U2 menace-t-il les FrancoFolies?

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U2 menace-t-il les FrancoFolies?
U2 menace-t-il les FrancoFolies?
Mercredi 17 décembre 2014 à 16 h 14 | Philippe Rezzonico | Pour me joindre
U2 viendra présenter quatre spectacles au Centre Bell en 2015, soit autant qu’à Paris, à
Londres, à Berlin, à Boston, à Chicago et à Los Angeles. Et deux fois plus qu’à Toronto et
qu’à Vancouver…
Toute proportion gardée, la grande région de Montréal compte plus de fidèles de la bande à
Bono que New York, Boston, Toronto et Los Angeles. Ce qui soulève une question. Comme
l’avion militaire auquel il doit son appellation, U2 pourrait-il menacer les FrancoFolies de
Montréal?
Quel est le lien avec les Francos? Le festival musical montréalais pourrait être indirectement
victime de dommages collatéraux en raison de la présence des Irlandais dans la métropole.
Analyse.
Le calendrier : U2 se produira au Centre Bell les 12, 13, 16 et 17 juin. Les FrancoFolies
sont programmées du 11 au 20 juin. Des artistes anglo-saxons de calibre international se
sont déjà pointés à Montréal durant le festival pour livrer un spectacle, mais jamais on n’a vu
un groupe d’une telle stature mondiale s’installer en résidence au même moment.
Nul doute que le promoteur evenko – désormais propriétaire des festivals de Spectra –
aurait préféré un scénario différent, mais ce sont les groupes internationaux qui dictent leur
horaire de tournée. Pas les promoteurs.
Créer l’événement : U2 a habitué ses admirateurs à de multiples représentations lors de
ses tournées : spectacles au Forum (mars) et au Stade olympique (août) en 1992, trois
prestations au Centre Molson en 2001 (deux en mai, une en octobre), programme double en
2005 au Centre Bell et virée historique (162 000 spectateurs payants en deux soirs) à
l’hippodrome en 2011.
Quand les Irlandais arrivent à Montréal, ils deviennent de facto l’événement musical du
moment, qui prend parfois des allures de rouleau compresseur. On a pu mesurer la même
chose quand les Rolling Stones, Pink Floyd, Madonna et Justin Timberlake sont venus offrir
de multiples représentations dans la métropole. Ces artistes ont un pouvoir d’attraction
phénoménal auprès du public et des médias.
L’attention populaire : Ce sera vrai plus que jamais, car les membres du groupe et leur
entourage vont résider à Montréal durant une semaine. Des groupies feront le pied de grue
devant l’hôtel où U2 va résider, les paparazzis vont leur courir après, chacun de leurs gestes
et de leurs déplacements sera scruté à la loupe sur les médias sociaux. Pour les
FrancoFolies, ce sera l’équivalent de cohabiter avec un festival parallèle.
Cela s’est déjà vu, en 2009, quand les Francos ont chevauché le festival Osheaga. Mais à
ce moment, Osheaga ne durait que deux jours et n’attirait pas 150 000 spectateurs comme
c’est le cas depuis trois ans.
La couverture médiatique : Le 13 juin au matin, je vous assure qu’on parlera du spectacle
de U2 en premier lieu aux bulletins culturels télévisés ou radiophoniques, ainsi qu’à la une
des quotidiens et des pages d’accueil de sites web spécialisés en musique. Bien avant de
causer de la première de Dumas, présentée la veille au Métropolis.
Si en plus U2 propose des spectacles avec d’importantes variations de chansons (probable,
en raison des quatre prestations), la couverture médiatique ne va pas se limiter au soir de la
première. Grosse concurrence pour les Francos.
Le rayonnement : Le rayonnement d’un festival n’est pas qu’une opération comptable liée à
la vente de billets. Un festival doit faire parler de lui et obtenir une résonance auprès de son
public. Cet aspect est, en partie, lié au poids médiatique qu’il génère. On pourra vérifier
auprès de la firme Influence communications après coup, mais je ne serais pas surpris que
l’espace médiatique accordé à U2 soit supérieur à celui des FrancoFolies entre le 12 et le 18
juin 2015.
L’aspect économique : Les trois quarts des billets des sections rouges du Centre Bell pour
les spectacles des Irlandais se détaillent à 305 $, 115 $ et 84 $ l’unité. Trop chers? On a
pourtant ajouté deux supplémentaires en raison de la demande du public. Les soirées du 16
et du 17 juin n’affichent pas complet, quoique mercredi, il restait seulement des paires de
billets à 300 $ dans 8 des 24 sections rouges… Sinon, que des billets à l’unité, éparpillés ici
et là, ou des paires dans les « gris » et les « bleus », au sommet du Centre Bell. Grosso
modo, plus de 70 000 des 80 000 billets disponibles pour les quatre spectacles ont déjà
trouvé preneur.
En revanche, on pouvait acheter le même jour pour la modique somme de 69 $ l’unité une
paire de billets dans la sixième rangée de la salle Wilfrid-Pelletier (3100 sièges) pour le
spectacle de Mathieu Chédid (- M -) et de sa famille, présenté le 13 juin aux FrancoFolies.
Des billets mis en vente depuis la semaine dernière. On parle quand même de l’une des plus
grandes vedettes de la francophonie et un assidu des scènes québécoises depuis 15 ans.
Certes, il reste six mois d’ici juin. Chédid va attirer son lot de spectateurs, n’en doutez pas.
Mais est-il possible que les milliers de francophones s’étant procuré un billet pour U2 à prix
fort décident de faire impasse sur un ou deux spectacles à prix abordable aux FrancoFolies
l’été prochain? Pas exclu, si l’on veut boucler son budget.
La rareté : Outre l’aspect économique, la rareté a son importance. Cinq spectacles sont
présentement annoncés aux FrancoFolies : ceux de Mathieu Chédid, de Dumas, de Pierre
Lapointe, de Jacques Michel et de Marie Denise Pelletier. Tous attirants. Hormis celui de
Chédid, il est probable que l’on reverra toutes ces productions dans d’autres salles à
l’automne 2015. C’est la différence entre les artistes d’ici et ceux d’ailleurs. L’amateur de
musique québécois peut espérer revoir les premiers dans un avenir proche, ce qui n’est pas
le cas pour les seconds.
Peut-être que mes craintes sont injustifiées. Il se peut que la seule chose qui menace
réellement l’achalandage extérieur des FrancoFolies soit le mauvais temps, et non pas un
avion virtuel. Peut-être que les organisateurs annonceront une année record à la billetterie.
Après tout, seulement une poignée de spectacles sont confirmés. On peut s’attendre à
d’autres agréables surprises, rayon programmation.
N’empêche, au moment où les artistes francophones d’ici font des pieds et des mains pour
attirer le public au sein du fragile écosystème des spectacles, pendant qu’ils doivent
quémander de la diffusion radiophonique au-delà des quotas établis et qu’ils ont du mal à
rivaliser avec la pénétration web des vedettes internationales, je me dis que la présence d’un
mammouth mondial anglo-saxon dans la métropole durant les FrancoFolies ne peut être que
préjudiciable à l’événement

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