confondue avec un exercice académique : de son exactitude dépend la justesse de la stratégie
pédagogique et la cohérence du cours. Ajoutons, cela pourrait aller sans dire, que plus le document
semble résister au candidat, plus il est nécessaire d’aller au fond et d’en dégager le sens. Comment
pourrait-on faire comprendre ce que l’on n’a pas osé comprendre soi-même ? L’article de Pilar
Rahola, El ruido de las víctimas sin voz, qui invitait à une réflexion exigeante, et peut-être
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dérangeante, a été éclairant à cet égard. Seuls les candidats qui avaient pris la peine de voir que la
journaliste s’inscrivait en faux contre un certain « devoir de mémoire », pourtant si fréquemment
invoqué aujourd’hui, ont pu construire des séquences convaincantes, ordonnées, faisant parfois une
place opportune à la nécessaire contradiction.
La deuxième conséquence que l’on doit tirer des principes énoncés est qu’un document ne doit jamais
être considéré comme la simple illustration d’une théorie littéraire ou artistique, de faits culturels ou
d’un ensemble de particularités linguistiques. Attardons-nous un instant sur le poème d’Antonio
Machado, Meditación del día. La date du poème, le titre du recueil Prosas sueltas de la guerra, et
divers indices dans le texte lui-même permettaient de situer clairement l’œuvre dans le contexte de la
guerre civile. Information importante, évidemment, mais qui ne saurait épuiser le poème, sauf à le nier
dans sa vérité spécifique. L’œuvre commence par l’évocation d’une beauté radieuse, d’un paysage
pensé – comme le titre le souligne – expression d’une profonde harmonie entre l’homme, l’espace et
le temps. Il convenait de bien apprécier cette paix immense évoquée avec un lyrisme dépouillé pour
percevoir le caractère destructeur de la menace qui s’affirme au vers 11. Au cœur du poème,
l’expression la guerra qui ferme la première phrase et est immédiatement reprise en écho au début de
la deuxième (une anadiplose !) introduit la rupture et modifie radicalement la vision. Le sentiment de
précarité envahit tout. On pourra alors traquer les indices subtils et annonciateurs qui préparaient le
lecteur à revenir, rétrospectivement, sur la vision première : palme « de feu » (v. 1), beauté du
crépuscule qui porte en elle les ténèbres à venir (v. 2), etc. Redisons-le, analyser un document c’est
toujours en faire ressortir la singularité qui seule légitime son existence.
Ajoutons enfin un troisième aspect : le respect de l’authenticité du document implique une lecture
personnelle, un rapport intime à l’œuvre. Il convient de chasser la crainte du risque que semble
impliquer cette approche. Si elle est très compréhensible dans un contexte d’examen, alors que l’on
se sent interrogé par un jury d’experts, elle est très mauvaise conseillère. À l’instar du candidat, les
examinateurs sont confrontés, comme lecteurs ou spectateurs, à l’œuvre. Il ne s’agit donc pas pour le
collègue candidat de répondre aux attentes présumées du jury mais bien de partager avec lui, autant
que faire se peut, l’approche de l’œuvre. Cette lecture devra donc être exigeante, s’appuyer non sur
des impressions vagues, mais des constats et des mises en relation précises qui seuls peuvent
emporter la conviction et ouvrir la voie à un vrai échange, cela va de soi. Les candidats qui s’étaient
engagés avec quelque rigueur ont ainsi pu trouver un terrain de rencontre avec les examinateurs,
percevoir les voies qui leur étaient ouvertes par des observations ou questions, se sentir soutenus et
poussés au dépassement et non déstabilisés par les remarques formulées. Dans ce cas, l’humour,
lorsqu’il était présent dans le document, n’a pas été tué par la gravité de l’épreuve, mais au contraire
mis en avant. Mieux encore, l’analyse a été approfondie, mise en perspective. Ainsi une lecture juste
de l’article de Rosa Montero, El negro, mettant en lumière l’intention de l’auteure – démontrer à
travers une anecdote que le sentiment de supériorité des Européens face à des personnes du Tiers
Monde est injustifié et ridicule – a souvent permis d’aller plus loin. Dans le dialogue, le caractère bienpensant de l’article et les présupposés implicites ont été dégagés. Pourquoi l’Allemande qui suppose
que l’Autre a quelque raison d’agir de si étrange manière, serait-elle plus ridicule que l’Africain qui la
laisse également faire ? Pourquoi celui-ci, ne fait-il pas simplement observer qu’il y a sans doute
erreur ? On voyait ainsi que sous la générosité du propos affleurait le complexe de culpabilité de
« l’homme blanc » et que, prétendant dénoncer les préjugés, l’article y succombait peut-être.
Affirmons-le nettement, comme un constat pratique et non comme un précepte moral, la mise en
danger procède presque toujours du refus de s’engager comme lecteur ou spectateur et rarement de
prises de position fondées.
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Permettre une approche authentique
Une fois posée la nécessité d’une analyse qui, pour être parfois rapide, ne doit pas moins aller au
cœur des documents, examinons maintenant le développement proprement didactique.
L’approche actionnelle, au cœur du Cadre européen commun de référence pour les langues et des
textes officiels maintenant en vigueur, nous incite non pas à revenir sur le concept d’authenticité,
examiné plus haut, mais à l’étendre de façon consciente et systématique au rapport que l’élève doit
entretenir avec la langue. En posant que la langue n’a de légitimité que si elle est action dans un
cadre social et qu’elle ne se justifie que pour faire face à des situations concrètement plausibles, cette
approche invite à favoriser une relation vraie entre l’élève et le document qui lui est proposé. Une
page de roman est faite pour être lue, avons-nous souligné ; « alors faisons-la lire » nous propose le
Cadre européen.
Examinons trois implications pédagogiques et didactiques de cette vision.
Le traitement que l’on pouvait réserver au premier chapitre du roman de Carlos Ruiz Zafón, La
sombra del viento, éclairera les candidats. Tout d’abord, la longueur et la relative complexité du texte
invitaient clairement à des choix. Il n’était à l’évidence pas possible de proposer une étude et un
commentaire détaillés des sept pages, sans submerger les élèves. Non seulement, le temps requis
aurait excédé les horaires d’enseignement, mais surtout on aurait démontré aux élèves que la lecture
d’un chapitre était hors de leur portée. Quel lecteur normal, dans un rapport authentique à un roman
actuel, accepterait de consacrer cinq ou six heures, voire plus, à déchiffrer les premières pages ?
C’est tout le contraire que le professeur doit permettre aux élèves de se prouver. Il convient que ceuxci, par l’expérience pratique, se convainquent qu’ils peuvent être des lecteurs. On touchait ici à un
point décisif de l’approche actionnelle : la définition d’un objectif correspondant à la maîtrise d’une
situation langagière légitime et objectivable. Les descripteurs proposés par le Cadre européen
fournissent à cet égard les repères indispensables. On pouvait retenir celui-ci : « Je peux comprendre
un texte littéraire contemporain en prose » (CECR, p. 27) qui relève du niveau B2, c’est-à-dire du
niveau de compétence attendu pour un élève de terminale en langue vivante 1. La consultation des
Portfolios ou des descripteurs fins proposés en annexes du Cadre européen, permettait encore de
préciser l’objectif et d’indiquer qu’il s’agissait d’identifier les personnages, de comprendre
l’enchaînement des événements et d’apprécier l’évolution des sentiments du héros. On saisit tout
l’intérêt de cette démarche. Sur proposition de son professeur, c’est l’élève qui s’assigne un but dont il
pourra vérifier s’il l’a atteint. Il n’est pas soumis à des exigences unilatérales de l’enseignant qui le
placeraient en position passive d’exécutant. L’usage de la langue fait sens pour lui et il peut donc faire
appel à son intelligence, élaborer des stratégies qu’il reconnaît comme efficaces et, peu à peu,
développer son autonomie langagière.
Poursuivons avec un autre exemple, le tableau de Wifredo Lam intitulé Dolor de España, afin de
cerner cette recherche d’un rapport authentique de l’élève à la langue espagnole en nous attardant
sur la définition des tâches. Les candidats se référeront utilement à la réflexion proposée par le Cadre
européen à ce sujet, pages 121 à 127. Retenons que les tâches sont d’abord définies non comme des
exercices formels mais « des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public,
éducationnel et professionnel » dont l’exécution suppose « de mener à bien un ensemble d’actions
finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier » (p. 121). Nous
sommes bien dans le domaine d’une parole qui fait sens car elle permet d’intervenir dans le réel. Le
Cadre européen précise également que d’autres tâches « de nature plus spécifiquement
“pédagogique”, sont fondées sur la nature sociale et interactive “réelle” et le caractère immédiat de la
situation de classe. Les apprenants s’y engagent dans un “faire-semblant accepté volontairement” »
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(ibidem). Les candidats qui ont eu ainsi le souci de définir des tâches faisant sens, ont proposé
diverses solutions intéressantes. Par exemple : « Membre du comité d’organisation de l’exposition,
vous rédigez la notice de présentation du tableau pour le catalogue. ». Autre possibilité : « Vous
présentez ce tableau à un ami qui le découvre pour la première fois en essayant de lui faire partager
vos impressions personnelles. » Autre exemple concernant l’expression orale mais mettant en jeu des
moyens sensiblement différents : « Parlant avec un ami, vous évoquez ce tableau que vous avez
découvert récemment. Il ne le connaît pas. Vous essayez de le lui décrire et de le convaincre d’aller à
l’exposition. » On le voit, le mérite de la tâche est qu’elle vise à instaurer un rapport direct entre l’élève
et le document qui fonde l’usage de la langue, au lieu d’un rapport de dépendance entre l’élève et le
professeur où le document tend à ne plus être qu’un prétexte. Dans le deuxième cas, l’apprenti est
confronté en aveugle aux exigences du professeur et ne produit que pour soumettre à un contrôle de
correction, dans le premier, il affronte ses propres besoins et recherche l’efficacité.
Ce travail de définition d’une situation langagière légitime sous forme d’une tâche, ou mission, précise
assignée à l’élève relève de l’expertise du professeur. Cela lui permettra ensuite de se mettre en
retrait pour laisser l’élève aux prises avec la langue, faisant ainsi son apprentissage. Il apparaîtra alors
comme celui qui soutient la démarche, aide à évaluer les succès, attire l’attention sur ce qui fait
difficulté ou qui mérite d’être mémorisé. Un peu comme le fait l’entraîneur d’un sportif. On comprend
donc toute l’importance de la définition de la tâche qui va permettre à l’apprenti de faire une
expérience profitable. Rappelons quelques caractéristiques indispensables :
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La consigne claire fixe à l’élève un objectif concret dont l’atteinte pourra être vérifiée par tous.
Les activités langagières doivent apparaître très nettement dans l’énoncé : compréhension de
l’écrit, interaction orale, etc.
Le traitement du document respectera son authenticité : inviter à développer la
compréhension de l’oral en écoutant la lecture d’un texte écrit, une page de roman ou un
article de journal, porte atteinte à la légitimité du document.
La situation et les rôles seront plausibles et fixés en tenant le plus grand compte du degré de
maîtrise des élèves. Le ressassement et la confrontation avec des tâches hors de portée ne
sont pas porteurs d’apprentissage.
Les conditions de réalisation de la performance seront précisées avec soin. La durée, par
exemple est décisive : présenter à un auditoire des informations en une minute, en cinq ou en
dix relève de niveaux de compétence très différents. D’autres circonstances jouent
également : échanger les mêmes informations ou arguments en face à face ou au téléphone
renvoie à des degrés de maîtrise qui sont loin d’être identiques.
Un temps précis de préparation autonome sera donné aux élèves et respecté par
l’enseignant. Ce moment d’élaboration des stratégies, de mobilisation et d’identification des
ressources, de reconnaissance des doutes, de formulation des hypothèses est extrêmement
fécond. Il conditionne l’efficacité de la phase de production et l’intérêt de l’évaluation. Il sera
souvent utile de proposer aux élèves de travailler par groupes lors de, la collaboration des
apprentis permettant de conforter les avancées et légitimant les doutes.
Quelques aides pourront être données, afin de lever des obstacles peu pertinents à ce stade
de l’apprentissage ou eu égard à la situation que l’on veut créer : contextualisation utile, notes
d’élucidation, etc. Le choix et le nombre de ces points d’appui mettent en jeu la compétence
de l’enseignant. En donner trop, c’est déclarer à l’apprenti que l’on pense que le texte est hors
de sa portée. Les choisir en fonction de visées extérieures au document, c’est transformer ce
dernier en prétexte. Au risque du pléonasme, affirmons que les aides doivent faciliter le travail
de l’élève ; rassurantes, elles mettent la tâche à sa portée.
La performance, ou exécution finalisée de la tâche, donnera lieu à appréciation collective,
guidée par le professeur. Cette appréciation devra donner lieu à identification et mémorisation
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d’éléments reconnus comme propres à surmonter les difficultés et assurer le succès : lexique,
correction linguistique, etc.
Au premier plan : l’élève apprenant la langue et les cultures hispaniques
Le verbe « se débrouiller » revient plusieurs dizaines de fois dans le Cadre européen commun de
référence pour les langues. Si l’on ajoute l’expression équivalente « être capable de faire face à [une
situation] », on peut constater que le concept est appliqué à toutes les activités langagières et à tous
les niveaux de compétence1.
Ce maître mot éclaire une vision de la langue et, partant, de son apprentissage efficace : il appartient
au professeur de montrer à l’élève qu’il peut se tirer d’affaire dans une situation « hispanique »
donnée et de l’inviter à élargir de façon graduelle le champ de son autonomie. Il doit être conscient
que les cultures du monde hispanophone, dans leur diversité et leurs interactions, sont présentes dès
le premier mot. Comme tout élève qui est allé en Espagne le sait, dire “¡Hola Paco!”, c’est établir une
relation, étrangère, au sens plein du mot, pour un Français. D’autant plus, si « Paco » en question est
le professeur de mathématiques que l’on salue ainsi en entrant en classe. Mais n’est-ce pas cette
« étrangeté » qui séduit nos élèves car elle les enrichit ?
Très rapidement, on cherche les clés de ce monde complexe, on met en relation les éléments connus,
on essaie d’appréhender la cohérence de l’ensemble. Ainsi, à très juste titre, des candidats ont
indiqué que des élèves pouvaient être amenés à rapprocher le tableau de Lam, du Guernica que nous
leur faisons découvrir bien souvent et qu’ils apprécient. On pouvait aussi songer au Tres de mayo,
vision emblématique et déchirante de la victime et du caractère irréductible de son statut. Le chef
d’œuvre de Goya devait être placé sur un grandiose arc de triomphe en 1814 célébrant le retour de
Ferdinand VII. Mais le souverain, loin de se faire une gloire de l’œuvre la remisa dans l’obscurité des
collections de l’Académie de San Fernando où elle resta ignorée jusqu’à sa mort, en 1833. Sans
doute celui-ci avait-il perçu que la douleur des victimes ne pouvait être récupérée, comme Pilar
Rahola le dit aujourd’hui à sa manière.
Enseigner l’espagnol, c’est enseigner à comprendre et à se faire comprendre des hispanophones, à
partager leurs façons de voir le monde.
L’apprendre, c’est s’enrichir, s’élargir, se rendre compte que l’on peut progressivement conquérir des
espaces nouveaux illimités. C’est apprendre à être hispanophone, sans cesser d’être Français.
N’est-ce pas ce que nous aimons pour nous ? Ouvrons grandes les portes à nos élèves.
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On relève plus de 40 occurrences de ces deux expressions.
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