Conférence sur les modes alternatifs de règlement des différends

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Conférence sur les modes alternatifs de règlement des différends
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Conférence sur les modes alternatifs de règlement des différends (MARD)- AL3P et
CEJCAN
Nancy, 21 mai 2015
Les modes amiables de résolution des différends
Natalie FRICERO, Professeur à l’Université de Nice, Directeur de l’IEJ
Si l’on en juge par les récents rapports, les dernières réformes et celles qui ne manqueront pas
d’arriver, la Justice du XXI siècle sera amiable ou ne sera pas ! Tous les acteurs de la Justice,
juges, avocats mais aussi experts judiciaires, huissiers de justice, notaires, doivent donc
maîtriser les nouveaux outils de cette Justice.
I.
Diversité des MARD
La terminologie est fluctuante. Elle fait référence aux modes « alternatifs » (qui proposent un
choix entre la solution juridictionnelle et l’autre) ou aux modes « amiables » (du latin
amicabilis, qui concilient des intérêts opposés). Les canadiens se réfèrent aux termes de « mode
adapté » de résolution des conflits. S’agissant de la caractérisation du processus, il est parfois
fait référence à la « résolution » du conflit (du latin resolutio, action de dénouer), ou au
« règlement » du conflit (action de régler, de donner une solution à). Même l’objet auquel on
tente d’apporter une solution est diversement qualifié : de « conflit », de « différend », de
« litige ». Le juriste « puriste » considère que le litige est une opposition d’intérêts qui peut être
résolue par application d’une règle de droit (c’est un litige que l’on soumet au juge), le différend
est une opposition d’intérêts à connotation plurale (économique, relationnelle, psychologique.. )
dont la résolution ne dépend pas exclusivement d’une règle de droit, et le conflit (du latin
conflictus, combat) est le terme dont la connotation juridique paraît la plus ténue, puisqu’il
traduit une opposition entre opinions, conceptions, personnes…
Les modes amiables recouvrent des situations très diversifiées. Cela s’explique par les
modifications législatives qui n’ont eu de cesse d’ajouter des dispositifs nouveaux, sans
envisager de réforme globale.
Le code civil a prévu la transaction (articles 2044 et s., dont la plupart des dispositions datent
de 1804 !).
Le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 a mis en place les conciliateurs de justice
La loi n° 95-125 du 8 février 1995 et le décret n°96-652 du 22 juillet 1996 (art. 131-1 s. CPC)
ont créé la médiation judiciaire, l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 a précisé le
régime de la conciliation et de la médiation judiciaires ; et le décret du 11 mars 2015 incite les
parties à recourir à un mode amiable puisqu’elles doivent indiquer dans leur assignation ou
déclaration au greffe les diligences accomplies en vue d’une solution amiable (art. 56 et 58
CPC), à défaut le juge peut proposer une médiation ou une conciliation (art. 127 CPC).
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Alors que le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 s’est intéressé à la médiation et la conciliation
conventionnelles (art. 1528 CPC),
Ainsi qu’à la procédure participative assistée par avocat (art. 1542 CPC) que la loi n° 20101609 du 22 décembre 2010 a insérée aux articles 2062 et suivants du code civil.
Il s’agit là de la partie visible de la règlementation en ce domaine, compte tenu du nombre très
important de commissions de conciliation (CRCI, commission régionale de conciliation et
d’indemnisation des accidents médicaux, infections nosocomiale, art. L. 1142-4 s. et R. 144213 C. santé publique ; la commission départementale de la conciliation pour aider les bailleurs
et les locataires à trouver une solution amiable, loyer, état des lieux, bail de 48 comme loi
ALUR ; commission de surendettement, art. L. 331-6 et L. 331-7 Code consommation) ; de
médiateurs (médiateur du livre, des assurances, médiateur militaire, médiateur des
communications électroniques etc) et de modes amiables (qu’il serait fastidieux d’énumérer…).
Sans compter les créations issues de l’imagination des parties, donnant lieu à des conventions
ou chartes innommées (ex. le droit collaboratif, mis en place par les avocats souvent spécialistes
des contentieux familiaux, ou encore les ex. de combinaison des MARD, comme le « medarb », le « binding mediation » et autres « dispute board ») inconnues des classifications
légales 1 !
1) Les MARD intégrés dans un processus judiciaire
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conciliation par le juge (art. 21, 127 à 131 CPC pour les règles générales)
conciliation déléguée par le juge (à un conciliateur de justice, art. 830 et suivants CPC,
devant le tribunal d’instance et le juge de proximité, et art. 860-2 CPC pour les tribunaux
de commerce)
médiation dite judiciaire (art. 131-1 à 131-15 CPC)
2) Les MARD conventionnels ou extrajudiciaires
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à l’initiative des seules parties : l’exemple type est la transaction (art. 2244 s. Code
civil et 1568 CPC)
avec l’aide d’un conciliateur de justice (décret du 20 mars 1978 et art. 1530 s. CPC) ce
qui aboutit à un constat d’accord
avec l’aide d’un médiateur « conventionnel » : directive médiation du 21 mai 2008
transposée dans la loi du 8 février 1995, art. 1532 s. CPC (directive 2013/11/UE du 21
mai 2013 sur le règlement extrajudiciaire en ligne des litiges de consommation)
avec l’assistance d’un avocat : la procédure participative assistée par avocat, articles
2062 et suivants du code civil, art. 1542 s. CPC, avec l’acte contresigné par avocat, art.
66-3-1 et s. loi du 31 décembre 1971, art. 2064 modifié par la loi « Macron »
nombreux autres exemples de médiations internes, institutionnelles, de conciliations, de
« dispute board »… (non détaillées)
N. Fricero, C. Butruille-Cardew, L. Benraïs et G. Payan, Guide des modes amiables de résolution des différends,
Dalloz, 2014
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Tous ces modes ont un point commun : la contractualisation de la solution. Tous permettent
d’éclairer le consentement des parties par le recours à un expert. Ces modes peuvent aussi se
combiner : par exemple, rien n’interdit de recourir à une procédure participative pour signer
une transaction ; rien n’interdit, pendant la phase conventionnelle de la procédure participative,
de recourir à une médiation conventionnelle.
Pour synthétiser, un mode amiable est donc une solution extrajudiciaire, qui ne résulte pas d’un
jugement qui tranche en disant le droit, et qui prend en compte les aspects non juridiques du
différend, avec ou sans l’intervention d’un tiers impartial.
II.
Raisons du développement des MARD
1° La transparence démocratique, fondée sur l’article 15 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 : « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public
de son administration ». Cette exigence constitutionnelle a donné lieu aux réflexions sur « la
bonne administration de la justice », définie comme l’ensemble des critères et conditions
permettant l’efficience économique du fonctionnement des tribunaux et des procédures,
dans le respect des finalités spécifiques de la justice, de la recherche de qualité et de
célérité. Il s’agit d’un objectif à valeur constitutionnelle depuis la décision du 3 décembre 2009
(Cons. Constit. N° 2009-595 DC, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la
Constitution, RFDA 2010, 1, étude B. Genevois). La justice est une fonction étatique
régalienne, organisée selon les principes d’un service public (Cons. Constit. 19 février 1998, n°
98-396 DC) : unicité, égalité, continuité, gratuité, neutralité. Comme toute activité publique,
elle doit répondre aux enjeux contemporains d’optimisation de l’utilisation des deniers
publics. Le management appliqué à la justice concerne l’administration intérieure des
juridictions, l’organisation juridictionnelle et la gestion de la procédure. Cette logique imprègne
tous les actes de gestion de la justice : les actes de gestion administrative (répartition des
moyens, recrutement, gestion de la carrière des magistrats et fonctionnaires de greffe,
évaluation des juridictions), les actes d’organisation juridictionnelle (répartition des magistrats,
distribution des affaires, fonctionnement du greffe) et les actes de gestion procédurale
(traitement des procédures). La bonne administration de la justice intéresse donc « la justice à
l’œuvre » selon l’expression de Loic Cadiet (revue Justice et cassation, 2013, Dossier la bonne
administration de la justice, avant propos, p. 14) et elle conduit, notamment, au développement
des MARD.
La pression économique est à l’évidence essentielle. La crise financière conduit à une sorte de
transfert de compétence et de contrôle : comme l’ont constaté de nombreuses personnalités
politiques, le Ministère des Finances dépossède le ministère de la Justice de ses attributions et
de ses pouvoirs (Rapport Le Club des Juristes, Pour une administration de la justice,réf. citées
note 2). La mise en œuvre de la LOLF (loi d’organisation des lois de finances) a conduit à la
révision générale des politiques publiques (RGPP) dès 2008, laquelle a provoqué des
bouleversements de tous ordres : législatifs, jurisprudentiels, et, plus largement, de politique
judiciaire. La MAP (modernisation de l’action publique) qui la remplace répond aux mêmes
préoccupations. De nouvelles contraintes, parfois purement comptables, orientent l’action de
l’institution judiciaire, modifient le rôle des acteurs, juges et auxiliaires de justice, et parfois
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même leur carrière 2 et influencent notablement le déroulement des procédures. Il s’agit de
maîtriser la gestion des flux, de diminuer les coûts, d’accroître la capacité productive des
juridictions, tout en répondant aux revendications des justiciables, qui entendent obtenir des
décisions de qualité dans des délais raisonnables, rendues par des tribunaux respectueux du
procès équitable. L’externalisation du règlement des différends par les modes amiables est
considérée comme l’un des remèdes à la pénurie…Le fait que le dernier rapport sur les modes
amiables ait été établi par l’Inspection des services judiciaires avec l’appui du secrétariat
général de la modernisation publique n’est pas neutre.
D’autres facteurs ont une incidence sur les règles de procédure : la pression politique, surtout
présente en procédure pénale (il s’agit de satisfaire « l’opinion publique » lorsqu’un événement
perturbe gravement l’ordre public) et en procédure commerciale (maintien de l’emploi et de
l’outil de production face à une entreprise en difficulté, une « délocalisation » médiatisée) ; la
pression des médias, lesquels participent à la nécessaire transparence démocratique mais
entretiennent avec la justice des relations complexes et contrastées ; la pression de la
technique, avec les incidences de la dématérialisation des procédures et de la communication
par la voie électronique ; la pression européenne enfin, puisque le système judiciaire français
est soumis au regard critique du Conseil de l’Europe (CEPEJ, Système judiciaires européens,
2010 ; Efficacité et qualité de la justice, 2010) et aux sanctions de la Cour européenne des droits
de l’homme (laquelle a décidé, le 12 octobre 1992, n° 12919/87, Boddaert c. Belgique,
« l’article 6 prescrit la célérité des procédures judiciaires, mais il consacre aussi le principe,
plus général, d’une bonne administration de la justice », § 39.- id. CEDH 10 avril 2001, n°
36445/97, Sablon c. Belgique).
2° Mais le développement des MARD traduit aussi un autre élément, plus substantiel.
Mais cette vision économique ne suffit pas pour promouvoir les modes amiables. Encore fautil que la solution contractuelle corresponde à un besoin du corps social. La résolution
amiable des différends est fondée sur les principes d’une participation directe de l’individu et
d’une responsabilisation de chacun dans la résolution de ses propres conflits. Le développement
de l’individualisme postmoderne place l’individu au centre de la régulation sociale en tant que
sujet libre, responsable et autonome qui décide par lui-même (J.F. Lyotard, La condition
postmoderne, éd. de Minuit, 1978). Déjà, la théorie de l’autonomie de la volonté, issue de la
philosophie individualiste des Lumières affirmait que la volonté est source des droits subjectifs,
qu’elle est « l’organe créateur du droit ». Le libéralisme économique prônait l’idée selon
laquelle le libre jeu des volontés individuelles assure l’équilibre économique et la prospérité
générale, que Alfred Fouillée a traduit par la formulé : « « Toute justice est contractuelle, qui
dit contractuel dit juste » (La science sociale contemporaine, Paris, 1880) : on est dans
l’exaltation du « volontarisme juridique » (V. Renouil, L’autonomie de la volonté, naissance et
évolution d’un concept, PUF, 1980).
La contractualisation de la solution présente des avantages connus : elle permet de résoudre
tous les aspects du différend y compris les éléments psychologiques, humains, relationnels et
permet le maintien de relations sereines entre, par exemples, les associés de la société civile,
les membres d’une même famille, les voisins, les copropriétaires, l’acheteur et le vendeur. Le
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Elsa Costa, Des chiffres sans les lettres, AJDA sept. 2012, études p. 1623, qui insiste sur les incidences de la
culture du résultat sur l’évaluation des juges administratifs, leur notation, leur avancement et plus généralement
leur indépendance.
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processus permet de trouver une solution innovante, adaptée, a-juridique, qui satisfait les
besoins et les intérêts de toutes les parties, ce que l’application rigoureuse d’une règle de droit
ne permet pas toujours (et non de trancher leurs positions juridiques, voir l’ex. de la fable de
l’orange bien connu des médiateurs, reprise notamment par Jean-Pierre Bonafé Schmidt, La
médiation en milieu scolaire, L’Ecole et la ville, juin 2010, p. 5). En associant les intéressés à
la définition du contenu des obligations, la solution négociée évite aussi les incidents
d’exécution ultérieurs (le jugement qui tranche est souvent une « bombe à retardement »).
Les inconvénients sont également connus : la liberté contractuelle n’a de sens que si les
contractants sont placés sur un pied d’égalité Malheureusement, le contrat est souvent placé
dans un contexte économique de rapports de force, d’inégalités concrètes de toutes sortes
(économique, culturelle, psychologique etc). Le développement des contrats d’adhésion en est
l’exemple topique. La formule de Lacordaire résume la tendance contemporaine : « Entre le
fort et le faible, c’est la liberté qui asservit, la loi qui affranchit » (J.B. H. Lacordaire, 52e
conférence de Notre dame, 1848) : l’Etat devient le garant d’une certaine vision de l’utilité
sociale, des droits considérés comme essentiels, et il limite l’initiative individuelle privée, en
édictant des lois impératives destinées à compenser l’inégalité et à protéger le contractant le
plus faible. Transposées dans le domaine des MARD, ces réflexions devraient conduire l’Etat
à garantir « des processus de règlement amiable équitables ». Pour cela, deux conditions
essentielles doivent être remplies : le respect d’exigences de qualité des tiers médiateurs ou
conciliateurs, et un contrôle du juge sur le processus.
III.
Précisions sur les différents modes amiables
1° La conciliation
Conciliation par le juge (art. 21, 127 à 129, 130 et 131 CPC pour les règles générales), elle est
parfois intégrée dans l’instance (par ex. devant le tribunal d’instance et la juridiction de
proximité, art. 845 CPC, ou le tribunal de commerce, art. 860-2 CPC ou le juge aux affaires
familiales, art. 1071 al. 1er CPC).
Conciliation déléguée par le juge à un conciliateur de justice (art. 129-1 s. CPC pour le
conciliateur de justice, art. 831 et suivants CPC devant le tribunal d’instance, art. 860-2 CPC
pour le tribunal de commerce et art. 887 CPC pour le tribunal paritaire des baux ruraux).
L’article 128 CPC a été modifié pour préciser que « le juge qui doit procéder à une tentative
préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui
les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation, dans les conditions prévues par
l’art. 22-1 de la loi du 8 février 1995 ».
Conciliation conventionnelle menée par le conciliateur de justice (art. 1528 et 1530 CPC). Le
statut du conciliateur de justice a été prévu par le décret du 20 mars 1978, intégré dans sa quasitotalité au livre V du Code de procédure civile par le décret du 20 janvier 2012 (articles 1530
s.). Le conciliateur est un tiers qui agit avec impartialité, compétence et diligence (art. 1530
CPC) et est soumis à la confidentialité (art. 1531 CPC). Il a « pour mission de rechercher le
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règlement amiable d’un différend dans les conditions et selon les modalités prévues au
code de procédure civile » 3.
Le conciliateur de justice est toujours bénévole, ce qui est certainement la caractéristique
essentielle de son statut : son intervention est donc particulièrement adaptée aux litiges d’un
faible montant, ou lorsque les parties sont économiquement démunies. Il dispose d’un statut de
collaborateur occasionnel de la justice uniforme, ce qui lui permet de bénéficier d’une
« délégation » de la part du juge. Le conciliateur est formé par l’ENM, ses compétences sont
plutôt juridiques, ce qui le conduit à trouver une solution au différend au lieu de se concentrer
sur le rétablissement du lien. Cette nuance s’estompe parce que les conciliateurs sont parfois
eux-mêmes formés aux techniques de la médiation !
Le constat d’accord rédigé est soumis à l’homologation du juge pour obtenir la force exécutoire.
Rien n’interdit aux parties de recourir à un expert si leur consentement suppose d’être éclairé
sur une question technique.
2° La procédure participative assistée par avocat est régie par les articles 2062 et s. du code
civil et les articles 1542 et s. du CPC (décr. 20 janv. 2012).
Pour synthétiser, elle repose sur une convention signée par les parties assistée chacune
obligatoirement pas leur avocat, qui permet aux personnes de trouver une solution acceptable
pour toutes, qui prend en compte leurs besoins et leurs intérêts, qui n’est pas nécessairement
juridique, et sera contenue dans un contrat, une convention, soumis à l’homologation du juge
compétent pour obtenir la force exécutoire.
La convention écrite définit l’objet du différend, le terme de la procédure conventionnelle, et
organise les échanges en mettant en place une véritable mise en état conventionnelle de
l’affaire, avec recours à une expertise ou un technicien.
Ce MARD relève du monopole des avocats. Le processus ne fait pas intervenir de tiers
contrairement à la médiation. L’avocat formé à la négociation raisonnée ou aux techniques de
médiation peut les appliquer dans le déroulement de la procédure participative (les textes ne
précisent pas selon quelle méthode les parties assistées de leur avocat arrivent à un accord).
La procédure participative n’interdit pas aux avocats de poursuivre la représentation de leur
client en justice en cas d’échec; elle bénéficie de l’aide juridictionnelle (art. 10 loi du 9 juillet
1991); elle suspend la prescription extinctive (art. 2238 Code civil).
L’accord participatif peut être homologué pour avoir la force exécutoire. En cas d’accord total,
le demande est établie par requête de la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties,
accompagnée de la convention (art. 1557 CPC). Si l’accord concerne un mineur capable de
discernement, la requête mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de
son droit à être entendu par le juge et à être assisté par un avocat (art. 1557 CPC). Les articles
1565 et s. CPC sont applicables à l’homologation. En matière de divorce ou d’autorité parentale,
l’accord est intégré dans une procédure et homologué par le JAF.
En cas de désaccord total ou partiel, une passerelle simplifiée avec le tribunal compétent.
L’expertise éventuellement réalisée pendant la phase conventionnelle peut être produite en
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Art. 1er décr. 20 mars 1978, mod. décr. 20 janv. 2012
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justice, puisqu’elle a été contradictoire (art. 1554 CPC). Devant le TGI, il y a renvoi direct à
l’audience sans mise en état si les parties ne modifient pas leurs prétentions, art. 1559 CPC).
Le lien avec la médiation est possible: rien n’interdit, si la discussion est bloquée au cours du
processus participatif, de recourir à un tiers médiateur, puis de recommencer le dialogue avec
le conseil des avocats.
L’expertise amiable en procédure participative
C’est dans ce processus que l’expertise « amiable » prend toute sa place. Les parties
intéressées peuvent souhaiter obtenir un avis d’un expert technicien, qui pourra faire des
calculs, des évaluations, définir l’origine des désordres après analyse des éléments objectifs.
Cet avis éclairera leur consentement, et pourra constituer une excellente base de négociation !
Le Code de procédure civile a précisé le statut de l’expertise dans le cadre de la procédure
participative.
Certains considèrent que l’expertise amiable est une expertise non judiciaire, mais qu’elle est
contractuelle, c’est-à-dire que toutes les parties, d’un commun accord, choisissent l’expert,
définissent sa mission et se partagent la rémunération (J. Beauchard et T. Moussa, BICC 2004,
hors série n° 3 ; L’expertise judiciaire et les autres expertises au regard du principe de la
contradiction). Dans la procédure participative assistée par avocat, dans laquelle les parties
peuvent décider ensemble de recourir à un expert qui rédigera un rapport opposables à tous, et
selon un processus contradictoire (article 1547 et suivants CPC)
Attention l’expert amiable, même désigné par toutes les parties donne un avis technique mais
en aucun cas il ne prend de décision, il se contente de donner sur les éléments litigieux un avis
qui ne s’impose pas aux parties (Cass.com. 16 déc. 1953, Bull. III, n° 387, p. 274).
1° Les personnes choisissent librement « leur » expert, et ce choix donne toute son autorité
à l’expert. Elles peuvent choisir en fonction des critères qu’elles estiment adaptés à la situation ;
elles ne sont pas obligées de choisir un expert « judiciaire » inscrit (le juge non plus, mais il
doit motiver sa décision). Elles adapteront leur choix à des critères techniques, ou personnels.
L’expert est désigné par toutes les parties et est révoqué d’un commun accord (art. 1549 CPC,
consentement unanime)
2° La définition de la mission confiée à l’expert relève de la volonté des personnes, qui
maîtrisent l’angle d’approche de l’expert : ce n’est pas le cas pour une expertise judiciaire, dont
la mission est définie par le juge puisqu’il s’agit d’éclairer le tribunal.
Une modification de la mission est possible (art. 1550 CPC).
Cela étant, l’expertise amiable présente aussi des intérêts pour le juge éventuellement saisi en
cas d’échec de la procédure participative : elle le dispense d’une expertise judiciaire, ce qui
diminue le coût de la justice et accélère le déroulement de l’instance.
3° Le temps de l’expertise est maîtrisé par les parties qui sont à son initiative plus aisément
que dans le cadre de l’expertise judiciaire. L’expert et les parties définissent ensemble le temps
raisonnable pour qu’un avis soit émis.
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4° La rémunération est directement négociée avec l’expert amiable. Sa prévisibilité est un
gage de sécurité pour les parties : elles pourront mesure le bilan coût-avantage attendu sans
difficulté, alors que l’expertise judiciaire réserve parfois des surprises !
5° L’expertise amiable décidée dans une procédure participative se fait dans le respect du
contradictoire (art. 1549 CPC). Cet aspect est essentiel.
Il implique une collaboration loyale entre les parties et l’expert : en cas d’incident, par exemple
de communication des documents, l’art. 1551 CPC permet à l’expert de donner son avis en
l’état des documents fournis.
Il oblige l’expert à joindre à son rapport les observations écrites des parties si elles le demandent
ainsi que la suite qu’il leur a donnée (art. 1553 CPC)
6° Dans le déroulement de ses opérations, l’expert applique les règles déontologiques qu’il
met en œuvre dans l’expertise judiciaire : conscience, diligence, et impartialité, et
compétence (art. 1549 CPC).
Il doit éviter les conflits d’intérêts (il a fait une déclaration en ce sens avant d’accepter sa
mission, art. 1548 CPC).
Ensuite, l’expert amiable engage en tout état de cause sa responsabilité civile à l’égard de la
partie qui l’a requis. Il répond donc de ses comportements dommageables. Il est tenu d’une
obligation de « moyens », doit appliquer les règles de l’art pour procéder à des évaluations
techniques. Il doit souscrire une assurance responsabilité civile.
9° En cas d’échec de la procédure participative, le rapport de l’expert peut être produit en
justice (art. 1554 CPC). Comme il a été contradictoire, il fait preuve de la même manière qu’un
rapport d’expertise judiciaire. La chambre mixte de la Cour de cassation, le 28 septembre 2012
(n° 11-18710), a ajouté une autre condition en décidant que « si le juge ne peut refuser
d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire,
il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des
parties ». Une expertise amiable non contradictoire ne peut donc pas constituer la seule preuve
sur laquelle se fonde le jugement (F. Bérenger, Le juge ne peut déplafonner un loyer en se
fondant exclusivement sur une expertise non contradictoire, Annales des loyers, 2010, p. 802).
3e La médiation judiciaire
La désignation d’un médiateur avec l’accord des parties
Art. 131-1 s CPC et art. 22 s. loi 8 février 1995 modifiés par ordonnance du 16 novembre
2011 : Tout juge peut désigner un médiateur (même en référé), avec l’accord des parties.
Mais la médiation judiciaire est parfois soumise à des dispositions spéciales, en matière
familiale Ex. en matière de divorce, art. 255 Code civil, en matière d’autorité parentale, art.
373-2-10 code civil (le juge peut enjoindre de rencontrer un médiateur, système de la double
convocation). La loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011, dans le prolongement de la
Commission Guinchard, prévoit également à titre expérimental devant certains TGI, pendant 3
ans, par dérogation à 373-2-13 code civil, une expérience de médiation préalable devant des
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TGI désignés par arrêté du Garde des Sceaux (Arras et Bordeaux), pour les litiges apparaissant
à propos de la mise en œuvre d’une décision ayant fixé les modalités d’exercice de l’autorité
parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ou des dispositions
d’une convention homologuée, à peine d’irrecevabilité de la demande.
Objet de la médiation La médiation porte sur tout ou partie du litige (Article 132 CPC)
Durée de la médiation : elle ne doit pas ralentir la procédure Article 131-3 La durée initiale
de la médiation ne peut excéder trois mois. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour
une même durée, à la demande du médiateur ». Le juge peut toutefois renouveler la mission de
médiation. Il peut également y mettre fin, avant l'expiration du délai qu'il a fixé, d'office ou à
la demande du médiateur ou d'une partie
Rémunération du médiateur
Art. 22-2.-Lorsque les frais de la médiation sont à la charge des parties, celles-ci déterminent
librement entre elles leur répartition. A défaut d'accord, ces frais sont répartis à parts égales, à
moins que le juge n'estime qu'une telle répartition est inéquitable au regard de la situation
économique des parties.
Article 131-13 A l'expiration de sa mission, le juge fixe la rémunération du médiateur
Consignation d’une avance sur rémunération Le juge fixe le montant de la provision à valoir
sur la rémunération du médiateur et désigne la ou les parties qui consigneront la provision dans
le délai qu'il détermine. La désignation du médiateur est caduque à défaut de consignation dans
le délai et selon les modalités impartis. L'instance est alors poursuivie. Art. 22-2.-al. 3 LOI 1995
Audience devant le juge saisi A l'expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit le
juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose.
Le jour fixé, l'affaire revient devant le juge Article 131-11. L’accord peut être homologué
par le juge qui lui donne la force exécutoire.
4e La médiation conventionnelle
Processus essentiellement volontaire, aucun juge n’intervient
Art. 1528.-Les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues
par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l'assistance d'un médiateur,
d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre d'une procédure participative, de leurs avocats.
« Art. 1530.-La médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre
s'entendent, en application des articles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée,
de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un
accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs
différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité,
compétence et diligence.
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Domaine : tous les différends privés
Art. 1529.-Les dispositions du présent livre s'appliquent aux différends relevant des juridictions
de l'ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des
règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction.
Ces dispositions s'appliquent en matière prud'homale sous les réserves prévues par les articles
2064 du code civil et 24 de la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et
de la procédure civile, pénale et administrative. Seuls les différends s’élevant à l’occasion d’un
contrat de travail, de nature transfrontalière sont concernés (art. R. 1471-1 C. trav. et art. 24
loi 1995). Les accords sont homologués par le bureau de conciliation (art. R. 1471-2 C.
travail).
L’effet d’une médiation conventionnelle sur la prescription extinctive
Article 2238 du code civil
La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les
parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit,
à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est
également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six
mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le
conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention
de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme
de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.
L’accord de médiation peut être rendu exécutoire (art. 1565 et 1566 du CPC).
5° Les pourparlers transactionnels
Dans la transaction, il n’y a aucun tiers. Il s’agit d’un contrat réglementé par le code civil (art.
2244 s. Code civil et art. 1568 CPC, « Art. 1568.-Les dispositions des articles 1565 à 1567 sont
applicables à la transaction conclue sans qu'il ait été recouru à une médiation, une conciliation
ou une procédure participative. Le juge est alors saisi par la partie la plus diligente ou l'ensemble
des parties à la transaction. »), avec des conditions originales auxquelles la Cour de cassation
ajoute l’existence « de concessions réciproques » sauf pour les transactions « Badinter » dans
le cadre des accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur. La transaction
est un contrat très réglementé par le code civil, qui a l’autorité de la chose jugée entre les parties
(est assimilée à un jugement) et est difficilement attaquable. C’est un mode totalement
volontaire, qui repose sur le seul échange de consentement des parties, sans l’intervention d’un
tiers. L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire, même si elle est possible et souhaitable (à
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tel point que l’article 10 de la loi du 10 juillet 1991 accorde l’Aide Juridictionnelle « en vue de
parvenir, avant l’introduction d’une instance, à une transaction »). Le régime est extrêmement
rigoureux : la transaction a l’autorité équivalente à celle d’un jugement rendu en dernier ressort
(elle ne peut donc pas être attaquée par une voie de recours), elle ne peut être annulée que dans
les cas prévus par le code civil, y compris pour absence de concessions réciproques (il s’agit là
d’une condition prétorienne). L’accord de transaction peut recevoir la force exécutoire : l’article
1568 CPC issu du décret du 20 janvier 2012 renvoie au processus d’homologation commun à
tous les modes amiables (art. 1565 à 1567). Le juge compétent (et non plus le président du TGI)
peut homologuer la transaction, sans pouvoir en modifier les termes. Il est saisi sur requête
dispensée du timbre de 35 euros, et statue sans débat, sauf s’il estime nécessaire d’entendre les
parties. Il est vrai que la 2e chambre civile de la Cour de cassation a jugé le 26 mai 2011 (n°
06-19527), à propos des pouvoirs du président du TGI qui donne la force exécutoire aux
transactions (art. 1441-4 CPC abrogé) que « son contrôle ne peut porter que sur la nature de
la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs ».
Ceci implique tout de même un contrôle minimum qui peut nécessiter la présence des parties.
Des recours sont prévus (art. 1566 : référé rétractation devant le juge qui a rendu la requête
faisant droit à l’homologation ; ou bien appel, en cas de refus d’homologation, qui est jugé selon
la procédure gracieuse).
Des liens entre les deux processus peuvent exister : la médiation comme la procédure
participative ou la conciliation peut s’achever par un accord qui prend la forme d’une
transaction ! Mais il faut prendre garde que le régime de la transaction sera applicable à
l’accord et, notamment, la nécessité de concessions réciproques sous le contrôle éventuel du
juge homologateur !
6° Le droit collaboratif
C’est une pratique amiable entièrement conventionnelle, mise en place par des avocats
novateurs, qui sera exposée par Maître Butruille Cardew.