Polycopié du cours d`intermédiation financière
Transcription
Polycopié du cours d`intermédiation financière
COURS : Intermédiation financière Thierry Granger 2014/2015 Théories de l’intermédiation financière et des crises bancaires 1. Références 2. Compléments de cours 3. Exercices 26 février 2015 Table des matières I – RÉFÉRENCES 3 1 Ouvrages 3 2 Articles de synthèse 3 3 Autres articles 3 III – COMPLÉMENTS DE COURS 5 1 Le service de la liquidité peut-il être rempli par des actions (Jacklin, 1987) ? 5 2 Substitution d’actif et risque de liquidité 3 La ruée sur le shadow banking 6 11 4 Quelques exemples historiques de crises provoquées par l’excès du crédit 13 III – EXERCICES 17 1 Liquidité des dépôts à vue et risque de transformation : Diamond et Dybvig (1983) 17 2 Boucle infernale : dette souveraine – solvabilité bancaire, dans une Union monétaire 18 3 Liquidité des dépôts, choc macroéconomique et risque de transformation : Allen et Gale (2007) 18 4 Liquidité de la dette sans risque, illiquidité des actions : Gorton et Pennacchi (1990) 20 5 Rôle des fonds propres et des intermédiaires financiers dans l’offre de crédit : Holmström et Tirole (1997) 21 6 Crise du crédit bancaire (« credit crunch) » : Holmström et Tirole (1997) 23 7 La demande de liquidité des entrepreneurs : Holmström et Tirole (1998, 2010) 2 24 I – Références 1 Ouvrages Allen F. et Gale D. (2007), Understanding Financial Crises, Clarendon Lectures in Finance, Oxford University Press. Etner F. et Granger Th. Economica. (2011), Économie Financière, Paris, Freixas, X. et Rochet, J.-C. (1997), Microeconomics of Banking, Cambridge, Mass., The MIT Press . Tirole, J. (2006), The Theory of Corporate Finance, Princeton University Press.. 2 Articles de synthèse Gorton, G. et Winton, A. (2003), « Financial Intermediation », in Handbook of the Economics of Finance, G.M. Constantinides, M. Harris et R. Stulz (eds.), Elsevier. Gorton, G., et Metrick, A. (2012). « Securitized banking and the run on repo ». Journal of Financial Economics, 104(3), 425-451. Tirole, J. (2011), « Illiquidity and All Its Friends », Journal of Economic Literature, 49(2), p. 287-325. 3 Autres articles Allen, F. et Gale, D. (2000), « Bubbles and Crises », Economic Journal, 110, pp. 236-255. Borio, C., Lowe, P. (2002), « Asset prices, financial and monetary stability », Working Papers No 114, Bis. Dang, T.V., Gorton, G. et Holmström, B. (2010), « Financial crises and the Optimality of Debt for Liquidity Provision », Draft, May 10. 3 Diamond, D.W. et Dybvig, P.H. (1983), « Bank Runs, Deposit Insurance, and Liquidity », Journal of Political Economy, 91(3), p. 401419. Gorton, G. B., et Ordoñez, G. (2012). « Collateral crises » (No. w17771). National Bureau of Economic Research. Gorton, G. et Pennacchi, (1990), « Financial Intermediaries and Liquidity Creation », The Journal of Finance, 45(1), p. 49-71. Gorton, G., Metrick, A., Shleifer, A., et Tarullo, D. K. (2010). « Regulating the shadow banking system » [with comments and discussion]. Brookings Papers on Economic Activity, 261-312. Holmström, B. (2014), « Understanding the Role of Debt in the Financial System ». In paper delivered at the 13th BIS Annual Conference. Holmström, B. et Tirole, J. (1997), « Financial intermediation, loanable funds, and the real sector », Quarterly Journal of Economics, CXII (3), August, pp. 663-690. ——————— (1998), « Private and public supply of liquidity », Journal of Political Economy, 106, pp. 1-40. Herring, R. et Wachter, S. (2002), « Bubbles in Real Estate Markets », Zell/Lurie Real Estate Center Working Paper, n°402. Jacklin, C. J (1987), "Demand deposits, trading restrictions and risk sharing", in Prescott, E.C. et Wallace, N. (eds.), Contractual arrangements for intertemporal trade, Minneapolis, University of Minnesota Press. Martin, A., Skeie, D., et von Thadden, E. L. (2014). « The fragility of short-term secured funding markets ». Journal of Economic Theory, 149, 15-42. 4 II – Compléments de cours 1 Le service de la liquidité peut-il être rempli par des actions (Jacklin, 1987) ? Le modèle de Diamond et Dybvig a été critiqué pour ne pas avoir justifié, dans un cadre général, la forme de la réserve de valeur liquide, à savoir le dépôt à vue. Jacklin a notamment montré que si cette réserve de valeur prenait la forme d’une action – chaque consommateur reçoit une action de la banque – un choix correct des paiements de cette action (dividende en date 1, principal en date 2) permettait de dupliquer le profil de paiements d’un dépôt à vue optimal. Cette critique a été le point de départ d’une recherche sur la forme optimale que devait revêtir un actif liquide. Le modèle de Gorton et Pennacchi – et plus récemment Holmström (2015) – montre en quel sens une dette sans risque est liquide, alors qu’une action ne l’est pas. Supposons que, sous les hypothèses du modèle de Diamond et Dybvig, la banque propose aux consommateurs 1 action en contrepartie du dépôt d’1 unité de bien. L’action aura le profil de revenus (−1, d, (1 − d)R), où d est le dividende versé en date 1 à tous les actionnaires. t=0 t=1 1 dividende d prix de marché p t=2 (1 - d)R Les consommations individuelles sont, pour les consommateurs impatients et patients, respectivement, C1 = d + p, d C2 = (1 + )R(1 − d) p Le prix de marché à l’équilibre égalise l’offre et la demande d’actions en date 1, soit p, d 1−λ λ = (1 − λ) =⇒ p = d p λ En remplaçant p par sa valeur d’équilibre dans les consommations C1 et C2 C1 = et C2 = 1 + 1−λ 1 d+d= d λ λ d 1 R(1 − d) = R(1 − d) 1−λ 1−λ λ d 5 En éliminant d de ces deux équations, on obtient C2 = 1 R(1 − λC1 ), 1−λ et on retrouve la contrainte ressources-emplois du programme de l’optimum collectif du modèle de D&D, λC1 + (1 − λ) C2 = 1. R La banque ne contrôle pas le prix de marché, mais elle peut l’anticiper en fonction de d (ci-dessus). En fixant d, la banque détermine C1∗ et C2∗ qui maximise l’utilité collective des consommateurs comme elle le faisait par un contrat de dépôt dans la version originale du modèle de D&D. Gorton et Pennachi (1990) 1 ont développé une théorie bancaire complémentaire de celle de Diamond et Dybvig qui montre la différence entre dépôt (dette plus généralement) et action. Dans cette théorie, le rôle d’une banque est d’émettre des dettes – des dépôts à vue, des certificats de dépôt ou des billets de trésorerie – dont la qualité principale est que leur valeur ne change pas selon l’information diverse possédée par les agents, spéculateurs informés ou consommateurs non informés : des actifs « insensibles à l’asymétrie d’information ». 2 Substitution d’actif et risque de liquidité Une banque gère son risque de liquidité en prévoyant les refinancements dont elle aura besoin à l’avenir. Autrement dit, la banque acquiert des réserves de valeur afin de se prémunir contre un manque de liquidité. Mais, comme ces réserves ont un faible rendement, elle doit effectuer un arbitrage entre investissement à long terme, plus rentable, et réserve de valeur. 2.1 Le modèle d’Holmström et Tirole (1998) L’exercice 7, p. 24, illustre le modèle de cette section dans un cadre simplifié. Un banquier représentatif peut investir, en t = 0, dans l’achat d’un actif à long terme qui vient à échéance en t = 2. L’espérance de rendement de cet investissement est y en date 2, dont z < y est gageable. En cas de liquidation à la date 1, l’investissement vaut p ≥ 0. Cet actif fournit un intérêt r ≥ 0 en t = 1. En t = 1, la banque subit, avec une probabilité 1−γ, un choc de liquidité qui l’oblige à réinvestir 1 euro si elle souhaite continuer à faire fructifier son actif long jusqu’à t = 2. Avec une probabilité γ, la banque ne subit pas de choc de liquidité. 1. Voir exercice 4, page 20. 6 L’entrepreneur peut également investir dans un actif liquide qui fournit un revenu de 1 euro en t = 2, pour 1 unité achetée en t = 0. Le prix de cet actif liquide, q, peut-être supérieur à 1, lorsqu’il est demandé en tant que réserve de valeur, soit q ≥ 1. Soit x la part de l’investissement total de la banque investie dans l’actif liquide. Ainsi, lorsque la banque investit I en actif illiquide, elle investit x I en actif liquide avec 0 ≤ x ≤ 1. Nous verrons plus loin que x ne peut être supérieur à 1. Hypothèses principales. (1) L’investissement dans l’actif illiquide est rentable lorsqu’il est mené à son terme, avec un refinancement éventuel en t = 1. Les valeurs actuelles nettes sont calculées en t = 0, y + [r − (1 − γ)]R − 1 ≥ 0, et en t = 1 y − 1 ≥ 0. R (2) En cas de choc de liquidité, le refinancement ne peut être assuré entièrement par le marché si z − R(1 − r) < 0 , on suppose donc que z ≤ 1 − r. R Les sources de refinancement Les sources de financement sont les suivantes, mesurées à la date t = 1 : xI — la réserve de valeur constituée en t = 0 : M = , R 0 — la liquidation d’une partie de l’actif : p(I − I ), où I − I 0 représente l’investissement liquidé, — les intérêts de l’actif illiquide : r I, zI — la capacité de (re)financement sur le marché : . R La capacité de refinancement À la date 0, la banque doit emprunter I − A + q x I. En l’absence de choc de liquidité, il n’y a pas de raison de réduire l’échelle de l’investissement et la banque perçoit r I à la date 1 et z I à la date 2. À la date 1, en cas de choc de liquidité, la banque peut continuer dans la mesure des sources de financement énumérées dans le paragraphe précédent, c’est-à-dire en choisissant une nouvelle échelle d’investissement I 0 tel que z I0 + x I + p(I − I 0 ) + r I R (x + Rr + Rp)I =⇒ I0 = . R(1 + p) − z I0 = 7 (1) Dans ce modèle linéaire, les solutions optimales, comme nous allons le voir, ne peuvent être que I 0 = 0, réduction à zéro de l’échelle d’investissement, ou I 0 = I, maintien de l’échelle d’investissement initiale. Hypothèses auxiliaires. Pour simplifier le calcul suivant, on suppose que le rendement de l’actif long en date 1 est nul, r = 0, ainsi que la valeur de liquidation, p = 0. Le choix optimal du banquier Le banquier a le choix entre réserve de liquidité (M ) et échelle d’investissement (I). (1) Lorsque la solution optimale est I 0 = I, alors d’après l’équation (1) x = R − z. La capacité d’emprunt en t = 0, et l’échelle d’investissement I, est fonction du revenu gageable. En cas de choc, suivi d’un refinancement, les investisseurs initiaux sont « dilués » totalement par les nouveaux investisseurs qui prêtent z I/R et deviennent seniors. Donc, pour les investisseurs initiaux, le revenu gageable ne peut être capté qu’en l’absence de choc (γ z I), et il s’y ajoute la réserve de valeur inutilisée (γ x I). Compte tenu des fonds propres (exogènes), le niveau d’investissement est donc défini par l’équation suivante I − A + qxI = γ(z + x)I et en remplaçant x par sa valeur I= A . 1 + q(R − z) − γR (2) Le revenu du banquier, dans ce cas, est constitué de la totalité de la rémunération incitative associée à l’investissement initial, puisque son échelle d’investissement se maintient après un choc de liquidité UE = (y − z)I. (2) Si la banque choisit d’être illiquide, x = 0, c’est-à-dire de faire totalement défaut en cas de choc, I 0 = 0, l’investissement initial est donné par I0 − A = γ z I0 A =⇒ I0 = > I, 1 − γ.z (3) et le revenu du banquier est constitué de la rémunération incitative uniquement dans le cas de continuation et d’absence de choc (avec une probabilité γ) UE0 = γ(y − z)I0 . 8 Le banquier a le choix entre la constitution d’une réserve de valeur et une échelle d’investissement plus modérée d’une part (I), ou l’absence de liquidité en même temps qu’une échelle d’investissement plus élevée (I0 ) d’autre part. Il s’agit d’un arbitrage analogue à celui que nous avions rencontré dans la section précédente, lorsqu’un banquier préférait un choix de placement plus risqué (au sens de la dispersion des risques à moyenne constante) parce qu’il lui permettait d’économiser ses fonds propres ou, si l’on préfère, d’augmenter son échelle d’activité. Proposition 1 La décision optimale pour le banquier est de constituer une réserve de valeur si ⇐⇒ (y − z)I ≥ γ(y − z)I0 UE ≥ UE0 1 − γz ≥ q(R − z) + 1 − γR. γ La — — — (4) constitution d"une réserve de valeur (liquidité) est préférable si détenir de la liquidité est peu coûteux, (q est proche de 1), les chocs de liquidité ne sont pas rares, (γ est proche de 0) 2 , le revenu gageable, z, est élevé. Équilibre entre l’offre et la demande de réserve de valeur Le prix maximum, q max , auquel les banquiers préfèrent constituer une réserve de valeur, est défini par l’équation (4), prise à l’équilibre. Appelons MD la demande de liquidité, pour 1 ≤ q ≤ q max , MD = (R − z)I = (R − z)A . 1 + q(R − z) − γR (5) Le graphique suivant montre un équilibre entre la demande de réserve de valeur et l’offre supposée constante de réserve de valeur. Cette réserve de valeur constituée d’actifs, comme la monnaie ou les bons du Trésor à court terme, dont la valeur est constante, est appelée aussi « liquidité externe », par opposition à la « liquidité interne » apportée par la gageabilité de l’investissement. Notons que lorsque le prix de la réserve de valeur, q, atteint q max , la demande de liquidité tombe à zéro. Tandis que si l’offre de liquidité est très abondante, le prix d’équilibre tombe à 1. 2. Lorsque γ tend vers 0, le membre de gauche de l’inégalité est aussi grand que l’on veut. 9 M0 qmax q MD 1 actif liquide 0 Si le système de marché était complet, autrement dit s’il était possible d’assurer contractuellement les chocs de liquidité ex ante, la prime de liquidité sur les réserves de valeur serait nulle, parce que ces réserves de valeur n’auraient pas d’usage (q = 1). La prime de liquidité serait nulle aussi s’il était possible à un entrepreneur de se refinancer après un choc de liquidité, mais ce ne serait possible que si le revenu gageable était suffisant. Dans l’un et l’autre cas, du fait de l’aléa moral, le coût d’agence engendre une insuffisance du revenu gageable, et l’impossibilité d’atteindre un équilibre qui soit un optimum de Pareto. 2.2 Les fluctuations du ratio de liquidité dans le cycle économique Sur le plan macro-économique, x = M0 /I représente le rapport entre la liquidité offerte (les réserves de valeur disponibles) et le niveau d’investissement (la taille du bilan) des banques. Appelons « ratio de liquidité » ce rapport. Nous supposerons que l’offre de liquidité ne s’accroît pas au même rythme que la demande et, pour simplifier, nous supposerons que cette offre est constante. Dans la phase d’expansion du cycle économique, supposons que le revenu gageable (z) ou que les fonds propres (A) s’accroissent. Ces accroissements, t.c.e.p.a., engendrent une croissance de l’investissement, d’après l’équation (2), et une augmentation de la demande de liquidité, d’après l’équation (5). Le prix q de la réserve de valeur s’accroît afin de rééquilibrer le marché. L’échelle de l’investissement s’accroît alors que l’offre de liquidité reste constante. Si la hausse de q atteint q max , l’échelle des investissements s’emballe même, mais cela est due au caractère linéaire du modèle. En conclusion, le ratio de liquidité bancaire décroît en même temps que l’échelle de l’investissement s’accroît, en phase d’expansion, et réciproquement en phase de récession. Autrement dit, au sommet du cycle, au moment où les besoins en liquidité seront les plus grands, la liquidité comme les fonds propres, comme nous l’avons vue précédemment, seront relativement au plus bas. 10 3 La ruée sur le shadow banking Lorsque les banques sont financées par des fonds monétaires ou par des « véhicules spéciaux » plutôt que par des dépôts effectués par des particuliers, comme ce fut le cas du shadow banking au cours des années 2000, une ruée peut se produire parmi les prêteurs, similaire à une ruée parmi les déposants, lorsqu’il se produit une perte de confiance. En 2007, cette perte de confiance a été causée par un retournement des marchés immobiliers américains, qui a eu un impact direct sur les prix des « créances hypothécaires titrisées » (en particulier les Mortgage Backed Securities). Le graphique 3 montre les institutions en jeu dans le shadow banking. SPV créances créances titrisées ABS $ $ $ Emprunteurs $ Banques créances REPOS REPOS collateral (dont créances titrisées) ABCP créances titrisées MMMF -Security Lenders -Autres investisseurs institutionnels $ Investisseurs à CT parts 1$ MMMF: Mutual Money Market Funds SPV: Special Purpose Vehicles Hedge Funds Figure 1 – Le diagramme du shadow banking (financement à court terme) Dans le système bancaire traditionnel, la garantie des dépôts est obtenue par la banque centrale ou par un organisme d’assurance spécifique. Cette forme de garantie a permis d’obtenir une stabilité financière globale aux États-Unis et en Europe, entre 1934 et 2007, avec cependant certaines crises localisées, dont certaines ont eu pour origine déjà l’excès de crédit hypothécaire (voir section 3.2). Dans le shadow banking, la garantie des prêts est obtenue par le biais d’un « collatéral », c’est-à-dire d’un bien servant de gage, offert dans le contrat par l’emprunteur en cas de défaut, d’une valeur au moins égale à la somme prêtée. Cette garantie n’est pas aussi solide que la garantie des dépôts et les ruées bancaires puisque le collatéral possède généralement une valeur de marché susceptible de baisser en cas de crise financière. En tenant compte de ces nouveaux modes de création de monnaie 11 privée, les ruées qui se sont produites sur les véhicules spéciaux puis sur les banques en 2007-2008, peuvent faire l’objet d’une explication classique, comme celle qui s’applique aux crises bancaires avant 1930, avec comme déclencheur une baisse de la rentabilité des actifs servant de collatéral 3 . Ce qu’ajoute le modèle de Gorton-Pennacchi est qu’une baisse de la rentabilité n’est pas le seul événement négatif qui pèse sur le prêteur 4 . En effet, une baisse de la rentabilité rend à nouveau risqué l’actif supposé sans risque, et une asymétrie d’information peut réapparaitre entre des agents informés et des agents non informés. Le placement, qui était liquide, devient illiquide parce que le marché du collatéral sera potentiellement soumis à un phénomène d’anti-sélection et à un gel des marchés (market freeze). Ruée sur les repos ? Le scénario de la ruée bancaire selon Diamond et Dybvig n’est pas exactement applicable aux repos puisqu’un prêteur, dans ce type de contrat, est individuellement – et non collectivement – propriétaire du collatéral. Néanmoins, l’augmentation des haircuts est similaire à une ruée bancaire. En effet, une telle augmentation signifie que l’emprunteur se doit de financer, par fonds propres, la différence positive entre la valeur du collatéral et le montant de l’emprunt. Comme le financement sur fonds propres est très difficile en période de crise financière, la seule issue est pour les banques de réduire leurs emprunts à très court terme sous la forme de repos, ainsi que leur détention d’actifs 5 . Ce qui est équivalent à une ruée bancaire, comme le montrent les bilans des repos, avant et après une hausse du haircut de 1 à 20 %. Tout se passe comme si 96 % des dépôts avaient été retirés des banques qui se finançaient à court terme au moyen des repos. Actif Passif A0 = 12 000 D0 = 10 800 E0 = 120 Actif Passif A1 = 600 D1 = 480 E1 = 120 Une bulle est une valeur d’option chez Allen et Gale (2000) Allen et Gale montrent – dans un modèle d’offre de crédit avec substitution d’actif – qu’une bulle financière est égale à la valeur d’un put sur l’actif supportant cette bulle (bien immobilier, matière première, action). 3. Voir à ce sujet Gorton (2012). 4. Ce point a été élaboré par Dang, Gorton, Holmström (2010). 5. Comme une grande partie des transactions sur ces marchés se fait de « gré à gré » (bilateral repos), donc sans statistiques officielles – c’est aussi la raison de l’expression shadow banking – le rôle d’une ruée sur les repos dans la crise financière fait l’objet actuellement de discussions ; voir notamment (Gorton et Metrick, 2012). L’antécédent d’une ruée sur les SPV qui émettaient des ABCP, au début de l’année 2007, ne fait pas l’objet de contestation. 12 Les propriétés d’une bulle sont celles d’un put. La valeur de la bulle est croissante (1) avec l’augmentation de la variance à moyenne constante du prix de l’actif risqué et (2) avec la variabilité de l’offre globale de crédit (donc, une politique monétaire aléatoire alimente ce type de bulle). L’association de phases d’expansion du crédit et de hausse du prix des actifs, puis de récession, est un fait stylisé souvent baptisé « cycle du crédit ». Le modèle de substitution d’actifs d’Allen et Gale, dans l’une ou l’autre des versions que nous avons illustrées par la figure 2, est une formalisation micro-économique d’un tel cycle. Il est bien adapté à l’interprétation de nombreuses crises financières, et bancaires en particulier, au premier rang desquels la crise des subprimes. Comme le notait la Banque des Règlements Internationaux dans son rapport de 2007 : « Étant donné le rôle essentiel que l’environnement favorable au crédit a joué dans les bons résultats du secteur financier ces dernières années, un retournement du cycle du crédit constituerait un risque important pour la suite. Les stratégies de placement fondées sur la persistance de faibles primes et sur une hausse des prix des actifs se trouvent particulièrement exposées à une augmentation des défauts. » (Chapitre VII, p. 140) « Si le marché s’attend probablement à un renversement du cycle du crédit, il est cependant difficile d’en prédire le moment. Les signes de tensions se sont multipliés sur les marchés du financement du logement, principalement aux États-Unis, et l’endettement des consommateurs demeure un sujet de préoccupation dans de nombreuses juridictions, les défauts sur prêts aux particuliers ayant augmenté. Les défaillances d’entreprises restent encore assez rares, mais des niveaux d’endettement plus élevés créeraient, dans certains cas, des difficultés si une détérioration de la conjoncture ou un durcissement des conditions de crédit venait à se produire. » (Chapitre VII, p. 141) Volontairement ou involontairement, dans les années précédant 2007, les acquéreurs de biens immobiliers, les agents immobiliers et les banques ont augmenté le risque de leurs investissements au détriment de leurs créanciers ou des États qui sont ensuite massivement intervenus pour les soutenir. 4 Quelques exemples historiques de crises provoquées par l’excès du crédit La conséquence ultime de toute crise financière est la contraction de l’offre de crédit (credit crunch) engendrant le défaut de paiement des agents 13 Ménages Ménages dépôts dépôts Banque Banque crédits crédits Investisseurs investissement sans risque investissement risqué investissement investissement sans risque risqué Figure 2 – La substitution d’actif est signalée par les flèches noires qui s’étaient endettés pour investir dans des actifs risqués. Une telle crise est généralement l’aboutissement d’un développement en deux phases : 1. Une libéralisation financière engendrant un accroissement de l’offre de crédit et entraînant une hausse de prix de certains actifs risqués en offres limitées, comme les actifs immobiliers ou les actions, pendant plusieurs années. Comme nous le verrons dans ce chapitre, le mécanisme économique sous-jacent à la formation de la bulle peut être la substitution d’actifs dans un contexte d’aléa moral où les prêteurs ne contrôlent pas complètement l’usage des fonds prêtés. 2. Une rupture dans le mouvement de hausse d’une grande catégorie d’actifs, et/ou une contraction de l’offre de crédit et une hausse des taux d’intérêt, intervenant aléatoirement à un certain moment de la phase d’expansion du crédit et de la bulle. Ces événements engendrent un effet richesse négatif en même temps que le défaut de paiement des particuliers ou des banques qui avaient emprunté afin d’acheter des actifs à des prix surévalués. Nous ne traiterons pas dans ce chapitre des conséquences ultimes de la crise sur l’économie réelle. Selon Allen et Gale (2007) ce schéma d’interprétation s’applique bien aux crises suivantes 6 : 6. D’autres références sont : Borio, C. et P. Lowe (2002), « This paper argues that financial imbalances can build up in a low inflation environment and that in some circumstances it is appropriate for policy to respond to contain these imbalances. While identifying financial imbalances ex ante can be difficult, this paper presents empirical evidence that it is not 14 1. L’épisode de la bulle immobilière et de la bulle boursière au Japon, à la fin des années 1980, suivi de son éclatement dans les années 1990. Les autorités monétaires japonaises avaient libéralisé le système bancaire et soutenu activement le dollar à la fin des années 1980, conduisant à une expansion très importante du crédit. En 1989, le nouveau Gouverneur de la Banque du Japon décide de lutter contre l’inflation en menant une politique restrictive qui conduit à l’augmentation très forte des taux d’intérêt au début de la décennie 90. L’indice Nikkei s’effondre, bientôt suivi par les prix de l’immobilier. La suite est marquée par de nombreuses faillites bancaires, une réduction de l’offre de crédit et des taux de croissance légèrement positifs ou négatifs jusqu’à la fin de la décennie, contrastant avec la croissance rapide des années antérieures. 2. Les épisodes semblables survenus en Norvège, en Finlande et en Suède dans les années 1980. En Norvège, le rapport (prêts bancaires/PIB) est passé de 38 % en 1984 à 68 % en 1988. Le prix des actifs s’accroît rapidement, en même temps que les investissements et la consommation. La chute du prix du pétrole déclenche l’éclatement de la bulle, la plus sévère crise financière et la plus forte récession depuis la guerre. En Finlande, le rapport (prêts bancaires/PIB) est passé de 55 % en 1984 à 90 % en 1988. Le prix de l’immobilier s’accroît au total de 68 % entre 1987 et 1988 ! En 1989 la banque centrale augmente ses taux d’intérêt et impose des réserves obligatoires aux banques afin de modérer l’expansion du crédit. En 1990-1991, la situation est aggravée par une diminution des exportations vers l’Union Soviétique. Les prix des actifs s’effondrent, le gouvernement soutient les banques et le impossible. In particular, sustained rapid credit growth combined with large increases in asset prices appears to increase the probability of an episode of financial instability. The paper also argues that while low and stable inflation promotes financial stability, it also increases the likelihood that excess demand pressures show up first in credit aggregates and asset prices, rather than in goods and services prices. Accordingly, in some situations, a monetary response to credit and asset markets may be appropriate to preserve both financial and monetary stability. » ou Herring, R. et Wachter, S. (2002) « Real estate bubbles may occur without banking crises. And banking crises may occur without real estate bubbles. But the two phenomena are correlated in a remarkable number of instances. The consequences for the real economy depend on the role of banks in the country’s financial system. In the US, where banks hold only about 22 % of total assets, most borrowers can find substitutes for bank loans and the impact on the general level of economic activity is relatively slight. But in countries where banks play a more dominant role, such as the US before the Great Depression (where banks held 65 % of total assets), or present day Japan (where banks hold 79 % of total assets), or emerging markets (where banks often hold well over 80 % of total assets), the consequences for the real economy can be much more severe. » 15 PIB chute de 7 %. En Suède, une expansion rapide du crédit pendant les années 1980 engendre un boom immobilier. À la fin des années 1990 une politique du crédit plus restrictive engendre une hausse des taux d’intérêt. En 1991 de nombreuses banques rencontrent des difficultés du fait qu’elles ont prêté sur la base de prix surévalués. Le gouvernement doit intervenir pour sauver des banques et une forte récession s’ensuit. 3. L’exemple du Mexique, dans une économie émergente. Au début des années 1990, les banques furent privatisées et une libéralisation financière intervient avec en particulier la suppression des réserves obligatoires. Le crédit bancaire aux entreprises passe de 10 % du PIB à la fin des années 1980 à 40 % en 1994. En 1994, l’assassinat de Colosio, candidat à la présidence, et le soulèvement de la province du Chiapas déclenche l’éclatement de la bulle. L’indice boursier s’effondre, ainsi que les prix de la plupart des actifs. Une crise bancaire et une crise de change se produisent engendrant une sévère récession. En bref La crise financière de 2007 peut s’expliquer par une ruée sur le shadow banking dont le déclenchement fait suite à l’éclatement de la bulle de crédit hypothécaire aux États-Unis. La ruée s’est muée en panique bancaire généralisée, parce que les bilans de presque toutes les grandes banques américaines et européennes ont été affectés d’abord par la dépréciation des créances hypothécaires titrisées, ensuite par la dépréciation de la plupart des classes d’actif. 16 III – EXERCICES 1 Liquidité des dépôts à vue et risque de transformation : Diamond et Dybvig (1983) Le cadre temporel de l’économie comporte 3 dates (t = 0, 1, 2). Il existe un seul bien physique qui sert de bien d’investissement et de consommation. La consommation est notée Ct où t = 1, 2 est la date de consommation (il n’y a pas de consommation à la date 0). Les investissements à court et long terme son notés respectivement y et x, avec y ≥ 0, x ≥ 0 et y + x = 1. Il existe un très grand nombre de consommateurs N . Chaque consommateur dispose d’une ressource initiale de 1 de bien physique et sa fonction d’utilité élémentaire est 1 u(Ct ) = 1 − . Ct Tous les consommateurs sont dans l’incertitude : ils ne savent pas s’ils auront besoin de consommer en t = 1 (« besoin de liquidité ») ou en t = 2. On suppose que la probabilité d’avoir besoin de liquidité (ou « d’être impatient ») est λ = 1/5. Être impatient en t = 1 est une variable aléatoire i.i.d. dans la population des consommateurs. Il existe, à disposition des consommateurs ou d’une banque, une technique de production à court terme de rendement 1 à chaque période, et une technique de production à long terme de rendement brut R = 1, 3. Lorsque l’investissement à long terme est « liquidé » en date 1, son rendement brut, L, est égal à 1/2. Cette banque est au service des consommateurs, donc son profit est nul. 1. Poser le programme de maximisation de l’utilité collective et en déduire les consommations optimales C1∗ et C2∗ des consommateurs respectivement impatients et patients. Calculer la valeur des investissements qui soutiennent ce plan de consommation (vous arrondirez au 2e chiffre après la virgule). 2. Définir un contrat de dépôt optimal au sens de Pareto. Pourquoi ne peut-il exister un système de marché d’assurance du risque de liquidité à la place ? 3. Montrer que le contrat de dépôt engendre deux équilibres de Nash des consommations. Décrire complètement l’équilibre de ruée bancaire (investissements, consommations). 4. S’il n’existe pas de banque et si les consommateurs vivent en autarcie, quels sont leurs investissements et leurs consommations d’équilibre ? 17 Est-ce une situation préférable pour les consommateurs à la précédente (avec une banque) ? 2 Boucle infernale : dette souveraine – solvabilité bancaire, dans une Union monétaire On suppose qu’un des États d’une Union monétaire est endetté au point que son risque de défaut anticipé peut devenir positif. Comme la dette souveraine est détenue principalement par les banques commerciales de l’État concerné, le risque de défaut souverain engendre un risque d’insolvabilité de ces banques commerciales. Le risque de défaut s’accroît si l’État intervient pour refinancer ses banques commerciales, ce qui fragilise un peu plus ces dernières... Cet exercice permet de calculer deux équilibres à anticipations rationnelles – un équilibre optimiste, un équilibre pessimiste – qui reflète les deux moments essentiels de cette « boucle infernale ». Dans un cadre temporel [0, 1, 2] La dette publique totale due par l’État en t = 2 est égale, en t = 1, à B1 (q1 ) = G1 + T (q1 ) q1 dont la valeur est décroissante avec q1 . La probabilité de défaut de l’État est égale à F [B1 (q1 )] = 1 − 0, 48 0, 40 + 67 × exp[−9, 5 (q1 + 0, 15)] 1. Expliquez pourquoi T (q1 ) est décroissant. 2. Quelle est la formule de la valeur de la dette publique en t = 1, pour un investisseur neutre au risque ? Le taux d’actualisation (brut) est noté R. 3. Vérifiez que le taux d’actualisation sans risque est bien de R = 1, 5112. 4. Montrez qu’il existe un équilibre avec des anticipations optimistes. 5. Montrez qu’il existe un équilibre avec des anticipations pessimistes pour q1 = 0, 0239. 3 Liquidité des dépôts, choc macroéconomique et risque de transformation : Allen et Gale (2007) Le modèle d’Allen et Gale (1985) est un modèle analogue à celui de Diamond et Dybvig, mais avec un aléa macroéconomique, au sens où le rendement de l’actif long (R) est aléatoire. 18 On considère une banque de dépôt qui place une partie de l’argent de ses clients, déposé en date 0, dans un investissement réel à long terme qui peut rapporter, en date 2, soit R+ en situation conjoncturelle normale (probabilité π) et R− en cas de crise conjoncturelle (probabilité 1 − π). Il existe un continuum de clients de masse 1, chacun déposant 1 euro en date 0, la banque en investissant à long terme une partie x et le reste étant investi à court terme (y). La banque et ses clients sont informés de l’état de la conjoncture en date 1. Parmi les clients, une proportion 1 − λ d’entre eux est patiente et n’a besoin de consommation qu’en date 2. La proportion complémentaire λ doit retirer son argent en date 1 pour satisfaire ses besoins de consommation. On notera C1+ , C1− , C2+ , C2− les consommations des clients de la banque en dates 1 et 2, selon l’état de la conjoncture «+» ou «−». 1. Poser la condition de 1er ordre de l’optimum de Pareto, en t = 0, dans cette économie où les agents ont un risque de liquidité. La condition sera posée en fonction des variables endogènes C1+ , C1− , C2+ , C2− . Interpréter cette condition sans effectuer de calcul. [Rappel : dans le modèle de Diamond et Dybvig la condition de 1er ordre est u0 (C1 ) = R u0 (C2 )]. 2. De quelle manière cet optimum de Pareto peut-il être mis en œuvre, concrètement, dans un système bancaire ? 3. Sachant que les clients ont une fonction d’utilité élémentaire log (ln(.)) de leur consommation et que les données numériques sont les suivantes, λ = 1/2, π = 0, 8, R− = 0, 4, R+ = 3, Vérifier que les consommations d’équilibre sont C1+ = 1, 1016, C1− = 0, 7305, C2+ = 2, 6952, C2− = 0, 7305 En déduire les investissements nécessaires à long terme (x) et à court terme (y). 4. À partir de cette question, en cas de crise conjoncturelle, la banque est obligée de liquider son investissement à long terme en date 1, sur un marché secondaire sur lequel elle en retire un prix égal à P par unité d’investissement. Sur ce marché interviennent des spéculateurs qui, disposant d’une unité de ressource en t = 0, cherchent à maximiser la somme de leur consommation en t = 1 et en t = 2. Expliquer leur comportement et l’équation d’équilibre qui en résulte. Calculer le prix d’équilibre P sur le marché secondaire. 5. Écrire à nouveau la condition de 1er ordre du modèle d’Allen et Gale, en considérant, cette fois, la vente de l’actif à long terme sur le marché secondaire. Écrire cette équation en fonction de y et vérifier que y = 0, 5937 à l’équilibre. 19 Expliquer cette équation. Quel est le montant de réserve, ys , choisi par les spéculateurs en date 0, p 6. Sur le marché secondaire, le prix est fixé par une équation de « cashin-the-market-pricing pour spéculer sur le marché secondaire du titre. 4 Liquidité de la dette sans risque, illiquidité des actions : Gorton et Pennacchi (1990) Le modèle de Gorton et Pennacchi représente des consommateurs qui supportent un risque de liquidité en date 1, comme chez Diamond et Dybvig. Par contre, ils sont neutres au risque, si bien que le motif de détention d’un actif liquide – comme un dépôt bancaire, ou une dette sans risque plus généralement – n’est pas le même que chez Diamond et Dybvig. Le modèle de Gorton et Pennacchi a la même structure temporelle que le modèle d’Allen et Gale, dans l’exercice précédent. Il existe 2 états de la nature à la date 1, mais la différence est que seuls les spéculateurs sont informés de l’état réalisé. C’est l’asymétrie d’information qui rend une action illiquide au sens où, pour les consommateurs non informés, elle peut perdre de la valeur face aux spéculateurs informés. Dans ce modèle, le risque de transformation est par hypothèse supprimé, puisqu’aucune liquidation de l’actif long n’est nécessaire en date 1. Le cadre temporel comprend 3 dates et 2 états de la nature en date 2. Il existe une proportion α = 70 % de consommateurs au sens de Diamond et Dybvig, mais neutres à l’égard du risque. Il existe une proportion λH = 1/4 de consommateurs impatients dans l’état de la nature H, et une proportion λL = 1/6 de consommateurs impatients dans l’état de la nature L. Il existe 1 − α = 30 % de spéculateurs dont la fonction d’utilité élémentaire est u(e) = C1 (e) + C2 (e) où C1 (e) et C2 (e) sont les consommations aux dates 1 et 2 dans l’état de la nature e ∈ {H, L}. Chaque consommateur et chaque spéculateur déposent sa dotation de 1 unité de bien physique à la banque et l’échangent contre un titre. La banque investit cette dotation et obtient un rendement aléatoire en date 2 qui peut prendre les valeurs RH = 1, 30 avec la probabilité q = 2/3 (état H) et RL = 0, 9 avec la probabilité 1/3 (état L). Le titre remis par la banque au consommateur et au spéculateur peut être vendu en date 1, sur un marché secondaire, au prix P . Le prix sur ce marché est fixé à sa valeur de marché, en fonction de l’information communiquée au marché. 1. On suppose que le titre reçu en contrepartie de l’investissement est une action. Quel est le prix de marché en date 1 selon l’état de la nature ? Quel est, en date 0, le revenu (ou rendement) attendu de l’investissement des spéculateurs informés et des déposants informés ? 2. Dans cette question et les suivantes, les « spéculateurs » sont informés, en date 1, de l’état de la nature. Les consommateurs ne sont pas 20 informés sauf, lorsque c’est le cas, au travers du prix et des quantités sur le marché. On suppose que le titre reçu en contrepartie de l’investissement est une action. Quel est le prix de marché en date 1 selon l’état de la nature ? Quel est, en date 0, le revenu (ou rendement) attendu de l’investissement des spéculateurs informés et des déposants non informés en supposant que le comportement des spéculateurs est « stratégique » ? 3. Définir une prime de liquidité (en rendement) sur l’action. Quelle est sa valeur ? 4. La banque émet une obligation sans risque à destination des consommateurs non informés. Quel est le rendement maximum de cette obligation ? 5. La banque émet une obligation sans risque à destination des consommateurs non informés. Quel est le rendement minimum de cette obligation ? 5 Rôle des fonds propres et des intermédiaires financiers dans l’offre de crédit : Holmström et Tirole (1997) Avec cet exercice, on explore l’offre de crédit par les intermédiaires financiers, une fonction essentielle, comptabilisée à l’actif de leur bilan. Cette offre de crédit est facilitée par la surveillance que les intermédiaires financiers peuvent exercer efficacement sur les emprunteurs. Cette surveillance limite l’aléa moral des entrepreneurs-emprunteurs, ce qui, dans le modèle d’Holsmtröm et Tirole, se traduit par une diminution des fonds propres ou des garanties nécessaires aux entrepreneurs. En effet, ceux-ci doivent impérativement participer, sous forme d’un apport personnel, au financement de leur investissement sur des fonds externes 7 . Diamond (1984) avait déjà fait de ce rôle de surveillance, de réduction de l’asymétrie d’information entre préteurs et emprunteurs, une des causes de l’existence des intermédiaires financiers. Un entrepreneur souhaite un financement externe pour son projet dont les caractéristiques sont les suivantes. Le niveau d’investissement initial est de I = 1, la probabilité de succès du projet est de πH = 0, 8, auquel cas le revenu est Y = 2. En cas d’échec le revenu est nul ; la responsabilité de l’entrepreneur étant limitée, il n’est pas possible au prêteur d’être remboursé 7. Les Anglais disent que les entrepreneurs – les emprunteurs en général – « must put skin in the game », s’ils veulent avoir une chance de financer un nouvel investissement. Le Marchand de Venise, la fameuse pièce de Shakespeare, illustre concrètement cette expression. 21 en cas d’échec. On supposera que le taux d’actualisation utilisé pour estimer la valeur du projet est égale à 0 %. C’est aussi le taux d’intérêt exigé par les prêteurs. Dans le contrat de crédit, on notera YE le revenu d’un entrepreneur, YI le revenu d’un investisseur, YF le revenu d’un intermédiaire financier, en cas de succès. 1. Calculer la VAN du projet H ? 2. Un investisseur externe accepte de financer un projet rentable en demandant une rentabilité normale (0 %). Par contre, il n’observe pas le choix d’investissement de l’entrepreneur. Or celui-ci a un projet alternatif (I = 1 également, Y = 2 en cas de succès) dont la probabilité de succès est πL = 0, 2 et qui lui apporterait un bénéfice privé certain B = 0.6. Calcule la VAN du projet L. Quel est le souci de l’investisseur par rapport à cet entrepreneur ? Comment s’appelle ce « souci » ? Comment l’investisseur peut-il se débarrasser de ce souci (écrire l’inéquation nécessaire) ? 3. Définir ce qu’on appelle le coût d’agence et le revenu gageable du projet le plus rentable. Calculer ces deux valeurs. Quelle est la différence entre « valeur actuelle » d’un projet et « revenu gageable » (calcul pour le projet le plus rentable). 4. L’investisseur acceptera-t-il de financer le projet le plus rentable ? À quelle condition ? Si l’entrepreneur possède A = 8 de garantie ou de fonds propres, quel niveau d’investissement peut-il atteindre (on supposera que les techniques de production sont linéaires). 5. Qu’appelle-t-on rationnement de crédit ? Le rationnement diminueraitil ou augmenterait-il avec une hausse du taux d’actualisation (par exemple on supposera que le taux d’actualisation brut est γ = 1, 10). ? 6. Quel est le rôle de la réputation sur les données du problème ? 7. L’entrepreneur peut faire appel au crédit bancaire au taux d’intérêt net rf = 20 %. Pourquoi faire appel au crédit bancaire plutôt qu’à un financement direct (par émission d’obligations) ? Le bénéfice privé est de b = 0, 5 dans le cas où la banque intervient comme prêteur et le coût de surveillance supporté par la banque est c = 0, 05. À quoi sert la banque (Diamond, 1984) ? 8. Calculez la structure financière lorsque la banque intervient comme prêteuse et comparez-la à la structure financière optimale. 9. Classez les entreprises en 3 catégories d’emprunteurs suivant le montant initial de leurs fonds propres. 10. Quel est le niveau d’investissement optimal ? Comparer le profit de l’entrepreneur selon que le financement est direct ou indirect. 22 6 Crise du crédit bancaire (« credit crunch) » : Holmström et Tirole (1997) Une économie est composée de nombreux entrepreneurs et de nombreux investisseurs neutres à l’égard du risque. On suppose qu’un entrepreneur quelconque est confronté à deux projets (H et L) dont les paramètres sont notés dans la figure suivante : πH 130 πL 130 + B 0+B 0 Projet L Projet H avec πH = 0, 8 et πL = 0, 4. Le taux d’actualisation du projet, qui est aussi le taux exigé par les investisseurs, est 0 %. Dans le contrat de crédit, on notera YE le revenu d’un entrepreneur, YI le revenu d’un investisseur, YF le revenu d’un intermédiaire financier, ex post, en cas de succès. 1. En présence d’aléa moral (asymétrie d’information entre investisseurs et entrepreneurs), écrire la contrainte d’incitation. En déduire le revenu minimum de l’entrepreneur ex post, en cas de succès. 2. Calculer le coût d’agence, ex ante et le revenu gageable. On prendra B = 10. 3. Quel est le montant minimum de fonds propres exigés par l’investisseur ? 4. On suppose l’existence d’un intermédiaire financier qui surveille tout entrepreneur qu’il finance au taux d’intérêt r. Calculer, sous forme littérale, le crédit accordé par l’intermédiaire financier à l’entrepreneur. 5. Calculer la structure de financement – autofinancemeent, crédit, émission d’actions – avec b = 4, c = 5, r = 5 %. 6. Les entreprises (nombreuses) ont des fonds propres différents compris entre 0 et 100. On suppose que la proportion d’entreprises ayant des fonds propres inférieurs à A ∈ [0, 100] suit une distribution uniforme H(A). H(0) = 0, H(100) = 1. (Sa densité est donc A/100). (a) Quelle est la proportion d’entreprises ayant recours, uniquement, au financement direct sur les marchés ? 23 (b) Quelle est la proportion d’entreprises ayant recours au financement direct sur les marchés et au crédit bancaire ? (c) Quelle est la proportion d’entreprises rationnées ? 7. Le levier d’un intermédiaire financier, défini comme le rapport des crédits offerts sur les fonds propres détenus, est égal à L = 2, 2. Quels sont les fonds propres nécessaires pour équilibrer la demande de crédit des entreprises ? 8. Un choc de solvabilité se produit qui engendre une dépréciation des fonds propres détenus par les intermédiaires financiers à KF0 = 0, 48, tandis que le levier bancaire est ramené à L0 . (a) En supposant que l’ajustement sur le marché du crédit est réalisé uniquement par le taux d’intérêt, quel est le nouveau taux d’intérêt et la nouvelle demande de crédit ? (b) Credit crunch. En supposant que le taux d’intérêt ne change pas, mais que l’aléa moral augmente au travers d’une augmentation de b à b0 , calculer b0 . Quels sont les fonds propres requis par les entreprises ? Quelles sont les proportions d’entreprises rationnées ? 7 La demande de liquidité des entrepreneurs : Holmström et Tirole (1998, 2010) Les consommateurs ne sont pas les seuls à demander des actifs liquides. Les entreprises et les intermédiaires financiers ont des besoins similaires à ceux rencontrés par les consommateurs dans le modèle de Diamond et Dybvig. On ajoute à l’exercice précédent une date supplémentaire afin de prendre en compte cette demande dans le cadre temporel à 3 dates. Dans la suite logique de l’exercice précédent, une demande de liquidité par les entrepreneurs, dans le modèle d’Holmtröm et Tirole, provient de la nécessité de prévoir des fonds disponibles en date 1, en cas de besoin de liquidité en date 1. L’origine de ce besoin de liquidité peut être une perte imprévue ou une opportunité d’investissement inattendue. Le cadre temporel comprend 3 dates. Il existe 1 seul bien physique. Il existe un grand nombre d’entreprises qui ont chacune le même projet d’investissement à long terme (à échéance en date 2) avec le risque en date 1 d’avoir un besoin de liquidité motivé par un surcoût du projet (avec une probabilité α = 1/2). Il existe également une technique de production à court terme de rendement brut unitaire (1 de revenu brut pour 1 investi). Les détails des données numériques du problème sont présentés dans le graphique suivant : A représente les fonds propres de chaque entreprise, I l’investissement, y est le revenu du projet (comparable à un EBE) et z est le revenu gageable. 24 t=0 t=1 I = -5 A = 4,5 t=2 1/2 0 1/2 -5 y = 12 z=3 On suppose que l’entreprise peut emprunter à taux net égal à 0, en t = 1 et en t = 2. 1. Définir le revenu gageable. Justifier la différence entre y et z. Quel est le rôle d’un intermédiaire financier à l’actif de son bilan ? 2. Quelle est la valeur actuelle nette du projet en supposant que le risque de liquidité est géré ou qu’il n’est pas géré par l’entreprise. Quelle conclusion en tirer ? 3. L’entreprise dispose-t-elle des fonds propres nécessaires pour entreprendre cet investissement en gérant le risque de liquidité par elle même ? (Expliquez pas à pas votre démarche). 4. Y a-t-il un rôle de l’intermédiaire financier, analogue à celui qui est exposé dans le modèle de Diamond et Dybvig ? Comment l’entreprise peut-elle gérer son risque de liquidité si ceux-ci sont stochastiquement indépendants parmi les entreprises ? 5. Dans l’hypothèse où les besoins de liquidité sont corrélés, y a-t-il un moyen pour les entreprises de gérer leur risque de liquidité ? Développer votre explication. * * 25 *