Lettre # 42 - WordPress.com

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Lettre # 42 - WordPress.com
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 42 — 9 janvier 2016
Les Huit Salopards
MinoPolska 2
Le film mystère
En bref — Prochains rendez-vous à l’Eldo
LES HUIT SALOPARDS
un film de Quentin Tarantino
Autant l’avouer pour commencer, je ne suis pas un inconditionnel de Quentin Tarantino. Si je m’amuse
toujours beaucoup à la vision de ses films, je ne crie pas au génie. J’aime le Grand-Guignol qui désamorce
la violence et le sadisme, la stupidité caricaturale des méchants. En revanche, les bavardages m’assomment malgré l’écriture brillante des dialogues, le foisonnement des citations me fatigue à la longue. Ses
films sont des spectacles qui, si je peux les revoir avec plaisir, me travaillent au final assez peu après être
sorti de salle. Parmi les qualités qui font que j’apprécie les films de Tarantino, j’oubliais de mentionner le
plaisir que le cinéaste prend, me semble-t-il, à filmer, à composer le plan, à se mouvoir dans l’espace, à
étirer le temps, plaisir communicatif que j’ai une nouvelle fois éprouvé dès le premier plan des Huit Salopards. Immédiatement, j’ai été sous le charme des paysages du Wyoming sous la neige, de ce Christ à l’air
abattu qui regarde passer les diligences à destination de Red Rock.
Une de ces diligences a été réservée par un chasseur de primes blanc, John Ruth, pour livrer sa prisonnière, Daisy Domergue. Le conducteur espère joindre le relais Minnie’s Haberdashery avant que le blizzard
ne rattrape le convoi. Le méfiant John Ruth accepte néanmoins de laisser monter en chemin un autre
chasseur de primes, Marquis Warren, un ancien major noir de l’Union, et un renégat sudiste, Chris Mannix, qui prétend être le nouveau shérif de Red Rock. Pas de Minnie, ni de Sweet Dave au relais, mais le
Mexicain Bob et les passagers d’une précédente diligence — le bourreau de Red Rock, Oswaldo Mobray,
un cowboy, Joe Gage, et Sandford Smithers, un ancien général confédéré à la recherche de son fils. John
Ruth suspecte qu’un complice de Daisy Domergue s’est glissé dans l’assemblée prisonnière des intempéries, et l’ombre de la guerre de Sécession, récemment achevée, n’incite pas à la détente…
Chacun des protagonistes s’invente une vie, transforme ses meurtres en actes de bravoure ou de nécessité. Difficile de trouver un héros dans cet aréopage de menteurs. Le massacre furieux perpétré par Django
pouvait se justifier par le passé de l’ancien esclave et la corruption morale de Candyland — ce n’est pas
le cas dans Les Huit Salopards. Ce « huitième film » est sans doute le plus noir, le plus nihiliste des films
du cinéaste. Dans l’Amérique en miniature du relais, où le décor folklorique raconte niaisement la légende
de la création du pays, règne la haine de l’autre — pas seulement du Noir. La Loi et la figure morale de
Lincoln sont impuissantes à masquer la désunion, l’amour est voué à la destruction, les rapprochements
pour lutter contre l’adversité ne sont que temporaires. Débutant comme un western où l’héroïsme est
encore possible, le film vire au gore, l’illusion ne pouvant laisser place qu’à l’anéantissement. Par son rejet
radical d’un récit national, par son constat de l’inconsistance de la société américaine, il me semble que
Les Huit Salopards marque une inflexion dans l’œuvre de Tarantino.
Les Huit Salopards (The Hateful Eight ; États-Unis ; 2015 ; 167’ ; couleur, 2.76:1), écrit et réalisé par Quentin Tarantino, produit par Richard
N. Gladstein, Shannon McIntosh et Stacey Sher ; musique d’Ennio Morricone, image de Robert Richardson, montage de Fred Raskin ; avec
Samuel L. Jackson (Major Marquis Warren), Kurt Russell (John Ruth), Jennifer Jason Leigh (Daisy Domergue). Distribué par SND. Chicago Film
Critics Award de la meilleure musique de film 2015, Hollywood Film Award au Festival du film de Hollywood 2015… Interdit aux moins de
12 ans avec avertissement.
L’eau à la bouche
MINOPOLSKA 2
cinq courts métrages d’animation polonais des sixties
sortie à l’Eldorado le mercredi 13 janvier 2016
Le Chat et la Souris
Au fond des bois
MinoPolska 2 offre un panorama varié de l’animation polonaise des années soixante, et l’ensemble se
tient encore assez bien cinquante ans plus tard. Les valeurs véhiculées sont bien sûr positives : l’amitié, le
collectif, l’écoute… La simplicité, tant de la composition que de la narration, l’entrain et la durée totale en
fait un programme accessible au très jeune public — « à partir de 3 ans » dit le distributeur.
J’avoue avoir un faible pour Le Chat et la Souris de Władysław Nehrebecki, le plus vieux film du programme, histoire d’une souris blanche facétieuse que le dessin d’un chat poursuit. La fantaisie l’emporte
sur le réalisme, régit par une logique propre basée sur l’analogie des formes, et qui n’est pas sans rappeler
celle de Tex Avery.
Sans le générique, je n’aurai pas deviné que Le Chat et la Souris et Au fond des bois avaient le même
réalisateur, tant leurs univers sont différents. Au fond des bois débute par une rivalité de coqs qui dégénère en bataille de voisinage. Nous retrouvons le voisin et la voisine dans les tableaux folkloriques suivants, scènes de la vie paysanne polonaise accompagnées de la musique et de chants traditionnels.
Le Petit Corniaud
Petite mie
Rexy polyglotte
Le film « origamiesque » de Lidia Hornicka, Le Corniaud, a la puissance des contes classiques. Le dernier
chiot d’une portée en est le mouton noir car sa queue boucle au lieu d’être bien droite comme celles de
ses frères. Il lui faudra l’amour, et surtout la larme d’une petite fille pour qu’il redevienne normal, mais il
devra choisir entre une famille qui le méprisait naguère et la fillette qui désire tant avoir un chien.
Petite mie est aussi une histoire d’amitié, celle d’une petite boule de pain devenue fillette, et d’un lapin
débrouillard et malheureusement gourmand, qui se rendent à Toruń, la ville de pain d’épices — l’amitié
l’emportera sur les désirs égoïstes. Le réalisateur Lucjan Dembiński était réputé pour l’animation de marionnettes, ce que prouve Petite Mie, et le papier découpé. Il travailla ensuite sur quelques épisodes de la
série Les aventures de Colargol, entre autres.
Le chien Rexy, de son vrai nom Reksio, n’est pas un inconnu en France : sous le nom de Rexie, ses aventures ont déjà été diffusées en France dans Récré A2 à partir de 1981. Dans le dessin animé Rexy polyglotte
de Lechosław Marszałek, réalisateur connu pour la série Bolek et Lolek créée par Władysław Nehrebecki
et diffusée il y a quarante ans sur FR3, Rexy apprend les langues de la basse-cour, ce qui lui permet de
résoudre les différends entre les animaux. Une histoire qui vante l’ouverture et l’écoute.
MinoPolska 2 (2015 ; 46’), programme distribué par Malavida. À partir de 3 ans.
Le Chat et la Souris (Myszka i kotek ; Pologne ; 1958 ; 8’ ; couleur, 1.66:1), réalisé par Władysław Nehrebecki, écrit par Leszek Lorek et
Władysław Nehrebecki ; musique de Tadeusz Kański, image de Zdzisław Poznański.
Au fond des bois (Za borem, za lasem ; Pologne ; 1962 ; 6’ ; couleur, 2.35:1), écrit et réalisé par Władysław Nehrebecki ; musique de Tadeusz
Klimczak, image de Zdzisław Poznański, montage d’Alojzy Mol.
Le Petit Corniaud (Kundelek ; Pologne ; 1969 ; 7’ ; couleur, 1.66:1 ; mono), écrit et réalisé par Lidia Hornicka ; musique d’ Adam Walaciński,
image de Leszek Nartowski.
Petite mie (Pyza ; Pologne ; 1959 ; 10’ ; couleur, 1.66:1), écrit et réalisé par Lucjan Dembiński ; musique de Tadeusz Paciorkiewicz, image de
Jan Radlicz.
Rexy polyglotte (Reksio poliglota ; Pologne ; 1967 ; 10’ ; couleur, 1.66:1), écrit et réalisé par Lechosław Marszałek ; musique de Tadeusz
Kański, montage d’Alojzy Mol.
Le film mystère
Fils de vitrier, le personnage principal du film mystère a commencé sa vie d’escroc en cassant des vitres,
tel le gamin recueilli par le clochard dans Le Kid de Charlie Chaplin, repris à l’Eldo récemment. Adulte,
devenu vitrier à son tour, il continue l’arnaque (le photogramme qui suit) avant de s’intéresser au marché
de l’art. Reconnaissez-vous ce film mystère ?
Pour jouer, envoyez le titre du film mystère par mail à l’adresse [email protected] ou
déposez la réponse avec le numéro de la Lettre, votre nom et des coordonnées (de préférence une adresse
électronique) dans l’urne située dans le hall de l’Eldorado avant le vendredi 15 janvier minuit. Le gagnant
sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et remportera deux places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Le bas de l’affiche apparaît clairement dans Mistress America par deux fois et il est possible d’y lire le titre
original Dressed to Kill (titre français : Pulsions, sorti en 1980) avec le nom des principaux interprètes,
Michael Caine, Angie Dickinson et Nancy Allen, et celui du réalisateur, Brian de Palma. Au premier plan du
photogramme, Nancy qui elle tourna quatre films, de Carrie au bal du diable (Carrie, 1976) à Blow Out
(1981), avec Brian de Palma dont elle fut l’épouse de 1979 à 1984. Le reste de sa carrière est moins mémorable, si ce n’est son rôle de l’officier Anne Lewis dans RoboCop (1987) de Paul Verhoeven qu’elle reprit
dans les suites d’Irvin Kershner (1990) et de Fred Dekker (1993). Elle apparait aussi dans Hors d’atteinte
(Out of Sight, 1998) de Steven Soderbergh, et dans un épisode de la série New York – Unité spéciale (Law
& Order: Special Victims Unit) en 2003. Quant à la « femme » qui apparaît dans le reflet de la glace, il s’agit
sans doute de Susanna Clemm qui double Michael Caine. Le découpage du plan est assez caractéristique
de Brian de Palma, grand amateur du split screen. Notez que Noah Baumbach, réalisateur de Mistress
America, et Jake Paltrow, celui de Young Ones (2014), ont présenté à la dernière Mostra de Venise leur
film documentaire De Palma (2015) consacré au cinéaste.
Félicitations à tous ceux qui ont reconnu Pulsions comme étant le film mystère : le tirage au sort a désigné
Jacqueline M. qui remporte donc les deux places gratuites en jeu.
Au vendredi 8 janvier,
600 spectateurs ont donné 46 667 €.
Et vous ?
Informations et modalités de la souscription sur le site web de l’Eldorado
En bref
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À l’occasion de la sortie du film Les Délices de Tokyo (An) de la réalisatrice nippone Naomi Kawase
— Suzaku (1997), Shara (2003), La Forêt de Mogari (2007), Hanezu, l’esprit des montagnes (2011),
Still the Water (2014)… — l’Eldorado propose un ciné-dîner japonais le vendredi 29 janvier. Formules « apéro + film » (9 €), « dîner + film » (18 €), et « film + dîner » (18 €), détails sur le site web
de l’Eldo. Réservation obligatoire avant le 23 janvier (téléphone : 03 80 66 51 89). Le nombre de
places étant limité, ne tardez pas à réserver si vous êtes intéressé.
Prochains rendez-vous à l’Eldo
Janvier
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Du mercredi 20 au mardi 26 : 19e Festival cinéma Télérama.
Samedi 23, 18 h 15 : Projection de La Loi du marché, présentée par Samuel Douhaire, critique.
Samedi 23, 19 h : Projection de Taxi Téhéran, présentée par Samuel Douhaire, critique.
Samedi 23, 20 h 30 : Projection de Marguerite, présentée par Samuel Douhaire, critique.
Vendredi 29 : Ciné-dîner japonais autour du film Les Délices de Tokyo (formules à 9 € et 18 €).
Samedi 30, 9 h : Atelier cinéma spécial Jean-Pierre Melville, animé par Aurelio Savini (10 €).
Février
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Mercredi 3, 16 h : Séance ciné-jeux Mini et les Voleurs de miel.
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]

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