Lire l`intégralité de l`article

Transcription

Lire l`intégralité de l`article
famille
Divorce par
consentement
mutuel
sans juge
Le projet
choc !
Peut-on se passer d’un juge pour divorcer par
consentement mutuel ? Une proposition en ce sens
dans un rapport commandé par Christiane Taubira,
Ministre de la Justice, a déclenché une polémique dès son
annonce au début du mois. Pourquoi ? Les réponses de Maître
Vanessa About, avocat à la cour à La Réunion.
Propos recueillis par Laetitia PARSI
“Ce texte sur le “Juge du XXIe siècle”, piloté par Pierre Delmas-Goyon, conseiller à la
Cour de Cassation et rendu en décembre
dernier qui préconise donc de : “transférer
au greffier le divorce par consentement
mutuel, sans qu’il y ait lieu de distinguer
en fonction de la présence d’enfants ou de
la consistance du patrimoine” n’est heureusement pour le moment qu’un simple
rapport sollicité par Madame la Garde des
Sceaux, afin de reformer la justice”, précise d’entrée de jeu Vanessa About.
Il faut savoir que la réforme a déjà été
proposée, notamment par la droite,
sans succès il y a 7 ans. En effet, en
décembre 2007, cette idée faisait partie
des 100 réformes voulues par Nicolas
Sarkozy pour “réformer l’Etat”.
“Une procédure plus simple et plus rapide”,
expliquait alors Eric Woerth, ministre du
Budget et des Comptes publics”, se souvient l’avocate spécialisée notamment
dans le droit des familles. En tout cas,
ce nouveau rapport fait grincer des dents
de toutes parts. L’idée de ce divorce sans
juge ne trouve pas grâce chez les magis-
trats. Le président de l’Union syndicale
des magistrats (USM), Christophe Régnard
a déclaré qu’il s’agissait d’une fausse
bonne idée en précisant : “Le problème de
fond c’est que nous sommes face à une
institution dont la dissolution doit obéir à
un certain formalisme. Le juge s’assure
du consentement, de l’intérêt des enfants,
des intérêts financiers. Or le greffier juridictionnel ne présentera pas les mêmes
garanties qu’un juge, dont il n’aura pas le
statut protecteur.” Le seul intérêt serait de
désengorger les tribunaux… “Et peut être
l’impératif budgétaire (que le divorce coûte
moins cher à l’État, même si cela n’est
écrit nulle part). Or, cela serait un leurre
car des contentieux de “l’après divorce”
naîtront nécessairement (droits de visite et
d’hébergement mal fixés, pension alimentaire mal évaluée...) et devront de nouveau
être tranchés par la justice : ce qui créera
ainsi un engorgement chez les juges aux
affaires familiales.
Peu d’intérêt donc de déjudiciariser ce type
de divorces”, conclut Maitre About.
L’avis de Maître Vanessa About
“L’impérium du juge est une nécessité : les conjoints ont besoin de celui qui dit la loi !”
“Je pense sérieusement que la plupart
des personnes qui proposent ce genre de
réformes ne sont pas sur le terrain. Il n’y a
pas de divorce “Bisounours” comme je le
répète sans cesse à mes collaborateurs !
Le divorce d’un commun accord pourrait
sembler indolore or très souvent en amont,
les avocats reçoivent les personnes qui
souhaitent divorcer et tentent d’éviter l’abus
de position dominante de l’un ou l’autre
des époux (activité se rapprochant du rôle
de médiateur). Dans un divorce même par
consentement mutuel, il y a toujours un
rapport de force. Se priver des conseils
d’avocat et ensuite de l’autorité du juge,
c’est risquer de fragiliser l’accord et de renforcer le sentiment, très fréquent chez les
personnes divorcées, de s’être fait avoir !
De plus, un divorce c’est toujours difficile !
Dissoudre un mariage à la va-vite devant un
greffier ne va pas adoucir le divorce, bien
au contraire !
Cet acte est important et l’on ne doit pas le
galvauder : il doit rester solennel. Avec les
réformes passées (2004/2005) le divorce
par consentement mutuel a déjà subi une
cure de jeunesse : suppression du double
passage devant le juge aux affaires familiales, procédure ultra rapide : en 2 ou
3 mois. En rajoutant cette nouvelle réforme
ce sera trop “light” et céder à la tentation du “light” c’est oublier que divorcer
est toujours violent, rayer l’engagement du
divorce sans solennité en 5 minutes sera
d’autant plus traumatisant pour certains.
De plus, en effaçant le formalisme du
divorce on affaiblira le mariage. Plus la
rupture sera banalisée, plus l’union sera
fragilisée.”
29