Note sur la non spéculation
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Note sur la non spéculation
Note sur la non spéculation Jean Baudrillard : « La ségrégation dans l'habitat n'est pas nouvelle, mais de plus en plus liée à une pénurie savante et à une spéculation chronique, elle tend à devenir décisive, tant par la ségrégation géographique (centre des villes et périphérie, zones résidentielles, ghettos de luxe et banlieue-dortoir, etc.) que dans l'espace habitable (intérieur et extérieur du logement), le dédoublement en résidence secondaire, etc. . » La Société de consommation - Denoël - 1970, page 73 La charte d'Habicoop précise que « la coopérative d'habitants refuse la spéculation ». De quelle spéculation s'agit-il et pourquoi ? Si d'une manière générale spéculer consiste à prendre des décisions qui engagent l'avenir afin d'en retirer un avantage, c'est la spéculation foncière ou immobilière que nous refusons : nous voulons rendre à l'habitat sa fonction de satisfaire des besoins fondamentaux au lieu de chercher à réaliser des plus-values. 1- Une question d'écologie politique et de mixité urbaine Le choix de la non spéculation pour Habicoop vise à ne pas hypothéquer l'avenir, mais au contraire le préserver. L'exaltation du modèle de la petite maison individuelle a conduit à la France pavillonnaire et au mitage du territoire, gaspillant l'espace autour des villes, multipliant les dépenses de voiries, de réseaux de transports et d'équipement. Actuellement les centres des villes se gentrifient, les populations pauvres sont poussées dans les périphéries au risque de constitution de zones de non droit, tandis que certains « beaux quartiers » livrés à la spéculation se vident de leurs occupants... Considérer le logement comme un objet de spéculation, transforme l'espace foncier en une ressource économique, livrée dans un contexte de globalisation aux marchés immobiliers mondiaux de construction de grands ensembles, de lotissements pavillonnaires ou de résidences sécurisées... sans tenir compte des besoins locaux (cf. la crise immobilière en Espagne). La crise des subprimes aux Etats Unis a montré le danger de généraliser l'accès à la propriété individuelle en prêtant inconsidérément à des ménages non solvables. Un résultat de la spéculation débridée est que le logement décent est devenu un bien rare : en France on parle de dix millions de personnes touchées par le mal logement (Fondation Abbé Pierre), et il faudrait construire des centaines de milliers de logement chaque année. L’explosion du prix des logements (+ 140 % en France depuis 1998) éloigne les ménages modestes des centres-villes et fait la fortune des investisseurs. Pour échapper à cette spirale il est nécessaire de proposer des solutions de logement non spéculatif. Les coopératives peuvent et doivent garantir cette non spéculation. HABICOOP – Olivier DAVID, Valérie MOREL, Jean Paul SAUZEDE - 8 Avril 2013 2- Un choix éthique Par le refus de la spéculation immobilière, Habicoop propose de substituer au désir lointain d'accéder à la propriété la satisfaction immédiate du besoin d'être logé. Il s'agit de privilégier la fonction primordiale du logement qu'est l'habitat, en le maintenant durablement abordable. Spéculer, c'est espérer un gain pour soi, supérieur à son investissement, au détriment d'une perte pour autrui, dans un jeu incertain dont on ne maîtrise pas les règles. Non spéculer : c'est respecter l'équilibre du système pour que le logement reste abordable , y compris pour nos descendants et /ou nos successeurs. En privilégiant la solidarité plutôt que la capitalisation individuelle, nous proposons la propriété collective, comme une forme de sécurisation, de mutualisation, d'économie d'échelle, de réduction de l'empreinte écologique... Ce qui permet à notre échelle de lutter de manière solidaire contre la paupérisation et la croissance des inégalités. Le foncier n'est pas un bien de consommation dont on peut disposer à volonté, l'habitat ne se réduit pas à ce que je « possède ». 3 Les valeurs coopératives et la non spéculation Comme cela est pratiqué dans les autres pays, Habicoop lie le refus de la spéculation foncière et immobilière à son adhésion aux valeurs coopératives et aux principes de la coopération1 . A l'étranger, les coopératives d'habitants ont une vocation non spéculative et un but non lucratif et se veulent accessible à tous. Le fonctionnement en est démocratique, et chacun y participe en fonction de ses moyens. La coopération entre les coopératives contribue au développement durable de leur communauté. C'est le maintien de ces logements en dehors du marché spéculatif qui permet d'assurer la pérennité du projet coopératif. Dans un souci de cohérence et de lisibilité, nous demandons qu'il en soit de même en France. Le Conseil d’analyse économique a présenté en février au Premier Ministre une note « Pour modérer les prix de l'immobilier » 2 qui pointe le coût du logement comme un problème majeur, dû en partie à certains facteurs spécifiquement français, et qui présente onze propositions de réformes relevant « de l’organisation administrative du marché et de la fiscalité ». Avec l'habitat coopératif, Habicoop ajoute une autre proposition relevant de l'initiative citoyenne pour contribuer à cette modération, en développant une voie du logement distincte de la location et de la propriété individuelle. Concrètement cela nécessite que la non-spéculation ne soit pas seulement une possibilité, mais une garantie apportée par le statut. 1 2 - http://ica.coop/en/what-co-op/co-operative-identity-values-principles http://www.cae.gouv.fr/+Comment-moderer-les-prix-de-l-immobilier-Note-du-CAE-no2-fevrier-2013+.html HABICOOP – Olivier DAVID, Valérie MOREL, Jean Paul SAUZEDE - 8 Avril 2013