Syndrome des jambes sans repos pendant la grossesse

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Syndrome des jambes sans repos pendant la grossesse
MedActuel
DPC
votre développement professionnel continu
La faculté
de médecine
de l’Université Laval
vol. 13 no 7 29 mai 2013
Objectifs pédagogiques
◾ Comprendre l'impact de
Pharmacothérapie au quotidien
Syndrome des jambes
sans repos pendant la grossesse
la grossesse sur l’évolution de
la maladie.
◾ Présenter les principes généraux
de la prise en charge des jambes
sans repos pendant la grossesse.
◾ Choisir le traitement approprié
pour traiter une femme enceinte
atteinte du syndrome.
Par Lauriane Ginefri, D. Pharm.*
Affiliations de l’auteur
* Texte rédigé par Lauriane
Ginefri, D. Pharm. (France),
assistante de recherche, centre
IMAGe, CHU Sainte-Justine.
Le syndrome des jambes sans repos est un trouble neurologique caractérisé
par des paresthésies avec un besoin impérieux de bouger les jambes,
associé à des mouvements spontanés et incommodants lorsque ce besoin
n’est pas assouvi1,2. Dans certaines atteintes plus graves, d’autres groupes
musculaires dont les bras peuvent être atteints1.
S
a prévalence dans la population générale varie de 5 % à
15 %, les femmes étant plus
souvent atteintes que les
hommes3,4. La grossesse est associée avec une aggravation de la
forme chronique et l’apparition
d’une forme transitoire. Ainsi, l’incidence des jambes sans repos est
augmentée en grossesse avec une
plus grande proportion de cas
graves. La prévalence des symptômes varie selon les études entre
13,5 % et plus de 20 %, ce qui correspond à un risque augmenté de deux
à trois fois5-9.
Cas clinique
Daphné, 30 ans, vient vous
consulter. Elle souffre du
syndrome des jambes sans
repos et prend 0,5 mg de
clonazépam au coucher depuis
quelques mois, ce qui la
soulage bien. Elle vous informe
qu’elle et son conjoint
planifient une grossesse dans
les mois à venir et elle
souhaite savoir si elle peut
poursuivre son traitement.
Influence du syndrome
des jambes sans repos sur
la grossesse
Le syndrome des jambes sans repos n’est pas associé à un risque accru de complications obstétricales.
Toutefois, les symptômes peuvent
altérer la qualité de vie de la patiente et affecter le déroulement de
la grossesse. Dans une étude réalisée hors du cadre de la grossesse,
75 % des participants avec des critères diagnostiques des jambes
sans repos présentaient au moins
un symptôme relié à un sommeil
inadéquat4. Un pourcentage important décrivait un impact sur la
capacité de bien fonctionner le
jour, sur l’humeur et dans les relations interpersonnelles. De plus,
les patients présentaient plus de
symptômes associés aux troubles
dépressifs.
Influence de la grossesse sur
le syndrome des jambes
sans repos
La grossesse est associée à l’apparition d’une forme transitoire de
syndrome des jambes sans repos9.
De plus, une proportion importante de femmes avec une forme
chronique de syndrome des
jambes sans repos note une augmentation des symptômes en grossesse. Selon les études, entre 23 % et
61 % des femmes décrivent une aggravation des symptômes6,10. Dans
les deux formes de la maladie
(chronique et transitoire en grossesse), la gravité des symptômes est
maximale lors du troisième trimestre avec une durée moyenne,
durant la grossesse, de six mois
pour la forme chronique et de trois
mois pour la forme transitoire 6.
Après l’accouchement, l’inci-dence
du syndrome des jambes sans repos diminue et redevient semblable à celle observée dans la population féminine générale6.
Traitement
Un traitement pharmacologique
n’est pas toujours nécessaire et doit
être réservé aux patientes avec des
troubles modérés à graves11. Il a été
estimé que seulement un tiers des
patients présentent des symptômes
justifiant une prise en charge par
des médicaments11.
Une échelle a été validée pour aider à déterminer la gravité des
symptômes, leur impact sur la vie
quotidienne, et pour évaluer l’efficacité du traitement s’il y a lieu. Le
lecteur est invité à la consulter pour
plus de détails à ce sujet12,13. Les
principes généraux de traitement
du syndrome des jambes sans repos
durant la grossesse sont présentés
au tableau I.
Mesures non pharmacologiques
Le syndrome des jambes sans repos
en grossesse est associé à certaines
maladies dont l’insuffisance rénale,
le diabète, les maladies rhumatologiques, l’insuffisance veineuse et la
carence en fer1. Ainsi, les examens
paracliniques demandés par le médecin pourraient inclure une formule sanguine complète, une ferritine et une évaluation sommaire
pour la présence d’une maladie rénale ou hépatique.
On doit aussi réviser l’histoire
médicamenteuse et les habitudes
de vie pour identifier des facteurs
précipitants potentiels tels que les
médicaments avec une action antidopaminergique (neuroleptiques,
métoclopramide), certains antidépresseurs (inhibiteurs sélectifs du
recaptage de la sérotonine, antidépresseurs tricycliques), les antihistaminiques, la caféine, la nicotine et
l’alcool14. Si certains de ces facteurs
sont identifiés, l’objectif est de les
supprimer ou, au moins, de les éloigner de la période de sommeil ou
d’immobilisme (p. ex., consommation de tabac ou de caféine pas plus
tard qu’au souper).
Il faut conseiller aux patientes
d’adopter une saine hygiène du
sommeil pour minimiser l’impact
d’une mauvaise qualité de sommeil
sur la symptomatologie. Les
conseils incluent l’adoption d’un
horaire régulier, une marche ou un
autre exercice d’intensité modérée
avant le coucher, les bains chauds et
les massages.
Mesures pharmacologiques
Suppléments de fer
Un taux de ferritine sérique inférieur à 45-50 µg/L a été associé à
une augmentation de la gravité des
symptômes du syndrome des
jambes sans repos dans la population générale15. Il est donc recommandé que toute patiente atteinte
soit évaluée pour une carence en fer
avec dosage de la ferritine sérique.
Bien qu’il manque encore des données pour évaluer l’efficacité du
traitement de réplétion, un supplément de fer et de folate devrait être
considéré comme première intention pendant la grossesse.
Suite à la page 31
Tableau I
Principes généraux du traitement du syndrome des jambes sans repos
durant la grossesse
n
n
n
n
n
n
n
n
Identifier les facteurs précipitants potentiels et minimiser leur impact sur la symptomatologie.
Conseiller sur les mesures non pharmacologiques qui peuvent aider à soulager les symptômes (voir Xxxxxx).
Une minorité de femmes nécessiteront un traitement pharmacologique.
L’efficacité des traitements pharmacologiques n’a pas été attestée dans cette indication et il n’existe aucune directive
clinique de traitement pharmacologique durant la grossesse.
La ferritine sérique devrait être mesurée chez toutes les patientes, suivie d’une supplémentation en fer lorsque
la ferritine est inférieure à 45 µg/L (60 à 200 mg de fer élémentaire par jour selon les valeurs de ferritine et
d’hémoglobine, divisés en 1 à 3 prises par jour; la voie parentérale peut être envisagée lorsque nécessaire)15.
Pour des symptômes modérés à graves intermittents : considérer la prise au besoin d’une benzodiazépine
ou d’un opiacé14.
Pour des symptômes quotidiens non soulagés par la prise d’une benzodiazépine ou d’un opiacé ou associé à
des symptômes douloureux : considérer l’utilisation de la gabapentine après le premier trimestre14.
Pour soulager les symptômes nocturnes, prendre les médicaments dans la soirée pour laisser un délai suffisant
à leur action avant le coucher.
>
L’auteur tient à remercier
Brigitte Martin, pharmacienne,
pour l’utilisation des données
qu’elle a synthétisées sur
l’utilisation des benzodiazépines et
des anticonvulsivants durant
la grossesse, ainsi que
la Dre Annabelle Cumyn, médecin
interniste, pour sa contribution.
Conseil de rédac­tion
et révi­sion scien­ti­fi­que
Président du conseil
Dr François Croteau
Médecin de famille,
hôpi­tal Santa-Cabrini,
Montréal;
Membre du Comité de
formation médicale
continue de Médecins
francophones du Canada;
Directeur médical du
Groupe Santé, Québec,
Rogers Média.
Dre Johanne Blais
Membre du Conseil de
FMC de la faculté de
médecine
de l’Université Laval;
Responsable du Comité
de FMC du dépt. de
médecine familiale de
l’Université Laval;
Professeur titulaire de
clinique, CHUQ, hôpital
Saint-François d’Assise. Dr Roger Ladouceur
Responsable du Plan
d’autogestion de DPC,
Collège des médecins
du Québec;
Professeur agrégé de
clinique du dépt. de
médecine familiale
de l’Université de
Montréal;
Médecin de famille,
Hôpital de Verdun du
CSSS du Sud-OuestVerdun.
Dre Francine Léger
Médecin de famille;
Professeur adjoint de
clinique au département
de médecine familiale de
l’Université de Montréal;
Service de périnatalité
du CHUM.
Dre Diane Poirier
Médecin, M.Sc.;
Chef du service des
soins intensifs au CSSS
Richelieu-Yamaska;
Professeur
d’enseignement clinique
au CHUS;
Membre du comité de
formation continue de
Médecins francophones
du Canada
www.ProfessionSante.ca – 29 mai 2013 – L’actualité médicale – 29
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Syndrome des jambes sans repos pendant la grossesse
Tableau II
Données d’innocuité en grossesse des agonistes et précurseurs dopaminergiques utilisés dans le traitement du syndrome des jambes sans repos
Médicament
Données d’innocuité Recommandations/commentaires
Agonistes dopaminergiques
Dérivés ergot
■ Les données sur la cabergoline n’indiquent pas un risque
■ La majorité des données concernent des patientes traitées pour améliorer la fertilité lors d’hyperprolactinémie avec un traitement
Cabergoline
augmenté de malformation majeure lorsque le traitement est
discontinué une fois la grossesse connue : plus de 700 femmes traitées dans différentes études, sans risque accru observé de
cessé tôt durant la grossesse.
malformations majeures, avortement spontané ou autres issues dévaforables17,20-23.
■ Les données sont trop limitées pour conclure sur son innocuité
■ Deux études ont évalué le développement des enfants à long terme, sans preuve d’atteinte20,21.
si le traitement est poursuivi durant toute la grossesse. Ainsi,
son utilisation ne sera pas recommandée durant la grossesse.
Non dérivés ergot
■ Données animales : pas d’effet tératogène identifié chez deux espèces animales17. Diminution des taux d’implantation et
Le pramipexole et le ropinirole n’ont pas été suffisamment
Pramipexole
documentés pour évaluer leur risque tératogène.
augmentation de l’incidence des résorptions totales chez le rat pour des doses supérieures aux doses humaines : effet attribué à l
Leur utilisation n’est pas recommandée durant la grossesse.7.
a diminution de prolactine, hormone nécessaire à l’implantation chez le rat mais pas chez l’humain17.
■ Patiente traitée par pramipexole pour maladie de Parkinson pendant toute la grossesse à la dose de 4,5 mg par jour.
Naissance d’un enfant à terme et en santé avec une évaluation à l’âge de 6 mois ne montrant pas d’anomalies17.
■ Une étude observationnelle publiée sous forme de résumé a recensé 8 patientes traitées par pramipexole, période d’exposition
inconnue : 1 avortement spontané et 7 enfants en santé24.
■ Données animales : augmentation des taux de malformations des doigts, diminution des poids fœtaux et augmentation des morts
Ropinirole
fœtales chez le rat à des doses supérieures aux doses humaines17. Pas d’effet tératogène identifié chez le lapin lorsqu’administré seul17.
Association avec un risque augmenté de polypes de l’endomètre utérin bénins dans une étude de carcinogenèse chez la souris17.
■ Une étude observationnelle publiée sous forme de résumé mentionne le cas d’une patiente traitée par ropinirole,sans précision
sur la période d’exposition, avec naissance d’un enfant en santé24.
Précurseurs dopaminergiques
Les données disponibles restent trop limitées pour évaluer
Lévodopa Lévodopa :
■ 31 femmes enceintes traitées par lévodopa dans une étude observationnelle publiée sous forme de résumé24. 30 ont été traitées
clairement les risques.
(en association
ou non avec
au moins au premier trimestre et 10 ont continué le traitement pendant toute la grossesse :pas de malformations majeures
carbidopa)
identifiées parmi les 24 naissances vivantes24.
■ Au moins 50 rapports d’expositions pour la prise en charge de la maladie de Parkinson ou du syndrome de Segawa. Périodes
d’exposition pas toujours spécifiées mais, dans la majorité des cas, traitement des patientes pendant toute la grossesse :
41 enfants sans anomalies identifiées, 4 avortements spontanés et 3 enfants avec malformations (toutes différentes)17,25-28.
Un cas de complication néonatale avec convulsions à une heure de vie et pneumonie (lien de causalité non déterminé)17.
■ 6 femmes ayant reçu la lévodopa au cours du deuxième ou troisième trimestre en dose unique ou sur quelques
jours : enfants sans anomalies rapportées17.
Carbidopa :
■ Au total, 25 femmes exposées pendant la grossesse, toutes en association à la lévodopa (cas inclus dans les données
lévodopa), aucun cas de malformation majeure parmi les naissances, au moins 3 avortements spontanés17,27,28.
La technologie médicale
et les soins à nos patients
COLLOQUE FRANCOPHONE
DE MÉDECINE DE LA
PÉNINSULE ACADIENNE
1er juin 2013
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COLLOQUE FRANCOPHONE
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15 novembre 2013
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Montréal QC H2P 2Z6
Téléphone : 514 388-2228
Télécopieur : 514 388-5335
[email protected]
medecinsfrancophones.ca
La technologie médicale est
omniprésente dans nos pratiques
cliniques au quotidien. Généralistes
et spécialistes, nous optons pour
des services diagnostiques et des
traitements nécessitant l’usage
d’une technologie médicale dont
nous n’avions même pas rêvé il y
quelques années. De la tomographie axiale (CT scan), la
résonance magnétique, les méthodes diagnostiques par
technologie génétique au remplacement du genou et de la
hanche par des prothèses, à l’implant cochléaire pour la
surdité, en n’oubliant pas le cœur mécanique à long terme
chez les défaillants cardiaques, voilà autant d’exemples qui
me viennent spontanément à l’esprit.
C’est à la lecture d’un article se référant aux épisodes de la
série de science-fiction Star Trek que le sujet de cet article a
commencé à germer. Le tricordeur médical1 de M. Spock est
un petit ordinateur portable doté d’une sonde détachable qui
donne le diagnostic de la maladie lorsqu’il est appliqué sur
une partie du corps humain. Il faut mentionner que Star Trek
a fait ses débuts à l’écran en 1966. En 2013, le rêve d’un
appareil mobile capable de diagnostiquer certaines maladies
est aujourd’hui plus près de la réalité. Plusieurs applications
médicales sont en développement en lien avec la disponibilité
quasi universelle des téléphones dits intelligents. Des
messages textes aux capteurs capables d’enregistrer les
signes vitaux, une grande panoplie d’applications sont en
voie de faire une entrée remarquée dans le domaine de la
santé.
La technologie, qu’elle soit informative, diagnostique ou
thérapeutique est maintenant présente de
universelle
dans nos pratiques cliniques. Il nous faut l’apprivoiser, la
comprendre et surtout bien l’utiliser au profit de la santé et du
bien-être de nos patients. La technologie n’est pas
nécessairement synonyme d’une dépersonnalisation de
l’acte médical. Au contraire, nous devons tout faire pour bien
traduire son usage auprès de nos patients. Encore plus que
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Format du PAP : 100 %
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L’actualité
médicale – 29 mai 2013
– : www.ProfessionSante.ca
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Nº annonce :
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jamais, nous devons personnaliser, humaniser et démocratiser
notre approche aux patients, être sensibles à leurs besoins
propres et réalistes face à une demande qui parfois va
au-delà de ce qui est possible technologiquement et
humainement.
Notre association est plus que jamais convaincue que
l’usage des technologies novatrices est maintenant une
réalité incontournable de notre pratique au quotidien. Nous
avons, à ce titre, mis à la disposition de tous nos membres
un site Internet convivial et le plus informatif possible. Nous y
offrons à tous nos membres l’accès gratuit à un des outils les
plus crédibles de savoir médical, La Lettre Médicale. Et, plus
récemment, nous avons permis l’usage gratuit de l’outil
e-Thérapeutique+ qui permet une recherche en temps réel
sur tous les médicaments disponibles au Canada, leur
usage, les interactions possibles, les avis de Santé Canada
ainsi que tous les formulaires d’exception.
Lors du Symposium francophone de médecine en octobre
dernier, les présentations étaient disponibles sur vos tablettes
électroniques afin de faciliter l’apprentissage. Nous
souhaitons ne pas oublier, toutefois, tous les efforts à
déployer
institutionnelle, afin d’offrir à nos patients une approche
humaine, chaleureuse et personnelle. L’usage des outils
technologiques ne s’inscrit pas en faux, mais nous avons à
déployer des efforts concrets et quotidiens afin d’expliquer,
de faire comprendre et d’appliquer ces outils. L’humanisation
des soins n’est pas seulement un beau concept; nous devons
veiller à ce que l’approche médicale demeure humaine et
sensible aux besoins de la personne. À ce sujet, nous vous
invitons le 8 octobre prochain à participer à la journée
consacrée à la formation des médecins dans le cadre du
premier congrès de Planetree International à se tenir en
dehors des États-Unis.
1
Medical Technology. The dream of the medical tricorder. The hand-held
diagnostic devices seen on Star Trek are inspiring a host of medical add-ons
for smartphone. The Economist, December 1, 2012.
Michel Carrier, M.D., MBA
Président de Médecins francophones du Canada
Tableau III
Données d'innocuité en grossesse des anticonvulsivants, benzodiazépines et opiacés utilisés dans le traitement du syndrome des jambes sans repos
Médicament
Données d’innocuitéRecommandations/commentaires
Anticonvulsivants
■ 261 grossesses exposées à la gabapentine en monothérapie dans une compilation de séries de cas, d’études et de registres,
Gabapentin
Les données sont limitées pour évaluer les
sans risque accru de malformations majeures29,30.
risques. Une utilisation peut être envisagée
■ Quatre registres récents cumulent au total 129 grossesses exposées (surtout polythérapie, sans risque accru de malformations
après le premier trimestre en cas de symptômes
graves ne répondant pas aux traitements de premajeures)17,31-33
mier recours, en particulier en présence de douleurs associées ou de mouvement périodiques
des jambes durant le sommeil.
■
Utilisation non recommandée durant la grossesse
Prégabaline
Données animales : absence de risque tératogène identifié chez trois espèces animales à doses similaires à celles utilisées
étant donné que les données sont trop limitées
chez l’humain; embryotoxicité et anomalies squelettiques et viscérales à doses élevées entraînantaussi une toxicité maternelle17.
■ 26 grossesses exposées au cours d’essais cliniques : 5 avortements spontanés, 5 interruptions de grossesse (raison inconnue),
pour évaluer les risques.
6 issues de grossesse inconnues et 10 enfants nés en santé, dont un avec un petit hémangiome. Toutes les femmes ont cessé leur
traitement une fois la grossesse connue34.
Benzodiazépines
■ Pas d’augmentation du risque de malformation majeure notée dans plusieurs étudesde cohortes réalisées auprès de milliers de femmes
Un traitement par benzodiazépines est possible
Clonazépam
au cours de la grossesse. Des complications néoexposées à une benzodiazépineau premier trimestre17,35-38, incluant 435 expositions au clonazépam.
■ Association avec un risque augmenté de fentes labio-palatines dans quelques études cas-témoins rassemblées dans une méta-analyse35;
natales transitoires sont possibles pour une utilisation répétée en fin de grossesse.
le risque absolu est estimé à environ 2 pour 1000 expositions, contre environ 1 pour 1000 naissances dans la population générale
canadienne (période critique de palatogenèse de 8 à 11 semaines de grossesse).
■ Autres associations (malformations cardiovasculaires, atrésies digestives ou anales) parfois suggérées par d’autres études cas-témoins
ou de surveillance; lien de causalité non confirmé pour le moment17,39.
du risque (environ 2 fois) de prématurité, de faible poids à la naissance, de score d’Apgar diminué et de problèmes respiratoires37;
lien de causalité indéterminé; d’autres études montrent des résultats similaires40 ou contraires38.
■ Syndrome d’imprégnation (floppy infant syndrome) possible chez les enfants exposés à des doses importantes ou régulières à la fin de
la grossesse. Plus rarement un syndrome de retrait a été décrit. Apparition des symptômes rapidement après la naissance et durée
généralement de quelques jours17,41.
■ Peu d’évidence d’anomalies du développement neurocomportemental à ce jour dans de petites cohortes d’enfants exposés in utero17,42,43.
Fer
■ Des milliers de patientes exposées pendant la grossesse sans association avec un risque augmenté de malformation majeure41.
Les suppléments de fer peuvent être utilisés
Fer
chez la femme enceinte.
Opiacés
■ Opiacés non associés à un risque accru de malformations majeures dans la plupart des études (près de 10 000 expositions au premier
Un traitement par un opiacé est possible au cours
Codéine
de la grossesse.
Hydrocodone
trimestre à la codéine, 380 à l’hydrocodone, La codéine est à privilégier au premier trimestre,
Hydromorphone
possible au cours de la grossesse. 12 à l’hydromorphone, 70 à la morphine, plus de 350 à l’oxycodone et 150 au tramadol)17,44.
■ Plusieurs études rétrospectives ont associé l’utilisation de la codéine avec diverses anomalies (voies respiratoires, génito-urinaires, hernies
étant plus documentée chez la femme enceinte.
Morphine
D’autres opiacés pourraient être utilisés selon le juOxycodone
ombilicales ou inguinales, sténose du pylore, hydrocéphalie, anomalies cardiaques, neuroblastome, fentes labio-palatines). Les limites
gement clinique; l’utilisation d’un opiacé ayant une
Tramadol
méthodologiques présentes dans ces études et l’absence de patron reproductible d’anomalies ne permettent pas d’établir clairement un lien
structure similaire à celle de la codéine pourrait
de causalité17.
■ Opiacés associés à un risque de syndrome de sevrage chez les bébés à la naissance17,41. Symptômes de sevrage (perturbation du système
alors être privilégiée.
Lors d’une utilisation répétée en fin de grossesse,
nerveux central [ex. : tremblements, température instable, pleurs et sursauts spontanés] et du système gastro-intestinal [ex. : difficulté à
suivi plus étroit nécessaire chez le nouveau-né
s’alimenter, vomissements]) pris en charge par des mesures allantd’un simple emmaillotement à l’administration d’un traitement
dans les premiers jours de vie.
pharmacologique de courte durée pour les cas plus graves (ex. : faibles doses de morphine).
> Suite de la page 29
à la tératogenèse structurelle (voir
tableau III).
La base du traitement du syndrome
des jambes sans repos repose habituellement sur l’utilisation d’agonistes dopaminergiques (pramip e xole , ropi n i role) ou de
précurseurs dopaminergiques (lévodopa). Cependant, ces médicaments sont peu documentés en
grossesse et ne peuvent donc pas
être recommandés chez la femme
enceinte (voir tableau II).
Opiacés
Agonistes et précurseurs
dopaminergiques
Benzodiazépines
Les benzodiazépines font partie
des options de traitement pouvant
être utilisées pour cette indication
au cours de la grossesse. Le clonazépam est la molécule la plus utilisée dans le syndrome des jambes
sans repos, à la dose de 0,5 mg par
voie orale le soir (peut être augmenté au besoin jusqu’à 2 mg par
dose)11,14,15. Étant donné sa longue
demi-vie, une benzodiazépine
ayant une demi-vie d’élimination
plus courte (p. ex., oxazépam, lorazépam) peut être privilégiée pour
la fin de la grossesse afin de minimiser les risques d’effets indésirables transitoires chez le nouveau-né. Cependant, leur efficacité
dans cette indication n’a pas été
évaluée. Les benzodiazépines ont
été associées à un léger risque augmenté de fentes labio-palatines
dans certaines études, mais l’ensemble des données est toutefois
plutôt rassurant en ce qui a trait
L’oxycodone est l’opiacé dont l’efficacité a été la mieux évaluée pour le
soulagement du syndrome des
jambes sans repos en dehors de la
grossesse, à la dose initiale de 5 à 10
mg par voie orale prise le soir14. La
codéine est toutefois l’opiacé le plus
documenté chez la femme enceinte
et pourrait donc être privilégié durant le premier trimestre (p. ex., à la
dose de 30 à 60 mg par voie orale
prise le soir). En cas d’utilisation régulière des opiacés en fin de grossesse, un suivi plus étroit est suggéré
chez le nouveau-né, car ils peuvent
entraîner un syndrome de sevrage
chez certains, dépendant entre autres
de la nature et de la dose de l’opiacé
utilisé (voir tableau III).
Anticonvulsivants
Les anticonvulsivants sont parfois
utilisés pour traiter le syndrome
des jambes sans repos principalement lorsque les symptômes quotidiens ne sont pas soulagés par la
prise d’une benzodiazépine ou
d’un opiacé, ou lorsqu’il y a des
symptômes douloureux associés.
La carbamazépine est la première
de cette classe à avoir été évaluée
dans cette indication11. En pratique,
elle est peu utilisée dans la population atteinte du syndrome des
jambes sans repos vu la plus grande
occurrence d’effets indésirables16.
De plus, son utilisation au premier
trimestre est associé à un risque tératogène. Bien que le risque absolu
de malformations majeures associé
à une exposition à la carbamazépine durant l’organogenèse soit
probablement inférieur à 5 %, elle
est associée à un risque accru de
certaines anomalies structurelles,
en particulier les anomalies du tube
neural (risque absolu d’environ
0,5 % à 1 %)17,18.
La gabapentine et la prégabaline
ont également été évaluées dans la
population générale pour cette indication. Les données d’innocuité
de la gabapentine pendant la grossesse restent limitées, mais une utilisation après le premier trimestre
peut être envisagée en cas de symptômes graves, surtout s’il y a des
douleurs neuropathiques associées
ou en présence de mouvements périodiques des jambes durant le
sommeil14. La dose de départ de la
gabapentine qui a été utilisée dans
ce contexte est de 300 mg le soir
(deux heures avant le coucher), à
augmenter selon la réponse au traitement (peut être augmentée aux
semaines par paliers de 300 mg)19.
La prégabaline n’est pas recommandée compte tenu des données
très limitées concernant son utilisation chez la femme enceinte (voir
tableau III).
Conclusion
La grossesse favorise l’apparition
du syndrome des jambes sans repos
ou son aggravation chez certaines
femmes déjà atteintes. La bonne
retour sur le Cas clinique
Vous expliquez à Daphné les données d’innocuité des benzodiazépines
pendant la grossesse, à savoir que l’ensemble des études publiées ainsi
que l’expérience d’utilisation chez la femme enceinte sont rassurantes.
On ne s’attend pas à ce que ses chances d’avoir un enfant sans
malformation majeure soient différentes d’une personne ne prenant pas
de médicament (soit environ 97 %). Vous lui expliquez les données
concernant l’association possible avec un risque accru de fentes
labio-palatines (incluant la période à risque). Des complications
néonatales sont possibles lors d’une utilisation répétée en fin de
grossesse, mais elles sont transitoires et, dans la majorité des cas,
bénignes. Vous recommandez à Daphné de débuter la prise d’une
multivitamines contenant de l’acide folique (dose selon les facteurs de
risque présents). Par ailleurs, vous lui prescrivez un bilan martial et un
dosage de la ferritine sérique. Enfin, vous aidez la patiente à identifier
les mesures non pharmacologiques applicables à son cas et les facteurs
précipitants potentiels.
prise en charge des patientes pendant la grossesse est difficile étant
donné le peu d’études disponibles
sur l’innocuité des médicaments de
référence de cette pathologie. En
premier lieu, les professionnels de la
santé doivent insister sur les mesures non pharmacologiques qui
peuvent aider à soulager les symptômes et, le cas échéant, ils disposent d’options thérapeutiques
pouvant aider les patientes pendant
leur grossesse. <
Consultez les références de ce texte sur
professionsante.ca/medecins/medactuel/jambes-sansrepos-grossesse-24649
www.ProfessionSante.ca – 29 mai 2013 – L’actualité médicale – 31

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