Lis la leçon inaugurale

Transcription

Lis la leçon inaugurale
Septembre 2009
Inauguration du cours académique
du système universitaire catalan 2009-2010
Les enjeux de la connaissance :
pont ou dérive ?
Mustapha Cherif
http://www.uoc.edu/inaugural09/fra/cherif.pdf
Présentation
Allocution inaugurale du cours académique
du système universitaire catalan 2009-2010
Imma Tubella, présidente de l’UOC
Allocution inaugurale
du cours académique du
système universitaire catalan
2009-2010
Imma Tubella
Cette année l’UOC fête son quinzième anniversaire ; aussi se
sent-elle très honorée et reconnaissante de commencer par cet
acte solennel. C’est le meilleur cadeau d’anniversaire que nous
pouvions souhaiter. Merci, merci beaucoup.
Bien que très brièvement, permettez-moi de remercier chaleureusement le corps des enseignants et chercheurs, le personnel
de gestion, les étudiants et les diplômés de l’UOC, l’ensemble
de notre communauté, pour le fantastique travail accompli en
2008-2009, résumé dans le mémoire présenté par notre secrétaire général, qui brosse le portrait d’une université d’avant-garde,
ouverte aux idées, aux personnes, sur le territoire ; une université
profondément enracinée en Catalogne et en même temps ouverte
de part en part sur le monde.
Permettez-moi, très brièvement aussi, de vous expliquer pourquoi j’ai proposé cette conférence inaugurale au professeur Cherif.
Je l’ai fait parce que c’est un vieux confrère et ami et parce que
j’admire son œuvre, sa pensée et son action, sachant combien il
est difficile de défendre et de militer pour l’ouverture, pour un
islam ouvert et tolérant dans son propre contexte. J’ai également
et tout spécialement pensé à lui parce qu’il est membre de la
communauté UOC, où il enseigne et dirige à présent le master
d’Études islamiques et arabes, l’un des masters que notre campus
mondial et plurilingue inaugurera cette année et qui bénéficie de
la collaboration d’une quinzaine de professeurs de haut niveau,
de tous les pays du Maghreb, de France et de Belgique. Nous
avons actuellement des étudiants d’Europe, du Maghreb, et même
d’Amérique, qui suivront cette nouvelle formation, ce qui prouve
bien, comme le disait le professeur Cherif, que la connaissance
n’a pas de frontières.
Je tiens à expliquer ici que ce master doit beaucoup à l’intérêt
du conseiller Monsieur Huguet pour le Maghreb. Il m’a en effet
suggéré que l’internationalisation en direction de l’Amérique latine
était une bonne idée, mais qu’il importait de prêter attention à
nos voisins d’Afrique du Nord, avec lesquels nous avons beaucoup
de choses en commun : la mer, un tissu ancestral de relations,
une culture et aussi un pays puisqu’ils sont nombreux à vivre
chez nous.
Imma Tubella
Après ces quelques mots d’introduction, j’aimerais aborder
rapidement deux points et mettre sur la table quelques réflexions
finales :
1. le premier point concerne le rôle transformateur de l’éducation,
2. le deuxième, la nécessaire transformation de l’Université,
3. e t pour finir quelques mots, en guise de conclusion, avec
l’avenir en point de mire.
1. Le rôle transformateur de l’éducation
Concernant ce point, le rôle transformateur de l’éducation, si nous
pensons réellement que notre pays a besoin de se doter d’un
nouveau modèle de croissance et que l’Université est un instrument déterminant d’innovation en même temps qu’un facteur de
bien-être, nous devrions la placer au cœur du débat social et la
pourvoir de ressources nécessaires pour affronter les nouveaux
défis. Autrement dit, il serait temps que l’excellence éducative
devienne une priorité nationale. Notre avenir en tant que pays en
dépend. Et nous n’avons guère de temps à perdre.
Ce que je viens de dire n’est pas le fruit d’une illumination
par une chaude nuit d’été. Certains pays en ont pris le chemin
depuis longtemps : les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France
mais, de manière plus évidente et catégorique, en guise de pierre
angulaire dans leur projet de pays, Dubaï, la Corée, Singapour et,
depuis début septembre, la Finlande.
La construction d’une nouvelle économie, la transformation de
la société ou la lutte pour l’équité sont tributaires de la connaissance
et de la complicité de l’Université. Nous ne pourrions construire
un projet de pays en nous inspirant seulement de son histoire ; il
nous faut aussi tenir compte de la qualité de vie de ses habitants.
De toutes manières, notre histoire a souvent prouvé qu’un pays
pouvait être influent sans être nécessairement grand ni puissant
économiquement ou militairement. En principe, le changement ne
vient pas des ressources naturelles, mais des idées. Or, des idées,
les personnes bien formées n’en manquent pas.
Quand bien même nous ne souhaiterions pas transformer
notre modèle de pays, c’est sur fond de crise économique et, ne
l’oublions pas, de crise sociale aussi, qu’il apparaît le plus clairement qu’une formation de qualité est la meilleure stratégie à
mettre en œuvre pour favoriser l’emploi, le bien-être futur des
personnes et celui de l’ensemble de la société.
C’est justement aujourd’hui, sur fond de crise, que tous les
regards se tournent vers l’ensemble du système éducatif et que
celui-ci reçoit la pression d’une société soucieuse de conserver ses
niveaux de vie ainsi que des progrès sociaux chèrement acquis.
Et le système éducatif regarde du côté des pouvoirs publics, en
prise avec des difficultés de financement comme on pouvait s’y
attendre dans un contexte de crise économique. Mais, comme
le disait récemment Joan Guinovart lors d’un entretien, « si vous
pensez que l’éducation et la recherche coûtent cher, essayez avec
l’ignorance et la médiocrité ».
Aujourd’hui et plus précisément dans notre environnement,
les problèmes de l’éducation tendent à se réduire à des aspects
quantitatifs : plus de budget, plus de professeurs ; plus ou moins de
crédits, plus ou moins d’éducation. Or, je pense que la réponse va
au-delà de l’augmentation des investissements publics à consentir
dans le système éducatif (et il en faut, bien sûr). Il faut du courage
et il faut innover, car la société change à un rythme accéléré et cela
demande d’apporter de nouvelles réponses aux défis éducatifs qui
se posent. Il faut prolonger la formation dans le temps, il faut former
mieux et plus d’apprenants et, pour ce faire, l’Université doit également changer. Nous ne pourrons pas relever les défis si nous ne
savons pas transformer le système éducatif en facteur d’innovation.
C’est pourquoi l’objectif de l’enseignement supérieur est, ou
devrait être, l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, parce
que l’éducation contribue à l’épanouissement des individus, au
développement de la société et de l’économie. N’oublions pas que
toutes les études et les rapports émis sur ces questions par des
institutions très diverses dans le monde disent clairement qu’au
xxie siècle, les nations économiquement puissantes seront celles qui
auront été capables de se transformer en sociétés d’apprentissage,
celles qui auront inscrit l’apprentissage tout au long de la vie au
cœur de leurs priorités. Et pour y parvenir, elles auront besoin d’institutions éducatives aussi fortes que souples pour s’adapter aux
changements et aux nouvelles demandes, tant il est vrai que l’Université se doit de répondre aux demandes de la société, ce qui n’est
pas la même chose que de répondre aux demandes du marché.
Il me semble que la nécessité de se tourner vers une économie
fondée sur la connaissance a réuni le consensus requis et que la
crise nous offre une magnifique occasion de passer à l’acte. Mais
nous n’y parviendrons pas sans définir auparavant une stratégie
nationale vouée à renforcer la recherche et l’innovation et sans
universités entreprenantes tournées vers l’excellence.
Or, je disais que nous ne pouvons transformer la société
sans transformer l’Université auparavant et là, nous abordons le
deuxième point.
2. La nécessaire transformation de l’Université
L’an dernier, j’ai assisté à plusieurs réunions internationales avec
des ministres, des présidents d’université et des responsables
Imma Tubella
d’institutions éducatives du monde entier. Aucune ne s’est déroulée sans que quelqu’un se montre soucieux du changement de
typologie observé chez les nouveaux venus à l’université.
Nos jeunes de moins de vingt-cinq ans ont grandi avec le
téléphone portable, l’internet, Twitter ou Facebook qui leur sont
tout aussi familiers que les réfrigérateurs l’étaient pour nous. Cette
immersion interactive, à ce stade formatif de la vie, n’est pas sans
conséquences sur la manière de penser et d’apprendre.
Le fossé se creuse de plus en plus entre le modèle d’apprentissage proposé par les universités (écoles et instituts) et la manière
d’apprendre, telle que la conçoivent naturellement nos jeunes
apprentis numériques. L’indicateur de cette évolution est visible
aux États-Unis où les cours magistraux perdent de plus en plus
d’auditeurs. Ainsi cette année, le MIT (Massachusetts Institute
of Technology) a t-il fermé les grands amphis de physique qu’il a
remplacés par des séminaires réduits et pratiques. Je vous invite
à aller sur YouTube et à y chercher l’un des cours fantastiques
de l’astrophysicien néerlandais Walter Lewin. La première vidéo
que j’y ai visionnée avait été vue par près de 250 000 personnes.
C’était un cours magistral donné dans un amphi pratiquement
vide. Quant à ses cours retransmis par la télévision par câble de
l’Université de Washington à Seattle, ils ont été vus par plus de
4 millions de personnes et, au MIT, son cours d’introduction à
la physique est suivi tous les mois par 40 000 personnes qui y
accèdent en passant par l’OpenCourseWare. Mais, je le répète,
les cours qu’il donnait autrefois devant 500 ou 600 étudiants
n’en comptent plus que 10 aujourd’hui, et encore, avec de la
chance. Cette tendance s’étend à toutes les grandes universités
nord-américaines.
Les enfants de l’ère numérique réclament une éducation plus
interactive. Ils apprennent autrement, d’une manière non séquentielle, asynchrone, multifonctionnelle et collaborative ; ils veulent
un mentor pour professeur plutôt qu’un dépositaire unique du
savoir. C’est une évidence au primaire, au secondaire et dans
l’enseignement supérieur. Les étudiants veulent et nécessitent un
autre type d’enseignement et, si nous les ignorons, ils finiront par
nous ignorer. Aujourd’hui plus que jamais, ces mots de Montaigne
recouvrent tout leur sens : « J’aime mieux une tête bien faite
qu’une tête bien pleine. »
Il est grand temps de reconnaître que les universités ont perdu
le monopole et d’accepter que la Toile devienne l’infrastructure
dominante de l’accès aux connaissances et serve en même temps
de contenant et de plate-forme mondiale d’échange. Un exemple
parmi tant d’autres en rapport avec l’enseignement autant qu’avec
la recherche, nous est donné sur le portail Academic Earth. Sur
Academic Earth, huit grandes universités américaines (Berkeley,
Harvard, MIT, Princeton, Standford, UCLA, Yale et le National Institute of Health) proposent des cours libres facilement accessibles à
tous les internautes. L’objectif est d’offrir à tout le monde un enseignement supérieur d’excellence, libre et gratuit à partir d’un écosystème éducatif permettant d’accéder sans difficulté et de manière
interactive aux cours magistraux des meilleurs professeurs. Les étudiants qualifient le cours et qualifient les professeurs, ils apportent
leur concours et deviennent en quelque sorte des prescripteurs.
Academic Earth a démarré en phase d’essais le 18 janvier. Au
cours des six premières semaines, 409 050 visites ont été enregistrées. Ceux qui fréquentent le site y passent en moyenne 27,04
minutes par visite, une éternité sur l’internet. Le portail Academic
Earth a été nommé site de l’année 2009 par la revue Time.
Les universités ne peuvent pas vivre en tournant le dos aux
étudiants qui sont de plus en plus nombreux à réclamer des réformes ou des transformations réelles.
Ils pensent que l’éducation est essentiellement un processus
interactif et transactionnel. Il faut donc ouvrir nos portes et être
perméables à de nouvelles méthodologies d’apprentissage orientées sur l’étudiant, facilitant l’intégration et accessibles, coopératives et aptes à canaliser le recours stratégique aux technologies
numériques. Imperceptiblement, les TIC ont changé de nombreux
aspects dans le milieu universitaire et je suis persuadée qu’elles en
changeront bien d’autres, non que nous l’ayons planifié au sein
des institutions universitaires ou du gouvernement. Au contraire,
les changements résultent de l’initiative de nos étudiants, de leurs
pratiques quotidiennes et, dans la plupart des cas, ils s’accomplissent malgré nos réticences.
Voilà pourquoi je suis convaincue que la grande force qui changera l’Université partira de la pratique des étudiants numériques.
Et, si je ne me trompe pas, ou nous les écoutons, changeons de
modèle pédagogique et transformons les structures de gouvernement, ou ce sont eux qui le feront pour nous.
3. Conclusion : avec l’avenir en point de mire
Dans un article récent et très controversé, paru dans le New York
Times, Mark Taylor, professeur de l’Université de Columbia, disait
que la plupart des universités américaines élaborent un produit
pour lequel il n’y a pas de marché et développent des compétences
pour lesquelles il n’y a pas de demande. Leurs professeurs font
de la recherche, disait-il, dans des domaines hyperspécialisés et
publient dans des revues lues exclusivement par des confrères déjà
acquis à leurs idées, avec le principal souci de noircir leur CV, tout
cela nous coûtant bien entendu de plus en plus cher.
L’article a été durement critiqué par un secteur de l’Université
et si je le commente aujourd’hui, c’est parce qu’il nous renvoie
aux préoccupations de personnalités aussi respectées que l’est,
par exemple, Edgar Morin qui, dans ses derniers livres, propose
de revenir au Moyen Âge. Revenir à l’universitas magistrorum
et scholarum, à la communauté des professeurs et étudiants :
pluridisciplinaire et interdisciplinaire, collaborative et interactive,
opposée à la séparation entre les savoirs, les disciplines, les sciences, qui forme des esprits incapables de relier les connaissances,
reconnaître les problèmes universels et fondamentaux et affronter
les défis de la complexité de nos sociétés.
La réalité est qu’il y a une différence d’adéquation de plus en
plus grande, profonde et grave entre nos savoirs séparés, émiettés, compartimentés en disciplines et l’ensemble des réalités et
des problèmes de plus en plus interdisciplinaires, transversaux,
pluridimensionnels, transnationaux, universels et planétaires.
Edgar Morin pense que cette réforme ne peut venir que de
l’éducation, mais malheureusement il faudrait transformer notre
système éducatif pour pouvoir le réformer. Parce qu’Edgar Morin
parle de revenir au Moyen Âge du point de vue conceptuel et
philosophique, mais il parle de l’abandonner du point de vue de
la structure de nos institutions.
Imma Tubella
En résumé, des voix se font entendre partout dans le monde
et sur tous les forums pour alerter de la nécessité de réformer
l’enseignement supérieur et de lancer un débat approfondi sur
l’Université que nous voulons pour la société en réseau et les
étudiants du xxie siècle, pour les étudiants numériques.
La connaissance est l’un des rares biens qui se multiplie, grandit
et s’enrichit quand on le partage et, comme le dit un autre membre
de notre communauté, le professeur Castells, dans son dernier
livre, « nous vivons dans une société qui prône moins le partage
de la culture que la culture du partage ». Et il suffit pour s’en
convaincre de regarder ce que font les jeunes sur l’internet et d’observer comment ils s’y prennent pour gérer l’intelligence collective.
Il faut savoir commencer, et le commencement ne peut être
qu’anticonformiste et marginal. L’Université moderne qui a rompu
avec la tradition de l’Université médiévale, est née au début du
xixe siècle à Berlin, capitale d’une petite nation périphérique, la
Prusse. Elle a ensuite gagné le reste de l’Europe et s’est répandue
partout dans le monde. Aujourd’hui il s’impose de la réformer et la
réforme commencera aussi de manière périphérique et marginale.
Après avoir analysé à fond les tendances et les grands débats
internationaux, je suis convaincue que l’Université du futur sera
ouverte et collaborative ou ne sera pas.
Chaque université doit avoir une idée claire de ses priorités et
de son identité ; après quoi, elle doit être prête à collaborer.
La Catalogne est un territoire idéal pour l’expérimentation.
Nous avons un système complet et varié, formé de 12 universités, publiques et privées, générales et territoriales, présentielles
et virtuelles, doublées de centres de recherche puissants et différenciés. Dans son ensemble, le système universitaire catalan est
reconnu pour son caractère innovant et pour avoir su incorporer
des méthodologies d’apprentissage et des systèmes d’évaluation
pionniers en Europe, mais aussi dans le monde entier. Nous avons
une agence de qualité, une agence prestigieuse ; nous sommes
capables d’attirer des étudiants étrangers et nous pourrions aisément être trilingues.
Nous avons la grande chance de diriger la nécessaire transformation de l’Université et, ce faisant, nous pouvons contribuer à
transformer le pays. Mais nous n’avons pas de temps à perdre; si
nous ne le faisons pas, d’autres s’en chargeront car la connaissance
est un négoce attractif, ou bien ce sont les jeunes qui le feront. De
fait, ils ont déjà commencé, les uns comme les autres.
Mais comment s’y prendre pour passer à l’acte ? Pour ma part,
je ne vois qu’une solution, une solution déjà proposée il y a cent
ans par Ortega y Gasset dans son opuscule La universidad de masas : « renverser l’Université » ou, en d’autres termes, transformer
l’Université. En effet, comme le disait Einstein, « n’espérons pas
de changement, si nous faisons toujours la même chose ».
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les représentants des pouvoirs publics, chers confrères..., merci et très bonne
année universitaire !
Imma Tubella
Présidente de l’UOC
Inauguration du cours académique
du système universitaire catalan 2009-2010
Les enjeux de la connaissance :
pont ou dérive ?
Mustapha Cherif
http://www.uoc.edu/inaugural09/fra/cherif.pdf
Résumé
D’un côté, alors que l’ère de la mondialisation s’accélère, que l’Occident est avantagé en termes
scientifiques et en termes de concentrations croissantes des richesses et des instruments de pouvoir, la
connaissance de l’autre, de ses voisins de la rive Sud, est presque inexistante. D’un autre côté, le monde
musulman, malgré ses atouts et son caractère hétérogène, reste politiquement sous développé et ne
donne pas assez priorité au savoir. L’ignorance est la principale cause des problèmes de développement,
des difficultés de la cohabitation, de la faiblesse des échanges et des conflits. La responsabilité est
commune en ce qui concerne les enjeux de la connaissance. À l’âge des nouvelles technologies de
l’information, la question du savoir est celle des universitaires et des politiques, elle concerne l’avenir
de la société. Le débat n’est plus entre un Occident libéral et un Orient traditionnel, mais il consiste à
prendre conscience qu’il n’y a plus de frontières. Il faut se donner les moyens théoriques qui permettent
de comprendre les singularités et les subtilités de la culture de l’autre, et rechercher la synthèse ou la
coexistence. La nécessité de renforcer l'université dans sa mission d'enseignement d'un savoir critique,
ouvert, indépendant et libre est l’enjeu de notre temps. Réinventer des valeurs partagées est possible.
L’interconnaissance est le plus beau et le plus solide des ponts.
Mots clés
connaissance, islam, monde musulman, Occident, mondialisation, modernité, justice
D’un côté, alors que l’ère de la mondialisation s’accélère, que
l’Occident est avantagé en termes scientifiques et en termes de
concentrations croissantes des richesses et des instruments de
pouvoir, la connaissance de l’autre, de ses voisins de la rive Sud, est
presque inexistante. D’un autre côté, le monde musulman, malgré
ses atouts et son caractère hétérogène, reste politiquement sous
développé et ne donne pas assez priorité au savoir. L’ignorance est
la principale cause des problèmes de développement, des difficultés de la cohabitation, de la faiblesse des échanges et des conflits.
La responsabilité est commune en ce qui concerne les enjeux de la
connaissance. Chacun évite le débat critique sur les problèmes de
notre temps. La dénégation du réel caractérise les discours dominants. L’incompréhension réciproque entre les deux rives de la Mé-
diterranée domine, l’opinion finit par ne plus voir que la violence de
l’autre, dont elle ne saisit pas les raisons. Pourtant, il existe un tissu
relationnel transculturel ancestral qui témoigne de liens féconds et
d’une possible intelligence de l’Autre. Compte tenu du fait que le
devenir est commun ou ne sera pas, il est urgent dans la réciprocité des droits et des devoirs, de s’orienter vers les connaissances
mutuelles et les débats qui sont les chemins valides pour changer
le monde vers l’ouvert, pour bâtir des ponts et de la symbiose et
ainsi, accéder à des niveaux impossibles à atteindre de manière
individuelle, tout cela sans toutefois démissionner face aux dérives.
Sur le plan politique, chaque pays occidental et les institutions qui les relient entre eux sont stables et se perfectionnent.
L’Occident reste la source des règles et concepts qui sont créés
Les enjeux de la connaissance : pont ou dérive ?, Mustapha Cherif (2009)
Inauguration du cours académique du système universitaire catalan 2009-2010
en matière de gestion des relations internationales. Cependant, la
crise multiforme, les déséquilibres, et les difficultés pour lier éthique
et efficacité, pluralité et unité, justice et richesse exigent de mettre
l’accent sur la connaissance, afin d’apprendre de chacun et de tenir
compte des valeurs propres à chaque personne pour préparer le
monde de demain. A juste titre, des politiques affirment qu’il n’y
a pas de paix sans justice, mais sans connaissance il n’y aura ni
l’une ni l’autre, rien n’est neutre. En misant sur la connaissance
on fait le pari de la longue durée, d’autant que la connaissance
est un des rares biens qui se multiplie, grandit et s’enrichit quand
on le partage.
Les progrès des sciences1 ont rendu possible la fin de la domination des récits de la modernité,2 qui prétendent donner des
explications définitives et à sens unique de l'histoire3 humaine, de
son expérience et de son savoir. Le récit du savoir moderne sur
l'émancipation du citoyen sur la seule base du progrès matériel, de
la rationalité et du libéralisme est contestable et contesté. Le savoir
ne peut être réduit à une marchandise informationnelle unificatrice
et intégrative. En général, la pensée occidentale considère que ses
valeurs, référents et normes au sujet de l’individu et de la société,
du temps, de l'espace, de la loi, des rapports à l’autre sont les seuls
valables, alors qu’ils posent problème pour d’autres cultures. D’où
l’importance de rechercher des valeurs communes, un horizon
universel. C'est-à-dire admettre le droit à la différence, le droit
à la critique, donner droit de cité à des histoires singulières, des
anciens et nouveaux langages, qui permettent de faire reculer les
injustices, de laisser s’exprimer l’altérité et de favoriser l’essentiel :
le vivre ensemble.
La crise de la démocratie, de l’université, les transformations
technologiques sur le savoir, la traduction de la connaissance en
quantité d’information, amènent à se poser la question du statut
du savoir dans les sociétés de demain. L’informatisation conduit à
reconsidérer la transformation du savoir ainsi que ses conséquences politiques. Des philosophes modernes se posent à juste titre
des questions fondamentales comme : « Qui décide ce qu’est
savoir et qui sait ce qu’il convient de décider. »
À l’âge des nouvelles technologies de l’information, la question du savoir est celle des universitaires et des politiques, elle
concerne l’avenir de la société. Elle ne se réduit pas à l’alternative
d’un savoir « technologique » ou « critique ». La question de la
connaissance est un problème de société qui ne peut se limiter
aux seuls spécialistes, mais concerne tous les citoyens. Le débat
n’est plus entre un Occident libéral et un Orient traditionnel,
mais il consiste à prendre conscience qu’il n’y a plus de frontières.
Reste à inventer ensemble une communauté ouverte qui allie sens
et logique, progrès et authenticité. Un double risque est latent,
le premier est celui de s’imaginer qu’un seul modèle est valide,
que seul est vrai ce qui est calculable, performant et efficace. Le
deuxième est celui de considérer que la Tradition suffit à sauver
l’humain et à l’élever. Dans les deux cas, il y a dérives.
L’heure est donc à la réflexion sur les singularités, les spécificités
et les différences aptes à l’universel. La connaissance vraie a pour
mission de rétablir la logique du droit à la différence ainsi que celle
de l’équilibre. L’ère des nouvelles technologies de l’information
constitue-t-elle une opportunité, pour créer l’ouverture, comme
le fait l’UOC, ou, au contraire, un élément d’accélération du processus de nivellement, d’uniformisation, dérives nuisibles pour
tous ? Restons vigilants ensemble afin que l’évolution ne prenne
pas la mauvaise direction.
Dans ce contexte, le monde musulman, qui a participé hier
à l’Occident judéo-islamo-chrétien et a contribué à l’émergence
de la renaissance européenne, mérite d’être redécouvert afin que
les relations politiques, économiques et culturelles entre les deux
rives soient bénéfiques pour tous. Sans stratégies de politiques
de la connaissance les obstacles resteront insurmontables. Alors
qu’il est proche, dispose d’un patrimoine civilisationnel, détient
60 % des réserves d’énergies et occupe une place géostratégique
importante, la méconnaissance à l’égard du monde musulman est
incompréhensible. En Europe, on constate un recul de l’enseignement en islamologie et en langue arabe. Dans le monde musulman
l’enseignement est souvent soumis à des approches traditionnelles.
La voix d'un islam digne de ses plus hautes traditions, d'un islam
non pas «modéré» – qualificatif faible – mais celle d'un islam
de l'interprétation, du savoir, de la hauteur de pensée, est peu
entendue.
La civilisation islamique, à laquelle se rattache un citoyen sur
cinq dans le monde, de toutes ethnies, cultures et pays, est mal
connue, malgré les travaux savants d’orientalistes et d’islamologues des xixe et xxe siècles. Durant sept siècles (viiie au xve), cette
civilisation a culturellement dominé. Sujet de controverses, et mêlé,
à des problèmes politiques et sécuritaires, le monde musulman
mérite d’être étudié en profondeur. L’avenir entre l’islam et les pays
occidentaux, les rapports entre les deux rives de la Méditerranée,
l’obligation de faire progresser la connaissance pour faciliter la
compréhension, tout cela exige de donner la priorité à un enseignement scientifique de la religion et de la civilisation. Ainsi, au lieu
de voir en ce monde du Sud une menace à cause de certaines de
ses faiblesses et dérives, il faut le penser en termes de partenaire
capable de participer à l’édification d’une trans-modernité, d’un
ordre mondial juste et d’une nouvelle civilisation universelle.
L’Occident par exemple, croit savoir que l’islam, dans sa pyramide des pouvoirs, place le religieux au-dessus du politique, les
hommes au-dessus des femmes, le dogme au dessus de la raison,
occultant l’esprit scientifique et humaniste qui a animé ce monde
durant des siècles. C’est un immense contresens. Se dénommant
communauté médiane, la cité musulmane escompte conjuguer
les acquis positifs de la modernité, et ses propres valeurs éthiques,
morales et spirituelles. Elle souhaite corriger les dérives à la fois de
la religion sclérosée et de la science sans conscience, du libéralisme
sauvage et de l’athéisme intolérant qui sont déshumanisants. Cette
approche totale de la vie, volonté de synthèse et de cohérence,
n’est pas totalitaire, mais soucieuse de cohérence, comme le remarquaient des islamologues de la péninsule ibérique comme Asín
Palacios et Juan Vernet.
1.�http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_sciences
2.http://fr.wikipedia.org/wiki/Modernit%C3%A9
3.�http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire
Les enjeux de la connaissance : pont ou dérive ?, Mustapha Cherif (2009)
Inauguration du cours académique du système universitaire catalan 2009-2010
Setembre de 2009
Aujourd’hui, il y a une crise de la connaissance. Au Nord
comme au Sud, la prétention de détenir la vérité ouvre la voie à
des dérives. Le savoir devient un outil de domination à l’usage
sélectif d’une catégorie. On assiste à l’accélération de l’intolérance.
Il existe une Vérité, mais personne n'en a le monopole, nul n’a
le droit de l’imposer ou de se l'approprier. Il ne s’agit pas de
relativisme. Par le savoir et la connaissance, la recherche d’une
nouvelle civilisation trans-moderne exige le respect du droit à la
différence et le souvenir de ses racines culturelles pour pouvoir
se projeter dans l’avenir.
Dans un monde globalisé, qui impose non pas une décentralisation, mais une centralisation, non pas une connaissance plurielle
et ouverte au débat, mais un savoir à sens unique, non pas une
mondialisation synthèse des apports de tous, mais une hégémonie,
il est urgent de garder vivante la notion de liberté responsable, par
le dialogue, la pratique de l’interconnaissance. Car c’est bien de
liberté dont il est question dans la recherche de la connaissance,
afin que nul n’impose son seul point de vue. La mondialisation
de l’insécurité, par exemple, au lieu d’être analysée sur le fond,
est perçue le plus souvent au niveau de ses effets et non de ses
causes que sont l’ignorance, les injustices et les manipulations.
Nous avons besoin d’une connaissance qui résout des problèmes
au lieu de les aggraver.
Pour cela, l’acte de s’ouvrir est fondamental. La Catalogne,
haut lieu de l’hospitalité, Terre de Ramon Llulle et de tous ceux
qui sont fiers de leurs racines, qui abrite le siège de l’Union pour la
Méditerranée, comme prolongement du processus euro-méditerranéen de Barcelone, donne au quotidien des exemples d’ouverture.
L’Université Ouverte de Catalogne en est un symbole vivant, avec
ses disciplines tournées sur le monde et l’avenir. L’ouverture, cette
année universitaire 2009-2010, du Master d’Études Islamiques
et Arabes reflète avec éclat cette politique audacieuse, sage et
responsable.
L’heure est en effet à l’ouverture, au dialogue et à la vigilance.
Face aux risques de déshumanisation, aux injustices, aux incertitudes, et aux menaces, les citoyens du monde, s’inquiètent. Les
chercheurs ont pour devoir de se mettre à l’écoute de la société
et du monde, pour tenter non de consoler, mais d’éveiller les
consciences, de répondre aux interrogations, d’éclairer, de bâtir
des ponts. Sans remettre en cause les acquis de la modernité, ils
se considèrent en droit de porter un regard critique sur ses dérives.
Sans remettre en cause les bienfaits de la religion, ils sont aussi en
droit de porter un regard critique sur les dérives de la tradition.
Les valeurs modernes de l’Occident, fondées sur la sécularisation,
la démocratie et le capitalisme, ont une dimension que d’autres
peuples, y compris les musulmans, peuvent adopter, mais pas
sans conditions, ni avec aveuglement, car elles ne constituent pas
obligatoirement la réponse souveraine aux malheurs du monde.
Les valeurs culturelles des peuples sont tout aussi respectables,
restent à ce qu’elles ne se transforment pas en des formes rétrogrades d’un système opposé à la liberté. Ainsi, comment respecter
la sécularité sans rompre le lien et déséquilibrer le rapport entre les
différentes dimensions de la vie ? Comment participer de manière
commune et publique à la recherche du vrai, du beau et du juste,
qui ne sont pas donnés d’avance et dont nul n’a le monopole,
sans nourrir le retour informe de l’intolérance? Comment renforcer
l’autonomie de l’individu sans perdre le lien social et l’être com-
mun ? Comment intégrer le libéralisme et l’économie de marché
sans porter atteinte à la justice sociale ? Le repli des sociétés du Sud
et les ruptures modernes posent toutes deux problème. Comment
y remédier ? Comment préserver la justice, le droit à la critique et
à la différence ? Les réponses à ces questions ne peuvent surgir
que du débat, de l’échange et de l’écoute. Il faut se donner les
moyens théoriques qui permettent de comprendre les singularités
et les subtilités de la culture de l’autre, et rechercher la synthèse
ou la coexistence. Cela fait défaut.
Ce qui est préoccupant c’est le fait que le droit à la critique
recule. Le musulman qui représente une forme de résistance, a
participé, et le peut encore, à la civilisation dans la cité. Il a, durant des siècles, humanisé les rapports sociaux et en préserve des
formes vivantes. La pluralité des visions du monde et le droit à la
critique doivent être perçus comme des richesses. Notre source
commune, les valeurs abrahamiques, contrairement aux préjugés,
sont une des sources de la démocratie et de l’humanisme. Les
siècles des lumières et les révolutions scientifiques en ont donné
une trajectoire spécifique et ambivalente, dont les impasses sont
visibles.
Ce qui pose problème, c’est, d’une part, la représentation du
monde occidental qui suscite plus que des dysfonctionnements,
qui masquent à peine une violence imposée au nom de la philosophie du progrès libéral. Le modèle dominant produit des formes
de dépendance, de déshumanisation, de déséquilibre, par-delà
les progrès et les opportunités. D’autre part, le repli, la violence
aveugle et la fermeture des sociétés du Sud tentées par la religion
refuge sont problématiques. Chacun a tendance à mésinterpréter
et déformer des cultures différentes en appliquant ses préjugés,
son propre système de valeurs, en prétendant à la supériorité, dans
un état de quasi cécité intellectuelle, incapable de se décentrer,
de se mettre à la place de l’autre. Ce n’est pas cela l’effort de la
connaissance vraie.
Par l’interconnaissance on doit désenclaver nos mondes,
s’ouvrir, voyager, se laisser transformer, sans se diluer ou se dépersonnaliser. Chacun doit être prêt à revisiter l’héritage et l’identité
évolutive de soi et de l’autre. Déconstruire le regard occidental sur
l’islam et celui du monde musulman sur l’Occident. On ne peut
plus seulement accuser l’autre et lui refuser le droit à la critique.
C’est à la liberté, à l’humanité réconciliée et à la circulation de
la connaissance que l’humain est appelé et non à l’ignorance, à
l’exclusion et à l’oppression. Ce qui se joue c’est l’être commun,
le vivre ensemble et son devenir. Les questions du sens et de la
justice restent ouvertes. L’avenir des générations exige des élites
qu’elles pratiquent l’interconnaissance, car jamais le monde n’a
été autant injuste, inégalitaire et violent.
Des politiques, des scientifiques et des humanistes des deux
rives tentent de réfuter la propagande de la confrontation, nuisible pour tous, de bâtir des ponts, de dialoguer, de favoriser
le partage et la solidarité, de retrouver l’amitié judéo-arabe et
islamo-chrétienne, l’amitié entre êtres humains, quelque soit les
origines et les convictions de chacun. Cependant, l’aveuglement
des extrémistes de tous bords et ceux qui défendent des intérêts
étroits perturbe l’humanité. Le langage et la connaissance ont
des difficultés à traduire la réalité pour corriger les dérives et
transformer le monde. Les grilles de lectures et les concepts en
cours ne favorisent pas l’acte de penser et l’accueil de l’autre. Il
Les enjeux de la connaissance : pont ou dérive ?, Mustapha Cherif (2009)
Inauguration du cours académique du système universitaire catalan 2009-2010
est indispensable de redoubler d’efforts en matière de circulation
du savoir, afin d’empêcher que les peuples soient opposés. La
nécessité de renforcer l'université dans sa mission d'enseignement
d'un savoir critique, ouvert, indépendant et libre est l’enjeu de
notre temps. Le renouvellement des connaissances théoriques est
nécessaire pour faire face aux défis.
La carte géopolitique du monde et le type de société imposée
se font sans tenir compte des aspirations des citoyens. Les deux
mondes, occidental et oriental, imbriqués, liés, ne pourront pas
éviter que les désordres de l’un rejaillissent sur l’autre. L’Occident
et le monde musulman ne dialoguent pas vraiment, ne négocient
pas assez, alors que les enjeux complexes en ce xxie siècle sont, sur
le plan politique, celui de la démocratie, sur le plan économique,
du niveau de vie, de l’emploi, de l’eau, de l’énergie et, sur le plan
culturel, des identités et des symboles sacrés. Théoriquement,
lorsqu’on est chargé de gérer l’avenir, par la connaissance il faut
mettre fin à la peur entretenue et amplifiée et à l’arrogance, toutes
deux mauvaises conseillères. Le savant doit éveiller les consciences,
aider à aller au-delà des clichés liés à la question des menaces et
risques, et vérifier les détails, les enjeux et les équations. Voir ce
que chacun ne voit pas sur lui même et sur l’autre.
Sur le plan des défis, il y a les grands changements mondiaux.
Le premier facteur à avoir changé depuis mille ans, comme le
remarquait déjà Ibn Khaldoun, est celui de l’augmentation de
la population. Cela signifie des migrations importantes. Il faut
répondre aux défis de l’immigration, de la citoyenneté et du
multiculturalisme. Le deuxième changement est le système de
consommation du monde économiquement développé. La croissance détruit la nature. Le troisième changement qui a débuté il
y a cinq siècles est le monopole des instruments de domination :
l’Occident, qui se considère comme le centre, gère le reste du
monde comme une périphérie. Les sociétés arabes, quant à elles,
sont fragilisées par la mauvaise gouvernance, les inégalités et le
manque d’éducation.
Sur le plan fondamental de la connaissance, dans le monde
dominant, l’aspect inquiétant est la remise en cause de la possibilité
de penser. Notre époque, qui se définit par son caractère techniciste vise à maîtriser les choses de la vie par la raison instrumentale,
l’exploitation des résultats des sciences exactes. Cela aboutit à
la marginalisation de la critique et de la pluralité. On assiste à
la difficulté d’assumer le droit à la différence, l’interculturel et
l’interreligieux, alors que nul n’est monolithique, chacun ayant
en lui une part de l’autre.
En conclusion, des anciennes formules totalitaires « tout est
religieux » et « tout est politique », on est passé à « rien n’est
religieux, rien n’est politique, tout est marchandise ! ». L’Occident
donnera l’exemple s’il favorise l’interconnaissance, le multilatéralisme et la consolidation du Droit pour retrouver une nouvelle
civilisation commune. La responsabilité est partagée. Si nous prétendons à de grandes ambitions et à la compassion pour tous,
nous devons apprendre à connaître chacun, afin d’être juste, et
d’apprécier chaque personne pour ce qu’elle est. Réapprendre à
connaître et estimer l’autre et accepter de se mettre en cause pour
consolider les acquis et corriger les dérives est vital. Réinventer
des valeurs partagées est possible. L’interconnaissance est le plus
beau et le plus solide des ponts.
Liens
Blog de Mustapha Cherif
http://mustapha-cherif.net/
Site de la leçon inaugurale
http://www.uoc.edu/inaugural09/
Études Islamiques et Arabes de l’UOC
http://www.uoc.edu/masters/cat/web/estudis_islamics_
arabs/estudis_islamics_arabs/
Citation recommandée
CHERIF, Mustapha (2009). « Les enjeux de la connaissance : pont ou dérive ? ». À: Inauguration du cours académique du système
universitaire catalan 2009-2010 (2009: Barcelona) [en ligne]. UOC. [Date de consultation : jj/mm/aa].
<http://www.uoc.edu/inaugural09/fra/cherif.pdf>
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Les enjeux de la connaissance : pont ou dérive ?, Mustapha Cherif (2009)
Inauguration du cours académique du système universitaire catalan 2009-2010
Mustapha Cherif
Philosophe, professeur de Relations internationales
Directeur des Études Islamiques et Arabes de l’UOC
[email protected]
Mustapha Cherif est philosophe, professeur de Relations internationales, directeur académique du Master en Études Islamiques et Arabes, de l’UOC, a été professeur invité au Collège de France, auteur de nombreux ouvrages dont L’Islam et
l’Occident : rencontre avec Jacques Derrida et L’Islam tolérant ou intolérant ? (Éditions Odile Jacob, Paris, 2006; traduction
espagnole d'Edicions Bellaterra, Barcelone, 2008).
Les enjeux de la connaissance : pont ou dérive ?, Mustapha Cherif (2009)
Inauguration du cours académique du système universitaire catalan 2009-2010