Jacques PERTUISOT - Chambre Départementale des Huissiers de
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Jacques PERTUISOT - Chambre Départementale des Huissiers de
Jacques PERTUISOT Licencié-ès-Lettres Licencié en Droit Huissier de Justice 18 place de la Baille BP 52011 71020 MACON Cedex9 Tél : 03.85.22.94.95 Fax 03.85.22.94.99 E-mail : [email protected] MACON, le 22 février 2008 Affaire : Nos réf Expulsions et requisitions FP Préfecture de Saône et Loire Direction des Interventions Territoriales et du Contrôle 196 rue de Strasbourg 71021 MÂCON CEDEX 9 Vos réf Cellule interministérielle juridique Messieurs, J’ai eu l’avantage, le 3 juillet 2007, de signaler à vos services l’Arrêt du Conseil d’Etat du 27 avril de cette même année, qui énonçait en termes clairs et univoques que l’Administration était valablement saisie - pendant la période hivernale - d’une demande de concours de la Force Publique. Cet Arrêt mettait un point définitif à la controverse soulevée par une vôtre circulaire, qui s’appuyait sur un arrêt fort antérieur (20/11/1985), en dépit de plusieurs autres décisions favorables à mon interprétation (votre courrier FJ/GG 06/274 et ma réponse mentionnant les arrêts des 9 février et 27 juillet 2005). Faisant désormais partie de la COMEX, j’ai rencontré, à cette occasion, la représentante de l’ADIL, qui fait figure d’empirique référent juridique au sein de cette Commission. Rappelons que l’ADIL, selon les statuts trouvés sur son site Internet, « ne remplit pas la mission de défense du consommateur… et… qu’elle reste en dehors de tout acte contentieux ». Nonobstant, Mme Sandrine MARCAUD m’a paru fort piquée de la possibilité de saisine désormais incontestable comme indiqué supra, et m’a alors indiqué que cette jurisprudence nouvelle ne changerait rien dans la pratique, puisque la « tentative d’expulsion ne peut avoir lieu pendant la période hivernale ». A mon tour interpellé, je me suis penché sur la question, au regard des textes régissant la matière, savoir : 1/ les articles 21 et 21-1 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, le premier précisant les conditions dans lesquelles un Huissier peut pénétrer dans un local fermé ou dont on lui refuse l’accès - sauf en matière d’expulsion - le second indiquant nonobstant que l’Huissier peut néanmoins recourir à ce premier texte pour constater la libération volontaire des lieux par la personne expulsée. 2/ l’article 50 du décret 92-755 du 31 juillet 1992, qui prévoit que si l’Huissier est dans l’obligation de requérir le concours, il adresse au Préfet une Membre d'une association de gestion agréée par l'Administration Fiscale, acceptant à ce titre le règlement des honoraires par chèque libellé à son nom SIRET 322 653 981 00041 APE/NAF 452V F.NII Communautaire FR22322653981 réquisition contenant outre une copie du dispositif du titre, un exposé des diligences auxquelles l’Huissier a procédé et des difficultés d’exécution. 3/ l’article L613-3 du CCH qui prévoit qu’il doit être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée entre le 1er novembre et le 15 mars de l’année suivante, hors relogement des intéressés, cas des squatters, ou immeubles en état de péril. L’Exposé des diligences et des difficultés d’exécution est classiquement qualifié de Procès-Verbal de Tentative d’Expulsion, par une sorte d’abus de langage tenant à la survie des termes de l’ancienne procédure. Car s’il y a « tentative », c’est que l’expulsion pourrait éventuellement être exécutée sans le Concours de la Force Publique en cas d’absence ou de refus des portes, chose prohibée par l’article 21-1 rappelé supra. Rien n’interdit donc – y compris pendant la période hivernale, et hors toute mesure d’expulsion ou tentative d’icelle – de réaliser diverses démarches et diligences, afin de convaincre l’expulsé de quitter volontairement les lieux occupés sans droit ni titre. Et, sur son refus, d’en dresser l’Exposé, avant que de requérir le Concours. C’est ici le cas de rappeler qu’avant que d’en arriver à la phase de l’expulsion, le débiteur a bénéficié d’une véritable cascade de délais suspensifs bénéficiant à tout occupant sans droit ni titre, dans le cadre d’une procédure d’expulsion, et vous trouverez, ci-joint, le petit synopsis que je remets aux demandeurs qui requièrent mon étude, pour leur éviter d’imaginer – vainement qu’ils sont en droit de récupérer leurs locaux à brève échéance, en vertu d’un jugement définitif rendu au nom de la République Française. Il s’agit là, dans ce synopsis, de l’hypothèse la plus optimiste, c'est-à-dire sans demande de délais judiciaires, voire d’Appel… Plus d’une année, généralement 16 à 18 mois, parfois deux ans, avant que de pouvoir reprendre des locaux, presque toujours dégradés par incurie ou vengeance, avec, outre la perte des loyers, tous les frais de Justice à supporter, irrécupérables contre un débiteur insolvable. Les intérêts du bailleur sont aussi légitimes que ceux du locataire, mais le bailleur ne bénéficie pas de ces conseils éclairés et gracieux qui permettent au locataire de continuer à occuper les lieux, sans responsabilité. Le compassionnel et l’humanitaire – aux frais de tiers - doivent trouver leurs limites dans le respect des droits imprescriptibles du bailleur, sauf à considérer, comme M. de Robespierre, que « le droit de propriété est la portion des biens qui est garantie par la Loi »…. Et surajouter la durée de la période hivernale aux délais susdits équivaut, alors, à une spoliation supplémentaire et injustifiée. Pour en revenir à l’aspect strictement judiciaire des choses, et après recherches dans le sens indiqué ci-dessus, j’ai trouvé plusieurs jurisprudences administratives qui valident la mal-nommée « tentative d’expulsion » pratiquée en période hivernale : 2 • Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris 4° Chambre du 10 octobre 2000 : « considérant qu’après une vaine tentative d’expulsion effectuée le 19 février 1997, l’Huissier instrumentaire a requis le 24 février le concours de la Force Publique qui ne fut pas accordé ; qu’en se fondant sur ce refus de prêter main-forte, le TA a considéré que la responsabilité de l’Etat était engagée…. » • Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Versailles du 25 mars 2003 : « considérant qu’il appartient à celui qui se prétend libéré d’en justifier ; que M. EL Y… soutient avoir remis les clés spontanément fin janvier 2002 ; que cette affirmation est contredite par une tentative d’expulsion de Me Venezia en date du 25 janvier 2002 qui a constaté que les lieux étaient toujours occupés… » Pour terminer, et rappeler des fondamentaux parfois perdus de vue, il importe de ne pas oublier les décisions solennelles énoncées infra : a/ Décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) du 15 novembre 2002 (1° section affaire Cau/Italie) "le droit à un tribunal garanti à l'article 6 (de la Convention Européenne des Droits de l'Homme) protège également la mise en œuvre des décisions judiciaires définitives et obligatoires lesquelles, dans un Etat qui respecte la prééminence du droit, ne peuvent rester inopérantes au détriment d'une partie. Par conséquent, l'exécution d'une décision judiciaire ne peut être retardée d'une manière excessive." b/ la même CEDH (Arrêt n°62740/00 du 31 mars 2005 Matheus c/France) a derechef condamné l’Etat Français pour n’avoir pas accordé le concours de la Force Publique à un justiciable qui avait obtenu une décision de justice ordonnant l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre. c/ enfin, et surtout, le Conseil d'Etat, dans une décision du 21 novembre 2002 (requête n°251726) a disposé que "le droit de propriété a pour corollaire la liberté de disposer d'un bien ; que le refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle ordonnant l'expulsion porte atteinte à cette liberté fondamentale." Je vous souhaite bonne réception des présentes, et vous prie d’agréer les assurances de ma considération distinguée. Je réserve copie des présentes à Monsieur le Président de la COMEX, à Mme MARCAUD de l’ADIL, et à M. CHAROLOIS de l’UNPI 3