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La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 9 — 23 mai 2015
La Loi du marché
La Tête haute — Azur et Asmar
Une nouvelle carte postale cannoise
Le film mystère
En bref — Prochains rendez-vous à l’Eldo… et ailleurs
LA LOI DU MARCHÉ
un film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon
Thierry Taugourdeau est mécontent et il le dit. Il a suivi un stage de grutier sans se douter qu’aucune
entreprise ne l’embaucherait ensuite puisqu’il n’a jamais travaillé sur un chantier au sol. Bilan : quatre
mois de perdus. L’ancien ouvrier voit se rapprocher la fin des allocations chômage et aucun boulot en
vue. Il est d’autant plus mécontent que, sur les quinze stagiaires, douze autres sont dans son cas. « On
fait pas n’importe quoi avec les gens. On les traite bien. » L’agent de Pôle-emploi ne sait quoi répondre,
est d’accord avec lui, est désolé, mais « les employeurs, c’est eux qui décident de recruter ».
Thierry est un homme ordinaire confronté à la brutalité de la société. Les interlocuteurs du chômeur lui
font la morale, prennent un ton paternaliste ou l’infantilisent, comme si son état prouvait son irresponsabilité, son infériorité. Thierry n’a pas immédiatement conscience qu’en acceptant un emploi d’agent
de sécurité dans un hypermarché, il devient lui-même un rouage du système et qu’il souffrira de la violence auquel il participe.
Vincent Lindon incarne à la perfection un Thierry Taugourdeau qui devient peu à peu mutique en réaction à la parole préfabriquée et la déshumanisation du travail. Si nous ne reconnaissions pas l’acteur,
nous pourrions croire que La Loi du marché est un documentaire, par l’image d’abord — le choix d’un
jeune chef opérateur documentariste n’est pas innocent —, et par le jeu et la parole des comédiens non
professionnels proches des rôles. Cette impression est renforcée par certaines ellipses et l’économie des
plans. Cette troisième collaboration Brizé-Lindon est non seulement une réussite, mais semble une nouvelle étape dans l’œuvre du réalisateur.
La Loi du marché (France ; 2015 ; 93’ ; couleur, 2.35:1 ; 5.1), réalisé par Stéphane Brizé, écrit par Stéphane Brizé et Olivier Gorce, produit
par Christophe Rossignon et Philip Boëffard ; image d’Éric Dumont, son d’Emmanuelle Villard, montage d’Anne Klotz ; avec Vincent Lindon
(Thierry Taugourdeau). Distribué par Diaphana Distribution. En compétition pour la Palme d’Or au Festival de Cannes 2015.
Vous remarquerez peut-être la présence de Xavier Mathieu, leader CGT de l’entreprise Continental, qui était venu présenter le documentaire La Saga des Conti (2013) de Jérôme Palteau à l’Eldorado en mai 2013. Il interprète ici un ancien collègue syndicaliste de Thierry.
Lu ailleurs
La Tête haute
Azur et Asmar
La Tête haute
La Tête haute (France ; 2015 ; 119’ ; couleur ; 5.1), réalisé par Emmanuelle Bercot, écrit par Emmanuelle Bercot et Marcia Romano, produit
par François Kraus et Denis Pineau-Valencienne ; image de Guillaume Schiffman, son de Pierre André, montage de Julien Leloup, musique
d’Éric Neveux ; avec Catherine Deneuve (la juge Florence Blaque), Rod Paradot (Malony), Benoît Magimel (Yann), Sara Forestier (Séverine),
Ludovic Berthillot (Ludo). Distribué par Wild Bunch Distribution.
« La Tête haute. Un certain regard de femmes » par Michaël Mélinard (L’Humanité dimanche)
Même si on peut y voir un hommage aux travailleurs sociaux, cette chronique sociale et
enamourée, d’une force brute étonnante, interroge directement le citoyen. À l’heure où la
répression et la sévérité toujours plus fortes sont réclamées à l’encontre de la délinquance
juvénile, elle répond, sans angélisme, par un subversif appel à davantage d’amour.
« La Tête haute, ou le carrefour des enfants perdus » par Yves Faucoup (Mediapart)
Rod Paradot, qui joue Malony, est époustouflant de vérité. C’est un vrai mystère cette capacité
qu’a un réalisateur à parvenir à obtenir d’un gamin, qui pourtant n’a jamais joué, qu’il explose à
l’écran. Tout sonne vrai : ses colères, ses doutes, ses impatiences, ses étonnements, comme
lorsqu’il doit faire une séance d’« estime de soi » et qu’il se renseigne pour en connaître le
contenu (il faut voir sa tête dubitative).
« La Tête haute, un coup dans la figure » par Éric Libiot (L’Express)
Le talent d’Emmanuelle Bercot est de croire aussi dans son cinéma. Celui qui patine la réalité de
romanesque. Compliqué, ça. Montrer l’époque en racontant des histoires. Filmer des acteurs
plongés dans le chaudron du réel. Faire comprendre le présent en le frottant à la fiction.
Azur et Asmar
Azur et Asmar (France, Belgique, Espagne, Italie ; 2006 ; 99’ ; couleur, 1.85:1 ; Dolby SRD.DTS), écrit et réalisé par Michel Ocelot, produit
par Christophe Rossignon ; graphisme de Michel Ocelot, son de Thomas Desjonqueres et Cyril Holtz, montage de Michèle Péju, musique de
Gabriel Yared ; avec les voix de Cyril Mourali (Azur adulte), Karim M’Riba (Asmar adulte), Hiam Abbas (Jénane). Distribué par Diaphana
Films.
Projection suivie d’une discussion le lundi 25 mai à 16 h 15. Autres séances prévues (voir le programme de l’Eldorado).
« La huitième merveille du monde » par Frédéric Mignard (À voir à lire)
Azur et Asmar réinvente la magie au cinéma. Celle-ci est de chaque plan, poétique, épique, majestueuse et divine. Elle imprègne chaque image du métrage dont la pureté esthétique et narrative nous renvoie aux plus grands conteurs de l’histoire (Walt Disney, l’homme, en étant le
représentant le plus éminent au cinéma). Cet infini voyage dans le sublime exalte ses couleurs et
la noblesse d’âme de ses deux protagonistes adolescents, puisant son inspiration dans le meilleur
des contes des Mille et Une Nuits.
La critique lors de la sortie en salle du 25/10/2006 par Cécile Mury (Télérama)
Comme dans Kirikou, Ocelot se moque des modes en général et en particulier de celle du second
degré, qui règne désormais sans partage sur tous les écrans. Azur et Asmar est un conte classique : une série d’épreuves et, au bout, une morale clairement assumée. Ici, un vibrant humanisme, un plaidoyer sans ambiguïté aucune en faveur de la tolérance. Une denrée simple, mais
de plus en plus rare, presque désuète, dans l’animation comme ailleurs. C’est pourtant plein de
vitamines, du genre de celles qui aident les enfants à grandir.
Une nouvelle carte postale cannoise
Cher Archimède,
Inutile de te dire que Dijon est souvent vécu par la profession comme l’endroit le plus compliqué et le
plus conflictuel de Province. Confirmation ici à Cannes où nous rencontrons beaucoup de distributeurs
de films ainsi que nombre d’animateurs de salles indépendantes.
Notre stratégie d’évitement de toutes fêtes cannoises porte ses fruits : nous voyons beaucoup de films.
Costis, peu enclin à la stratégie, parvient brillamment à cumuler fiesta et films, privilégiant également la
lecture des cartes de restos à celle du programme des projections. Le bonhomme a de l’endurance et
probablement 2 estomacs comme les vaches.
Deux œuvres sortent du lot selon nous : Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethakul (le cinéaste thaïlandais avait décroché la Palme en 2010) et Les Milles et Une Nuits du portugais Miguel
Gomes.
Tous deux réinventent le cinéma, bousculent les habitudes et offrent la radicalité du merveilleux en réponse au désenchantement d’une grande partie du monde. Nous t’avions promis de te parler du film de
Gomes mais il y a tant à dire que nous t’enverrons la semaine prochaine une carte postale post-cannoise
dédiée à ce film exceptionnel.
Dans un registre très différent, celui du spectacle et de la poilade, nous avons découvert A Perfect Day,
au milieu d’une salle hilare et en compagnie de Benicio Del Toro (le mec mesure 2 m 50). Comédie
rock’n’roll sur fond de fin de guerre en Bosnie, c’est irrésistible !
Une autre belle surprise de ce festival est venue d’Islande : le film s’appelle Béliers. Costis le compare à
une bonne pissaladière. Son obsession culinaire prend manifestement le pas sur la géographie la plus
élémentaire…
De manière générale, c’est à la Quinzaine des Réalisateurs que nous avons vu les meilleurs films. Dirigée
depuis 2012 par Édouard Waintrop, cette programmation offre une vraie alternative à la sélection officielle de Thierry Frémaux, magnat du cinéma comme J.R. Ewing l’était du pétrole.
Nous quittons Cannes aujourd’hui et avons hâte de retrouver l’Eldo. Désormais nous attendons le palmarès. Adieu humains liftés, yachts privés, Lescure et autres drogués du pouvoir. Pour te retrouver, Archimède, toi et toute notre petite famille de cinéma si belle, si vivante et à qui on ne la fait pas.
L’équipe de programmation de l’Eldo
Le film mystère
L’image qui suit est extraite d’un film (le film mystère de la semaine) : sauriez-vous lequel ? Indice : un film du même réalisateur est actuellement au programme de l’Eldorado.
La première personne qui nous communiquera le titre du film mystère et le nom de son réalisateur recevra deux invitations
valables à l’Eldorado pour le film (ou les films) de son choix. Les réponses doivent être remises soit par mail à [email protected], soit sur papier libre à l’accueil du cinéma (notez-y alors la date et l’heure, ainsi que votre
nom et une adresse mail ou postale pour que nous puissions vous contacter si vous gagnez).
Le film mystère précédent
Félicitations à Sabine V. qui a reconnu rapidement Polisse (2011) de Maïwenn, description du quotidien des policiers de la brigade de la protection des mineurs. Non seulement Emmanuelle Bercot interprétait Sue Ellen, un
brigadier dont le penchant pour l’alcool est sujet de plaisanterie pour ses collègues (dont Fred, interprété par
Joeystarr, sur l’image), mais elle avait écrit le scénario avec Maïwenn. Cette dernière raconte qu’à un moment du
tournage, elle avait même pensé laisser sa place à la réalisatrice de La Tête haute (actuellement en salle).
Au vendredi 22 mai, 108 spectateurs ont donné 8 366 €.
Et vous ?
Informations et modalités de la souscription sur le site Web de l’Eldorado
En bref
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Il est désormais possible de participer à la souscription par Internet avec une carte bancaire ou un compte
Paypal. Tous les renseignements sur la page d’accueil de l’Eldorado : http://www.cinema-eldorado.fr.
Si vous désirez aider à l’organisation de la fête de soutien du 31 mai, contactez le Cavalier Bleu à l’adresse
[email protected]. Principaux besoins : chargés des courses de la veille, déménageurs matutinaux,
cuisiniers en herbe ou confirmés, agents de circulation pour passages piétons. Les barbecues électriques,
les glacières et les grandes poubelles sont aussi les bienvenus.
Prochains rendez-vous à l’Eldo…
Mai
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Lundi 25, 16 h 15 : Ciné-discussion Azur et Asmar.
Mercredi 27, 10 h : Atelier pour les enfants (inscription obligatoire).
Samedi 30, 20 h : Présentation du film ¡Que viva Eldorado! de Christian Blanchet en présence du réalisateur.
Juin
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Lundi 8, 20 h 15 : La Vie des gens, en présence du réalisateur Olivier Ducray et de l’infirmière Françoise Lainé.
… et ailleurs
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Dimanche 31 mai, 13 h : Rassemblement de soutien à l’Eldorado, place Wilson.
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]

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