L`Hôtel-Dieu de Montréal doit demeurer un centre public de santé

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L`Hôtel-Dieu de Montréal doit demeurer un centre public de santé
L’Hôtel-Dieu de Montréal doit demeurer
un centre public de santé
Photo Jacques Nadeau- Le Devoir
Déclaration de l’Association Jeanne-Mance des infirmières et infirmiers diplômés de
l’Hôtel-Dieu de Montréal à l’occasion de son assemblée annuelle, Montréal, 31 mai 2014
L’Association Jeanne-Mance, joignant sa voix aux nombreux groupes qui s’opposent à la
vente de l’Hôtel-Dieu de Montréal, demande au ministre de la Santé et des Services sociaux
d’intervenir pour empêcher le CHUM de vendre cet hôpital à des intérêts privés, et que
soient préservés la vocation santé et le statut public de cette institution au service des
malades depuis 1642, sur le site actuel depuis 1861.
Le choix des services qui devraient y être maintenus en complémentarité avec ceux du
nouveau CHUM, ou développés compte tenu des besoins actuels de la communauté, doit
faire l’objet d’une véritable consultation publique en toute transparence.
Rappelons la vocation annoncée lors de la signature de l’entente créant le CHUM, né de la
fusion des hôpitaux Notre-Dame, Saint-Luc et Hôtel-Dieu. Le CHUM, disait-on, comprendra
« un centre ambulatoire au pavillon A (l'actuel Hôtel-Dieu), où l'on recevra environ 400 000
visites par année en clinique externe et 33 000 à l'urgence; s'y trouveront une centaine de
lits »1 […].
Cette perspective prend aujourd’hui un sens particulier alors que l’actuel gouvernement du
Québec « favorisera la création de 50 super-cliniques (multidisciplinaires) ouvertes sept jours
sur sept, en plus de rehausser les investissements en infrastructures » et « permettra aux
patients d’aller dans une clinique avec leur carte-soleil pour des examens d’imagerie médical2.
N’y a-t-il pas déjà dans le vaste ensemble patrimonial de l’avenue des Pins toutes les
conditions réunies pour un centre ambulatoire public, sans exclure d’autres possibilités3?
Rappelons en effet que l’hôpital a rénové plusieurs de ses départements à grands frais et
avec des fonds publics durant les dernières décennies et qu’il dispose d’équipes soignantes,
d’installations et d’équipement modernes permettant de pouvoir s’adapter rapidement à
une vocation ambulatoire plus complète, souhaitée par le gouvernement.
Sa localisation aux pieds du Mont-Royal et son architecture en font aussi l’un des plus beaux
sites du patrimoine de Montréal, qui doit demeurer un bien commun. Le Groupe d’experts
sur l’avenir des bâtiments hospitaliers excédentaires n’exclut pas de « recommander de
nouveaux investissements publics dans les ensembles hospitaliers excédentaires à très grande
valeur historique, architecturale, patrimoniale, urbanistique, identitaire et symbolique que
sont l’Hôpital Royal Victoria et l’Hôtel-Dieu … »4.
À l’aube du 375e anniversaire de Montréal, l’on devrait pouvoir célébrer la survie de l’HôtelDieu fondé par Jeanne Mance. Le gouvernement du Québec doit donner à l’Hôtel-Dieu les
moyens de poursuivre sa vocation santé.
Le conseil de l’Amicale de l’Association Jeanne-Mance
Lucie Poulin, présidente
Doris Trépanier-Houle, vice-présidente
Nicole Bussières rhsj, secrétaire
Marcelle Lapierre-Labelle, conseillère
Sœur Thérèse Payer rhsj, conseillère
1 Le CHUM, le plus grand centre hospitalier universitaire au Canada, Forum, Université de Montréal, le 15
octobre 1996. ww.forum.umontreal.ca/…/Forum96-10-15/hopital.html (consulté 28 mai 2014)
2 Des engagements inspirés de nos succès, PLQ, Québec, 31 mars 2014.
3 Hôtel-Dieu de Montréal : QS et PLQ veulent maintenir une urgence, Radio-Canada. Élections Québec 2014.
4 Rapport du Groupe d’experts sur l’avenir des bâtiments excédentaires de Montréal, le 20 décembre 2013, p.10.
Le 2e rapport de ce comité est terminé, mais qu’il n’est toujours pas rendu public. Courriel du secrétaire du
Groupe, M. James McGregor, en réponse à notre demande, 28 mai 2014.
L’Association Jeanne-Mance, 251, avenue des Pins Ouest, Montréal (Québec) H2W 1R6
Quelques dates repères sur la vocation de l’Hôtel-Dieu de Montréal
1644 « faire bâtir et fonder un hôpital en la dite Isle de Montréal au nom et en l’honneur de
Saint-Joseph pour y traiter, panser, médicamenter et nourrir les pauvres malades du dit
pays …». Extrait du contrat entre la Société de Ville-Marie (France) et Jeanne Mance. Paris, le
12 janvier 1644.
1658 « Mlle Mance part pour la France, afin d’obtenir de la Compagnie de Jésus « de lui faire
avoir les filles de Saint-Joseph ». 29 septembre 1658.
Source : Jeanne Mance, première infirmière laïque au Canada, fondatrice et administratrice
de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Soeur Thérèse Payer rhsj. Bulletin Pierres Vivantes 2012.
Pendant plus d’un siècle, l’Hôtel-Dieu occupe divers emplacements dans le Vieux-Montréal.
1861 L’Hôtel-Dieu déménage sur le site actuel au 3840 Saint-Urbain, au coin de l’avenue
des Pins.
Années 1940-1950 Des pavillons s’ajoutent au corps principal : Le Royer en 1942, De
Bullion en 1953, Jeanne-Mance construit en 1951, occupé par l’hôpital en 1970 lors du
départ des étudiantes infirmières au CEGEP.
1996 Le Centre hospitalier universitaire de l’Université de Montréal (CHUM) est créé sur
trois sites.
« La signature du protocole d'entente créant le Centre hospitalier de l'Université de
Montréal, né de la fusion des hôpitaux Notre-Dame, Saint-Luc et Hôtel-Dieu, a eu lieu mardi
dernier (27 mars) au Pavillon principal, en présence du ministre québécois de la Santé et
des Services sociaux, Jean Rochon, du ministre d'État à la métropole, Serge Ménard, du
maire de Montréal, Pierre Bourque, du recteur René Simard et du responsable du comité
d'implantation, Guy Coulombe ».
« Rappelons en quelques chiffres ce que sera le CHUM, le plus grand centre hospitalier
universitaire au Canada: un centre ambulatoire au pavillon A (l'actuel Hôtel-Dieu), où l'on
recevra environ 400 000 visites par année en clinique externe et 33 000 à l'urgence; s'y
trouveront une centaine de lits. Un hôpital de 1200 lits répartis dans les pavillons B (NotreDame) et C (Saint-Luc) avec 210 000 visites en clinique externe et 128 000 à l'urgence par
année ».
http://www.forum.umontreal.ca/numeros/1996-1997/Forum96-09-30/article01.html
Il y a ensuite des pourparlers entre les diverses composantes du CHUM pour se répartir les
services et spécialités. Ainsi, par exemple, l’Hôtel-Dieu hérite notamment de la cardiologie
et chirurgie cardiaque, du service des grands brulés, de la dermatologie chirurgicale, alors
que Notre-Dame a la quasi-exclusivité de l’ophtalmologie et de l’orthopédie. Plusieurs
services se retrouvent dans les trois hôpitaux (urgence, chirurgie d’un jour, cliniques
externes …) alors que certains services psychosociaux sont plutôt dirigés à un hôpital en
particulier, par exemple l’aide aux victimes d’agression sexuelle à l’Hôtel-Dieu.
Octobre 2007 Après de nombreuses discussions sur le choix d’un emplacement pour le
nouveau CHUM et la reponsabilité pour la construction et l’entretien, le site sera construit
près de l’Hôpital Saint-Luc. La construction de Centre de recherche et du CHUM se fera en
partenariat public-privé (PPP). Les travaux commencent au printemps 2011. Le Centre de
recherche ouvre ses portes à l’automne 2013 et le CHUM devrait être achevé en 2016.
Mars 2013 Le CHUM décide de disposer des hôpitaux dits excédentaires lorsque le nouveau
CHUM sera terminé. « Notre-Dame deviendra un hôpital communautaire pour l’Est. L’HôtelDieu sera vendu ». La Loi sur les services de santé et les services sociaux (art. 262.1) définit
un immeuble excédentaire comme un immeuble pour lequel ni l’établissement, ni l’agence
concernée, ni le ministre ne prévoit aux fins d’un établissement, une quelconque
utilisationpour les cinq années subséquentes ».
27 mars 2013 Le conseil d’administration de l’Agence de la santé et des services sociaux de
Montréal autorise le CHUM à se départir des huit pavillons de l’Hôtel-Dieu ainsi que de sept
pavillons de Notre-Dame « pour aider à financer la construction du nouveau hôpital
universitaire ». Le CHUM espère ainsi obtenir 41 millions.
« Au ministère de la Santé, la porte-parole Noémie Vanheuverzwijn a indiqué qu’il n’est pas
dans les plans de céder l’Hôtel-Dieu à d’autres ministères ou à la Ville de Montréal, comme
le permet la loi ». La Presse, 28 mars 2013.
Cette décision provoque des réactions nombreuses, dont les suivantes :
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SECHUM-CSN, Jeanne Mance doit se retourner dans sa tombe, 17 mai 2013.
Déclaration de la Coalition Sauvons l’Hôtel-Dieu, 19 juin 2013.
Excédentaire, l’Hôtel-Dieu? Non! Advenant sa fermeture, il ne resterait aucun hôpital
francophone à l’ouest du boulevard Saint-Laurent? Un scandale! Dr Michel Bergeron,
23 novembre 2013.
Position de la CDC Action solidaire Plateau sur l’avenir du site de l’Hôtel-Dieu,
février 2014.
L’Hôtel-Dieu de Montréal, une composante essentielle du nouveau CHUM et sa
dimension géopolitique. Drs Michel Bergeron et Claude Roy de la Faculté de
médecine de l’Université de Montréal, 10 février 2014.
Hôtel-Dieu de Montréal : QS et PLQ veulent maintenir une urgence. ICI RadioCanada, 7 mars 2014.
12 novembre 2013 Le ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du
Commerce extérieur et ministre de la région de Montréal, le ministre de la Santé et des
Services sociaux, et le ministre de la Culture et des communications créent un Groupe
d’experts sur l’avenir des bâtiments hospitaliers excédentaires de Montréal avec le mandat
de :
Prendre avis sur le processus de disposition des immeubles hospitaliers
excédentaires auprès des instances de la société civile que le groupe d’experts
jugera opportun de consulter quant aux scénarios de réutilisation les plus
pertinents ;
Formuler des recommandations au Comité interministériel et lui faire rapport.
20 décembre 2013 Le Groupe d’experts présente un premier rapport. Il indique (p.10) que
sur les six bâtiments jugés excédentaires, Royal Victoria et l’Hôtel-Dieu doivent être
examinés séparément tenant compte que « la valeur historique, architecturale,
patrimoniale, urbanistique, identitaire et symbolique de l'Hôpital Royal Victoria et de
l'Hôtel-Dieu est reconnue comme exceptionnelle. Retenons notamment qu’ils sont situés
dans le site patrimonial désigné du Mont-Royal, que leur construction a débuté avant le XXe
siècle, et que leur grande taille et leurs espaces ouverts d’importance en font des éléments
stratégiques pour la mise en valeur du lieu montréalais éminemment emblématique qu’est
le Mont-Royal ».
La disposition de ces deux derniers hôpitaux n’est pas examinée dans ce rapport. Le 2e
rapport est terminé, mais qu’il n’est toujours pas rendu public.
À suivre …
Note préparée par Lucie Dagenais, 30 mai 2014
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