Élaboration du Questionnaire de mesure de l`intensité des conduites

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Élaboration du Questionnaire de mesure de l`intensité des conduites
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Psychologie française 55 (2010) 279–294
Article original
Élaboration du Questionnaire de mesure de l’intensité
des conduites addictives (QMICA) : évaluation des
addictions et co-addictions avec et sans substances
Elaboration of the Addictive Intensity Evaluation Questionnaire (AIEQ):
Evaluation of addictive behaviors and co-addictions with or without
substances
G. Décamps a,∗,1 , N. Battaglia b,c,2 , L. Idier a,3
a
Laboratoire de psychologie EA4139, université Victor-Segalen Bordeaux 2, 3ter, place de la Victoire,
33076 Bordeaux cedex, France
b Université Charles-de-Gaulle–Lille-3, BP 60149, 59653 Villeneuve d’Ascq cedex, France
c EA 4298, laboratoire de psychologie appliquée, université de Reims Champagne-Ardenne, 7,
rue Pierre-Taittinger, 51096 Reims cedex, France
Reçu le 13 mai 2010 ; accepté le 3 juin 2010
Résumé
En référence aux études portant sur les addictions basées sur des consommations de substances et aux
addictions comportementales, l’objectif de cet article est de présenter la procédure de validation d’un
outil permettant l’évaluation de ces deux types d’addiction : le Questionnaire de mesure de l’intensité
des conduites addictives (QMICA). Le protocole administré a permis d’évaluer 12 addictions différentes
auprès de 354 sujets. Les résultats attestent des bonnes qualités psychométriques de l’outil (structure factorielle, consistance interne, sensibilité et fidélité). Ils suggèrent l’existence d’un continuum entre l’absence de
conduite addictive et les formes sévères d’addiction. Les résultats sont discutés afin de proposer des classifications basées sur la sévérité des conduites addictives et envisager les applications liées à l’utilisation de l’outil.
© 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Consommations de substances ; Addictions comportementales ; Co-addictions ; Compensations ; Qualités
psychométriques
∗
1
2
3
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (G. Décamps).
Maître de conférences en psychologie de la santé.
Maître de conférences en psychologie sociale appliquée.
Doctorante en psychologie de la santé et psychologie différentielle.
0033-2984/$ – see front matter © 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.psfr.2010.06.001
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Abstract
Referring to studies about addictive behaviors, the objective of this article is to present the validation
of a new tool for the assessment of the addictive behaviors with or without substances: the Addictive
Intensity Evaluation Questionnaire (AIEQ). Twelve different versions of the AIEQ have been administered
to 354 participants in order to assess their addictive behaviors. The study of the factorial structure of the
questionnaire and its reliability allow us considering the psychometric qualities of the AIEQ as satisfactory.
The results suggest the existence of a continuum between the absence of addiction and the severe forms of
addiction. The discussion section proposes a classification based on the severity of the addictive behaviors
and applications of the use of the AIEQ.
© 2010 Société française de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Substance use; Addictions with or without substance; Co-addiction; Compensation; Psychometric qualities
1. Introduction
1.1. Conceptualisation des addictions
La notion d’addiction est un concept dont l’acception scientifique a considérablement évolué au
cours de ces dernières décennies. L’avancée des connaissances dans le domaine de l’addictologie
a eu pour conséquence la production d’une abondante littérature scientifique en psychologie de la
santé et psychopathologie. De la prise en compte des dépendances, l’intérêt s’est progressivement
déplacé vers une compréhension plus globale des addictions (Battaglia et al., 2008).
Initialement centrées sur l’étude de quelques comportements de consommation de substances
(ex : tabac, alcool, cannabis, etc.), les études en addictologie intègrent désormais tout un registre de
nouvelles pratiques (sport, travail, Internet, jeux vidéo, etc.). Fernandez et Catteeuw (2002) parlent
de nouvelles addictions. Selon cette conception, il est possible d’intégrer aux conduites addictives un certain nombre de pratiques comportementales pouvant tout aussi bien devenir source de
dépendance que certaines consommations de substances. Les deux phénomènes les plus caractéristiques de l’ensemble de ces conduites addictives seraient la répétition et l’incapacité à renoncer
au comportement (Pedinielli et al., 1997). Pour Goodman (1990), l’addiction est un processus par
lequel est réalisé un comportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et de soulager un malaise intérieur, et qui se caractérise par l’échec répété de son contrôle et sa persistance, en
dépit des conséquences négatives. De ce point de vue, addictions comportementales et addictions
aux substances peuvent être perçues comme un processus global devant être considéré au-delà
de la substance ou du comportement incriminé. C’est cette conception qui a permis d’identifier
certaines formes d’alimentation reposant sur un processus addictif (Pedinielli et al., 1997). Ce
type de conduite addictive est cependant considéré comme une pratique comportementale et non
comme une consommation de substances, tant que l’élément consommé n’a pas d’effet psychoactif susceptible d’engendrer une dépendance. On parlera alors « d’addiction sans drogue » (Adès
et Lejoyeux, 2001).
L’analyse textuelle de Battaglia et al. (2008) met également en évidence la généralisation
du concept d’addiction à des comportements socialement valorisés. L’investissement dans le
DOIs de l’article original : 10.1016/j.psfr.2010.05.004, 10.1016/j.psfr.2010.06.002.
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travail (Adès et Lejoyeux, 2001), dans la pratique sportive (Valleur et Velea, 2002), ou même
dans l’activité sexuelle (Adès et Lejoyeux, 2001) ont donc fait l’objet de nombreuses recherches
étant donné les conséquences négatives pouvant être observées lorsque cet investissement devient
démesuré (Hur, 2006 ; Lowenstein et al., 2000 ; Volle et Seznec, 2006). Ces conséquences sont
similaires à celles observées chez les sujets considérés comme joueurs pathologiques (Adès et
Lejoyeux, 2001). L’utilisation d’Internet (Hur, 2006 ; Romo et al., 2004) et des jeux vidéos font
également partie de ces comportements pouvant donner lieu à l’apparition d’une symptomatologie
addictive ; le terme de cyberaddiction est généralement utilisé pour regrouper l’ensemble de ces
conduites addictives basées sur l’utilisation de nouvelles technologies (Griffiths, 2000). Enfin,
l’addiction au travail fait partie de ces nouvelles addictions ayant fait l’objet d’un certain nombre
de développements scientifiques (Adès et Lejoyeux, 2001).
Plus récemment, les études en addictologie ont souligné l’existence de ce que certains auteurs
ont appelé la « double problématique addictive » (Arsaneault et al., 2001 ; Elineau, 2001 ; Moussas
et al., 2006). En effet, certaines observations réalisées auprès de patients alcoolo-dépendants ont
montré, au sein de cette population, une surreprésentation de fumeurs comparativement à la
population générale (Junghams et Backhaus, 2005) ainsi qu’une augmentation importante de la
consommation de café ou de thé (Décamps et al., 2009). Ces considérations permettent d’envisager
qu’une problématique addictive est parfois accompagnée d’une seconde addiction, mais qu’elle
est généralement entourée par de fréquentes consommations de substances ou pratiques comportementales susceptibles de devenir addictives. Il est alors possible de parler de polyconsommation
ou de polyaddictions (Beck et al., 2004). Selon ces auteurs, la polyconsommation d’alcool, de
tabac et de cannabis concerne plus de 10 % des filles de 18 ans, et près de 25 % des garçons
du même âge. Les jeunes adultes, et plus particulièrement les étudiants entrant à l’université,
représentent une population particulièrement exposée à ce type de conduites addictives multiples
(Grebot et Barumandzadeh, 2005).
Cette prise en compte de la possible simultanéité des conduites addictives (Black et al., 1999)
a amené Décamps et al. (2009) à parler de compensations entre addictions. En effet, ces auteurs
ont montré que la réduction d’une conduite addictive pouvait avoir pour conséquence l’apparition
d’une nouvelle addiction ou le renforcement d’une autre conduite existant préalablement. Ce type
de phénomène de compensation addictive ne viendrait pas nécessairement pallier un manque
mais permettrait la suppression d’effets négatifs par des modifications secondaires afin de rétablir
un équilibre (Décamps et al., 2009). Le faible nombre de recherches ayant étudié ce phénomène ne permet actuellement pas de déterminer si la présence de ces compensations peut être
considérée comme un facteur de vulnérabilité. Les hypothèses explicatives énoncées par ces
auteurs évoquent l’existence d’un noyau addictif, qui correspondrait à la vulnérabilité générale
de certains individus vis-à-vis des troubles addictifs. Aucune étude n’a pour l’instant permis
de déterminer si ce noyau addictif pouvait être considéré comme faisant partie des caractéristiques dispositionnelles de l’individu ou s’il se développe sur la base d’apprentissages personnels
et/ou sociaux. L’étude des comorbidités psychiatriques des conduites addictives permet cependant de montrer que certains types de symptomatologies anxieuses ou dépressives pourraient
être à l’origine de dépendances à certaines substances comme le tabac (Boujut, 2007 ; Breslau
et al., 1998) ou que les troubles bipolaires sont très fréquents chez les utilisateurs pathologiques
d’Internet.
La diversité de ces résultats souligne donc l’intérêt d’étudier de façon plus approfondie les liens
pouvant unir plusieurs conduites addictives. Ces futures recherches devront cependant donner lieu
à la mise en place de critères d’évaluation communs à ces différentes addictions afin de permettre
des comparaisons fiables.
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1.2. Évaluation des conduites addictives
Les méthodes d’évaluation des conduites addictives sont basées sur des approches et critères
variés.
En effet, de nombreuses addictions ont donné lieu à l’élaboration de critères addictifs. C’est
le cas, entre autres, de l’addiction à l’activité physique (Mangon et al., 2003), à Internet (Adès
et Lejoyeux, 2001), ou des troubles sexuels addictifs (Carnes, 1993). Les outils d’évaluation de
ce type d’addictions sont généralement basés sur l’observation de ces critères ayant valeur de
critère diagnostic. Cela n’est pas sans poser quelques problèmes psychométriques renvoyant à la
sensibilité générale de ces outils. En effet, ces critères généralement identifiés auprès de patients
consultant pour une problématique addictive ne sont pas nécessairement généralisables à une
population plus variée. Il en résulte une difficulté de ces instruments à détecter les individus ayant
une conduite addictive significative mais pas assez importante ou fréquente pour être considérée
comme pathologique.
L’évaluation des conduites de consommation de substances a par ailleurs donné lieu à la création
d’instruments spécifiques tels que le test de Fageström pour la conduite tabagique (Heatherton
et al., 1991), le Cannabis Abuse Screening Test (CAST) pour la consommation de cannabis
(Karila et al., 2007) ou l’Alcohol Use Disorders Indentification Test (AUDIT) pour la consommation d’alcool (Saunders et al., 1993). Ces outils validés ont cependant pour inconvénient de
proposer des scores difficilement comparables à ceux obtenus pour d’autres conduites. Ces différentes conduites ont pourtant des processus communs (Pedinielli et al., 1997) ayant pu donner
lieu à l’établissement de critères précis. Ces critères, largement connus sous l’appellation de
critères de Goodman (1990), permettent de déterminer si le diagnostic de conduite addictive
peut être posé grâce à une évaluation rapide des processus inhérents à la conduite ainsi que ses
conséquences. L’utilisation de ces 14 critères est largement reconnue et acceptée par la communauté scientifique et a donné lieu à la constitution d’un certain nombre d’échelles. Certaines sont
générales et conçues pour pouvoir évaluer diverses conduites comme par exemple le test des comportements addictifs (Vavassori et al., 2002) mais ont pour inconvénient d’être parfois perçues
comme trop généralistes car n’étant pas basées sur des items formulés spécifiquement pour certaines conduites. D’autres sont au contraire spécifiques à une addiction, comme par exemple
l’échelle de mesure de la dépendance à l’activité physique (Mangon et al., 2003) et se voient
reprocher une conception trop « médicopsychiatrique » de l’addiction. Cette conception, inhérente à l’utilisation des critères de Goodman puisque généralement évalués en termes de présence
ou absence au cours d’un entretien réalisé par un spécialiste, répond à un objectif précis : celui
de la détection des sujets « addicts » au sein d’une population plus large, illustrant ainsi un paradigme de rupture entre la conduite normale (l’absence d’addiction) et la conduite pathologique
(l’addiction).
À l’opposé de cette conception, de récents travaux soulignent le caractère réducteur de la distinction normal/pathologique dans le domaine des conduites addictives (Loonis et Peele, 2000 ;
Loonis, 2007). Les hypothèses interprétatives formulées par ces auteurs permettent d’envisager
une perspective « continuiste » des addictions. Selon cette perspective, la conduite addictive pourrait être considérée comme un continuum sur lequel il serait possible de placer chacun des individus
en fonction de l’intensité de leur conduite. Cette approche a pour originalité d’intégrer deux idées
fondamentales :
• celle d’une « normalité » de la conduite ne se traduisant pas nécessairement par son absence ;
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• celle de l’existence d’un grand nombre d’individus se situant dans une zone « normale »
intermédiaire sur ce continuum.
Cette seconde idée soulève par conséquent la question du repérage des sujets n’étant pas
considérée comme addicts au regard des critères diagnostiques mais ayant une pratique comportementale ou une consommation non négligeable qui peut parfois avoir des conséquences
négatives sur leur qualité de vie.
Ce repérage nécessite l’élaboration d’un nouvel outil de mesure des addictions intégrant ces
conceptions récentes et prenant en compte l’intensité de la conduite.
Notre objectif principal est ici de proposer un tel outil en détaillant la procédure d’élaboration
et en testant ses capacités discriminantes ainsi que certaines de ses qualités psychométriques.
Le second objectif consiste à étudier les relations entre diverses conduites addictives, avec ou
sans substances, au sein d’une population normale.
2. Méthodologie
2.1. Création de l’outil
Afin de pallier aux critiques précédemment formulées vis-à-vis des méthodes d’évaluation
existantes, nous avons construit un questionnaire d’autoévaluation destiné à mesurer spécifiquement les conduites addictives : le Questionnaire de mesure de l’intensité des conduites
addictives (QMICA). Ce questionnaire a été conçu sur la base des critères de Goodman.
Afin que les items du questionnaire soient suffisamment descriptifs et « porteurs de sens »
pour les répondants, chacun des critères de Goodman a fait l’objet d’une reformulation
spécifique à la substance consommée ou au comportement pratiqué. Sur la base de ces
reformulations, 12 versions différentes et séparées du questionnaire ont ainsi été élaborées
de façon à permettre l’évaluation des conduites addictives fréquemment étudiées dans la
littérature scientifique en psychologie et addictologie. Six versions du QMICA permettent
de mesurer une addiction à une substance (alcool, café/thé, cannabis, drogues dures, médicaments psychotropes et tabac) et six versions mesurent une addiction comportementale
(Internet, jeux de hasard, jeux vidéo, nourriture, sport et travail). Ces 12 questionnaires différents sont donc conçus pour être utilisés séparément et spécifiquement, mais peuvent être
associées dans le cadre d’un protocole utilisant plusieurs formes d’addictions avec ou sans
substances.
Pour chaque item, les sujets doivent indiquer leur degré d’accord sur une échelle de Likert en
sept points (de « pas du tout » à « absolument »). Le choix des sept modalités de réponse laisse la
possibilité aux sujets de nuancer leur réponse à chacun des items.
Un pré-test réalisé auprès de quelques étudiants à permis d’identifier les items nécessitant une
reformulation afin d’améliorer leur compréhension.
À titre d’exemple, les formulations des 14 items de la forme du QMICA4 mesurant l’intensité
de l’addiction à l’alcool (QMICA-A) sont présentées en Annexe 1.
4
Pour se procurer les items des 11 autres versions du QMICA, prendre contact avec l’auteur de l’article.
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2.2. Population
La validation des questionnaires a été réalisée sur un échantillon composé de 354 étudiants,
73 garçons (soit 20,6 %) et 281 filles (soit 79,4 %). L’âge moyen des étudiants composant
l’échantillon est de 20 ans (σ = 2,22). 51,4 % sont en psychologie, 35,9 % en IUT Carrières
sociales, et 8 % en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Près
de la moitié de l’échantillon (47,2 %) est en deuxième année de Licence, 22,3 % en première
année, 21,8 % en troisième année, 2 % en Master.
La mesure de la taille de l’effet de la variable genre réalisée à l’aide du logiciel G-Power a
montré que l’effet de cette variable pouvait être considéré comme relativement faible et que la
constitution d’un échantillon aléatoire de 73 filles ne réduisait que très peu cet effet.
2.3. Outils
Le protocole de questionnaires d’autoévaluation distribué aux étudiants comportait
12 questionnaires.
Les six différentes addictions aux substances étaient évaluées à l’aide du QMICA (versions
alcool, café/thé, cannabis, drogues dures, médicaments psychotropes et tabac), de même que pour
les six addictions comportementales (versions Internet, jeux de hasard, jeux vidéo, conduites
alimentaires, sport et travail).
2.4. Protocole
Les 12 questionnaires d’autoévaluation correspondant aux différentes formes du QMICA (versions alcool, café/thé, cannabis, drogues dures, médicaments psychotropes et tabac pour les
addictions avec substances et versions Internet, jeux de hasard, jeux vidéo, conduites alimentaires, sport et travail pour les additions sans substances) ont été administrés aux 354 sujets
de l’échantillon. Étant donné la longueur du protocole à remplir, du fait du nombre important
de questionnaires et afin de limiter l’impact d’un effet de lassitude lors du remplissage des
questionnaires, l’ordre de présentation des 12 versions du QMICA dans chaque protocole était
aléatoire. Chaque protocole se terminait par une page de questions évaluant les caractéristiques
sociodémographiques des répondants.
Afin d’éviter aux sujets de remplir les versions du QMICA correspondant à des substances
qu’ils n’ont jamais ou très peu consommé, un premier item était utilisé afin d’écarter les étudiants non concernés. Ce premier item évaluait sur une échelle en sept points (de « jamais » à
« beaucoup ») la fréquence avec laquelle ils avaient déjà pu consommer la substance (par exemple :
Vous est-il déjà arrivé de boire des boissons alcoolisées ?). La même procédure était utilisée concernant les addictions comportementales (par exemple : Vous est-il déjà arrivé de jouer à des jeux
vidéo ?). Seuls les étudiants ayant donné une réponse égale ou supérieure à la modalité de réponse
médiane de ce premier item remplissaient la version du QMICA concernée.
2.5. Méthodes statistiques
La méthode d’analyse factorielle exploratoire en composante principale sera utilisée pour en
tester la structure factorielle. Le calcul du coefficient alpha de Cronbach sera utilisé afin d’étudier
la consistance interne des items des différentes versions du QMICA. L’utilisation de statistiques
descriptives permettra de décrire les distributions et leur sensibilité. La normalité des distributions
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observées sera testée à l’aide du test de Kolmogoroff-Smirnoff. Enfin, l’utilisation de corrélations
paramétriques (coefficient de Bravais-Pearson) permettra de tester les qualités psychométriques
de l’outil ainsi que l’existence de co-addictions.
3. Résultats
3.1. Structure factorielle, consistance interne et fidélité des items du questionnaire
Afin de tester la structure factorielle du QMICA, les scores des sujets aux 14 items du questionnaire ont été soumis à une analyse factorielle en composantes principales. Une analyse a été
testée séparément pour chacune des versions du QMICA.
Pour l’ensemble des versions du questionnaire, l’analyse révèle l’existence d’un facteur général
de valeur propre supérieure à 1. Ce facteur qui regroupe les 14 items du questionnaire explique
de 29,8 % à 42,01 % de la variance selon la version du questionnaire (Tableau 1). Du fait d’un
faible nombre de répondants à certaines versions du QMICA, la structure factorielle des versions
« drogues dures », « jeux de hasard » et « médicaments » n’a pu être testée.
La consistance des items a été testée à l’aide du calcul du coefficient alpha de Cronbach
pour chacune des versions du questionnaire (Tableau 1). Tous les alphas sont supérieurs à la
valeur 0,80 ce qui atteste que les items du QMICA sont bien homogènes entre eux. Ces résultats
permettent de justifier l’utilisation d’un score total au QMICA correspondant à la somme des
14 items afin de mesurer l’intensité de la conduite addictive.
L’étude de la fidélité des items est réalisée à l’aide de la méthode split-half. Cette
méthode permettant de déterminer dans quelle mesure le score d’un outil d’évaluation est
susceptible d’être biaisé par des erreurs de mesure est basée sur le calcul du coefficient
de corrélation (coefficient de Bravais-Pearson) entre les items pairs et les items impairs
du questionnaire. Les valeurs élevées des corrélations entre les items pairs et les items
impairs (Tableau 1) attestent de la bonne fidélité des 14 items du QMICA et permettent de
considérer le score obtenu au questionnaire comme peu affecté par des erreurs de mesure aléatoires.
Tableau 1
Résultats de l’analyse factorielle, coefficient alpha de Cronbach et fidélité des items des différentes versions du QMICA.
QMICA
Nombre de
sujets
Nombre de facteurs
après analyse
% Variance expliqué
Alpha
Pair-Impair (r)
Alcool
Café/Thé
Cannabis
Drogues dures
Internet
Jeux de hasard
Jeux vidéo
Médicaments
Conduites alimentaires
Sport
Tabac
Travail
203
222
103
8
132
42
90
29
202
147
157
131
1
1
1
–
1
–
1
–
1
1
1
1
32,22
32,92
40,00
0,80
0,83
0,86
0,91
0,82
0,84
0,89
0,80
0,85
0,83
0,88
0,81
0,76a
0,73a
0,79a
0,87a
0,76a
0,75a
0,98a
0,74a
0,77a
0,76a
0,82a
0,80a
a
Corrélations significatives à p = 0,000.
–
32,25
–
42,01
–
34,94
34,22
41,71
29,81
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3.2. Sensibilité des mesures et paramètres des distributions
Le Tableau 2 ci-dessous présente les tendances centrales et paramètres statistiques des distributions obtenues pour chacune des versions du QMICA. Le test de Kolmogorov-Smirnoff
est utilisé afin de tester la normalité des distributions. La présence d’un résultat significatif à
ce test amène à considérer la distribution comme ne correspondant pas à des paramètres normaux.
À titre indicatif et afin de décrire plus précisément la dispersion des sujets en fonction de leur
score total au QMICA, le tableau indique également le pourcentage de sujets ayant des scores
très proches de la moyenne (scores compris entre moyenne −1/2σ et moyenne +1/2σ) ainsi que
le pourcentage de sujets ayant des scores élevés (scores supérieurs à moyenne +1σ).
L’ensemble des paramètres présentés atteste de la normalité de la plupart des distributions.
L’utilisation du test de Kolmogorov-Smirnoff permet de considérer comme normales neuf des
12 distributions. Les trois distributions ne correspondant pas à des paramètres normaux sont celles
des versions « alcool », « café/thé » et « jeux vidéo » du QMICA. Dans ces trois cas de figure, la
distribution obtenue se caractérise par une surreprésentation des sujets ayant des scores très faibles
comparativement à ceux ayant obtenu des scores très élevés. Ce type de distribution permet donc
de discriminer de façon efficace les sujets se distinguant de l’ensemble de la population du fait
de scores supérieurs. Cette « absence » de normalité ne remet donc pas en cause la sensibilité de
l’outil et sa capacité à discriminer les sujets « à risques ».
Dans tous les cas, malgré les possibles variations des scores observés d’une version à l’autre
(par exemple : moyenne = 26,26 pour les jeux de hasard et moyenne = 54,69 pour le tabac), il est
possible d’observer une cohérence entre les deux tendances centrales que sont la médiane et la
moyenne.
Il est intéressant de constater que certaines conduites fréquemment observées en population
étudiante sont associées à des scores d’intensité addictive modérée. C’est notamment le cas de
la consommation d’alcool. À l’inverse, certaines conduites peu décrites en population étudiante
laissent malgré tout apparaître des scores d’intensité addictive relativement élevée, comme par
exemple pour l’addiction au travail ou vis-à-vis de certaines conduites alimentaires.
Que ces tendances centrales soient plutôt modérées ou plutôt élevées, il convient de souligner
l’importante étendue des scores comparativement à l’étendue maximale observable. L’étendue la
plus faible concerne les jeux de hasard et correspond à 53 points (de 14 à 67) sur une étendue
possible de 84 (de 14 à 98). Les scores d’addiction au tabac sont ceux pour lesquels l’étendue
observée est la plus grande : 75 points (de 16 à 91). Ces résultats permettent de considérer le
QMICA, et ce quelle que soit la version concernée, comme un outil permettant de mettre en
évidence d’importantes différences interindividuelles, ce qui atteste de sa sensibilité.
3.3. Étude des co-addictions
La Fig. 1 ci-dessous présente les coefficients de corrélations entre les 12 conduites addictives.
Afin d’en améliorer la lisibilité, seuls les coefficients de corrélation significatifs figurent dans la
matrice de corrélation.
Le grand nombre de corrélations significatives confirme l’existence de la présence simultanée
de conduites addictives intenses chez les mêmes individus. L’étude approfondie de ces corrélations
montre que les addictions les plus fréquemment observées telles que l’addiction au tabac et à
l’alcool coexistent avec un grand nombre d’autres addictions, qu’elles soient comportementales
ou basées sur la consommation d’autres substances. Certaines addictions semblent néanmoins
NS : non significatif.
* p ≤ 0,05.
Alcool
Café/Thé
Cannabis
Drogues dures
Internet
Jeux de hasard
Jeux vidéo
Médicaments
Conduites alimentaires
Sport
Tabac
Travail
14
14
14
22
14
14
14
15
22
14
16
24
Min
72
74
75
94
92
67
86
76
92
98
91
89
Max
29
29
36
39,5
33,5
23,5
32
38
48,5
47
57
53
Médiane
31,35
30,90
40,71
44,62
35,61
26,26
35,41
37,76
48,96
48,09
54,69
52,58
Moyenne
11,71
12,06
16,63
22,05
12,70
11,27
16,73
15,16
15,24
15,29
16,97
14,45
Écart-type
Tableau 2
Tendances centrales et paramètres statistiques des distributions des 12 versions du QMICA.
1,59*
1,47*
NS
NS
NS
NS
1,39*
NS
NS
NS
NS
NS
Test de K-S
44,8
36,1
42,2
38,8
34,3
37,4
37,9
62,5
35,6
47,6
40
31
% de sujets de −1/2␴ à +1/2␴
18,4
12,5
14,4
11,9
15,5
20,7
15,3
18,4
14,6
14,5
11,8
18
% de sujets > +1␴
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Fig. 1. Étude des liens entre l’intensité des différentes corrélations (*p < 0,05 ; **p < 0,01).
moins associées à d’autres. C’est notamment le cas de l’addiction aux jeux de hasard et de
l’addiction aux drogues dures.
4. Discussion
4.1. Qualités psychométriques du QMICA
Les résultats des analyses factorielles réalisées ont permis de souligner la pertinence de
l’utilisation du score total obtenu au QMICA. La bonne consistance des items du questionnaire
légitime l’interprétation de ce score total comme traduisant l’intensité de la conduite addictive.
Cet outil vient donc répondre à l’objectif initial visant à proposer une méthode de mesure des
conduites addictives ne se limitant pas à la fréquence du comportement mais se centrant plutôt
sur l’intensité de la conduite, conformément à la conception « continuiste » mise en perspective
dans l’analyse de la littérature scientifique (Loonis, 2007).
L’étude des distributions obtenues aux différentes versions du questionnaire semble légitimer cette perspective « continuiste » en confirmant l’hypothèse d’une normalité statistique des
conduites addictives. En effet, tout comme le nombre de sujets ayant des scores très élevés,
le nombre de sujets ayant des scores très faibles est particulièrement réduit. A contrario, un
grand nombre de sujets obtiennent des scores proches de la valeur moyenne. Cette normalité est
confirmée par la plupart des résultats des tests de Kolmogorov-Smirnoff.
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À cette normalité viennent se rajouter de bonnes qualités psychométriques. En effet,
la forte dispersion des sujets sur l’étendue possible des scores atteste des bonnes capacités discriminantes du QMICA et donc de sa sensibilité. La forte dispersion des
scores des sujets pourra également être interprétée comme traduisant le faible impact
de la désirabilité sociale dans les réponses. En effet, ce biais d’autoévaluation a généralement pour conséquence de réduire la sensibilité des outils de mesure du fait
de la similarité des réponses. Ce faible impact de la désirabilité sociale dans les
réponses est un argument supplémentaire en faveur de l’utilisation de cette méthode
d’évaluation.
La fidélité du QMICA a quant à elle pu être testée à l’aide de la méthode
split-half. Enfin, la validité du QMICA a pu être montrée, en référence à la consistance interne de ses items. Ces résultats font donc du QMICA un outil présentant de
bonnes qualités tant sur le plan théorique et conceptuel que sur le plan psychométrique.
Cependant, malgré les résultats attestant de la bonne consistance des items ainsi que
des capacités discriminantes de l’outil, certains éléments psychométriques mériteront cependant de faire l’objet d’études complémentaires afin de permettre une validation complète
du QMICA. De futures études similaires permettront par ailleurs une étude plus précise des conduites addictives pour lesquels le nombre de répondants avait été insuffisant
pour prétendre tester la structure factorielle des questionnaires concernés. Dans ce cadre,
il paraîtra intéressant de tester la stabilité des scores obtenus à l’aide du QMICA grâce
à la mise en place d’un protocole test-retest. Les évaluations réalisées dans ce type
de protocole devront néanmoins être suffisamment proches afin de limiter l’impact que
pourrait avoir la survenue d’événements de vie négatifs dans le parcours des participants.
Pour chacune des 12 versions, il conviendra également de tester la sensibilité et la pertinence
de chacun des items. Cela permettra de déterminer parmi les critères de Goodman si certains
sont plutôt caractéristiques de certaines addictions seulement ou s’ils s’appliquent véritablement
à toutes les formes de conduites addictives. Par ailleurs, selon la population étudiée, certaines
versions du QMICA pourront paraître trop générales. C’est par exemple le cas pour ce qui
est de l’utilisation de la version « conduites alimentaires » auprès d’individus souffrant de ce
type de troubles. En effet, la diversité des conduites alimentaires (ou de l’aliment concerné)
observables pourra parfois nécessiter l’utilisation de formulations d’items encore plus spécifiques. De la même façon, la version « Internet » pourra faire l’objet de formulations plus
précises lorsqu’il s’agira de distinguer divers profils au sein d’individus souffrant de cyberaddiction.
Les études ultérieures réalisées à l’aide de ce questionnaire mériteraient de prévoir l’analyse
des conduites addictives en lien avec différents facteurs susceptibles de les influencer tels que
les éventuels antécédents médicaux et/ou psychiatriques, personnels et/ou familiaux. L’influence
de variables psychologiques telles que la personnalité, le stress et la coping méritera également
d’être testée en référence aux modèles classiques de psychologie de la santé (Bruchon-Schweitzer,
2002).
Enfin, le score total obtenu à l’aide de chacune des versions du QMICA devra faire l’objet
d’une procédure de validation en référence à des critères externes comme par exemple les scores
obtenus à l’aide d’outils d’évaluation préexistants tels que ceux mentionnés précédemment. Cela
permettra par ailleurs de réaliser des études comparatives entre des populations dépendantes et
des populations non dépendantes. Dans cette perspective, nous avons réalisé une première étude
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de validation concomitante portant sur le score d’addiction à la pratique sportive auprès d’une
population composée de 102 adolescents sportifs de différentes disciplines (Mette, 2009)5 .
4.2. Classification de l’intensité des conduites addictives
Les statistiques descriptives soulignent le décalage entre, d’une part, la fréquence de
certaines conduites addictives dans la population étudiante rapportées dans la littérature
scientifique et, d’autre part, les scores d’intensité addictive. Un tel décalage suggère que
l’évaluation des conduites addictives uniquement sur la base de leur fréquence ne soit pas
une méthode d’évaluation fiable. L’addiction à Internet illustre bien cette limite. En effet,
l’utilisation de cet outil peut être la conséquence d’une autre forme d’addiction (comme par
exemple l’addiction aux jeux vidéo en ligne, l’addiction sexuelle, etc.) ou tout simplement
être intégré à des activités scolaires ou professionnelles. Le temps d’utilisation ne permet
donc pas d’appréhender la façon dont l’individu peut en devenir dépendant. Cette remise
en cause pourra également concerner les évaluations portant sur les consommations de substances.
Les bonnes capacités discriminantes du QMICA soulignent également le caractère réducteur du fait d’évaluer les critères addictifs en termes de présence/absence ainsi que du fait
de limiter l’étude des populations « addictées » aux seuls individus pathologiques correspondant aux critères diagnostiques. L’étude des dispersions des scores aux différentes versions
du QMICA montre qu’il existe en effet toute une catégorie de la population chez laquelle
il est possible d’observer des consommations ou des pratiques comportementales suffisamment importantes pour pouvoir occasionnellement être à l’origine de désagréments ou de
conséquences négatives et qui sont susceptibles d’évoluer en s’intensifiant et donc devenir pathologique. Dans une perspective de prévention des conduites addictives, il paraît
donc important de se doter d’outils permettant un repérage de ces sujets « à risques » mais
n’ayant pas pour autant une consommation suffisamment intense ou problématique pour
qu’elle soit considérée comme pathologique. Il semble par ailleurs que ce soit sur cette
population qu’il convienne de cibler des interventions préventives afin de limiter les risques
ultérieurs.
Dans cette perspective de repérage, il paraît intéressant de proposer une interprétation des scores
basée sur la mise en évidence de « classes » correspondant à des conduites d’intensité différente.
Ces classes peuvent être proposées en référence aux paramètres des distributions des scores aux
questionnaires. La construction des classes proposée ici accentue la distinction des sujets ayant
des scores élevés au QMICA afin de détecter le plus efficacement possible ceux présentant des
conduites addictives susceptibles de devenir problématiques. Par conséquent, quatre classes sont
proposées :
5
Le score obtenu par cette population à la version sport du QMICA a été mis en relation avec le score obtenu au
questionnaire Exercise Dependence Scale-Revised (EDS-R) de Hausenblas et Downs (2002) validé en français par Kern
(2007). Le coefficient de corrélation obtenu entre les scores à ces deux échelles (r = 0,60, p < 0,01) permet d’attester de
la validité du score au QMICA version sport en tant que mesure de l’addiction à la pratique sportive. Par ailleurs, la
comparaison des scores obtenus entre cette population et la population générale ayant servi à la validation du QMICA
indique que le score d’addiction à la pratique sportive est significativement plus élevé chez les adolescents exerçant leur
activité sportive de manière intensive (62,5 vs 48,1). Ce travail de validation concomitante fera l’objet de publications
plus détaillées intégrant les limites concernant l’utilisation de ce questionnaire auprès de cette population sportive.
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Tableau 3
Proposition de classification des scores bruts des différentes versions du QMICA en quatre groupes d’intensité.
Conduite addictive
Alcool
Café/Thé
Cannabis
Drogues duresa
Internet
Jeux de hasarda
Jeux vidéo
Médicamentsa
Conduites alimentaires
Sport
Tabac
Travail
Faible
Modérée
Élevée
Intense
14–25
14–24
14–32
14–33
14–29
14–20
14–27
14–30
14–41
14–40
14–46
14–45
26–37
25–36
33–49
34–55
30–41
21–31
28–43
31–45
42–56
41–55
47–63
46–59
38–43
37–42
50–57
56–65
42–48
32–37
44–52
46–52
57–64
56–63
64–71
60–67
44–98
43–98
58–98
66–98
49–98
38–98
53–98
53–98
65–98
64–98
72–98
68–98
a
Par ailleurs, la classification des scores proposée pour les versions « drogues dures », « jeux de hasard » et
« médicaments » du QMICA méritera d’être confirmée sur un échantillon de taille plus importante.
• les sujets ayant des scores inférieurs à la moyenne (scores inférieurs à moyenne −1/2␴ ;
pourcentage théorique = 30,8 %) et dont la conduite addictive peut être considérée comme
faible ;
• les sujets ayant des scores proches de la moyenne (scores compris entre moyenne −1/2σ
et moyenne +1/2σ ; pourcentage théorique = 38,4 %) et dont la conduite addictive peut être
considérée comme modérée ;
• les sujets dont le score est supérieur à la moyenne (scores compris entre moyenne +1/2σ et
moyenne +1σ ; pourcentage théorique = 15 %) et dont la conduite addictive peut être considérée
comme élevée ;
• les sujets dont le score est significativement supérieur à la moyenne (scores supérieurs à
moyenne +1σ ; pourcentage théorique = 15,8 %) et dont la conduite addictive peut être considérée comme intense.
Le Tableau 3 ci-dessous présente pour chacune des versions du QMICA (et compte tenu des
moyennes et écarts-types de chaque distribution) les scores bruts correspondant à chacune des
quatre classes proposées.
Bien que l’utilisation du QMICA n’ait pas pour objectif premier de « classer » les sujets en différents groupes, la transformation des scores bruts ici proposée permettra néanmoins d’identifier
les sujets pouvant être considérés comme « à risques ». Cette classification des scores en quatre
groupes d’intensité devra cependant faire l’objet d’une validation en référence à des critères médicaux évalués sur la base de critères objectifs tels que la dégradation de l’état de l’état de santé
(physique ou mental). L’étude comparative rendue ainsi possible permettra alors de tester les
comorbidités éventuellement associées à ces quatre niveaux d’intensité addictive.
4.3. Co-addictions, compensations et noyau addictif
Le grand nombre de corrélations observées entre les différentes conduites addictives confirme
l’existence d’un phénomène de polyaddiction (Beck et al., 2004 ; Décamps et al., 2009). Les
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résultats de la présente étude montrent que les conduites addictives les plus observées en population étudiante comme la consommation d’alcool ou de tabac sont d’autant plus fréquemment
associées à d’autres. Ce résultat s’explique par ailleurs du fait de la grande proportion de sujets
ayant des scores considérés comme « intermédiaires » du point de vue de l’intensité addictive.
La méthode d’évaluation présentée ici permet donc d’identifier des liens là où d’autres critères
d’évaluation auraient laissé de côté les sujets n’ayant pas une conduite suffisamment importante
pour être considérée comme véritablement addictive.
Le fait qu’aucune addiction ne soit associée à l’addiction aux jeux de hasard ainsi qu’aux
consommations de drogues dures devra faire l’objet d’études confirmatoires. En effet, le profil décrit par Adès et Lejoyeux (2001) concernant les « drogués du jeu » semble difficilement
applicable à une population plus jeune composée exclusivement d’étudiants.
Par ailleurs, la rareté des consommations (déclarées) de drogues dures chez les étudiants limite
la mise en évidence de corrélations significatives. Il conviendra cependant de soulever la question
selon laquelle les formulations du QMICA version drogues dures sont peut-être trop générales
pour les consommateurs d’une drogue dure en particulier, et d’autant plus si leur consommation de
drogue est associée à une perception erronée de la dangerosité (ou plus simplement de l’illégalité)
du produit. Il est alors possible de faire l’hypothèse selon laquelle des consommateurs d’ecstasy
puissent considérer cette substance comme n’étant pas une drogue dure pour peu qu’ils considèrent
pouvoir contrôler leur consommation ou la limiter à certains contextes. Il est alors possible de
recommander de décliner la version drogues dures du QMICA en plusieurs autres versions plus
spécifiques pour les auteurs qui souhaiteront approfondir l’évaluation de certaines drogues dures
spécifiques.
Les co-addictions mises en évidence par la méthode des corrélations dans le cadre de cette étude
ne permettent cependant pas de déterminer si ces associations entre addictions sont concomitantes
ou si elles se succèdent par un phénomène de compensation comme suggéré par Décamps et al.
(2009). Cette question méritera d’être approfondie par de futures recherches visant à préciser la
place des compensations addictives dans l’apparition de nouvelles addictions ou la réduction de
conduites addictives existantes. Cette limite méthodologique rejoint ici la difficulté conceptuelle
rencontrée pour définir le concept de « noyau addictif ».
Ce concept, bien que fréquemment repris par les praticiens de la prise en charge en addictologie, souffre d’une difficulté d’opérationnalisation qui limite ainsi la compréhension du
phénomène addictif. L’utilisation du QMICA dans le cadre d’études longitudinales devrait permettre d’approfondir la compréhension de ce phénomène en identifiant les aspects diachroniques
liés à l’évolution temporelle des conduites addictives et de leurs phénomènes compensatoires,
tout en visant à identifier le symptôme, addictif ou non, venant constituer le terrain favorable à
une conduite susceptible de devenir source de dépendance.
Le choix du terme « noyau » n’est pas neutre. Il est basé sur l’idée selon laquelle un élément central donne lieu à l’apparition d’un système élaboré venant ensuite le dissimuler. Les
futures études venant alimenter la compréhension (ou les questionnements vis-à-vis) de ce concept
devront prioritairement permettre de déterminer la façon dont certaines caractéristiques dispositionnelles (telles que la personnalité) entrent en jeu dans les transactions (stress, coping) entre
l’individu et son environnement au cours desquelles interviennent les conduites addictives. Ces
questionnements nouveaux viennent donc légitimer la remise en question des outils ou critères
diagnostiques existants.
En conclusion, l’utilisation du QMICA semble trouver un intérêt particulier et ce à différents
niveaux. Sur le plan de la recherche, cet outil devrait permettre la mise en place d’études fondamentales visant à décrire plus précisément les concepts proposés par certains auteurs, tout en
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étudiant leurs applications auprès de différentes populations. Sur le plan de la pratique clinique,
l’outil devrait permettre d’envisager plusieurs pistes d’action. D’une part, la prise en charge des
personnes présentant des conduites addictives et, d’autre part, la prévention de ces conduites au
sein de populations vulnérables telles que les jeunes adultes. Toutes ces actions devront appréhender l’addiction de façon globale en intégrant le mode de fonctionnement de l’individu, et ne
pas considérer exclusivement le produit ou la conduite source d’addiction comme étant le seul
« symptôme » à faire disparaître.
Conflit d’intérêt
Aucun.
Annexe 1. Les items du QMICA-A (version alcool)
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
Lorsque j’ai envie de boire des boissons alcoolisées, il m’est impossible de résister
J’éprouve une sensation de tension juste avant de boire des boissons alcoolisées
J’éprouve du plaisir ou du soulagement pendant que je bois des boissons alcoolisées
J’ai parfois une sensation de « perte de contrôle » pendant que je bois des boissons alcoolisées
Je pense souvent au fait de boire des boissons alcoolisées
Les moments que je consacre à boire des boissons alcoolisées sont plus intenses et fréquents
que je n’aurais pu l’imaginer
J’ai déjà essayé plusieurs fois de réduire, contrôler ou abandonner ma consommation d’alcool
Je consacre beaucoup de temps à boire des boissons alcoolisées
J’ai parfois besoin de temps pour me remettre de ma consommation d’alcool
J’ai l’impression que je bois davantage de boissons alcoolisées lorsque je dois faire face à
des obligations ou des contraintes
Le fait de boire des boissons alcoolisées m’a déjà conduit à restreindre mes activités sociales
(sorties entre amis, activités familiales, loisirs, travail. . .)
Je continue à boire des boissons alcoolisées bien que je sache que cela peut avoir des
conséquences négatives sur ma qualité de vie
Depuis que je bois des boissons alcoolisées, j’ai l’impression que je dois en boire de plus en
plus pour que cela me satisfasse
Je me sens tendu, agité ou irritable si je ne peux pas boire d’alcool.
Références
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